Statut du travail des personnes détenues

Transcription

Statut du travail des personnes détenues
La question du statut du travail des personnes détenues :
Le point sur la situation actuelle
Propositions d’aménagement et recommandations de l’ANVP
La problématique et le statut du travail en prison font l’objet de la préoccupation des visiteurs de prison depuis
de nombreuses années. Ils sont directement concernés par cette question, s’agissant de l’application concrète
de l’Article 1er des statuts de l’association : « L’ANVP a pour but d’aider moralement et matériellement les
personnes incarcérées… pendant la période de détention ».
Nous intervenons en détention auprès des personnes détenues, au service et au bénéfice de la société. Ceci
nous autorise à faire des propositions et des recommandations sur le statut du travail carcéral. Notre Conseil
d’Administration a entamé une réflexion qui aboutit aux propositions et recommandations exposées plus loin.
Obtenir un poste de travail en prison est difficile, et constitue un véritable privilège, parfois même une
récompense : Environ 25 000 personnes détenues ont eu une activité rémunérée pendant leur détention en
2011 selon les données de l’Administration Pénitentiaire (AP), sur environ 65 000 personnes sous écrou.
Cependant, ces chiffres ne semblent pas fiables. En effet, le rapport du CGLPL de 2010 ramène de 24 001
travailleurs en milieu carcéral déclaré par l’AP à 17 497 personnes rémunérées au titre d’un travail en
détention, soit 27,7% des 63 000 personnes détenues en 2010.
Comment expliquer et justifier que ces travailleurs détenus soient exclus du champ de la plupart des
dispositions du Droit du travail en 2013 en France ?
Une fois de plus se pose la question de l’extension du régime commun du Droit du travail aux personnes
détenues, suite à un récent jugement prud’homal en première instance, d’une part, et à une question prioritaire
de constitutionnalité (QPC) récemment posée à la Cour de Cassation, d’autre part. Cette Cour a depuis déposé
deux saisines devant le Conseil Constitutionnel (20 Mars 2013).
Il est probable que cette question va évoluer, en termes de droit et de règlement, dans les prochains mois.
Une analyse objective de la situation peut soulever l’indignation, à plus d’un titre. Mais la réalité économique
nationale, le dénuement de la plupart des personnes détenues, la spécificité des contraintes carcérales et
sécuritaires et l’exemple italien, (qui a introduit le Droit du Travail courant en milieu carcéral avec pour
conséquence la cessation de toute activité donnée par les entreprises extérieures), peuvent conduire à
relativiser l’aspiration à appliquer aux personnes détenues le droit du travail.
L’intérêt des personnes détenues est à prendre largement en compte, pour ce qui concerne les possibilités de
travailler et de percevoir une rémunération, de préparer une éventuelle réinsertion professionnelle et de
constituer un dossier favorable en vue d’une libération conditionnelle anticipée. Or, l’application
« stricto sensu » du droit du travail est impossible en pratique, car les conditions du travail pénitentiaire sont
bien différentes de ce qu’elles peuvent être à l’extérieur. De plus, cela conduirait assurément à retirer aux
personnes détenues l’offre de travail venant d’entreprises privées, en raison de l’augmentation significative
des coûts directs et indirects induits. Cela ruinerait la compétitivité actuelle relativement favorable aux
établissements pénitentiaires par rapport aux entreprises privées.
Il est indéniable, enfin, que les offres de travail en prison sont en relation directe avec l’activité économique (+
24 % entre 1997 et 2000, période de croissance, - 16 % entre 2001 et 2005, période de décroissance).
Les destinataires de cette réflexion, effectuée dans le cadre de l’ANVP, sont certes les visiteurs et l’ensemble des
membres de l’association, mais aussi et surtout toutes associations, organismes et personnes concernés par la
problématique du travail en prison. Et bien sûr les élus et les médias, seuls à pouvoir vraiment faire évoluer ces
situations.
1 bis, rue de Paradis 75010 Paris – Tél. 01 55 33 51 25 – Fax 09 55 23 09 38 – Courriel : [email protected] - Site Internet : www.anvp.org
Association reconnue d’utilité publique (décret du 9 mai 1951) et agréée Jeunesse et Éducation populaire (arrêté du 30 avril 2002)
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1- Aperçu de l’état du travail en prison :
Depuis 1987, les personnes détenues ne sont pas obligées de travailler. Seules les personnes condamnées
ont une obligation "d’activité" : formation, travail, enseignement … (art 27 de la loi pénitentiaire de
2009)
Pour ceux qui le souhaitent, l’offre de travail carcéral est constituée par :
 Le Service de l’Emploi Pénitentiaire (SEP) qui n’est présent que dans 24 établissements selon les
données de l’Observatoire International des Prisons (OIP). Il concerne 6% des emplois ;
 Les entreprises privées qui concluent des contrats de concession avec l’AP ou les groupements
privés. Elles concernent 46,5% des emplois ;
 Le Service Général (activités d’entretien et de fonctionnement des prisons). Il concerne 47,5%
des emplois.
