l`evolution du systeme educatif de la france

Transcription

l`evolution du systeme educatif de la france
L’EVOLUTION DU SYSTEME EDUCATIF DE LA FRANCE
RAPPORT NATIONAL
Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la
recherche
Juillet 2004
1
AVANT-PROPOS
Au cours de la dernière décennie, le système éducatif français a connu d’importants
changements : allongement de la durée des études conduisant à un enseignement
de masse au lycée et dans l’enseignement supérieur, modification des programmes
et des méthodes d’enseignement, utilisation croissante des technologies de
l’information et de la communication, décentralisation de la gestion et émergence
d’une nouvelle culture de l’évaluation, développement de la formation continue des
adultes dans une perspective d’éducation tout au long de la vie et intégration dans
l’Europe de l’éducation, pour ne citer que quelques évolutions fondamentales.
En effet, l’accélération du changement scientifique et technologique et les défis
nouveaux résultant du processus de mondialisation ont nécessité et continuent
d’imposer une rénovation continue des systèmes éducatifs. Il s’agit d’abord de
permettre à tous d’acquérir les savoirs et les compétences requis pour travailler et
savoir vivre ensemble dans une société de la connaissance, de plus en plus ouverte
au plan international, mais aussi porteuse de nouveaux dangers et de risques de
conflits. L’accent a donc été résolument mis par les ministres successifs sur la
formation de citoyens lucides et actifs, capables de construire un monde fondé sur
les valeurs de démocratie, de tolérance et de paix.
L’éducation, tout en prenant en compte les besoins de compétences nouvelles
requises par l’évolution économique, doit contribuer à développer l’esprit de
coopération, le sens de la solidarité et établir une réelle égalité des chances,
notamment entre les sexes. L’éducation doit aussi promouvoir le respect de la
pluralité des cultures qui est un patrimoine de notre humanité. La reconnaissance de
la diversité culturelle et linguistique doit créer les conditions d’un dialogue fécond et
d’un enrichissement mutuel permettant à chacun de s’approprier son histoire et
d’accéder à d’autres cultures. Ainsi, l’éducation sera un levier essentiel de la
cohésion sociale et du développement durable.
C’est dans cette perspective fondamentale que se situent les réformes en cours du
système éducatif français qui, restant fidèle aux valeurs fondamentales de l’école
républicaine, devient de plus en plus ouvert sur l’Europe et sur le monde. Dans ce
contexte, les échanges internationaux, notamment dans le cadre de l’UNESCO,
entre responsables et spécialistes de l’éducation sur les politiques et les innovations
susceptibles d’apporter des éléments de réponse, ainsi que sur les obstacles à
surmonter, revêtent un intérêt primordial.
Le présent rapport décrit quelques aspects essentiels de l’expérience française.
Dans une première partie il dresse un bilan des réformes de la dernière décennie,
avant de présenter, dans une deuxième partie, les défis actuels, les réformes en
cours et les perspectives d’un système éducatif adapté aux besoins du 21ème siècle.
La rédaction de ce rapport, préparé par le ministère de l'éducation nationale, de
l’enseignement supérieur et de la recherche (MENESR), a été coordonnée par Alain
Michel, inspecteur général de l’éducation nationale.
2
SOMMAIRE
Introduction générale
-
Les principes fondateurs de l’école républicaine française
La loi d’orientation du 10 juillet 1989 et les finalités de l’éducation
La prééminence du rôle de l’Etat et le processus de décentralisation
L’école face à de nouveaux défis
Chapitre I : A la recherche de l’efficacité et de l’équité
Introduction : les questions clés des années 1990
1. La quête de l’égalité des chances et la lutte contre l’échec scolaire
1.1 .
1.2 .
1.3 .
1.4 .
1.5 .
Un effort très important de scolarisation précoce
Vers l’intégration de tous les enfants dans l’enseignement élémentaire
La lutte contre l’échec scolaire dans l’enseignement secondaire
Les tentatives pour réduire les sorties sans qualification et l’aide à l’insertion
La politique des ZEP et des REP
2. L’amélioration de la qualité et de l’efficacité de l’enseignement
2.1 .
2.2 .
2.3 .
2.4 .
2.5 .
2.6 .
