Priorité à droite : règle absolue ?

Transcription

Priorité à droite : règle absolue ?
AVEC
Priorité à droite :
règle absolue ?
La priorité à droite est une règle
de circulation connue de tous.
Ses limites le sont bien moins.
S
elon l’article R415-5 du
Code de la route, “lorsque
deux conducteurs abordent
une intersection par des routes différentes, le conducteur venant par la
gauche est tenu de céder le passage à
l’autre conducteur, sauf dispositions
différentes prévues au présent livre”.
L’abus de priorité
Justement, le même Code édicte
que : “Tout conducteur s’approchant
d’une intersection de routes doit vérifier que la chaussée qu’il va croiser
est libre, circuler à allure d’autant
plus modérée que les conditions de
visibilité sont moins bonnes et, en cas
de nécessité, annoncer son approche.”
La Cour de cassation a d’ailleurs
rappelé en la matière que le
droit de priorité ne dispense
pas son titulaire de respecter
les autres règles du Code et
notamment la plus générale :
l’obligation de prudence (Cass.,
civ., 2e, 9 novembre 1996). Ainsi,
un conducteur bénéficiaire
de la priorité à droite, mais
débouchant sans vérifier qu’il
peut le faire sans risque (par
exemple sans avoir regardé sur
sa gauche) commet un abus de
priorité. De même, le titulaire
du droit de priorité peut se voir
reprocher un excès de vitesse
incompatible avec l’obligation de
prudence (CA Paris, 7 novembre
1972). Si, dans le premier cas,
l’abus de priorité sera difficile
à établir sans témoignage ou
vidéosurveillance, dans le second
rapports de police ou d’expert
peuvent suffire.
La renonciation à la priorité
Si la jurisprudence n’admet
pas que le seul fait pour le
prioritaire de marquer l’arrêt à
l’entrée d’un carrefour constitue
une renonciation à son droit de
priorité (règle de prudence),
elle l’établit en revanche lorsque
l’arrêt est prolongé. Par ce délai
le prioritaire peut en effet faire
naître un doute dans l’esprit
des autres automobilistes quant
à sa volonté de s’engager dans
l’intersection. En cas d’accident,
les responsabilités seraient alors
partagées (Civ., 2e, 31 janvier
1968).
Le giratoire, les
voies privées
Les automobilistes empruntant
un giratoire bénéficient d’une
priorité circulaire. La priorité
à droite ne s’applique donc pas
ARTICLE PARU DANS AUTO MOTO N° 204, OCTOBRE 2012
pour les v­ éhicules entrant dans
un carrefour à sens giratoire.
Attention à ne pas confondre
avec un rond-point (type place
de l’Etoile à Paris) où la priorité
à droite continue de s’appliquer.
Par ailleurs, l’article R.415-9
précise qu’un conducteur qui
débouche sur une route à partir
d’un accès non ouvert à la circulation publique, d’un chemin de
terre ou d’une aire de stationnement doit céder le passage aux
autres véhicules. Attention toutefois, la priorité à droite continue
de s’appliquer dans les zones de
­circulation desservant les aires
de stationnement du parking
privé d’un centre commercial
(Cass. crim., 22 octobre 1980).
Enfin, la priorité joue également
à l’intersection de deux routes
même presque parallèles à partir
du moment où les trajectoires
des véhicules se coupent, quel
que soit l’angle formé. Il en est
par exemple ainsi de la voie
d’accès au périphérique parisien
et au croisement d’une voie centrale et de sa contre-allée desservant des places de stationnement
(Civ. 2e, 14 décembre 2000).
Enfin, même si la piste cyclable
n’est pas considérée comme une
route, mais comme une voie de
la chaussée qu’elle longe, l’automobiliste qui tourne à droite
doit céder la priorité au cycliste
qui vient de son dos, donc de
son côté droit (décret du 30 juillet 2008). l
PAR M. LESAGE
(Avocat, membre de la commission juridique de 40 Millions
d’automobilistes.)
À S AV O I R
LA SANCTION DU REFUS
DE PRIORITÉ
Ne pas céder le passage à
un v
­ éhicule bénéficiant d’une
priorité à droite est passible
d’une contravention de
4e classe (amende forfaitaire
de 135 €), d’une suspension
de permis pouvant aller
jusqu’à trois ans et d’une
perte de 4 points. A noter
que l’obtention d’un “permis
blanc” reste possible pour
cette infraction, limitant ainsi
la suspension à la conduite
en dehors de l’activité
professionnelle.