Dans le « Guide du prisonnier » (Éditions OIP) :
 « Travailleur sans contrat, le détenu n’a droit à aucune indemnité en cas de chômage technique,
d’arrêt maladie ou d’accident du travail. Il ne peut prétendre au salaire minimum et ne peut se
prévaloir d’aucune forme d’expression collective ou de représentation syndicale. La majorité des
activités qui lui sont proposées sont des tâches sous-payées, répétitives et non qualifiantes ».
 « La loi pénitentiaire de 2009 n’a pas fait rentrer le travail carcéral dans le cadre de la législation
du travail ».
 Il existe actuellement un acte d’engagement signé entre le chef d’établissement et la personne
détenue. Mais qui, dans la pratique, reste flou et n’octroie au détenu aucun moyen de faire valoir
ses droits.
 En 1987, cette situation, hors du droit commun, a déjà été soulignée par le Conseil Économique et
Social, la qualifiant de zone de non droit du travail, avec des conséquences négatives pour les
personnes détenues.
 Les rémunérations et les prélèvements sociaux sont prévus par la loi pénitentiaire de 2009, avec
indexation sur le SMIC.
Dans les données de l’OIP :
 L’offre relative (proportionnellement au nombre de détenus) de travail carcéral est en baisse (en
2000: 37% de travailleurs, en 2010: 27,7%). Il convient de noter que cette réduction est
essentiellement due aux entreprises privées.
 En pratique, les taux de rémunération par rapport au SMIC seraient parfois minorés, ne respectant
pas la loi pénitentiaire et les décrets d’application. Selon le Service de l’Emploi Pénitentiaire et
rapporté par l’OIP, en 2010, la moyenne nette des rémunérations a été de 318 €/mois pour un
équivalent temps plein. Avec des moyennes de 239 € pour le service général, 375 € pour les
entreprises privées et 535 € pour le Service de l’Emploi Pénitentiaire.
 La perte d’emploi et le « déclassement » selon l’OIP, seraient utilisables comme moyen de
rétorsion, les recours étant complexes et sans effets, d’une façon générale.
Le rapport de la commission parlementaire du 29 juin 2000 avait (déjà) affirmé clairement : « L’absence
du respect du droit du travail ruine la conception du travail pénal comme outil d’insertion ».
Le rapport de Juillet 2002 du sénateur LORIDANT selon lequel toute activité donnée par les entreprises
extérieures a cessé dès que l’Italie a introduit le Droit du Travail courant en milieu carcéral, a un peu figé
à l’époque la situation de la réflexion en France.
Le rapport du jury de la Conférence de consensus sur la prévention de la récidive tenue à l’initiative de
Madame TAUBIRA (février 2013) précise : « Le jury a pu constater que le travail est un facteur puissant
de réinsertion et de prévention de la récidive. Concrètement, il conviendrait d’accroître sensiblement la
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part des personnes détenues qui travaillent et de revoir leur rémunération. Le droit du travail devrait
pouvoir être adapté au milieu carcéral. La personne détenue doit pouvoir être mise en capacité d’exercer
effectivement l’ensemble de ses droits sociaux. La privation de liberté ne doit pas justifier une restriction
dans l’exercice de droits dont la personne détenue reste titulaire ».
Et en recommandation : « Le jury recommande plus particulièrement d'adapter, dans la mesure du
possible, le droit du travail en milieu carcéral et de donner aux détenus l'accès aux droits sociaux. »
Le point de vue de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) :
La Commission d’Experts de l’OIT :
- espère le rapprochement des rémunérations entre celles de la prison et celles du secteur libre ;
- demande l’existence d’un contrat de travail adapté ;
- souhaite que la personne détenue soit reconnue comme un sujet de droit.
Le point de vue du Contrôleur Général des Lieux de Privation de la Liberté (CGLPL).
