Toutes les routes de la soie mènent à Yiwu (Chine). Entrepreneurs

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Toutes les routes de la soie mènent à Yiwu (Chine). Entrepreneurs
TOUTES LES ROUTES DE LA SOIE MÈNENT À YIWU (CHINE)
Entrepreneurs et migrants musulmans dans un comptoir économique chinois
Olivier Pliez
Belin | L'Espace géographique
2010/2 - Vol. 39
pages 132 à 145
ISSN 0046-2497
Article disponible en ligne à l'adresse:
http://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2010-2-page-132.htm
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Pliez Olivier, « Toutes les routes de la soie mènent à Yiwu (Chine) » Entrepreneurs et migrants musulmans dans un
comptoir économique chinois,
L'Espace géographique, 2010/2 Vol. 39, p. 132-145.
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EG
2010-2
p. 132-145
Toutes les routes de la soie
mènent à Yiwu (Chine).
Entrepreneurs et migrants musulmans
dans un comptoir économique chinois
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CNRS-UMR 5193
Laboratoire interdisciplinaire solidarités,
sociétés, territoires (LISST)
[email protected]
RÉSUMÉ.— Des milliers de négociants
ABSTRACT.— Yiwu (China), a global
africains, arabes et asiatiques se pressent
dans le plus grand marché de gros du
monde dans le domaine de la vente des
menus articles à Yiwu (Chine). Cette ville a
la réputation de savoir accueillir les hôtes
musulmans. Nous analysons la formation
de cette ville commerciale, son insertion au
sein de réseaux de négoce transnationaux
et le quartier emblématique des restaurants
arabes comme modalités de la formation
des places marchandes de la mondialisation
par le bas.
supermarket. Muslim entrepreneurs and
migrants in a Chinese trading post.—
Thousands of African, Arab and Asian
traders go to the world’s biggest wholesale
market in small commodities in Yiwu
(China). The town is internationally famous
for its capacity to cater to Muslim guests.
This paper analyses the development of this
trading city, its place in transnational trade
networks, and the Arab restaurant area in
order to understand how the marketplaces
of grassroots globalisation emerge.
CHINE, MONDE MUSULMAN,
MONDIALISATION,
RÉSEAU TRANSNATIONAL,
ROUTE MARCHANDE
CHINA, GLOBALIZATION,
MUSLIM WORLD, TRADE ROUTE,
TRANSNATIONAL NETWORK
es antiques routes de la Soie
L renaissent-elles entre la Chine
et les mondes arabe et musulman ?
Les analyses économiques récentes
sur le sujet ne laissent pas de place
au doute1. D’un côté, la Chine, qui
envahit le monde en vendant,
partout et à bas prix, des produits
fabriqués dans ses usines, raflant
les marchés de ses concurrents
sur tous les continents. De l’autre,
la nouvelle donne géopolitique qui
résonne depuis le 11 septembre
dans l’ensemble des mondes musulmans et qui a détourné les commerçants arabes des États-Unis.
Depuis le milieu des années
2000, ces nouvelles routes de la
Soie convergent toujours un peu
plus nettement vers la ville de
Yiwu2, le plus grand marché de
1. Voir Broadman, 2007 ; Simpfendorfer, 2009.
2. Nous avons mené des enquêtes à Yiwu en octobre 2006, à l’occasion de la foire annuelle internationale. Ce terrain a été complété par
des entretiens menés à Tripoli (2005), Salloum (2009) et au Caire à diverses reprises entre 2006 et 2009, puis par une deuxième mission à
Yiwu en août 2009.
@ EG
2010-2
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Olivier Pliez
Le marché de Yiwu à la conquête du monde
Dans les journaux du monde entier et sur de nombreux sites Internet officiels
chinois, les écrits abondent pour vanter le miracle Yiwu, modèle du passage réussi du
socialisme au capitalisme d’échelle mondiale. Derrière cette réussite fulgurante, point
de naissance ex nihilo d’une place marchande, mais une série de choix judicieux opérés
par les acteurs publics et privés locaux dans un contexte national et international très
concurrentiel.
Du marché de gros provincial au supermarché de gros global
Yiwu est connue comme marché de gros plutôt que comme ville, bien qu’elle
compte 1,8 million d’habitants3 (fig. 1). Cette localité, qui se situe à deux heures de
train au sud de Shanghai dans la province côtière du Zhejiang, a su tirer parti des
conditions favorables à la multiplication de tels marchés grâce à un soutien constant
des autorités locales depuis la décollectivisation impulsée à la fin des années 1970. La
création du marché de gros de Yiwu en 1982 s’effectue dans le sillage de l’ouverture
économique prônée par Deng Xiaoping en 1979. Dès 1984, la politique de développement par le commerce permet aux fabricants de rendre les productions industrielles
locales plus visibles auprès des grossistes de la province du Zhejiang dans un premier
133 Olivier Pliez
2. Yiwu Industry and
Commerce Administrative
Bureau, 2006.
3. Dont 111 480 migrants
internes (recensement de
2008).
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gros du monde dans le domaine de la vente des menus articles. La devise de Yiwu
donne le ton des ambitions des élites locales : « Construire le plus grand supermarché
du monde. Édifier le paradis international du shopping », qui va bien au-delà de la
spécialisation de ses marchés. La ville est une plaque tournante pour les entreprises de
la région dans le domaine du textile avec un tiers des ventes à l’exportation en vêtements, 12 % en chaussettes et 7 % en textiles divers vendus 364 jours par an dans les
boutiques d’usines ou bien durant l’une des 80 foires qui s’y tiennent chaque année.
La plus importante, la foire internationale annuelle attire pendant trois jours
16 000 visiteurs étrangers2. Yiwu réalise aujourd’hui les deux tiers de ses ventes à
l’exportation et est une halte incontournable pour des commerçants du monde entier
depuis l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (2001).
Yiwu est surtout identifiée comme la ville qui sait accueillir les hôtes musulmans.
