VOS ÉQUIPEMENTS, LÉGAUX ou ILLÉGAUX

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VOS ÉQUIPEMENTS, LÉGAUX ou ILLÉGAUX
« VOS ÉQUIPEMENTS, LÉGAUX ou ILLÉGAUX ? »
Article de Daniel Pauzé, courtier en assurance de dommages
Septembre 2010
Depuis une dizaine d’années environ, le monde des soins esthétiques est inondé
d’appareils et d’équipements qui ont une multitude de fonctions mais surtout qui ont pour
but de vous aider à offrir des soins esthétiques et de bien-être de plus en plus évolués et
sophistiqués. Notre planète n’étant finalement pas si grande que cela, une grande majorité
de ces appareils provient de l’importation et sont fabriqués à l’extérieur du Canada, voir
même du continent américain.
Chaque pays étant souverain dans l’établissement de ses lois, il est fréquent de constater
qu’un appareil électrique qui est légalement certifié à être utilisé en Italie, par exemple,
peut être interdit à la vente et à l’utilisation au Canada. Au Québec, l’industrie de la
beauté n’est pas encadrée et réglementée comme telle, mais des lois et règlements
existent et sont en vigueur. Tout bon avocat vous le dira, l’ignorance de la loi n’est pas
une défense valable devant les tribunaux.
Le but de cet article n’est pas de faire un cours de droit, mais de vous aider lors de votre
prochain magasinage d’équipements professionnels ou même de vérifier si les appareils
que vous possédez actuellement peuvent être utilisés en toute légalité au Québec.
Tout d’abord, dissipons quelque peu le brouillard dans le monde complexe des lois et de
ceux qui ont le rôle de les écrire. Vous ne serez pas surpris d’apprendre que le Québec et
le Canada se pilent souvent sur les pieds en ce qui concerne certains champs de
compétence… Et bien, le monde de la beauté ne fait pas exception, mais ils s’entendent
sur le même objectif : la protection du public et, par le fait même, responsabiliser les
fabricants et les distributeurs qui désirent vendre ou louer des équipements qui sont
destinés à être utilisés par les consommateurs à des fins privées ou commerciales.
À la base, tout ce qui fonctionne à l’électricité (télé, électroménager), comme tous les
équipements de votre institut de beauté qui ont besoin d’être branchés dans une prise de
courant, sont tous assujettis à la même loi écrite par le gouvernement du Québec et
harmonisée avec les lois canadiennes (quelle chance!).
Pour les fins de cet article, je vais utiliser comme exemple un équipement très populaire
dans l’industrie des soins esthétiques depuis quelques années : un appareil d’épilation au
laser ou photo-épilation.
PREMIÈRE ÉTAPE, LA CERTIFICATION ÉLECTRIQUE : Étant donné que tous les
appareils au laser connus fonctionnent à l’électricité, s’ils doivent être utilisés au Québec,
le fabriquant de l’appareil (ou le distributeur canadien) doit, en premier lieu, se
conformer aux lois de notre belle province.
DEUXIÈME ÉTAPE, LA CLASSIFICATION : Si la fonction de l’appareil est de faire
des soins et/ou des traitements directement sur les êtres humains, l’équipement doit être
évalué afin de le classifier selon son niveau de dangerosité défini par le gouvernement
canadien sous la responsabilité de Santé Canada.
TROISIÈME ÉTAPE, L’HOMOLOGATION : Selon le résultat de la classification,
l’appareil devra être homologué par Santé Canada afin de pouvoir être utilisé en toute
sécurité et légalité dans toutes les provinces canadiennes.
En premier lieu, l’approbation ou certification électrique. Comment fait-on pour
reconnaître qu’un appareil est légal et conforme aux lois en vigueur au Québec? Il faut
d’abord savoir que le législateur a choisi d’encadrer la réglementation de toutes les
installations et les appareils électriques sous la Loi sur le bâtiment ainsi qu'au Code de
construction du Québec au Chapitre V : Électricité, article 2-024, «Approbation
d’appareillage électrique utilisé dans une installation électrique ou destiné à être alimenté
à partir d’une installation électrique». En résumé cet article dit ceci : « tout appareillage
électrique, utilisé dans une installation électrique, doit être approuvé pour l’usage
auquel il est destiné. Il est en outre interdit d’utiliser dans une installation électrique ou
de raccorder à une telle installation un appareillage NON approuvé par un organisme de
certification de conformité reconnu par le Conseil canadien des normes. » De plus, cet
article stipule « qu’il est interdit de vendre ou de louer un appareillage électrique non
approuvé. »
Il est important de noter que selon le code, l’expression « appareillage électrique »
signifie « tout équipement, appareil, dispositif, instrument, accessoire, mécanisme,
matériau ou autre, servant ou susceptible de servir dans ou pour… l’alimentation ou
l’utilisation du courant ou de l’énergie électrique et qui… comprend tout assemblage ou
combinaison de matériaux ou d’objets utilisés ou susceptibles d’être utilisés ou adaptés à
des fins ou fonctions particulières lorsqu’il est connecté à une installation électrique…. »
Le terme approuvé, quand il s’agit d’appareillage électrique, signifie qu’un organisme de
certification de conformité accrédité par le Conseil canadien des normes, a certifié cet
appareillage. La certification doit apparaître sur une étiquette apposée sur l’appareil, le
plus souvent à l’endos de l’appareil où l’on retrouve le numéro de série accordé par le
fabricant.