Extraits du rapport 2011 :
 Les relations au travail des personnes détenus sont contraintes et se situent dans un climat de
dépendance, due à la pénurie générale des qualifications, d’argent (indigence) et d’espace
(promiscuité), à des conflits entre détenus, à des trafics et pressions sur ceux qui travaillent ;
 La façon de gérer la détention souffre du manque de transparence, notamment pour les procédures
de classement et de déclassement (attribution ou suppression de l’emploi);
 Le travail est une variable d’ajustement (« encastrement du travail » dans la vie de la prison) dans
un temps très contraint, routinier et cadré ;
 La répartition du volume du travail est très hétérogène au sein de la prison ;
 On constate une déconnexion complète entre l’AP et le Ministère du Travail ;
 Il est souligné que des abus sont constatés, avec des situations défavorables pour les personnes
détenues;
 Concernant la rémunération, le même rapport précise que le taux de 20 à 45% du SMIC horaire,
initialement envisagé par la loi, reste largement inappliqué … (À noter que la plaignante
concernée par le jugement prud’homal du début Février 2013 percevait, selon
l’Expansion/l’Express, une rémunération de 2,2 € de l’heure). Le seuil minimum de rémunération
(SMR) fixé par l’administration pénitentiaire (4,03 € bruts de l’heure en 2011) « ne semble pas
être perçu comme un minimum, mais plutôt comme une moyenne "idéale" à atteindre … » 
 Ce rapport constate également que, selon un examen minutieux de l’Inspection Générale des
Finances rapporté par le CGLPL, « le travail pénitentiaire n’est pas rentable. Qu’est-ce que la
société est prête à payer par différence pour qu’il le soit ? Et qu’est-ce que cette société où le
droit ‘au travail’ s’oppose en prison au droit "du travail"? » (À noter que cette notion de
« rentabilité » n’est pas claire, en l’état).
 Le CGLPL préconise plusieurs circulaires sur la désignation des personnes classées (à qui l’on
offre un travail), sur son encadrement en cellule, sur les horaires et sur les modalités de calcul de
la cadence.
Le rapport d'information du Sénat sur le bilan d'évaluation de la loi pénitentiaire déposé le 4 juillet 2012
par Jean-René Lecerf et Nicole Borvo Cohen-Seat constate que l'emploi et la formation ne concernent
qu'une minorité de personnes détenues avec de grandes disparités entre les établissements. Le poids de la
situation économique actuelle sur le taux d'emploi de la population carcérale ne peut être sous estimé, de
même que le résultat décevant de la prospection d'entreprises concessionnaires par les gestionnaires
privés.
Enfin, le rapport déplore que la circulaire sur l'acte d'engagement soit encore "en cours de finalisation".
Le Colloque « Droit du travail en prison » tenu à Bordeaux les 11 et 12 avril 2013 :
Il a été relevé, en particulier, que si l’on reconnaît que le véritable décideur est une entreprise privée, il
sera nécessaire de créer un contrat « sui generis », en raison des difficultés d’adopter un contrat de droit
commun. Dans cette hypothèse, on pourra revenir sur les travaux préparatoires de la loi de 2009.
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D’autres études et textes divers, nous pouvons également retenir que :
 La relation juridique est absente entre l’entreprise et le travailleur détenu. C’est l’administration
qui est rémunérée par l’entreprise et qui paye les personnes détenues. Ces dernières sont soumises
au Code de Procédure Pénale (CPP), pas au Code du travail. Néanmoins, la Loi pénitentiaire de
2009 a prévu la signature d’un contrat d’engagement avec l’AP. Actuellement le seul contrat
existant est passé entre l’entreprise et l’administration.
 Les personnes détenues sont exclues du champ d’application des lois sociales, ce qui les exclut du
SMIC, des congés payés, de l’assurance-chômage, des activités syndicales, des procédures de
licenciement... Cependant, les règles d’hygiène et de sécurité s’appliquent. Le rapport
parlementaire de 2002 a présenté diverses propositions pour ajuster le droit commun au travail
carcéral. Elles n’ont guère été reprises par la loi pénitentiaire de 2009, au prétexte que les
obligations liées à l’état de détention priment.
 Dans les motifs de cette loi de 2009, il est rappelé qu’il existe une forte opposition du monde de
l’entreprise contre la création d’un contrat de travail spécifique pour les personnes détenues.
 Les droits à la retraite sont minorés, en raison de la faiblesse des revenus et de la non-validation
de certains trimestres (deux par année). Il existe un système dérogatoire prévu au Code de la
Sécurité Sociale (SS) s’appliquant en théorie à certains travailleurs détenus. En pratique, il ne
serait pas repris par les caisses de l’Assurance Vieillesse. (Rapport 2011 du CGLPL). Le montant
des retraites est dérisoire : exemple donné par l’OIP : 22,40 €/mois pour une personne détenue
ayant travaillé 21 ans au service général.
Enfin, il convient d’éclairer cette réflexion par les propos lucides et courageux de Philippe POTTIER
(auparavant à la Direction de l’AP, actuel directeur de L’ENAP -École Nationale de l’Administration
Pénitentiaire) à la fin de la précédente décennie :
« Le choix fait actuellement par la France est (donc) pragmatique.