Mais a contrario de l’image un rien globalisante – Chine-Afrique, Chine-monde arabe –,
ces routes de la Soie sont constamment réorganisées et resignifiées par les acteurs qui les
animent et dans les localités où elles se matérialisent. À Yiwu, cela se traduit par la
création d’une ville destinée au négoce dans le contexte de la décollectivisation chinoise
mais qui a su, par étapes, attirer des clients du monde entier. Les négociants des
mondes musulmans africains et asiatiques sont ainsi rapidement devenus pionniers de
cette destination, permettant de mettre en lumière la manière dont se construisent
des relations économiques transnationales relevant de la mondialisation par le bas
(Tarrius, 2002), à l’initiative d’acteurs multiples: pouvoirs publics locaux, entrepreneurs
chinois ou non, migrants…, mais aussi de montrer que par-delà des liens interétatiques se
tissent aussi des réseaux transfrontaliers, transnationaux, des continuités économiques
qui en croisent d’autres, confessionnelles notamment. Enfin, à l’échelle locale, en
accompagnant, de manière visible mais ambiguë, la formation d’un quartier emblématique de la présence arabe en Chine.
n
Vers la Russie
Harbin
Vers l’Asie centrale
Urumqi
Changchun
Vers la Mongolie et la Russie
Vers l’Asie centrale
Hothot
Vers le Pakistan
Pékin
Shenyang
Kashgar
Nansantiao
Dalian
Weihai
Weifang
Taiyuan
Jimo
Xinxiang Linyi
Vers la Corée
Lanzhou
Luoyang
Heze
du Sud
Xuzhou
Xian Zhengzhou Kaifeng
Suqian Vers la Corée du Sud
Hefei
Liuan
Suzhou et le Japon
Chengdu
Shanghaï
Yichang Wuhah Hanzhenjie
Ningbo
Nanchang
Chongqing
Changsha
Yiwu
Zhuzhou
Yinchuan
Xining
Vers le Pakistan
et l’Afghanistan
Lhassa
Dali Kunming
Vers la Birmanie et la Thaïlande
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Routes marchandes transfrontalières
Liuzhou
Canton
Shenzhen
Vers Hong Kong
0
500 km
D’après un fond de carte de D. Dalet
© L’Espace géographique, 2010 (awlb).
Ville qui compte au moins un marché qui vend plus de 50 %
de produits provenant de Yiwu (selon Ding, 2006)
Marchés frontaliers notables vers l’Asie centrale (selon Thorez, 2008)
Régions et marchés chinois de la contrefaçon (selon Chow, 2003)
Districts industriels du Zhejiang fortement reliés à Yiwu
(selon Ding, 2006)
Fig. 1/ Yiwu, le rayonnement d’un comptoir économique chinois
temps, puis de toute la Chine dans un second temps (Ding, 2006). À partir de 1986,
le gouvernement central encourage la rénovation du marché de distribution en autorisant les producteurs de biens manufacturés à traiter directement avec les grossistes.
Après 1989 et durant les années 1990, le président chinois Jiang Zemin trace la voie
de grandes réformes économiques, notamment en réorganisant les modalités de la distribution des biens et des services. S’ensuit une décentralisation par étapes qui donne
une autonomie croissante aux gouvernements régionaux et locaux leur permettant
d’intervenir dans le développement et l’organisation des marchés. Yiwu devient ainsi
l’une des villes commerciales issue de la réforme du système de distribution chinois
destinée à faciliter la transition d’une économie planifiée à une économie de marché,
en donnant aux fabricants l’accès à de nouveaux clients et aux grossistes le bénéfice de
prix inférieurs de 30 % à ceux qui sont pratiqués hors de tels dispositifs (Sun, Perry,
2008). Le succès de ces villes-marchés, qui sont des marchés de gros dont le dynamisme
est le moteur de la croissance urbaine, est tel que la seule province du Zhejiang en
compterait aujourd’hui 68, dont 7 regroupent au moins 5 000 échoppes (Ding, 2007).
À partir de 1991, Yiwu devient ainsi le plus grand marché de gros de la République
populaire de Chine (RPC), spécialisé dans la vente de menus articles. Le succès de ce
marché consacre les choix de l’administration locale de l’industrie et du commerce,
chargée de promouvoir et de réguler les activités commerciales qui, dès 1982, crée le
Zhejiang China Small Commodities City Group (CSCG) afin de mettre en place le
marché de gros de Yiwu (Chow, 2003). Un groupe privé, très étroitement associé aux
édiles locaux, est ainsi formé qui joue un rôle déterminant dans trois directions.
© L’Espace géographique 134
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135 Olivier Pliez
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rs
Ve
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Premièrement, il a des effets notables sur la restructuration du tissu industriel du
Zhejiang, surtout formé de petites et moyennes entreprises, en attirant des fabricants
disséminés dans l’ensemble de la province dans un contexte de croissance et de
concurrence accrues. C’est une rupture avec le modèle dominant des districts industriels monospécialisés, hérités de la période collectiviste fondée sur la doctrine « un
village, un produit », au sein desquels les villes commerciales jouent aujourd’hui le rôle
de levier de la modernisation en facilitant l’écoulement des marchandises (Sun, Perry,
2008). Yiwu devient, au contraire, la vitrine d’un nombre croissant de produits
(1 700 000 en 2008) puisque des opérateurs de 22 districts industriels monospécialisés
(sur les 364 que compte le Zhejiang) utilisent aujourd’hui la localité pour d’accéder au
marché national et international (Ding, 2007).