L’évolution des programmes et de l’évaluation des acquis des élèves
L’éducation à la citoyenneté et la vie scolaire
L’utilisation croissante des technologies de l’information et de la communication
La formation des enseignants et la mise en place des IUFM
La généralisation des projets d’établissement et des projets académiques
L’ouverture des enseignements sur l’international
3. L’articulation dynamique entre système éducatif et emploi
3.1. La rénovation de l’enseignement professionnel
3.2. La dimension professionnelle de l’enseignement supérieur
3.3. La perspective de la formation tout au long de la vie
Conclusion : les principaux résultats des réformes
Chapitre II : Une éducation pour le 21ème siècle
Introduction : - l’entrée dans une nouvelle civilisation ?
- les questions clés des années à venir
1. L’évolution de l’enseignement et ses perspectives
1.1.
1.2.
1.3.
Enseignement primaire : l’objectif de la réussite pour tous
La mise en place des nouvelles orientations pour le collège
La poursuite de la réforme du lycée d’enseignement général et technologique
3
1.4.
1.4.
1.5.
L’enseignement professionnel intégré : la modernisation de la voie des métiers
Un enseignement supérieur à l’heure européenne et internationale
De la validation des acquis à la professionnalisation durable
2. Le pilotage du changement
2.1.
2.2.
2.3.
2.4.
2.5.
L’information statistique et la base centrale de pilotage
La prévision et la prospective
La nouvelle culture de l’évaluation
La communication stratégique dans un esprit de dialogue
La gestion personnalisée des ressources humaines
3. La dimension européenne et internationale
3.1.
3.2.
3.3.
3.4.
3.5.
Une réorganisation de la gestion et du pilotage des relations internationales
L’ouverture internationale croissante du système éducatif
Le développement de la coopération
Les initiatives françaises au niveau européen
Un engagement croissant dans les échanges multilatéraux
Conclusion : les principales leçons à tirer du grand débat national sur l’école
Conclusion générale
Bibliographie
Quelques données chiffrées
Liste des sigles et abréviations
Nomenclature française des niveaux de formation
4
INTRODUCTION
Afin de permettre de mieux comprendre les objectifs des réformes récentes ou en
cours du système éducatif français, ainsi que les débats sur les changements
envisageables et souhaitables, il a paru utile de rappeler brièvement les principes
essentiels qui fondent traditionnellement le large consensus de l’opinion publique sur
les missions de l’école1 au sein de la société française.
Les principes fondateurs : l’institution de l’école républicaine française
L’école en France repose sur un socle de valeurs républicaines et de principes qui
trouvent leur origine dans l’œuvre de Condorcet et dans la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 : caractère public de l’éducation, laïcité, liberté et
égalité. De fait, les principes de laïcité (interdiction de tout prosélytisme au sein de
l’école) et d’égalité (l’école de la République est ouverte à toutes et à tous sans
aucune discrimination) rendent nécessaire le caractère public de l’éducation.
Mais en vertu du principe de liberté, ceci n’est pas incompatible avec l’existence
d’écoles privées. Celles-ci pour bénéficier d’une aide de l’Etat, doivent passer un
contrat avec celui-ci, selon lequel elles s’engagent à respecter certaines normes
garantissant la conformité au principe d’égalité et la qualité des prestations offertes.
La proportion d’élèves scolarisés dans le secteur privé est restée stable (autour de
20%) au cours des 50 dernières années et 95% des écoles privées ont passé un
contrat avec l’Etat. Ce « secteur privé sous contrat » fonctionne comme une
concession de service public et son existence ne remet pas en cause le principe
fondamental selon lequel l’éducation est un bien public, surtout pour ce qui concerne
la scolarité obligatoire, qui est gratuite dans les écoles et établissements publics.
Ces principes fondateurs ont été confortés sous la IIIème République par les lois de
Jules Ferry (1881 et 1882), qui instaurent la scolarité gratuite et obligatoire de 6 à 13
ans. C’est le début de l’ère des « hussards noirs de la République », ces maîtres de
l’enseignement primaire, vêtus de blouses noires, appelés instituteurs, car chargés
d’instituer la République, c’est-à-dire d’unifier les enfants des provinces françaises
par l’acquisition d’une langue et de valeurs communes.
La IVème et la Vème Républiques compléteront l’édifice, notamment en développant
un enseignement technologique et professionnel, puis un enseignement
préélémentaire, secondaire et supérieur2 de masse. Au delà des changements de
majorité politique au gouvernement, la Vème République se caractérise par la
construction d’un véritable « système éducatif intégré » se substituant
progressivement au système antérieur cloisonné, qui limitait la mise en œuvre d’une
mobilité sociale effective par l’école, selon le principe de l’élitisme républicain (A.