Il ne privilégie ni le juridique ni les dispositifs spécifiques. L'idée est de mettre en oeuvre tout ce qui
permet de développer le travail et la formation professionnelle, sans chercher à tout prix une cohérence
conceptuelle. C'est une forme de démarche nouvelle, la France ne se distinguant pas par une pratique
assidue du pragmatisme ... Autrement dit :
Si l'alignement de certains droits des détenus sur le droit commun permet une amélioration de
leur sort, on le fait. Exemple : la décentralisation de la formation professionnelle.
Si l'alignement d'autres droits paraît contraire à cette amélioration, on ne le fait pas. Exemple :
maintien de la non application du droit commun du contrat de travail, et adaptation pour permettre
l'intervention des entreprises d'insertion par l'économique.
Cette démarche pragmatique n'est pas facile à mener car on se heurte :
- Aux Ayatollahs du droit, qui ne jurent que par l'égalité des droits, fût-elle purement virtuelle. Ainsi on
pourrait imaginer des prisons où le droit du travail serait intégralement le même qu'à l'extérieur....
mais où plus un seul détenu ne travaillerait, faute d'intérêt pour les entreprises !
- À l’inverse, aux hyper libéraux, qui seraient prêts à rendre tout exceptionnel pour qu'il n'y ait plus
aucune réglementation, au mépris du droit des détenus.
Entre les deux, il y a un espace, celui d'une raison pragmatique, qui fixe des droits minima
incontournables, et se donne la souplesse nécessaire pour aboutir à des projets réels, dans le monde tel
qu'il est (et pas le monde que nous pourrions rêver).
C'est cette démarche d'équilibriste que nous tentons de poursuivre. »
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2- Que disent les textes officiels sur lesquels nous pouvons nous appuyer ?
 La Déclaration Universelle des droits de l’homme Article 23:
• Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et
satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
• Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
• Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa
famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres
moyens de protection sociale.
• Toute personne a le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour
la défense de ses intérêts.
 Le Code de Procédure Pénale : « … les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas
l'objet d'un contrat de travail entre le concessionnaire et le détenu ». Le droit qui s’applique en prison est
donc dérogatoire.
« … la rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par
décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2 du code du travail. Ce
taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées ».
 Les Règles Pénitentiaires Européennes :
• La règle 2 édicte que les droits sociaux et économiques sont les mêmes en prison et à l’extérieur.
• La règle 5 indique que « la vie en prison est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects
positifs de la vie à l’extérieur de la prison » ;
• La règle 26 ne fait que « recommander » : « …doit permettre, dans la mesure du possible… »,
« …de se rapprocher, autant que possible, des méthodes régissant un travail analogue hors de la
prison… », « …le travail des détenus doit être rémunéré de façon équitable… »
• La règle 105-3 précise que « lorsque des détenus condamnés sont soumis à une obligation de
travailler, les conditions de travail doivent être conformes aux normes et contrôles appliqués à
l’extérieur » (L’obligation de travailler est remplacée par l’obligation « d’activité », le travail
entrant dans le cadre de cette activité. L’obligation est en France indirecte : voir infra).
 La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : l'article 27 instaure une « obligation d'activité pour les
personnes condamnées ». Parmi ces activités, l'activité professionnelle fait l'objet d'un acte d'engagement
qui précise les droits et obligations de la personne détenue. Le même article permet aux entreprises
d'insertion de proposer des postes de travail adaptés aux personnes détenues.
Un acte d’engagement est prévu à l’article 33, remplaçant de fait le contrat de travail inexistant, par un
acte d’engagement signé par le chef d’établissement et la personne détenue. L’acte d’engagement, selon
la Loi, précise qu’il doit respecter les dispositions du Code du Travail définies aux articles L5132 à
L5132-17.
L’accès à l’emploi est qualifié de « classement ». Le « déclassement » désigne la fin de l’accès à l’emploi,
suite à une démission ou à une mesure disciplinaire.
 La notice de la Direction de l’Administration Pénitentiaire sur le travail en prison, destiné aux
entreprises (2007) précise l’intérêt (réel) pour une entreprise de donner du travail à des personnes
détenues : entre autres un gain financier, une flexibilité, un mode de rémunération fondé sur la production
réelle et des charges patronales moindres …
Cette même notice précise que les détenus bénéficient d’une protection sociale dès leur incarcération :
CPAM, accidents du travail, maladies professionnelles par l’application du régime spécial de la Sécurité
Sociale… De plus, ils sont également affiliés à l’Assurance Vieillesse du Régime Général… (Il convient
de noter les contradictions avec ce qui est écrit et existe par ailleurs).
Plus loin, enfin : (…) les rémunérations du travail doivent se rapprocher le plus possible de celles des
activités professionnelles extérieures (sic : on ne peut que s’étonner à la lecture de ce vœu pieux).