4. Ke Ding (2007)
Deuxièmement, le succès de Yiwu auprès des fabricants et des acheteurs mentionne, parmi les plus
notables, les fournitures
entraîne une extension et une diversification des marchés marquées par l’ambition de de bureau (Wuyi),
leurs promoteurs d’offrir aux grossistes la palette de choix la plus large possible et le cristal (Pujiang), les
articles de quincaillerie
aux acheteurs de se repérer plus aisément à travers ces marchés grâce à un classe- (Yongkang), le textile et
ment des produits par types et par localisations (Ding, 2007). Le nombre d’échoppes les vêtements
les lunettes
d’usines présentes dans les marchés de la ville a crû de manière impressionnante : on (Dongyang),
(Wenzhou) ou les
en compte 705 en 1982, 16 000 en 2002, 58 000 en 2006 et 62 000 en 20085 pour un vêtements de pluie…
volume de transactions aujourd’hui proche de 40 milliards de yuans par an, soit près 5. Selon
de 4 milliards d’euros (Ding, 2006). Elles sont réparties entre plusieurs marchés http://www.onccc.com/,
site internet de l’autorité
autour desquels la ville s’est étendue (fig. 2). Dès 1992, Huangyan (8 000 échoppes) des marchés de Yiwu.
marque le passage du commerce d’échoppes de rues aux marchés construits en dur. 6. Source :
C’est ainsi qu’une cinquantaine de quartiers ou rues, ont été formalisés en aires http://www.ccctrade.cn/yi
spécialisées dans l’exposition des articles les plus variés (papeterie, arts, pièces détachées wu_International_Trade_Ci
ty/market201.htm,
automobiles ou informatiques, vêtements, fermetures à glissière, cosmétiques, etc.)6. consulté le 15 avril 2010.
Depuis, le nombre des halls d’exposition a crû de
n
Vers la gare,
manière exponentielle avec la création d’un deuxième
Hangzhou
marché, Binwang, en 1995 (5 700 échoppes) puis du
et Shanghai
Centre du commerce
Centre du commerce international, véritable cœur du
international
Bijoux
négoce dans la ville. Cet immense chantier est lancé un
Vers Ningbo
an après l’adhésion de la Chine à l’Organisation monÉlectronique
Informatique
diale du commerce afin de consacrer l’ouverture interna1
Décoration
Marché de
2
tionale et l’image de modernité des marchés de Yiwu. Ses
Construction Binwang
Exotic Street Gare
quatre halls (I : 9 000 échoppes ; II : 8 000 ; III : 6 000 ; IV :
Articles routière
Meuble
musulmans
16 000) regroupent près de 40 000 échoppes et concentrent
Hall de foires
les trois quarts des transactions commerciales effectuées
Chaussettes
Huangyuan
Vers Ji
dans la ville.
nhua
Troisièmement, l’internationalisation du marché
spécialisé de Yiwu est la conséquence d’une stratégie
0
1 km
fondée sur la recherche constante de débouchés pour la
re
Riviè
© L’Espace géographique, 2010 (awlb).
production. La formation de la ville-marché de Yiwu a
impliqué pour ses promoteurs la nécessité, en parallèle, de
Espace urbanisé
Rues spécialisées
1 Artisanat
Parc et forêt
trouver de nouveaux acheteurs et des marchés-relais afin
Colline
2 Articles en verre
d’écouler les produits exposés dans ses milliers
Marché
Restaurant musulman
Exotic Street
hors Exotic Street
d’échoppes. La quantité de produits vendus compense la
faiblesse des bénéfices selon le principe économique que
Fig. 2/ Yiwu, les marchés dans la ville
Yue Lin (2006) résume ainsi : « si je gagne dix centimes par
© L’Espace géographique 136
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pièce, je peux vendre seulement dix pièces par jour, cela fait dix euros ; si je ne gagne
qu’un centime par pièce, je peux vendre mille pièces et toucher cent euros ». Cette
stratégie impose la nécessité d’élargir en permanence le marché d’écoulement des
produits tant la concurrence aux prix bas joue au niveau des industries représentées
au sein d’un même marché spécialisé, mais aussi entre les marchés eux-mêmes, aux
échelles régionales et nationales. Cependant, en l’absence d’instances de régulation
de niveau supérieur qui organiseraient la production et son écoulement à l’échelle
du marché national, les petites et moyennes entreprises se sont livrées à une intense
compétition sur les prix, souvent au détriment de la qualité et de l’innovation,
conduisant à stigmatiser Yiwu comme synonyme de contrefaçon en Chine 7 .
Daniel Chow (2006) estime ainsi que 80 à 90 % des produits vendus dans ses marchés sont contrefaits ou enfreignent les lois internationales. Les marchés étant gérés
par le China Small Commodities City Group qui participe à hauteur de 26 % aux
revenus municipaux, c’est toute l’économie locale qui est étroitement associée à
cette économie illégale.
L’émergence de Yiwu comme marché de gros d’échelle mondiale relève donc
d’une stratégie orchestrée localement mais avalisée aux échelons supérieurs de décision
7. 2006 Report to Congress
par des opérateurs publics et privés, visant à conquérir de nouveaux marchés dans le
of the US-China economic
and security review
Zhejiang puis en Chine et au plan international, grâce à sa position sur le créneau des
commission.
biens de consommation courante et à sa sulfureuse réputation de base de fabrication et
8. Source :
de distribution de produits contrefaits. Ceci s’est traduit par le passage rapide,
http://yiwu.gov.cn/ywwwb/
durant les années 1980, de la consolidation du tissu industriel du Zhejiang, fort de
english/e_gyyw/e_ywgk/20
0812/t20081226_164346.ht
ses 50,6 millions d’habitants en 2007 et d’un produit intérieur brut par habitant
ml (site de la municipalité
(3 713 euros) qui situe la province au 4e rang national. Durant les années 1990, le
de Yiwu, accédé le
23 septembre 2009).
China Small Commodities City Group mais aussi des fabricants et des intermédiaires
de Yiwu autant que des opérateurs commerciaux situés dans
d’autres provinces du pays créent, en passant des accords ou
Tabl. 1/ Principaux importateurs
selon des initiatives informelles, des marchés relais sur tout le
de produits de Yiwu, 2002-2009
territoire. Yiwu serait aujourd’hui relayée par une cinquanRang 2002
2009 (1er trimestre)
taine de marchés, dont une quarantaine sont approvisionnés à
1
Émirats arabes unis États-Unis
hauteur de 50 % ou plus en marchandises provenant de Yiwu,
sis dans une trentaine de villes du territoire national (Ding,
2
Russie
Émirats arabes unis
2006). Ceux-ci se concentrent plus particulièrement: dans les
3
États-Unis
Espagne
ports de passagers et de marchandises reliés à la Corée du
4
Corée du Sud
Allemagne
Sud, 4e partenaire commercial de Yiwu (Dalian, Weihai, Jimo
5
Ukraine
Russie
près de Qingdao mais aussi Shanghai et Ningbo) ; dans les
6
Japon
Brésil
provinces limitrophes du Zhejiang (Shandong, Anhui,
Henan, Jiangsu) ; aux frontières terrestres de la République
7
Arabie saoudite
Iran
populaire de Chine (Harbin, Urumqi, Kunming, etc.).