Prost, 1997).
1
« L’école », employée au sens générique, est synonyme de « système éducatif »
2
L’enseignement tertiaire (terminologie internationale) est appelé couramment en France
l’enseignement supérieur.
5
Depuis 1959 (loi Berthoin), la scolarité est obligatoire et gratuite de 6 à 16 ans. Au
delà de cet âge la scolarité reste gratuite au lycée (lycée d’enseignement général et
technologique ou lycée professionnel) et donne lieu à des frais d’inscription très
modérés dans l’enseignement supérieur. Certes les autres frais liés à la poursuite
d’études ne sont pas négligeables, mais un système de bourses permet de réduire
les handicaps liés à la situation financière des familles.
Une nouvelle étape importante dans l’institution progressive d’un système éducatif
intégré a été franchie avec la création du « collège unique » (loi Haby de 1975) qui
accueille désormais quasiment l’ensemble des élèves durant les quatre années du
premier cycle de l’enseignement secondaire (de la classe de sixième à la classe de
troisième). Les évolutions ultérieures ont conduit à retarder le premier palier
d’orientation des élèves jusqu’à la fin des études au collège. D’autres changements
importants auront lieu dans les années 1980 avec notamment la loi Savary (1984)
sur l’enseignement supérieur et la création du baccalauréat professionnel en 1985,
destinée à valoriser la voie de l’enseignement professionnel.
Mais le cadre législatif qui régit le système éducatif actuel est aujourd’hui, dans
l’attente d’une nouvelle loi d’orientation annoncée et préparée par le présent
Gouvernement, pour l’essentiel, celui tracé par la loi d’orientation sur l’éducation du
10 juillet 1989, première loi dans l’histoire de la République qui concerne l’ensemble
du système éducatif de l’enseignement préélémentaire à l’enseignement supérieur et
qui précise la mission de formation continue des adultes des établissements
d’enseignement, anticipant ainsi sur le discours actuel sur « l’éducation tout au long
de la vie ».
La loi d’orientation du 10 juillet 1989 et les finalités de l’éducation
Cette loi, qui affirme solennellement dans son article premier que l’éducation est la
première priorité nationale, énonce les quatre grandes missions de l’école :
-
transmission de connaissances et d’une culture générale ;
développement de la personnalité des jeunes et apprentissage de la citoyenneté ;
préparation à une vie professionnelle (et pas seulement à un métier spécifique)
par l’acquisition d’une qualification reconnue ;
contribution à l’égalité des chances et à la réduction des inégalités liées à un
handicap individuel ou social.
S’il existe un large consensus au sein de la société française sur ces quatre
missions, en revanche, leur pondération relative fait l’objet de vifs débats, parfois
transversaux aux clivages politiques habituels et qui peuvent être liés à d’autres
clivages, tel celui entre partisans de la transmission des connaissances et partisans
de la pédagogie3.
A cet égard, une formule de la loi de 1989 a alimenté une controverse : l’affirmation
selon laquelle « l’élève est au centre du système éducatif ». Cet énoncé vise à
rappeler que tous ceux qui travaillent dans l’éducation sont au service de la
3
Voir notamment le numéro 1 de la revue de l’inspection générale sur le thème
« Ecole et République », février 2004
6
progression des élèves et que les élèves doivent être considérés dans leur diversité.
Il s’agit donc de substituer un élève concret avec ses qualités et ses défauts
particuliers à l’élève abstrait, de manière à diversifier les méthodes d’enseignement,
d’où l’accent sur la dimension pédagogique qui en résulte et que certains supportent
mal. Pour certains en effet, la prise en compte de l’élève concret et la diversification
des modes d’apprentissage risquent de remettre en cause la nécessaire
concordance entre « l’élève abstrait » (l’enfant au sein de l’école est égal ou
équivalent aux autres, sans prise en compte de ses origines ou qualités particulières)
et « le citoyen abstrait » qu’il s’agit de former, cette citoyenneté abstraite étant à la
fois le résultat et le fondement d’une véritable démocratie républicaine (D.