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 Le décret du 30 Avril 2013 relatif aux règlements intérieurs types des établissements
pénitentiaires précise, en son article 15 :
« La personne détenue, quelle que soit sa catégorie pénale, peut
demander à travailler. Elle adresse sa demande écrite au chef d’établissement.
La durée du travail par jour et par semaine ne peut excéder les horaires pratiqués en milieu libre dans le
type d’activité considéré. Les horaires doivent prévoir le temps nécessaire pour le repos, les repas, la
promenade et les activités éducatives et de loisirs. Le respect du repos hebdomadaire et, sous réserve des
nécessités liées à la continuité du service, des jours fériés doit être assuré. Le règlement spécifique de
chaque activité ainsi que la grille de rémunération sont affichés sur les lieux de travail ».
Nous ne pouvons que constater les caractères vagues, imprécis et très généraux de cet article 15 du RI,
permettant une grande latitude d’interprétation et de mise en œuvre.
3- À propos de la QPC en cours :
Il est intéressant de lire les attendus des juges prud’homaux de Metz : il existe « une contradiction au
moins apparente » entre les deux textes (CPP et Constitution) : voir supra : «2 - Que disent les textes
officiels sur lesquels nous pouvons nous appuyer ? ».
Puis ils demandent si « la différence de traitement résultant de la loi entre un travailleur libre et un
travailleur détenu, s’agissant notamment du montant de leur rémunération, est en rapport avec l’objectif
de réinsertion sociale des détenus affirmé par la loi, à travers l’article 717-3 du CPP ?».
Il est à noter qu’il est plaidable que les juridictions du travail sont incompétentes pour connaître les litiges
entre un salarié prisonnier et l’AP. En effet, les sociétés incriminées ne sont pas les employeurs des
personnes détenues. La relation de travail, juridiquement, n’existe qu’entre l’AP et le travailleur en milieu
carcéral.
Il n’est ainsi pas certain que cette QPC satisfasse les demandeurs.
Selon un article paru dans « LIBÉRATION » le 23 Mars 2013, la Cour de Cassation a décidé de
transmettre la Question au Conseil Constitutionnel « en raison de son caractère sérieux » (de la QPC).
Il est possible que des modifications du Code de Procédure Pénale soient demandées, s’appuyant sur la
Constitution et sur le Droit Européen, voire international à travers l’OIT ( Organisation Internationale du
Travail).
Si c’était le cas, l’État français aurait alors obligation de faire.
4- Constats et commentaires d’administrateurs de l’ANVP :
L’expérience et l’expertise en milieu carcéral sont l’une des forces de l’ANVP.
C’est pourquoi il nous est apparu important, dans le cadre de cette réflexion, de rapporter les
constats et commentaires des administrateurs de notre association.
Leurs phrases clefs figurent en annexe de ce document.
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Quelques pistes de réflexion pour l’amélioration
du statut du travail carcéral
I- ESSAYER D’OPTIMISER L’OFFRE DE TRAVAIL EN DETENTION
ET AINSI L’INSERTION
En tant qu’outil d’insertion majeur, le travail en détention est un enjeu social important et reconnu,
notamment parce qu’il réduit les risques de récidive. C’est donc un enjeu hautement prioritaire.
Il pourrait être fécond de s’inspirer de la philosophie du système du travail carcéral en Suisse et dans
certains Länder allemands. Il y est vu comme un investissement pour la personne détenue ainsi qu’une
préparation à la sortie par l’acquisition d’un savoir-faire et d’une discipline de vie. Le salaire (de l’ordre
de 300 €, donc du même ordre de grandeur qu’en France) est réparti entre la réparation du préjudice
causé, le compte libérable et la cantine. Rien d’original, si ce n’est que la part libérable (disponible à la
sortie) représente plus de la moitié de la rémunération.
Le développement des « emplois aidés » pourrait constituer un bon outil : des entreprises d’insertion
sont susceptibles de faire travailler des personnes détenues selon ce type de contrat. Elles le font à
l’extérieur, pourquoi pas à l’intérieur ? Il est à noter qu’une difficulté de compatibilité existerait avec la
loi de 2009, évoquée lors du Colloque de Bordeaux sur « le droit du travail en prison », tenu le 11 avril
dernier.
L’optimisation et le développement de l’offre du travail en détention pourraient aussi être favorisés en
tenant compte des préconisations du « Grenelle de l’insertion » tenu en 2008. La valeur de l’insertion
par l’activité économique y était soulignée. Or, ses propositions n’ont pas été reprises par la loi
pénitentiaire de 2009. Aucun moyen budgétaire n’est actuellement prévu, dans une conjoncture
économique et sociale défavorable.