8
Italie
L’essor du commerce transfrontalier est le déclencheur
9
Algérie
d’une internationalisation par étapes de Yiwu qui se confirme
10
Canada
au cours des années 2000 puisque 55 % des exportations sont
Source : http://www.chinafair.com (pour 2002) et
destinées à un immense marché constitué de 215 pays8. Le
http://en.onccc.com (pour 2009). Selon les mêmes
tableau 1 montre que les principales destinations ne sont plus
sources, en 2009, les dix premiers pays
seulement des États voisins de la Chine et que dès 2002 il
participeraient à hauteur de 52 % des exportations
depuis Yiwu dont 17 % pour les États-Unis et 7 %
existait une orientation forte vers les marchés émergents de
pour les Émirats arabes unis.
l’Europe orientale (Russie en 2e et Ukraine en 5e position) et
du golfe Arabo-Persique (Émirats arabes unis en 1re position et Arabie saoudite en 7e)9.
Cette tendance est confirmée en 2009 malgré une ventilation géographique plus ouverte
en direction de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Les mondes arabes et musulmans
sont des destinations majeures des exportations depuis Yiwu.
Yiwu à la source des routes commerçantes transnationales
des mondes musulmans
L’après-11 septembre 2001 constitue une étape importante dans la banalisation de
la destination chinoise comme source d’approvisionnement des négociants musulmans
qui, jusque alors fréquentaient les places marchandes nord-américaines et européennes.
La réorientation vers la Chine des réseaux commerçants transnationaux, sensible
depuis la fin des années 1980, doit surtout à la conjonction de décisions politiques à
divers échelons et de mutations économiques et géopolitiques aux conséquences globales.
C’est à la faveur de ce contexte que se dessinent des routes commerçantes qui relient différents mondes musulmans jusque-là peu reliés entre eux. Deux marchés s’ouvrent alors
en quelques années aux importations de produits chinois.
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L’après-11 septembre 2001 constitue d’évidence une étape cruciale dans la
banalisation de la destination chinoise comme source d’approvisionnement des
négociants musulmans qui fréquentaient les places marchandes nord-américaines,
méditerranéennes, européennes et du golfe Arabo-Persique.
Cependant, les exportations de la République populaire de Chine en direction
des mondes arabes et musulmans augmentent de manière significative depuis la fin
des années 1980. La conjoncture géopolitique a alors joué à plein. Les événements de
Tiananmen et les sanctions imposées par l’Union européenne et les États-Unis à
l’encontre de la Chine ont conduit les autorités de Pékin, entre 1989 et 199210, à
prospecter de nouveaux marchés afin de proposer les produits sortis de ses usines,
notamment des armes, à des prix compétitifs, mais aussi à signer des contrats dans le
bâtiment et les travaux publics. Le marché est tellement prometteur que, dès 1990,
l’Arabie saoudite rompt ses relations diplomatiques et commerciales avec Taïwan
pour signer plusieurs accords de coopération avec la Chine (Gladney, 1994). En
Égypte, les importateurs du Caire sont démarchés par la Chambre de commerce
chinoise afin d’aller visiter la région industrielle du Delta de la rivière des Perles11.
Les quelque vingt millions de musulmans chinois jouent alors un rôle déterminant
dans les relations naissantes entre la République populaire et les États à population
musulmane (Gladney, 1994).
Les relations s’intensifient surtout grâce la demande croissante en produits de
consommation courante, elles sont impulsées par le quadruplement des prix du pétrole
entre 2002 et 2008. En 2005, la Chine compte parmi les quatre principaux partenaires
à l’importation de 9 des 19 pays de la zone Afrique du Nord et Moyen-Orient (le
Middle East and North Africa, MENA ), se situant en première position au Soudan et
aux Émirats arabes unis (EAU) et en seconde position en Iran et en Jordanie.
Deux États sont à distinguer : l’Arabie saoudite où la part des importations chinoises
double entre 2000 et 2005 (de 3,6 à 7,2 %) et les Émirats arabes unis où elles font un
bond de 320 % durant la même période (Habibi, 2006).
137 Olivier Pliez
9. La compilation de
statistiques éparses sur
divers sites Internet,
restituant notamment
les chiffres des douanes
de la préfecture de Jinhua
dont dépend Yiwu, à
différentes dates, nous
conduit à considérer
ces données comme
des instantanés, tant
la recherche de nouveaux
marchés modifie
régulièrement
la ventilation
des exportations de Yiwu.
10. Année de
la reconnaissance
officielle de l’État d’Israël
par la République
populaire de Chine.
11. Propos collectés lors
d’une enquête menée au
Caire en juillet 2007.
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Relations au beau fixe entre la Chine et les mondes musulmans
Deux débouchés s’ouvrent en quelques années aux importations de produits
chinois, l’un frontalier (notamment vers l’Asie centrale) et l’autre plus lointain, entre
Méditerranée et Afrique, qui s’organise autour de places marchandes transnationales
depuis une trentaine d’années.
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Dans la continuité des logiques d’échanges frontaliers, le démantèlement de
l’URSS et l’accession à l’indépendance des républiques d’Asie centrale (1991)
ouvraient de nouveaux débouchés commerciaux et une continuité territoriale de la
Chine en direction du Moyen et du Proche-Orient.
Le Xinjiang, région autonome de peuplement dominant de l’ethnie turcophone et
musulmane ouïgour, très excentrée au sein du territoire chinois, se trouve alors en position
géographique stratégique. Cette position est propice au développement de liens commerciaux qui prennent de l’ampleur durant les années 1990 grâce à l’ouverture de
nouvelles routes aériennes, terrestres ou ferroviaires avec ses voisins d’Asie centrale,
du Pakistan, de Russie mais aussi avec Istanbul (Gladney, 1994) et Sharjah (EAU).
