A propos des insultes racistes envers Christiane Taubira.

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A propos des insultes racistes envers Christiane Taubira.
A propos des insultes racistes envers Christiane Taubira.
Depuis quelque temps, plus une journée ne se passe sans qu’il ne soit question des insultes
racistes dont le Garde des sceaux, Christiane Taubira serait l’objet.
En particulier, on cite abondamment l’évènement de sa visite à Angers le 25 octobre ou elle
aurait été traitée de guenon par une petite fille lui suggérant de manger une banane.
Un grand émoi s’est emparé de la presse et du monde politique en général, tous courants
confondus ; il ne se passe pas une journée sans que ce thème ne soit abordé, on va même
jusqu’à ovationner le Garde de sceaux à l’assemblée (initiative due à Claude Bartolone),
organiser des rassemblements contre le racisme, planifier des marches contre le racisme et
aujourd’hui, c’est l’ONU (Haut-commissariat des droits de l’homme) qui s’insurge contre les
propos racistes, l’un de ses délégués déclarant même :
Ces "abus totalement inacceptables perpétrés à l'encontre d'une responsable
politique connue en raison de sa couleur de peau sont une manifestation claire de
la montée du racisme, de la xénophobie et de l'intolérance à l'encontre des
minorités ethniques ou religieuses et des migrants dans de nombreux pays
européens", indique le Haut-commissariat.
Il est important d’en découvrir un peu plus sur cette affaire qui, très curieusement, surgit à
une période ou, au-delà des préoccupations économiques fortes, les attaques contre la famille
se multiplient.
En recherchant de manière très précise des informations sur l’évènement du 25 octobre, on
peut observer plusieurs points :
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La presse nationale qui s’est faite l’écho de l’information (Le Figaro, L’express,
Libération…), a en l’occurrence, repris exclusivement des informations locales en
l’occurence une vidéo du magasine Angers MAG.
Angers MAG, et son site d’information www.angersmag.info qui se veut un magazine
différent d’information, est un journal indépendant qui est distribué gratuitement sur la
zone d’attractivité d’Angers.
La société qui gère le magazine est la société Ouest eMedia Presse, qui a été créée le
19 novembre 2012, sous la forme d’une SARL dont les comptes ne sont pas encore
publiés.
Les deux co-gérants sont Yannick Sourisseau et Yves Boiteau,
Par ailleurs :
L’information relative à la petite fille qui aurait insulté Christiane Taubira a été mentionnée
pour la première fois le 26 octobre sur le blog de Jean-Yves Lignel, journaliste et
chroniqueur judiciaire qui cite :
« La ministre de la justice, Christiane Taubira, était à Angers ce vendredi.
Pendant les discours officiels, une centaine d’opposants au mariage pour tous avaient
entrepris de chahuter dans la rue sous les fenêtres du tribunal. Ils sifflaient, ils criaient
dans des mégaphones. Ils faisaient beaucoup de bruit.
Mon ami Yannick est passé parmi eux. Il a vu une jeune fille d’une dizaine d’années qui
agitait une peau de banane.
Et la gamine criait : « C’est pour qui la banane ? C’est pour la guenon ! ».
Voilà…
Sur le site AngersMag info, à 14h50, le 26 octobre, un article est mis en ligne par Yves
Boiteau et Yannick Sourisseau et on y lit en particulier :
« L’inadmissible est arrivé avec une adolescente qui, du haut de ses 12 ans brandissait
une peau de banane à l’attention de la ministre en criant : « une banane pour la guenon
». Même les CRS qui assuraient le cordon de sécurité n’en sont pas revenus. « Des
propos passibles d’une interpellation pour injure à un ministre en exercice », commentait
l’un d’eux.
Dans cet article, il n’est pas fait mention d’une vidéo.
Le 2 novembre, soit très exactement une semaine après le passage de Christiane Taubira à
Angers, Jean-Yves lignel précise sur son blog que le site angers Mag publie une vidéo relative
à l’évènement.
En effet, Yves Boiteau a mis en ligne un article intitulé : « Taubira insultée à Angers, la
preuve », le 2 novembre à 7h48 du matin ; cet article a été retouché le même jour à
11h22 : http://www.angersmag.info/Taubira-injuriee-a-Angers-la-preuve-_a8029.html
On y voit en effet une image avec une petite fille qui brandit une banane, et bien évidemment
la fameuse vidéo.