II- ÉLABORER UNE RELATION CONFORME AU DROIT ENGAGEANT LES PARTIES
(AP, personnes détenues et donneurs d’ordre)
Il faudra nécessairement réévaluer les règles du Droit du Travail commun qui ne sont pas toutes
applicables en détention, et reconstruire un droit dérogatoire spécifique au milieu carcéral. Cela
devra être fait avec objectivité et sans démagogie partisane, de façon à élaborer un nouveau droit pour les
différents intervenants (le trio « entreprise extérieure / AP ou entreprise gestionnaire / travailleur
détenu »).
Ce qui sera déterminant dans la nature et le contenu du contrat à élaborer, ce sera l’identité de
l’employeur, c’est-à-dire l’AP ou un employeur privé.
Il conviendra de tenir compte du lien hiérarchique entre la personne détenue et l’AP (idée déjà
évoquée par le CGLPL). Avec le souci de protéger d’une part les possibilités de donner du travail aux
personnes détenues, et d’autre part les impératifs de sécurité propres à la gestion des prisons.
Les actions juridiques en cours vont très probablement contraindre l'AP à définir avec plus de précision
les modalités d'une véritable relation contractuelle du travail salarié en prison tenant compte des
droits et des devoirs des différentes parties prenantes).
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 Le contrat de travail
Une distinction entre deux formes de « contrat de travail » à l’intérieur de la prison pourrait être
établie:
• Les contrats liés à des travaux réguliers proposés par l’AP ou le gestionnaire privé ;
• Les contrats « à la tâche », tels qu’ils existent dans le droit maritime (contrat « au voyage »).
En MC, pour les personnes détenues travaillant sur le long terme, un contrat de travail qui se
rapprocherait du Code du travail est plus facilement envisageable. Il devrait garantir des droits sociaux
dont ceux concernant la retraite.
 La rémunération
Une partie de la rémunération pourrait être obligatoirement être mise en réserve pour favoriser la sortie
(Cf. le système pratiqué en Suisse et en Allemagne évoqué ci-dessus)
Le taux de rémunération de 20 à 45% du SMIC prévu par la Loi constitue le minimum à exiger. Il est
probable que le résultat de la QPC en cours apportera des modifications actuellement imprévisibles.
Le salaire devrait être fixé selon une grille salariale « spécifique prison » simple à lire, objective et
incitative.
 L’assurance-chômage
Il paraît discutable qu'une personne travaillant en prison ne bénéficie pas des droits à l'assurancechômage, que ce soit pendant la période de détention (chômage partiel ou perte d'emploi) ou
immédiatement lors de sa sortie.
 La retraite
La réglementation sur la prise en compte lors de la détention du nombre de trimestres de cotisations
validées pour la retraite devrait être revue. La situation actuelle ne peut que mettre en difficulté
financière grave la majorité des sortants suite à une longue peine. De toutes les façons, la société aura
un jour ou l’autre à assumer le coût de la survie de ces personnes en grande difficulté pécuniaire…
 Le droit de se réunir
L'organisation, le « management » et les conditions de travail nous semblent, en théorie, aussi
importants que le droit de se réunir (et l’on rejoint ici le droit d'expression collective des personnes
détenues prévu par la loi mais souvent occulté ou oublié par l'AP). Il ne devrait pas être nécessaire de
rappeler l’application des dispositions légales.
Cependant, ce droit de réunion peut, dans certaines conditions, déboucher sur des désordres
inacceptables en prison. Le maintien de l’ordre et de la sécurité de tous est primordial. Ces impératifs
sont-ils compatibles avec le droit de se réunir ?
 Le licenciement
Le déclassement, c’est-à-dire l’arrêt du travail pour une personne détenue par décision administrative,
devrait être encadré et éventuellement contestable par l’intéressé devant une commission où l’AP ne
serait pas majoritaire.
 L’arrêt de travail:
L’interruption momentanée du travail carcéral par une personne détenue, suite à un cas de force
majeure (extraction, rendez-vous médical …) ne devrait en aucun cas être préjudiciable au travailleur.
 Le contrôle de l’application des dispositions légales en matière de droit du travail en milieu carcéral.
L’Inspection du travail ne va guère en détention … Ce qui n’est pas conforme à l’équité entre les
travailleurs. Peut-on faire évoluer cette situation ?
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 La médecine du travail est inexistante en milieu carcéral. Est-ce acceptable ?
 La conformité des actes d’engagement, tels que définis à l'article 33 de la loi pénitentiaire, n'est pas
évaluable tant que le décret d'application ne sera pas paru. Dès sa parution, il conviendra qu'un suivi
rigoureux de cette conformité soit assuré.