Dès 1993, 400 000 commerçants d’Asie centrale se rendent à Urumqi (Thorez, 2008).
Les marchés de la capitale provinciale deviennent de véritables antennes d’exportation
de Yiwu (Chow, 2003) qu’approvisionnent deux types d’acteurs : des industriels de
Yiwu mais aussi des commerçants ouïgours qui achètent pour réexporter et, dans leur
sillage, des fabricants locaux investissent le créneau de la vente des articles musulmans.
Ils attirent une clientèle internationale, dont plusieurs dizaines de milliers de Pakistanais,
qui se rendent chaque année à Urumqi pour pratiquer tourisme et shopping. Ce premier
appareil commercial est désormais complété par des zones spéciales de commerce
frontalier avec le Kazakhstan (Viller, 2007), le Kirghizistan et le Tadjikistan (Thorez,
2008) et même une nouvelle « International Trade City » à Kashgar, ville chinoise au
croisement des routes vers le Kirghizstan, l’Afghanistan et le Pakistan 12 dont
1 200 commerçants sont présents à Yiwu dans près de 200 sociétés commerciales13.
De marchés en entrepôts, les réseaux transfrontaliers de Yiwu se tissent via les villes
du territoire chinois.
La route des comptoirs méditerranéens
12. Voir « Double
Opportunity in China’s Far
West », du 30 août 2006.
http://www.skyscrapercity.
com/showthread.php?t=38
9084
13. « China’s Yiwu city
emerges hub of Sino-Pak
trade », Associated Press
of Pakistan, Pékin,
5 février 2006. Voir à
l’adresse :
http://www.newagebd.com
/2006/feb/05/busi.html#15
Un deuxième réseau, principalement animé par des commerçants arabes, prend sa
source entre les deux rives de la Méditerranée. On peut aujourd’hui esquisser une
chronologie des navettes qu’effectuent les Maghrébins dans les places marchandes.
Dans les années 1980, ils sont nombreux à s’approvisionner dans les ports de
l’ancienne métropole française (Marseille) et des États voisins (Barcelone, Gênes). La
figure du « trabendiste » chargé de cabas se dessine alors (Tarrius, 2002 ; Peraldi, 2007).
Au début des années 1990, les destinations se diversifient avec des flux plus denses en
direction d’Istanbul, où les Maghrébins croisent des ressortissants de l’ex-bloc soviétique,
mais aussi vers le Moyen-Orient et le Golfe où ils côtoient des circulants asiatiques et
africains, notamment les commerçants-pèlerins (Bennafla, 2002), et vers l’Asie du SudEst avec des places comme Bangkok (Marchal, 2007). La crise financière asiatique de
1997, la rétrocession de Hong Kong en 1999 conduisent de nombreux commerçants
aux portes de la Chine d’où ils peuvent prospecter les régions industrielles côtières.
L’adhésion de la République populaire de Chine à l’Organisation mondiale du commerce en 2001 fait pencher le centre de gravité des places d’approvisionnement vers la
© L’Espace géographique 138
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Le boom du commerce frontalier après la chute de l’URSS
Chine, à Guangzhou d’abord, puis à Yiwu à partir de 2002 (Bertoncello et al., 2009)
dont la réputation d’offrir un accès direct à l’achat de menus articles aux prix les plus
compétitifs se diffuse au sein de cette corporation cosmopolite.
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C’est à Dubaï que c’est en partie fabriquée Yiwu comme carrefour commercial
pour des musulmans du monde arabe, du continent africain et du Moyen-Orient.
Les entrepreneurs de Dubaï ont développé la fonction d’importation et de
réexportation depuis l’Asie pour « répondre au besoin des pays environnants de
disposer d’un sas de communication avec le monde extérieur » (Lavergne, 2002),
d’abord à une échelle régionale (Golfe, Iran, Iraq notamment) puis à une échelle
transcontinentale (monde arabe et Afrique). Ce rayonnement s’est accompagné de
la multiplication des liens avec les principaux districts industriels de Chine et
l’implantation d’un nombre croissant de sociétés commerciales émiraties à Yiwu et
dans d’autres villes comptoirs du Sud-Est asiatique afin de démarcher les marchés
de gros en voie d’internationalisation (Bertoncello et al., 2009).
Les États du Golfe, importateurs de main-d’œuvre et de marchandises, sont aussi des
lieux d’occasions et de rencontres pour des entrepreneurs-migrants. Un importateur algérien, devenu restaurateur à Yiwu, qui a fait ses premiers pas dans le négoce en portant des
cabas depuis Istanbul, est frappé lorsqu’il découvre Dubaï: «Là, en voyant les Émiratis, les
Iraniens, avec mes amis, on s’est rendu compte qu’on n’était pas encore à la source, en
Chine ». Khaled, restaurateur libanais, fait la même découverte alors qu’il cuisine au
Koweït, et que des amis commerçants le convainquent d’aller investir en Chine car les
gains y sont plus rapides. Saad, un autre Algérien de Sétif, détaille cette progression vers la
destination chinoise dans sa trajectoire. En 1992, le commerce privé décolle en Algérie et
il se lance dans l’importation de marchandises depuis la France puis l’Europe de l’Est
afin d’alimenter le «marché Dubaï» d’El Eulma, près de Sétif, dont l’aire de chalandise
est nationale aux dires des commerçants. Mais après Dubaï et le Qatar viennent les
années 2000 et la montée en puissance des importations chinoises. Un de ses amis lui dit
que «c’est la source de tous les produits. On quitte le Golfe pour partir plus à l’est, à la
source». Saad suit ses amis, découvre Yiwu et s’y rend depuis, tous les deux mois, pour
prospecter les marchés de Yiwu et vérifier les commandes avec son transitaire chinois.