Cette dernière dure très exactement 55 secondes (dont 45 secondes réellement de vidéo),
débute par le jingle de Angersmaginfo.com et se termine par une mention du copyright des
images, en l’occurrence Abersmaginfo.com, mais également le nom de Michel Kuyo et
l’adresse internet de son site personnel.
On distingue en effet très bien que la petite fille brandit la banane de manière très
ostentatoire.
Une incrustation de texte permet de lire les mots suivants : « la guenon, mange ta banane »
Le magazine Libération met en ligne un article à 10h33, le 2 novembre, en évoquant :
« Mickey Kuyo, Angevin de 41 ans, artiste-graphiste, a filmé la scène avec son
téléphone. En réalité, un garçon brandit une peau de banane tandis qu’une jeune fille
crie à plusieurs reprises, excitée, «la guenon mange la banane!», «la guenon mange la
banane!». Elle brandira à son tour la peau de banane, puis la passera à une camarade
qui l’agitera elle aussi. Sous le regard des adultes.
Mickey Kuyo mettra temporairement la vidéo en ligne sur Youtube quelques jours après
la manifestation. Des intimidations ont suivi, son vrai nom et son téléphone ont été
révélés sur twitter. Angers Mag, mis en cause, a repris la vidéo et la diffuse sur son site
depuis samedi matin. »
Une consultation du site de Mickey Kuyo présente certaines de ses réalisations et permet de
se rendre compte de son important savoir-faire en matière de montage et de graphisme.
En l’occurrence, un second visionnage de la vidéo permet d’observer les points suivants :
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La vidéo a « flouté » un certain nombre de visages des enfants qui sont au premier
rang,
Les paroles de la petite fille sont relativement peu audibles et noyés dans un brouhaha
général,
La vidéo ne permet pas vérifier qu’il y a correspondance entre la bande-son et les
images (dit autrement, on ne voit pas les personnes parler de manière synchrone avec
la bande son),
Cette vidéo n’est pas une vidéo prise sur le vif, mais le résultat d’un travail de montage
fait en studio (floutage, loupe, incrustations…).
On y discerne un photographe, à droite de l’image équipé d’un appareil à téléobjectif).
Quelques observations sur les termes employés par la petite fille :
Ce tableau récapitule les mots rapportés par chacun des médias qui ont remonté
l’information :
Media
Blog de Jean-Yves Lignel le 26 octobre
Angersmaginfo.com le 26 octobre à
14h50
Angersmaginfo.com le 2 novembre à
7h48 (incrustations video »
Libération le 2 novembre à 10h33
Mots rapportés
« C’est pour qui la banane ? C’est pour la
guenon ! »
« une banane pour la guenon »
« la guenon mange ta banane!».
« la guenon mange la banane!».
Très curieusement, alors que la source d’information est unique, les termes diffèrent.
Par ailleurs, tout en scrutant les informations sur le net relatives à la venue de Christiane
Taubira à Angers, le 25 octobre, on peut relever les informations suivantes :
Photo des manifestants (extraite de la vidéo) avec
la petite fille brandissant la banane.
On y voit sur plusieurs plans :
- Des CRS,
- Le groupe d’enfants,
- Des adultes,
- Une fourgonnette,
- Des murs extérieurs d’une cour de bâtiment
et des murs de bâtiment.
Christiane Taubira à la sortie du palais de justice,
salue ses opposants
Vu d’un autre angle, permettant de distinguer au
loin les sympathisants de la Manif pour Tous.
On remarque que ces derniers ont été maintenus
loin du garde des sceaux et que près du palais de
justice se trouve un collectif d’avocats en tenue
devant une banderole de revendications.
La première observation, troublante est que sur la dernière photo, on ne distingue plus ni les
véhicules derrière les manifestants, ni les constructions (murs, bâtiments). D’ailleurs, il
semble qu’il n’y ait jamais eu de bâtiment à cet endroit puisqu’il s’agit de la place du
maréchal Leclerc.
Par ailleurs une autre observation est troublante :
Sur la photo de la petite fille, on observe que si quelques adultes sont en pull ou avec
une veste, des enfants sont en short, en chemise, un homme (à gauche de la photo)
a même enlevé sa veste et se trouve en bras de chemise.