III- ENCOURAGER LES FORMATIONS DANS LE CADRE DU TRAVAIL
Les Conseils régionaux, malgré un contexte budgétaire tendu, devraient être plus impliqués dans des
programmes de formation pour les personnes détenues : c'est un choix politique.
Les formations professionnelles (rémunérées et de courte durée) ne devraient pas être interrompues à
cause de transferts. Ceci constitue un préjudice pour la personne détenue, comme pour la société et les
formateurs.
En l’absence de travail proposé par l’AP, il conviendrait de favoriser les formations. Qui pourraient,
idéalement, être payées au même titre que le travail carcéral. Ces formations devraient être prises en
compte de façon significative pour les réductions de peine. La lutte contre l'illettrisme, les remises à
niveau, l’apprentissage des outils informatiques et tous les enseignements doivent être considérés comme
des formations. Permettant à la personne détenue d'être occupée et motivée, de percevoir un petit pécule
et d'obtenir ou de s'engager dans un parcours pré qualifiant ou qualifiant.
En guise de conclusion
Revendiquer, pour les établissements pénitentiaires, l'application du Code du travail
tel qu'il existe serait utopique et ferait fuir les entreprises. L'AP elle-même, au
travers des emplois occupés au service général ou gérés par le SEP, ne pourrait s'y
conformer.
La position « pragmatique » de la France, exprimée par M. POTTIER (cf. supra : 1),
face à la question du travail carcéral, ne peut perdurer malgré un certain bon sens,
en raison des recours qui vont se multiplier devant les juridictions.
Ne gagnerait-on pas à s’inspirer des pays comme la Norvège ou la Finlande qui
traitent les détenus vraiment en citoyens à part entière, y compris en ce qui
concerne le droit du travail ? Cela implique assurément un patient travail
pédagogique auprès des médias et de l’opinion publique.
La tendance semble être actuellement de se rapprocher du droit du travail commun.
Cela pourrait constituer un facteur indéniable et puissant de réinsertion réussie.
Malgré tout, des dérogations paraissent inévitables, principalement pour des
raisons sécuritaires et économiques.
Cette perspective impliquera sans aucun doute une démarche pédagogique
soutenue en direction de nos concitoyens afin que l'opinion publique soit prête à
intégrer cette égalité des droits avec les personnes ayant commis un délit.
Synthèse finalisée le 15 Mai 2013 par Michel GOGNY-GOUBERT, après relecture et corrections de
plusieurs contributeurs, en particulier Marie-Paule HÉRAUD et René FOLTZER.
Ce document a pu être réalisé grâce aux contributions d’anciens responsables de l’ANVP,
d’administrateurs et de membres de l’association.
Nous remercions également Mesdames Claudine LEPRÉVOST et Françoise FRUCHART, pour leurs
conseils en matière de corrections.
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ANNEXE 1:
CONSTATS ET COMMENTAIRES D’ADMINISTRATEURS DE L’ANVP
- Si on aligne la rémunération des personnes détenues sur les salaires existants, il est évident que les
« donneurs de travail » vont abandonner l’emploi en détention. Il faut aussi tenir compte de la
situation des détenus : ils sont nourris (souvent mal), logés (souvent très mal) et blanchis.
- Le contrat de travail tel qu'il est défini dans le code du travail ne peut s'appliquer dans les
établissements pénitentiaires ; les raisons et les obstacles en sont connus.
- Comme le relève le CGLPL dans son rapport, l’AP ne respecte pas l'article D432 1 du CPP qui fixe
le SMR.
- L'offre de travail en détention diminue d'année en année et suit la même courbe qu'à l'extérieur.
- Les tâches proposées sont peu qualifiantes et le paiement "à la pièce" qui incite à la rapidité
d'exécution peut nuire à la qualité du travail rendu et expose à un désengagement du
concessionnaire.
- En Maison d'Arrêt (MA), les personnes qui demandent du travail le font pour occuper le temps et
pour cantiner ; le paiement des parties civiles et l'alimentation du « pécule de libération » viennent
au second plan. Ces personnes n’ont que rarement une qualification professionnelle avant leur
incarcération.
- Le turn-over et les courtes peines en MA sont un frein à l'attribution d'un travail pérenne.
- Dans un établissement très ancien, l’espace est trop exigu pour créer des ateliers, stocker la
matière première et les produits finis. L'accès des camionnettes à l'intérieur des établissements est
également très souvent impossible. Cette configuration peut constituer un obstacle certain.
- Pour des questions de sécurité et de sûreté, certaines machines ne peuvent être installées dans un
établissement pénitentiaire (EP).
- Il convient d’établir une distinction entre les types d’EP car la durée de détention semble devoir
être prise en compte.