La marque de certification CSA est la plus connue au Canada, mais d’autres organismes
de certification peuvent approuver la conformité pour des appareillages à être utilisés au
Québec. Les marques de certification et d’évaluation actuellement reconnues au Québec
sont : CSA, ULC, WH, cETL, cUL, cEntela, cQAI, cMET et cTUV.
Un appareillage électrique, portant une marque de certification non reconnue au Québec,
comme par exemple la marque CE, qui est une certification européenne, ne peut être
utilisée dans une installation électrique ou raccordée à une telle installation au Québec. Il
n’est pas rare de voir sur la même étiquette plusieurs marques de certification, étant
donné que certains fabricants ont fait approuver leurs appareils dans plusieurs pays, mais
le fait que l’appareil soit conforme seulement en Europe (CE) ne le rend pas approuvé
légalement au Québec.
Pour le fabricant, l’étape suivante est la classification. Que le fabricant soit domestique
ou étranger, il doit se soumettre aux lois canadiennes en matière de santé publique et les
soins esthétiques entrent dans cette catégorie. Au Canada, c’est Santé Canada qui est
l’organisme officiel chargé d’appliquer les lois canadiennes sur la santé. Tous les
équipements qui sont utilisés pour des soins esthétiques (médicaux ou non médicaux)
sont encadrés sous la réglementation sur les instruments médicaux (DORS 98-282) et
doivent être classifiés et homologués.
Santé Canada a prévu une classification divisée en quatre classes pour indiquer le niveau
de risque du plus faible au plus élevé. Ils sont identifiés en chiffres romains I, II, III et
IV, qui représente le risque le plus élevé. Santé Canada a produit un guide assez
complexe pour le commun des mortels dans le but de guider les fabricants dans l’étape de
la classification.
À titre d’exemple, pour la classe I, pour le pointeur laser qui est utilisé sur certaines
armes ou celui de niveau ultra sophistiqué utilisé par les arpenteurs géomètres, le risque
se limite à ne pas le pointer directement celui-ci dans un œil. Ils sont donc classés I.
À l’opposé dans la classe IV, on retrouve certains lasers utilisés en esthétique et en
médecine, comme certains des appareils que vous connaissez bien en photo-épilation et
qui utilisent la technologie laser. Il faut noter que ce n’est pas tous les équipements de
photo-épilation qui sont dans la classe IV, plusieurs sont dans la classe III et même II.
La dernière étape, l’homologation. Suite à la classification, les appareils de classe I n’ont
pas à être homologués, une autorisation de Santé Canada est suffisante. Mais pour les
appareils de classe II, III, IV, l’article 26 de la loi stipule qu’il est interdit d’importer ou
de vendre les appareils sous cette classification s’ils ne sont pas homologués et ce, dans
toutes les provinces canadiennes. Et oui, même au Québec, société distincte, ça ne
compte pas.
Malheureusement, et je dis bien malheureusement, plusieurs fabricants ou distributeurs
vous proposent des équipements qui n’ont aucune homologation de Santé Canada,
prétextant que ce ne sont pas des équipements médicaux, et bien ils font erreur… Santé
Canada a choisi l’appellation « INSTRUMENTS MÉDICAUX » pour tous les
équipements qui sont destinés à la santé publique ; l’esthétique non médical en fait partie.
Il est important de noter qu’il est de la responsabilité de chacune des provinces et de leurs
associations médicales (au Québec, c’est le Collège des médecins) de déterminer ce
qu’est un acte médical. En termes clairs, l’Ontario pourrait voter des lois qui
détermineraient que l’utilisation des équipements de photo-technologie est strictement
réservée au corps médical et le Québec, de son coté, pourrait permettre la photo-épilation
par des non médecins, comme c’est le cas actuellement.
En ce qui concerne vos assurances, la question qui tue comme dirait un animateur de TV
connu, suis-je assuré lors d’une réclamation qui implique un équipement qui n’est pas
certifié ? Il y a de fortes probabilités que votre assureur refuse votre demande
d’indemnité si votre réclamation vise une perte concernant un appareil qui n’est pas
approuvé pour être utilisé légalement au Québec.
Et l’autre question qui tue : est-ce que mon assureur me défendra lors d’une poursuite qui
implique un équipement qui est approuvé, donc certifié CSA par exemple, mais qui n’est
pas homologué par Santé Canada ? Dans ce cas-ci la réponse est plus nuancée, ou du
moins applicable au cas par cas. Votre assureur pourrait refuser de prendre fait et cause
si l’appareil non homologué est la cause du dommage corporel, comme une brûlure à
l’une de vos clientes. Cependant, certaines jurisprudences laissent à penser que l’assureur
serait dans l’obligation de prendre le mandat de vous défendre sans pour autant garantir le
versement de l’indemnité pour lequel vous seriez condamné à payer. Est-ce vraiment une
chance à prendre ? Votre santé financière pourrait en souffrir énormément lors d’une
poursuite au civil.
En conclusion, vous devez être très prudent quant au choix de vos équipements
professionnels, même ceux que vous prenez pour acquis parce qu’ils sont en vente depuis
longtemps au Québec ou que le distributeur avait un beau kiosque au dernier congrès que
vous avez visité. Il n’y a aucune garantie sauf votre vigilance.
Nous vous invitons à consulter le site internet www.asserpro.com dans « la zone info »
Pour toutes questions ou commentaires concernant cet article vous pouvez m’écrire sur
mon courriel : [email protected]
Daniel Pauzé,
Courtier en assurance de dommages
Président d’Asserpro inc.