À partir des années 2000, les échanges s’intensifient entre les opérateurs de Yiwu
et de Dubaï, d’une part, et de Yiwu et du Xinjiang, d’autre part, qui deviennent de
véritables interfaces entre les mondes musulmans et la Chine. De nombreux petits
importateurs tentent néanmoins de les contourner en se rendant directement dans la
ville commerciale chinoise.
Hospitalité à destination des visiteurs musulmans
Yiwu développe en effet une offre attractive pour le plus grand nombre de négociants, ce que synthétise un importateur algérien14 : « À la différence des foires, dont la
plus célèbre est Guangzhou, à Yiwu les prix sont plus bas, les produits plus nombreux
et tout est regroupé dans le même marché ». Les marchés de Yiwu, ouverts 364 jours
par an, rompent ainsi avec le calendrier chinois des foires internationales15 des premières années de l’ouverture qui rythmait les visites des négociants. De plus, « après
dix ans d’importations en masse, les Algériens avaient beaucoup acheté. On passait des
139 Olivier Pliez
14. Entretien mené à Yiwu
en août 2009.
15. Les négociants se
tiennent informés de ces
calendriers sur des sites
comme
http://www.aboutchinafair.
com ou
http://www.alibaba.com/
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Dubaï, contournée mais incontournable
gros coups aux créneaux. Et à Yiwu, on pouvait faire des conteneurs avec plusieurs
produits ». Face aux premiers signes de la saturation des marchés nationaux en biens
de consommation courante, fournisseurs et importateurs doivent faire évoluer les
conditions de l’offre et de l’écoulement des produits.
Or la force et l’ancienneté des liens entre Yiwu et les pays arabes se traduisent
désormais par la présence croissante de résidants dont on estime le nombre à 3 500
sur un total de 8 000 à 10 000 étrangers installés sur place16. Yiwu n’est, par ailleurs,
pas seulement fréquentée par des Arabes mais aussi par des musulmans non arabes du
monde entier. Une telle présence numérique a un impact visible sur la ville qui se
matérialise par des conditions d’hospitalité spécifiques.
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16. Source : magazine
mensuel As-sin al yowm
(version arabe de China
Today, décembre 2006).
17. Les Hui, près de
10 millions, comptent
pour la moitié
des musulmans chinois.
18. source :
http://www.onccc.com/,
site officiel du Zhejiang
China Small Commodities
City Group.
19. San Mao Chu (district
économique no 3) est le
nom de la circonscription
administrative sur laquelle
s’est formé ce quartier et
Maedah en arabe
égyptien (la table en
français) est
le nom sinisé du premier
restaurant arabe de
la ville. L’un et l’autre
toponymes sont utilisés
par les Chinois et
les visiteurs étrangers afin
de désigner ce quartier.
Les articles religieux sont des articles parmi d’autres dans les divers marchés de
Yiwu (fig. 2). À l’intérieur du Centre du commerce international, les deuxième et
troisième étages des halls 1 et 2, consacrés à l’exposition de bijoux et d’objets décoratifs,
leur consacrent une large place (chapelets, tapis de prière, portes-clés, etc.). Les passages
du Coran sur divers supports voisinent alors avec d’autres objets à l’effigie des papes
catholiques, de Bouddha ou de divinités indiennes. Dans le quartier des boutiques d’art
et d’artisanat où sont regroupés une centaine de boutiques d’usines, seules une dizaine
expose des tableaux représentant des versets du Coran, mais toutes en proposent sur le
catalogue; de même, dans le secteur consacré à la verrerie le principal objet exposé est le
narghilé.
C’est dans un petit périmètre, entre les rues 6, 8 et Chouzhou, au cœur même
du quartier des restaurants arabes, que quelques rues concentrent 18 boutiques spécialisées dans la vente d’articles religieux musulmans (fig. 3). Les vêtements, pendentifs
ou chapelets y occupent l’essentiel des rayons. Ningxia, la province à populations hui17
dominante, affiche son identité confessionnelle dans une boutique qui propose de la
nourriture halal sous forme de surgelés ou de produits secs ainsi conditionnés pour être
expédiés vers le monde entier.
La prépondérance numérique des importateurs ou intermédiaires musulmans qui
fréquentent Yiwu a entraîné le développement de créneaux de produits spécifiques qui
font d’eux des clients à part au sein des marchés de la ville. Ce sont majoritairement des
hommes qui viennent seuls ou en petits collectifs et déambulent avec leur traducteuracheteur local, souvent une jeune chinoise polyglotte employée d’une société de marché,
pour traiter directement sur place avec en main le nom de fournisseurs potentiels et du
quartier où ils pourront séjourner.
Exotic Street, visibilité ambiguë du quartier arabe
Dans le centre de Yiwu, un îlot urbain est signalé par des panneaux en anglais qui
le désignent sous le nom d’Exotic Street ; un lieu qui « produirait de la mondialisation »
et regroupe « 180 restaurants, chinois ou exotiques »18. Le plus grand de ces panneaux,
sous forme de mosaïque, regroupe des enseignes de restaurants et loisirs, dont un seul,
al aqsa, renvoie à l’origine arabe de la majorité des restaurants. Ce quartier continue
pourtant d’être nommé San Mao Chu ou Maedah19 par ceux qui fréquentent Yiwu ou y
résident. Il s’agit d’un véritable point de repère dans le centre de l’agglomération, où les
commerçants musulmans se retrouvent en soirée, une fois que le Centre commercial
international a fermé ses portes. San Mao Chu répond en effet d’abord à la nécessité
© L’Espace géographique 140
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Shopping musulman à travers les marchés de gros
Jardin public
ren
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nord d
Rue du
Marché piétonnier et nocturne
Marché de
Binwang
Périmètre d’Exotic Street
Restaurant musulman
Rue 3
Hôtel
Marché de
Binwang
Salon de massages
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Boutique
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Conception : O. Pliez, 2009.
Sources : fond de carte de Google Earth
et relevés de terrain, août 2009.
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Fig. 3/ Exotic Street, mise en image touristique d’un quartier de restaurateurs musulmans
pour les commerçants musulmans de trouver de la nourriture halal, c’est-à-dire
conforme aux préceptes religieux de l’islam, surtout dans un pays où les problèmes de
communication linguistique sont particulièrement aigus. Il répond aussi à l’attente de
visiteurs qui ne séjournent à Yiwu que 48 à 72 heures, pour affaires, et sont en demande
de repères fixes.