- Les entreprises privées ont de moins en moins recours au travail carcéral : ce n’est pas la bonne
période pour envisager d’augmenter les coûts de production intra-muros…
- En MA, 50 % environ des personnes entrantes sont sans profession et d’un niveau d'instruction
primaire. Les besoins de formation sont donc importants et prioritaires aussi pour la préparation à
la sortie.
- En centre de détention, la population est plus stable qu'en MA. La formation professionnelle y a
toute sa place et l'offre de travail y est plus fréquente, bien que les groupes privés, qui ont
maintenant délégation de prospection, n'arrivent pas à tenir leurs objectifs contractuels.
- La loi pénitentiaire permet de faire appel aux entreprises d'insertion, mais aucun fonds n'a été
débloqué pour leur permettre de développer leur activité auprès de ce public.
- En Maison Centrale (MC), les personnes détenues le sont pour de longues années mais ces
établissements ont un niveau de sécurité renforcé. Les détenus particulièrement surveillés (DPS)
"tournent" de centrale en centrale mais sont relativement peu nombreux. Il existe donc, dans ces
établissements, des personnes dont une grande partie de la vie "active" se déroulera en prison.
- Certaines entreprises privées disposant de concessions en prison mettent en avant le caractère
social de leur activité en milieu carcéral. D’autres préfèrent l’opacité, allant jusqu’à traiter avec
l’AP via des entreprises sous-traitantes. Où est la transparence ? Pourquoi cette opacité ?
- Les actes d’engagement signés entre les chefs d’établissement et les travailleurs détenus respectentils l’article 33 de la Loi Pénitentiaire de 2009 imposant le respect des dispositions du Code du
Travail ? Les services du CGLPL ont-ils examiné cette question ?
- Introduire tel quel le droit du travail en prison conduirait inexorablement les entreprises à se
retirer.
- La pression du chômage chronique réduit les possibilités d’alignement de certaines des conditions
communes du travail avec le travail carcéral, sous peine de détruire ce dernier.
- Il peut sembler choquant qu’un service de la prison fasse des bénéfices grâce au travail des
personnes détenues. Mais ces bénéfices peuvent être réinvestis en acquisition de machines et de
matériel permettant le développement des possibilités du travail en prison.
- En tant que Visiteurs de Prison « ANVP », nous ne pouvons que souhaiter pour les personnes
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détenues tant le Droit au travail que l’application du droit du travail. Cependant, l’ANVP se doit
de rester prudente, car c’est actuellement une chance, pour une personne détenue, de pouvoir
travailler.
- N’oublions pas aussi le « pouvoir » sur la personne détenue de celui qui « classe » ou « déclasse ».
- Y a-t-il une différence entre les établissements à gestion publique et ceux à gestion privée ? Qui fait
mieux ?
- Un problème réel est généralement occulté : celui de la concurrence qualifiée de « déloyale » que
constitue le travail carcéral vis-à-vis de certaines petites entreprises situées dans un secteur
géographique plus ou moins proche des prisons. Ce facteur de déstabilisation économique locale
devrait aussi être pris en compte par le législateur.
- Enfin, on peut s’interroger sur l’indifférence des syndicats de travailleurs à propos du travail en
prison.
- Il est très difficile depuis 2 ans de créer des chantiers et des entreprises d’insertion : manque de
crédits publics pour cela, donc pas d’incitation. À quoi s’ajoute le versement tardif des subventions
donc des problèmes de trésorerie : 60% des entreprises d’insertion seraient actuellement en
difficultés financières.
Ne pourrait-on pas considérer le fait pour une personne détenue d’être hébergée, nourrie et blanchie
comme un avantage en nature équivalent à un traitement ? Donc imposable le cas échéant, avec des
charges sociales incombant à l’AP et ouvrant quelques droits à la retraite.
Ce qui ferait que les revenus d’un détenu qui travaille s’ajouteraient à cet avantage en nature : la
question de la validation des trimestres serait ainsi résolue.
ANNEXE 2
SIGLES
ANVP :
AP :
CGLPL :
CPAM :
CPP :
DPS :
ENAP :
EP :
MA :
MC :
OIP :
OIT :
QPC :
SEP :
SMIC :
SMR :
SS :
Association Nationale des Visiteurs de Prison
Administration Pénitentiaire
Contrôle Général des Lieux de Privation de Liberté
Caisse Primaire d'Assurance Maladie
Code de Procédure Pénale
Détenu Particulièrement Surveillé
École Nationale de l’Administration Pénitentiaire
Établissement Pénitentiaire
Maison d’Arrêt
Maison Centrale
Observatoire International des Prisons
Organisation Internationale du Travail
Question Prioritaire de Constitutionnalité
Service de l’Emploi Pénitentiaire
Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance
Seuil Minimum de Rémunération
Sécurité Sociale
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