Schnapper, 2000). Cet exemple montre que des affirmations relativement simples
peuvent conduire en France à des débats d’idées sur les finalités de l’éducation,
débats d’autant plus passionnés que les Français sont en général très attachés à
l’école de la République.
La loi de 1989 fixe aussi des obligations de résultats : « d’ici l’an 2000, tout élève doit
sortir du système éducatif avec une qualification reconnue et 80% d’une génération
d’élèves doivent parvenir au niveau du baccalauréat » (général, technologique ou
professionnel ). Ces objectifs ambitieux, qui n’ont pu être atteints, méritent un bref
commentaire. En premier lieu, alors que les médias ont mis l’accent sur l’objectif
80%, l’objectif essentiel de la loi, tant du point de vue social qu’économique, est celui
de donner à chaque jeune une qualification reconnue. Ensuite, l’objectif 80% a
souvent été compris comme 80% d’une classe d’âge obtenant le baccalauréat
général. Or, il s’agit plus modestement de viser à ce que 80% d’une classe d’âge
finissent la classe de terminale générale, technologique ou professionnelle de lycée,
ce qui équivaut, selon la classification internationale type de l’enseignement (CITE),
à une sortie du système au niveau CITE 3a ou 3b (en France niveau IV).
Les autres innovations importantes de la loi de 1989 concernent la notion de
« communauté éducative » qui renforce notamment le rôle des représentants des
parents d’élèves, la généralisation de la démarche de projet d’établissement aux
écoles, collèges et lycées, la création des instituts universitaires de formation des
maîtres (IUFM), la création du corps des professeurs des écoles et leur recrutement
par concours à un niveau « baccalauréat +3 » (niveau licence, soit le même que celui
requis pour les professeurs certifiés du secondaire), enfin la création de cycles
pluriannuels dans l’enseignement primaire (préélémentaire et élémentaire) qui vise à
prendre en compte les capacités réelles des élèves et à diversifier en conséquence
leur rythme de progression, mais aussi à mieux articuler les enseignements
préélémentaire et élémentaire.
La prééminence du rôle de l’Etat et le processus de décentralisation
En France, l’intervention de l’Etat, considéré comme garant de l’intérêt général ou du
bien commun, est particulièrement importante dans le domaine de l’éducation, étant
donné le rôle crucial de celle-ci pour assurer une certaine cohésion sociale et une
égalité des chances. Ainsi, jusqu’à la fin des années 1970, l’image parfois
caricaturée d’un système éducatif, où toutes les décisions étaient prises à
l’administration centrale du ministère de l’éducation nationale, était encore répandue.
7
Mais durant les années 1980, ont été prises des mesures législatives et
réglementaires qui ont engendré un processus de transformation profonde du rôle et
des modalités d’action de l’Etat dans la société française, notamment dans le
domaine de l’éducation, avec les lois de décentralisation de 1982, 1983 et 1985 et
les décrets d’application qui les ont suivies. Ainsi, une part importante des
attributions de l’Etat a été dévolue aux collectivités territoriales (régions et
départements) et cette décentralisation s’est accompagnée d’un processus de
déconcentration des niveaux de décision au sein de l’administration de l’éducation
nationale.
Si la gestion des écoles primaires était déjà depuis longtemps sous le contrôle des
communes, en revanche la situation était nouvelle pour les collèges et les lycées,
dont la construction, l’équipement et la maintenance étaient confiés désormais aux
départements pour les premiers et aux régions pour les seconds. De fait, cette
responsabilité des collectivités territoriales ne se confine pas à un rôle d’intendance :
leurs représentants aux conseils d’écoles et aux conseils d’administration des
collèges et lycées ont un droit de regard sur l’administration pédagogique et sur
l’encadrement de la vie scolaire. De plus, ces collectivités multiplient les initiatives
dans les activités périscolaires et le soutien des élèves en difficulté.
Parallèlement, de nombreuses décisions de gestion ont été déconcentrées au niveau
des recteurs d’académie (il y a en France 30 académies, dont 26 en métropole et 4
correspondant aux 4 départements d’outre-mer) mais aussi des inspecteurs
d’académie, directeurs des services départementaux de l’éducation nationale . Enfin,
les collèges et lycées se sont vu reconnaître une plus grande autonomie de gestion
en devenant « établissements publics locaux d’enseignement » (EPLE), ce qui leur a
permis d’acquérir une personnalité juridique, comme cela avait été le cas auparavant
pour les universités par la loi Edgar Faure de 1968 et la loi Alain Savary de 1984.