Adossé au premier grand marché de Yiwu, Binwang, ce quartier créé en 1995, est
devenu à partir des années 2000, le quartier des restaurants arabes. Les Égyptiens ont
fait figure de pionniers, en ouvrant le restaurant Maedah, le long de la rue Chouzhou,
l’un des grands axes transversaux de Yiwu dans le prolongement duquel sera créé le
centre commercial international. Puis, au rythme de l’internationalisation croissante de
Yiwu, de nombreux restaurants ont ouvert sur l’avenue principale mais aussi dans les
rues adjacentes. Au milieu des années 2000, San Mao Chu est un repère connu des
négociants du Maroc à l’Asie centrale dont le majestueux restaurant syrien, Alf leila wa
leila (Mille et une nuits), marque l’entrée. On y recense aujourd’hui 32 restaurants qui
s’affichent comme musulmans servant de la nourriture halal.
Les étrangers ne peuvent pas devenir propriétaires. Ils louent les locaux à des
Chinois sous forme de bail annuel dont le renouvellement exige des négociations longues
et des dessous-de-table considérables. La plupart de ceux qui se lancent dans la restauration ne restent que trois ans avant de passer la main. Ils construisent ou rénovent
le restaurant puis négocient, officieusement, sa cession selon le chiffre d’affaires, l’état
et la réputation des lieux. Le succès de Yiwu auprès d’une clientèle internationale
datant de 2002, les restaurateurs actuels forment donc déjà la 2e ou 3e génération
dans le quartier. Cette rotation rapide a plusieurs conséquences. D’abord, le succès
des restaurants est proportionnel à la fréquentation de Yiwu par les commerçants.
141 Olivier Pliez
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Santing Road
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20. Selon les entretiens
menés en 2006 et 2009
auprès d’une vingtaine
de restaurateurs.
21. Propos recueillis à
Yiwu en 2006.
Des niches d’emploi pour les migrants musulmans chinois
Les stratégies des Hui du Ningxia, très présents à Yiwu, illustrent bien les effets
d’entraînement de l’orientation confessionnelle du marché. Les femmes travaillent
souvent dans les restaurants arabes car « on est obligé d’embaucher des Chinois »21,
© L’Espace géographique 142
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Leur nombre étant en expansion, les restaurants se multiplient, en jouant sur un
affichage à la fois confessionnel – (nourriture halal et tableaux religieux aux murs),
ethnique – (arabes mais aussi musulmans chinois (7), indiens ou pakistanais) et par
nationalités – égyptienne (7), irakienne (5) et syrienne (4) pour les plus présentes,
puis yéménite, algérienne, etc.).
La seconde conséquence de cette rotation réside dans le développement de stratégies propres aux restaurateurs. On peut en distinguer quatre principales20. Une première
stratégie vise à renforcer sa position dans le commerce. C’est par exemple le cas d’un
restaurateur algérien qui, après plusieurs années dans l’importation, connaît bien Yiwu
tout en étant solidement ancré sur la place marchande de rayonnement national
d’El Eulma en Algérie. En résidant à Yiwu, il permet à d’autres compatriotes de
s’appuyer sur ses services lorsqu’ils effectuent des transactions à distance. Une
deuxième stratégie est celle du redéploiement local, cas de ces négociateurs syriens
qui, tout en maintenant leurs bureaux de services aux importateurs, ouvrent aussi un
restaurant et parfois un hôtel ou une boutique. Une troisième piste s’offre aux
employés de restaurants, généralement égyptiens du delta du Nil, qui sont venus à
Yiwu à la sollicitation d’un gérant et, après quelques années, s’associent à deux ou
trois afin d’ouvrir leur propre restaurant. Enfin, l’achat de restaurants constitue une
niche économique particulièrement lucrative pour ceux qui peuvent spéculer sur le foncier comme Saber, et son frère Ahmed, cairotes, qui tiennent un restaurant égyptien.
Saber a vécu et travaillé en Hollande dans les années 1980. Puis il rentre en Égypte et
grâce au pécule qu’il a constitué, il se lance dans l’importation depuis Dubaï puis la
Chine. Le commerce prenant de l’ampleur, les deux frères se répartissent le travail :
Saber reste au Caire pour s’occuper de la réception et de la vente des produits importés
pendant que son frère fait la navette, passant d’un marché à l’autre, jusqu’à découvrir
Yiwu au début des années 2000. Il y constate que la forte présence arabe s’accompagne
d’un essor rapide de la restauration. Les deux frères abandonnent le commerce et se
consacrent à temps plein à cette activité. Ils acquièrent un fonds de commerce à Yiwu
car « la restauration rapporte plus que les affaires », mais ils se rendent vite compte que la
spéculation rapporte plus que la restauration. Le succès de Yiwu entraîne en effet une
flambée des prix de l’immobilier. Ils revendent ce restaurant afin d’en acheter un plus
gros et font venir deux employés égyptiens qui pilotent une équipe de Chinois musulmans. Le marché est toujours favorable et Saber passe à un troisième restaurant. D’ici
deux à trois ans, les deux frères pensent que les prix auront suffisamment augmenté
pour pouvoir opérer une belle revente avant de se lancer dans la restauration en Égypte.
Le district économique no 3 laisse place à une double dénomination : Exotic Street
ou Maedah. Les deux toponymes désignent le même quartier : l’un à l’initiative des
autorités municipales qui tentent de créer un quartier touristique cosmopolite dévolu
aux loisirs et l’autre qui relève de la production locale des enclaves urbaines transnationales. À l’intersection de ces logiques, l’Exotic Street fixe dans la durée une enclave
de loisirs sino-étrangère dont les restaurants arabes sont la modalité dominante depuis
2002.
