Impacts de la crise sur le tourisme
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Impacts de la crise sur le tourisme
Impacts de la crise sur le tourisme – septembre 2011 IMPACTS DE LA CRISE SUR LE TOURISME Par Olivier Lacoste et Béatrice Levy I – Les effets de la crise sur le tourisme international Après des années de forte croissance jusqu’en 2008, le tourisme international, évalué par les arrivées de touristes internationaux et par les recettes, a été durement affecté par la crise. En progression en moyenne annuelle, la chute s’est observée sur 2009. L’année 2010 a été marquée par une reprise : celle-ci permet d’effacer le creux de 2009 pour les arrivées de touristes internationaux, mais pas pour les recettes. a - Evolution des arrivées de touristes internationaux en milliers d’arrivées 2005 ® 2006 ® 2007 ® 2008 ® 2009 (r) 2010 (p) de touristes 79 300 76 824 76 800 FRANCE 75 908 78 900 81 900 8,6 8,7 8,1 % dans le monde 9,5 9,3 9,1 16,6 16,3 16,1 % en Europe 17,3 17,1 16,9 57 192 52 178 52 700 ESPAGNE 55 916 58 190 58 666 6,2 5,6 5,9 % dans le monde 7,0 6,9 6,5 11,7 11,3 11,0 % en Europe 12,8 12,6 12,0 42 734 43 239 43 600 ITALIE 36 513 41 058 43 654 4,6 4,9 4,6 % dans le monde 4,5 4,8 4,8 8,8 9,4 9,1 % en Europe 8,3 8,9 9,0 57 900 54 962 59 700 ETATS-UNIS 49 206 50 977 56 000 6,3 6,2 6,3 % dans le monde 6,1 6,0 6,2 53 000 50 900 55 700 CHINE 46 800 49 900 54 700 5,7 5,8 5,9 % dans le monde 5,8 5,9 6,0 Source : Organisation Mondiale du Tourisme (août 2011) . ®: révisés p : provisoires En moyenne annuelle, le nombre d’arrivées de touristes internationaux a enregistré une baisse de 3,8 % en 2009, pour atteindre 881 millions. L’année suivante a été marquée par la reprise, puisque 2010 a enregistré une hausse de 6,6 %. Le nombre d’arrivées a atteint 940 millions: il dépasse donc celui de 2008 (916 millions) : en termes d’arrivées de touristes internationaux, le creux de la crise est effacé. Les différentes zones du monde n’ont pas été affectées de la même manière. La baisse (en moyenne annuelle) de 2009 a été plus accusée pour l’Europe et pour le continent américain (- 4,9 % dans les deux cas) que pour l’Asie (-1,7 %). La reprise de 2010 a été moins forte en Europe (+ 3,2 %) que dans le continent américain (+ 6,4 %), africain (+ 7,8 %) et surtout asiatique (+ 12,8 %). Les données fournies par l’OMT (Organisation mondiale du tourisme) dans son dernier baromètre (août 2011) sur les six premiers mois de 2011 confirment la reprise. Par rapport au premier semestre 2010, le premier semestre 2011 affiche une progression de 4,5 %. Du fait des crises politiques, l’évolution a été négative en Afrique du Nord (- 13 %) et au Proche-Orient (- 11%). Les réticences des touristes à se rendre dans ces dernières régions a profité à l’Europe (+ 6 %). Sur le premier semestre 2011, les arrivées de touristes internationaux progressent de 2 % en France, de 7,4 % en Espagne, de 1,2 % en Italie et de 5,9 % au Royaume-Uni, pays européens qui suivent la France en termes de nombres d’arrivées. Tourisme de A à Z - DGCIS 1 Impacts de la crise sur le tourisme – septembre 2011 b – Evolution des recettes touristiques en millions $ US 2005 ® 2006 ® 2007 ® 2008 ® 2009® 2010 (p) FRANCE 44 018 6,5 12,6 47 970 7,1 13,7 35 398 5,2 10,1 81 800 12,0 46 345 6,2 12,3 51 122 6,9 13,6 38 130 5,1 10,1 85 700 11,5 54 228 6,3 12,5 57 795 6,8 13,3 42 651 5,0 9,8 96 900 11,3 56 573 6,0 11,9 61 600 6,5 13,0 45 700 4,8 9,7 110 000 11,7 49 528 5,8 12,0 53 177 6,2 12,9 40 249 4,7 9,8 94 191 11,1 46 300 5,0 11,3 52 500 5,7 11,0 38 800 4,2 9,5 103 100 11,2 % dans le Monde % en Europe ESPAGNE % dans le Monde % en Europe ITALIE % dans le Monde % en Europe ETATS-UNIS % dans le Monde CHINE 29 300 33 900 37 200 40 800 39700 45 800 % dans le Monde 4,3 4,5 4,3 4,3 4,7 4,9 Source: Organisation Mondiale du Tourisme (avril 2011). ®: révisés, (p): provisoires En moyenne annuelle, la baisse des recettes a été très accusée en 2009 : - 9,4 % (en dollars courants). Elle a été suivie par une progression en 2010 : + 7,9 %. Les recettes sont passées de 939 milliards de dollars en 2008 à 851 en 2009 puis à 919 en 2010. En termes de recettes, le creux de 2009 n’a donc pas été effacé par la reprise de 2010. Le résultat de 2010 reste en retrait de 2,1 % par rapport à celui de 2008. D’après l’OMT, ce décalage entre arrivées et recettes est habituel en période de reprise : du fait de la concurrence, les offreurs font des efforts pour contenir leurs prix. Quant aux touristes, ils voyagent pendant des périodes plus courtes. Pour ce qui concerne les évolutions par zones géographiques, l’OMT fournit des