Sur les photos de Christiane Taubira et de son entourage, on observe cependant que
les imperméables, écharpes, duffle-coat sont nombreux.
A nouveau, internet permet de glaner deux photos supplémentaires de l’évènement (la photo
des manifestants de la Manif pour tous illustrant un article de Pierre Larrouturou – PS)
Sur les marches du palais de justice :
les duffle-coat (membre du service de
sécurité sur la gauche, personne
coupée sur la droite), parkas, sont
nombreux, ainsi que des écharpes. Le
garde des sceaux a elle-même une
étole …bariolée.
Photo des manifestants face au palais
de justice (on reconnait les mâts
bordant la place du Maréchal Leclerc).
De nombreux duffle-coats, parkas,
blousons, écharpes ; la dame qui est
en t-shirt rose tient un manteau de
laine sur son bras droit.
Pour y voir clair dans cette sombre affaire, voici quelques questions élémentaires dont les
réponses permettraient sans doute de discerner la vérité ou en tout cas de s’en approcher :
Pourquoi la vidéo, « preuve » de l’insulte faite au garde des sceaux a été
dévoilée 7 jours après les faits ?
Pourquoi le photographe présent sur les lieux à moins d’un mètre de la petite
fille à la banane reste passif et n’a-t-il pas utilisé son appareil pour
immortaliser une information qui devait se révéler un scoop à l’échelle
nationale ?
Pourquoi les « découvreurs » de l’incident emploient-ils tous des expressions
différentes (Entre Angersmaginfo.com dans ses éditions du 26 octobre et du 2
novembre, Jean-Yves Lignel, Libération…) ?
Pourquoi est-il précisé initialement que c’est Yannick Sourisseau qui a entendu
les propos, puis ultérieurement que c’est Mickey Kuyo?
Pourquoi les personnes saisies par la vidéo semblent bien moins couvertes
(parkas, blousons, écharpes, duffle-coats) que les personnes identifiées sur les
autres reportages face au palais de justice d’Angers le 25 octobre 2013 ?
Pourquoi y a-t-il des éléments sur la vidéo « preuve » qui ne figurent pas sur
les photos et reportages réalisés devant le palais de justice d’Angers le 25
octobre 2013 (camionnette, murs, bâtiments) ?
Pourquoi le délai a-t-il été extrêmement court entre la diffusion de
l’information sur angersmaginfo.com (le 2 novembre à 7h48) et son relais dans
Libération (le 2 novembre 2013 à 10h33), délai qui comprend notamment la
découverte de l’information, son identification puis sa prise en compte par la
rédaction du quotidien national, l’analyse de l’information, la décision de le
relayer, la rédaction de l’article, la mise en ligne ?…
Pourquoi la vidéo, preuve de l’insulte faite au garde des sceaux a-t-elle été
mise en ligne en étant « travaillée » par un professionnel du traitement
d’image ?
Pourquoi ce même professionnel de traitement d’image, présenté comme un
« artiste graphiste » par le magazine Libération, se trouvait-il spontanément
avec son téléphone devant les manifestants très précisément au moment ou la
petite fille brandissait sa banane, sachant que les téléphones ont une capacité
limitée d’enregistrement vidéo ?
Pourquoi ne peut-on pas vérifier sur la vidéo mise en ligne que la petite fille a
bien prononcé les mots dont il est question, ni l’angle de prise de vue, ni le
floutage ne le permettant?
Pourquoi les CRS qui, selon Angersmaginfo ont entendu les propos n’ont pas
interpellé la petite fille pour injures à un ministre en fonction alors que les
cordons qui maintiennent les sympathisants de la manif pour tous en général
ont tendance à être tenus par de zélés défenseurs du droit ?
Quelques informations supplémentaires glanées à propos du site origine de l’info.