Conclusion : Yiwu, une place marchande transnationale
Yiwu donne à voir la géographie discrète des réseaux que tissent des milliers
d’acteurs qui construisent de véritables routes, en composant avec les barrières protectionnistes, les frontières ou les législations afin de maintenir la fluidité des
échanges. Saisir la complexité de ces réseaux passe par un travail d’identification et de
désimbrication de leurs contenus, faits de solidarités confessionnelles, de référents
culturels et de logiques économiques de la mondialisation par le bas.
Ces réseaux discrets se matérialisent dans un lieu aussi anodin que l’Exotic
Street de Yiwu où des restaurateurs arabes, aidés par des employés chinois musulmans,
nourrissent des négociants pressés et leur proposent un lieu d’échange, de sociabilité et
de négociation. Apparemment, une « continuité musulmane » se dessine. Est-ce à dire
que « la rue musulmane est partout » ? (« The muslim street is everywhere »), comme le
suggère Abdoumaliq Simone (2007) en décrivant le quartier de Soi Sukhumvit 3 à
Bangkok ?
San Mao Chu à Yiwu fonctionne comme une enclave commerciale dont les
exemples historiques abondent, depuis les comptoirs maritimes de la Méditerranée
antique et ceux qui ponctuaient les routes caravanières médiévales transsahariennes
ou de la Soie. De tels quartiers se multiplient aujourd’hui dans toute l’Asie orientale
industrielle et sont reliés à d’autres quartiers du même type, dans le monde arabe
(Pliez, 2007). « L’enclave arabe » à forte tonalité confessionnelle n’en est cependant
qu’une parmi d’autres au sein de la ville qui reflète la forte réactivité des acteurs qui
143 Olivier Pliez
22. Par exemple : « More
people from China’s major
Muslim region work with
Arabic ». Xinhua New
Agency du 1er février 2006
ou lire l’article de
Tim Johnson, « For some
Chinese Muslims,
knowledge of Arabic
translates into
opportunity ». Islam for
Today, écrit le
5 septembre 2006
(http://www.islamfortoday.
com/china01.htm, accédé
le 24 février 2010).
23. Source : la compilation
d’articles de la presse
internationale ou chinoise
anglophone croisés avec
des entretiens sur place
avec des traducteurs hui
du Ningxia.
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précise un employé de salle égyptien. Les diplômés de ce groupe, en revanche, ont
trouvé une niche commerciale très rémunératrice dans la traduction entre les langues
arabe et chinoise.
Dans un contexte favorable à l’offre de services, les salaires sont particulièrement
attractifs : de 2 500 à 25 000 dollars par an, souvent près de dix ans de revenus de leurs
familles vivant dans l’une des régions les plus pauvres de Chine. Un de ces traducteurs
explique qu’à la fin de ses études secondaires, son oncle, traducteur arabe-chinois à
Yiwu, le convainc de visiter la ville et d’apprendre la langue arabe. « Lorsque je suis
venu, précise-t-il, j’ai retrouvé des amis d’enfance qui étaient interprètes. Je me suis
aussi rendu compte que les commerçants venaient du monde entier. J’ai donc décidé
d’apprendre l’anglais. ». Il passe quatre ans à l’université et depuis un an et demi, vit
chez son oncle à Yiwu ; dans un premier temps, il donne des cours de chinois en entreprise avant de travailler avec un acheteur français. Dans le Ningxia, les écoles de langue
arabe se multiplient22 pour répondre à la double demande des sociétés chinoises qui
investissent les marchés des pays arabes et des bureaux de services (accompagnement,
traduction, dédouanement) qui se multiplient dans les places commerçantes de Chine,
fréquentées par les commerçants arabes. On estime que 2 000 interprètes ont investi
cette niche, essentiellement à Yiwu (700 à 1 500) et à Guangzhou (entre 300 et 2 000)
mais aussi dans d’autres villes commerciales du Zhejiang et du Fujian23.
Ainsi, si Yiwu attire l’un des plus forts contingents de migrants de l’intérieur
(au moins 100 000 en 2008 qui cherchent à s’employer dans les ateliers de fabrication), la migration de Chinois musulmans, originaires du Ningxia et du Xinjiang,
fait plus particulièrement écho à la fonction d’accueil des négociants musulmans
dans la ville.
Références
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© L’Espace géographique 144
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participent à sa fabrication en lien avec l’évolution rapide des échanges commerciaux.
D’autres commerçants étaient là avant (États-Unis), d’autres, déjà, s’installent (les
Africains précédemment installés à Guangzhou).
Rien de spontané ni d’essentialiste donc, dans cette rue de l’hospitalité musulmane.
Au contraire, c’est l’expression des interactions subtiles qui se jouent à plusieurs niveaux:
l’État chinois qui accompagne et stimule les exportations de produits sortant des usines
nationales ; des collectivités locales concurrentes qui tentent d’ouvrir des marchés
internationaux en facilitant l’accès à leurs tissus industriels locaux ou régionaux hérités
de la période socialiste aux petits et moyens importateurs du monde entier ; des acheteurs, enfin, à la recherche de la meilleure équation entre bas prix et fluidité des
échanges. L’instrumentalisation d’images qui fédèrent des marchands venant de divers
horizons est aussi très présente lorsque, à l’autre bout de ces routes marchandes, les
autorités turques vantent la « turcité » retrouvée comme ciment ethnique le long des
routes marchandes qui courent de la Chine à Istanbul (Thorez, 2008).
Rien d’irréversible non plus. Le glissement vers l’est des places marchandes
fréquentées par les petits importateurs de la mondialisation par le bas, depuis la
Méditerranée jusque vers la Chine, via Istanbul, Dubaï, Bangkok et Hong Kong a
laissé à chaque étape un capital social fait de pratiques, savoir-faire, compétences
des multiples acteurs impliqués – qu’ils soient grossistes, fabricants, intermédiaires
ou migrants. Il reste aussi une politique active des acteurs publics, des collectivités
locales aux États qui, via des orientations économiques ou des infrastructures
commerciales ou de transports, facilitent les conditions du négoce. La concurrence
entre les places marchandes de la mondialisation par le bas est vive et la reconversion
touristique de l’Exotic Street illustre l’attention désormais portée aux conditions de
l’hospitalité des visiteurs.
145 Olivier Pliez
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