statistiques exprimées en monnaies locales et à prix constants. En 2010, la progression des recettes du tourisme international a été, au niveau mondial, de 4,7 % en 2010 (après une baisse de 5,6 % en 2009). L’année dernière, le continent européen semblait plus difficilement émerger de la crise (- 0,4 %) que le continent américain (+ 5 %) et surtout que l’Asie-Pacifique (+ 12,9 %). Sur les six premiers mois de l’année, les statistiques de l’OMT (exprimées en monnaie locale, mais cette fois à prix courants) montrent une augmentation de 1,9 % pour la France, plus faible que celle de l’Espagne (+ 9,5 %) et de l’Italie (+ 4,1 %). Au total, les effets de la crise sont donc effacées en termes d’arrivées ; la situation semble plus complexe en termes de recettes. II – Les hébergements en 2010 a) Hôtellerie La fréquentation hôtelière est repartie à la hausse en 2010 en France : elle a augmenté de 2,3 % par rapport à 2009 (baisse de 4,9 % l’année précédente), tirée par le tourisme d’affaires (+ 4,6 %). L’année 2010 est également marquée par le retour des clientèles étrangères (+ 2,8 %) après un fort recul sur l’année 2009 (- 11,1 %) lié à la crise économique mondiale. Il s’agit des clientèles lointaines, notamment en provenance des économies émergentes, la fréquentation hôtelière des clientèles européennes ayant globalement stagné (- 0,2 %) et même reculé d’un point hors la clientèle russe. La fréquentation de la clientèle française s’est accrue, quant à elle, de 2,0 % en 2010 après un recul de 1,4 % en 2009. Toutefois, le niveau de fréquentation record atteint en 2007 (198,9 millions de nuitées) n’a pas été retrouvé en 2010 (192,2 millions de nuitées). L’hôtellerie haut de gamme – 4 étoiles, 4 étoiles « plus » et 5 étoiles (catégorie qui se déploie progressivement jusqu’à mi-2012) – est particulièrement dynamique : une offre de chambres en extension notable (+ 4,6 % par rapport à 2009), une croissance de la demande à deux chiffres (+ 11,6 %) et, au final, le taux d’occupation des chambres le plus élevé de l’hôtellerie (65,1 % contre 59,4 % en moyenne). Tourisme de A à Z - DGCIS 2 Impacts de la crise sur le tourisme – septembre 2011 Les hôtels haut de gamme attirent d’abord les clientèles étrangères, notamment les clientèles lointaines : les touristes internationaux ont réalisé 61,7 % des nuitées du secteur en 2010. Le taux d’occupation des hôtels, qui rapporte le nombre de chambres occupées au nombre de chambres offertes, s’établit à 59,4 % en 2010, en hausse de 1,3 point par rapport à 2009, sans toutefois atteindre le taux record de 2007 (61,9 %). Plus précisément, le parc de chambres offertes a été globalement stable (- 0,1 %) et la hausse du taux d’occupation s’explique par la croissance de la demande de chambres (+ 2,2 %). En pratique, si toutes les catégories d’hôtels ont profité de la hausse, le milieu de gamme (3 étoiles) et le haut de gamme (4 étoiles, 4 étoiles luxe et 5 étoiles), avec des taux d’occupation en hausse de + 2,1 points et + 4,1 points, ont mieux tiré leur épingle du jeu que l’hôtellerie économique (+ 0,4 point). Dans les hôtels 0, 1 et 2 étoiles, l’offre et la demande de chambres ont diminué, et la hausse du taux provient d’une moindre baisse de la demande. b) Hôtellerie de plein air (camping) En 2010, la fréquentation dans les campings a augmenté de 0,9 %. Depuis 2008, la fréquentation des campings est repartie à la hausse, essentiellement grâce à la clientèle française (+ 6,9 % en sept ans). Quant à la clientèle étrangère, elle n’a pas retrouvé son niveau de 2003. 103,8 millions de nuitées ont été passées dans les campings entre mai et septembre 2010, contre 102,9 millions au cours de la même période en 2009. D’un côté, la fréquentation touristique des emplacements nus diminue de 3,3 % alors que, de l’autre, celle des emplacements locatifs augmente de 7,5 %. Il s'agit d'une évolution structurelle. Seule l’année 2009 fait figure d’exception : en effet, au plus fort de la crise économique, la fréquentation touristique sur les emplacements nus avait, elle aussi, progressé de 3 %. Les gestionnaires d’établissement accompagnent ces évolutions, en réduisant leur offre en emplacements nus (- 2,6 % après - 2,2 % en 2009) et en augmentant de 4,5 % les capacités en emplacements locatifs. Deux tiers des emplacements locatifs supplémentaires sont situés dans trois régions : Languedoc-Roussillon, Aquitaine et Rhône-Alpes. Tout comme pour les hôtels, la fréquentation des campings les moins étoilés diminue, alors que celle des établissements de haut standing progresse : respectivement - 3,3 % et - 2,4 % pour les campings de 1 et 