Ce processus de décentralisation/déconcentration se poursuit aujourd’hui, avec
notamment la mise en place de nouvelles relations contractuelles et le
développement de procédures d’évaluation a posteriori. Il reste que selon les normes
internationales, l’Etat conserve encore des prérogatives importantes en matière
d’éducation :
-
le recrutement et la rémunération des enseignants ;
la définition des programmes nationaux d’enseignement ;
le monopole de la collation des grades universitaires, dont le premier niveau est
le baccalauréat, diplôme national qui requiert une organisation complexe et
coûteuse, mais qui est un véritable « monument » national auquel les Français
sont très attachés, car il est le symbole le plus visible de l’école républicaine,
unitaire au niveau national.
L’école face à de nouveaux défis
Les mesures de décentralisation/déconcentration et les innovations apportées par la
loi de 1989 sont les marques les plus visibles du processus important de
changement amorcé à partir du dernier quart de siècle pour faire face aux nouveaux
défis quantitatifs et qualitatifs résultant d’une demande sociale croissante d’éducation
8
et de nouvelles attentes liées aux importantes mutations de l’économie et de la
société françaises, européennes et mondiales.
Au terme d’un premier chapitre consacré à la présentation et à l’analyse des
principales réformes mises en œuvre durant la dernière décennie, sera présenté un
bilan sommaire de la situation actuelle. Dans un deuxième chapitre, seront examinés
les principaux défis que l’école doit relever et les perspectives possibles de
changement à partir des réformes en cours ou en préparation, en terminant par les
principaux résultats du grand « débat national sur l’avenir de l’école », qui a, sous
diverses formes, concerné environ un million de personnes, de septembre 2003 à
mars 20044.
4
Les Français et leur Ecole : le miroir du débat, Commission du débat national sur
l’avenir de l’école, Dunod, 2004
9
CHAPITRE I
A LA RECHERCHE DE L’EFFICACITE ET DE L’EQUITE
Introduction : les questions clés des années 1990
Le processus de décentralisation/déconcentration dans les années 1980 et la loi
d’orientation de 1989 ont été le point de départ d’une nouvelle dynamique de
changement du système éducatif français visant à relever un défi quantitatif et
qualitatif : celui de développer l’enseignement de masse dans le deuxième cycle du
secondaire et dans l’enseignement supérieur et celui de réduire l’échec scolaire et
les sorties du système éducatif sans qualification.
Un nouvel impératif d’efficience et d’efficacité
A bien des égards, la France a été confrontée aux mêmes problèmes fondamentaux
que les autres pays industrialisés, notamment celui de faire face à une demande
croissante d’éducation et à un allongement de la durée des études (en raison de
l’accroissement du niveau de formation requis par les employeurs mais aussi par une
adaptation à une société en mutation rapide impliquant un recyclage accéléré des
connaissances et compétences), dans un contexte de croissance économique
ralentie impliquant une maîtrise des dépenses budgétaires. Cette contrainte
budgétaire a été renforcée par les critères de convergence définis par le Traité de
Maastricht (1992) qui devaient être respectés pour entrer dans l’Union économique
et monétaire européenne.
Si l’on ajoute la demande accrue de transparence à l’égard du fonctionnement des
services publics et une plus grande exigence des familles à l’égard de l’école (la
prise de conscience par les classes moyennes de l’importance accrue du diplôme
pour « réussir » dans la vie a développé un véritable consumérisme scolaire), il est
apparu que l’école était confrontée à un impératif : celui de faire mieux avec des
moyens financiers nécessairement limités, donc d’accroître son efficience et son
efficacité.
Un nouvel impératif d’équité
Dans le même temps, le processus de mondialisation et le « processus de
destruction créatrice » (J.A. Schumpeter) qui s’en est trouvé accéléré ont accru les
inégalités entre pays riches et pays pauvres, mais aussi au sein même des pays
riches. Ainsi, en France, le cumul des handicaps économiques, sociaux et culturels
dans certaines couches de la population a conduit à l’émergence de que d’aucuns
ont appelé une nouvelle « fracture sociale ». Il revenait donc à l’école de prendre en
compte ces nouvelles inégalités, c’est-à-dire l’impératif d’équité.