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Yannick Sourisseau a 51 ans (né en octobre 1952) et Yves Boiteau a 40 ans (né en
février 1973)
La structure Ouest eMedia a été à l’origine une association (loi 1901), support du
magazine de presse Angers Mag et qui a été transformé en SARL en novembre 2012
Sur le site de l’association, le 19 septembre 2010, Yannick Sourisseau informe du
projet de transformation qui lui semble nécessaire et précise « Pour notre part nous
devons monter notre projet, trouver la ligne éditoriale qui fait notre particularité, et
voir comment nous pouvons financer ce projet. Tout ne doit pas reposer sur moi. Je
vais rencontrer la Mairie d’Angers, fin septembre, voir plusieurs interlocuteurs pouvant
nous aider »
Sur le profil facebook de Yannick Sourisseau, on peut voir qu’il a mentionné comme
anciens employeurs : La ville d’Angers, la Maire d’Angers, le journal « courrier de
l’Ouest »,
La mairie d’Angers est gérée par une municipalité majoritairement PS et ceci, depuis
1977 (précédemment CNI). Le Maire actuel, Frédéric Beatse est membre du parti
socialiste.
Le 14 juin 2013, le premier mariage gay a été célébré à la Mairie d’Angers et
AngersMaginfo en a été le relais en présentant « ses vœux de bonheur aux jeunes
mariés »
Par ailleurs :
Le samedi 12 novembre, dans le numéro du week-end du courrier de l’Ouest (employeur de
Jean-Yves Lignel) parait une interview des parents de la petite fille qui condamnent le geste
de cette dernière, tout en manifestant leur incompréhension et dénonçant
l’instrumentalisation de l’évènement.
On peut lire :
Les parents précisent « "Les adultes présents n'ont rien vu ni entendu. Leurs voix couvraient
celle des enfants", assurent encore les parents. C'est en découvrant les images sur internet,
une semaine après les faits, qu'ils se sont rendu compte que leur enfant était au centre de la
polémique. Ils estiment que "l'affaire a été instrumentalisée" »
Ce qui reste curieux, c’est que manifestement, l’anonymat des parents a été respecté, ils
semblent avoir découvert les propos de leur fille sur la vidéo et, spontanément ont dû se
rendre au journal « Le courrier de l’ouest » pour y être interviewés. Evidemment, ils ont fait
cela pour l’édition du samedi 9 novembre (tirage le plus important de la semaine), sept jours
après la parution de la vidéo…
En récapitulant, et en exploitant les informations recueillies, le calendrier est le suivant :
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Le 2 novembre, la vidéo est mise en ligne sur internet,
Le 9 novembre (soit « une semaine après les faits » nous dit « Le courrier de
l’ouest »), les parents la visionnent et reconnaissent leur fille (dont le visage est flouté,
mais on peut supposer qu’ils reconnaissent les vêtements de cette dernière),
Ils sont rongés de remords et envahis par un sentiment de culpabilité
Ils se précipitent au journal « Le courrier de l’ouest » pour y raconter leur histoire au
journaliste de garde, et sans doute obtenir l’absolution laïque, médiatique et
républicaine de leurs péchés,
Ce dernier les écoute, et en tire la substance pour un article sur ce sujet,
Ce dernier est bouclé pour la parution du samedi 9 novembre, donc le journal paru le
jour-même de la prise de conscience des parents…
Le samedi suivant, la une du journal mentionne un article sur François Morel,
chroniqueur national sur France Inter qui avait à quatre reprises traité la petite fille de
« petite conne », favorisant ainsi un bon niveau de vente du journal…
Conclusion/synthèse :
Toutes ces informations sont accessibles et appartiennent au domaine public.
Il a fallu environ une demi-heure pour les collecter, une de plus pour les ordonner et en
extraire l’essentiel de ce papier.
Les caricatures du Garde des sceaux sont, comme pour tout homme politique, nombreuses,
et on a pu relever sur le net, en septembre 2013 une caricature basée sur le logo de la
marque Banania avec le slogan « Y’a pas bon Taubira, le petit déjeuner carcéral »
A ce jour, au vu de ces informations, on peut très raisonnablement avancer
l’hypothèse qu’il n’existe aucune preuve avérée qu’une petite fille a tenu
des propos racistes à l’encontre du garde des sceaux.
En revanche, toutes les informations recueillies dans le domaine public tendent à
montrer que l’information aurait été construite de toutes pièces par des
sympathisants du parti socialiste.
L’utilisation de la désinformation comme arme de guerre, puis arme politique date de Lénine.
On pourra se référer utilement au site Wikipédia qui consacre un article assez riche sur le
sujet ; également les ouvrages de Vladimir Volkoff.