2 étoiles, contre + 2,0 % et + 2,6 % pour les 3 et 4 étoiles (tableau 4). Là encore, les campings adaptent leur offre : dans un contexte général de réduction (- 1,0 % toutes catégories confondues), seule l’offre des 4 étoiles reste stable. En 2010, les campings de 3 et 4 étoiles offrent 59 % des emplacements et concentrent 72 % de la fréquentation. Les campings les plus confortables sont également les plus équipés en emplacements locatifs : 41,6 % des emplacements sont locatifs dans les 4 étoiles, contre 10,7 % dans les établissements d’une étoile. Ce mouvement s’amplifie, puisqu’en 2010 les deux tiers des nouveaux emplacements locatifs sont créés dans les campings 3 et 4 étoiles. Comme le nombre d’emplacements diminue et que la fréquentation des campings progresse, les taux d’occupation augmentent (+ 0,3 point), mais seuls les établissements les plus confortables en bénéficient. III – Evolution des comportements La crise a eu des impacts sur le comportement des Français. Dans un premier temps, ils ont semblé plus sensibles aux contraintes financières. Par exemple, dans une étude de juillet 2010, le Credoc soulignait la progression de non-départ pour des raisons financières. « Nous avions déjà mis en lumière ces deux dernières années l’importance des freins budgétaires dans le non-départ. Ceux-ci semblent être plus que jamais d’actualité. 25% de la population s’est ainsi résignée à ne pas partir au cours des 12 derniers mois par manque d’argent, soit 2 points de plus en deux ans. Une proportion identique (25%) a également renoncé à tout projet de vacances d’ici décembre 2010 par manque de moyens, soit 4 points de plus en an. » Cependant, une étude du Credoc de juillet 2011 nuance les évolutions de l’année précédente. En effet, la tendance à écourter son voyage, dans le but de préserver leur budget, perd du terrain. Le Credoc Tourisme de A à Z - DGCIS 3 Impacts de la crise sur le tourisme – septembre 2011 observe : « Nous suivons, depuis quatre ans, l’évolution de certaines pratiques touristiques permettant aux partants de réaliser des économies sur leur budget vacances. Trois conduites dominent : partir en vacances en France plutôt qu’à l’étranger (39 % des partants), partir hors saison (31 %) et réserver longtemps à l’avance son voyage (24 %). L’an passé, dans un contexte de crise économique et de forte remontée du chômage, les économies ayant trait aux composantes principales du voyage (durée, destination, hébergement) avaient progressé. Cette année, les différents comportements « d’achat malin » stagnent, voire diminuent légèrement, la baisse la plus sensible touchant la propension à écourter son voyage (13 %, - 5 points). Semblant retrouver une certaine marge de manœuvre financière, les partants se montrent un peu moins à l’affût de tous les moyens pour réduire leur budget ». Les contraintes budgétaires et les événements en Afrique du Nord ont dû jouer en faveur des départs en France. Selon l’enquête Credoc de début d’été, 68 % des vacanciers pensaient partir exclusivement sur le territoire hexagonal. Ces sondages ont été confirmés par les premières données sur la saison touristique. Malgré des conditions climatiques particulièrement défavorables, la saison touristique est meilleure que l’année dernière selon les premiers bilans provisoires : les nuitées (hôtels et campings) devraient progresser de plus de 3%. Cette progression tient aux hausses conjuguées de la fréquentation des Français (+ 3,1 %) et des clientèles étrangères (+ 2,9 %). Ainsi, les Français sont davantage partis en vacances qu’à l’été 2010. Par ailleurs, la destination France a vraisemblablement aussi capté une partie des touristes français, qui privilégiaient habituellement les destinations touristiques phares du Maghreb ou du Proche-Orient (Egypte, Tunisie, Maroc) pour leurs vacances estivales. Les clientèles lointaines, en particulier des BRIC, ont poursuivi leur montée en puissance cet été 2011, même si les touristes européens demeurent nos principaux clients (environ 85 % de l’ensemble des clientèles étrangères). Cette clientèle régionale connaît une croissance de la fréquentation plus modérée, de l’ordre de 2,0 % pour juillet-août, avec des situations contrastées, corrélées à la santé économique des pays : une hausse de la fréquentation des pays du Nord et une moindre croissance, voire une baisse, pour certains pays du Sud. La France devrait ainsi demeurer en 2011 la première destination en termes d’arrivées de touristes internationaux Les dépenses ont aussi augmenté, d’autant que les séjours des Français se sont allongés. Tourisme de A à Z - DGCIS 4