Dès 1982, fut mise en place une nouvelle politique, dite de discrimination positive
(affirmative action), afin de prendre en compte les inégalités réelles et la
concentration des handicaps dans certaines aires géographiques : ce fut la création
des « zones d’éducation prioritaires » (ZEP) par le ministre d’alors Alain Savary.
10
Cette forme « territorialisée » de politique publique en faveur des plus démunis
constituait un profond changement par rapport à la conception française
traditionnelle de l’égalité de tous devant le service public. Ce passage d’une égalité
formelle à une recherche d’égalité réelle peut aussi être interprété comme le passage
de la recherche d’égalité à la recherche de l’équité, c’est-à-dire au souci de
promouvoir au sein de l’école une véritable égalité des chances (A. Michel, 1999).
Les analyses macrosociologiques de Pierre Bourdieu, Christian Baudelot et Roger
Establet sur la « reproduction » des inégalités par le fonctionnement de l’école, mais
aussi les travaux de John Rawls sur la justice sociale, ont contribué à la prise de
conscience de la nécessité de développer des actions de discrimination positive
mobilisant, outre l’école, des partenaires extérieurs, notamment en liaison avec une
« politique de la ville » et de « développement social des quartiers ». Les analyses
microsociologiques plus récentes sur le fonctionnement du système éducatif et sur
« l’effet établissement », qui montrent la responsabilité interne du système dans la
production de certaines inégalités (F. Duru, A. Mingat, 1993 ; F. Duru, A. Van Zanten,
1999, M. Cacouault, F. Oeuvrard, 2004 ), conduiront à d’autres types de mesures
concernant notamment le soutien aux élèves en difficulté et l’aide à l’orientation des
élèves.
Faire face au défi quantitatif et qualitatif de l’enseignement de masse dans
l’enseignement secondaire et supérieur
Ainsi, au cours des années 1990, dans le contexte des processus de mondialisation
et de construction européenne, le système éducatif français se trouve-t-il, plus que
jamais, confronté au double impératif d’efficacité et d’équité. Deux questions
majeures en résultent :
1) Dans l’enseignement secondaire, puis dans l’enseignement supérieur, comment
répondre aux besoins d’une population d’élèves et d’étudiants rendue plus
hétérogène du fait de l’enseignement de masse et de l’émergence de nouvelles
inégalités sociales, sans remettre en cause les acquis du collège unique ni la
formation d’une élite de haut niveau, indispensable pour assurer le
renouvellement des cadres supérieurs, des ingénieurs, des enseignants et des
chercheurs, et sans créer pour autant une école à plusieurs vitesses, c’est-à-dire
une forme de discrimination incompatible avec l’objectif d’équité et de cohésion
sociale ?
2) Comment faire face aux nouvelles attentes à l’égard de l’école en raison de
l’affaiblissement des institutions traditionnelles de socialisation (famille, religion,
service militaire, etc.), l’école apparaissant comme le dernier rempart contre le
risque d’anomie sociale ? Mais aussi en raison de la demande de compétences
nouvelles exigées par l’exacerbation de la concurrence économique au niveau
mondial. On demande à l’école tout à la fois de continuer à offrir une culture
classique, « sans baisse du niveau », de développer des compétences nouvelles
(travail en groupe, autonomie, créativité, maîtrise des nouvelles technologies de
la communication, mobilité, adaptabilité, etc.), de mieux informer sur les métiers,
d’éduquer à la citoyenneté dans un contexte pluriculturel, d’éduquer à
l’environnement, à la santé, à la sexualité, à la compétition et à la solidarité, etc.
11
En bref, on attend tout de l’école et le diplôme est de plus en plus nécessaire
pour permettre une insertion professionnelle normale.
Une école dont on attend toujours davantage, soumise à des tensions
croissantes
En d’autres termes, l’école est soumise à des tensions et contradictions croissantes
qui alimentent de nombreux débats tant au sein du système éducatif qu’au sein de la
société dans son ensemble. Tous les pays développés sont confrontés à ces défis
majeurs qui, sans être aussi dramatiques que dans les pays plus pauvres, posent
toute une série de questions complexes sur :
1) les finalités et les missions prioritaires de l’école dans un monde instable, de plus
en plus complexe et à l’avenir de moins en moins prévisible ;
2) la définition d’une culture et de valeurs communes et l’architecture des filières de
formation ;
3) la conception de dispositifs plus performants d’information sur les filières de
formation et les perspectives de débouchés professionnels et d’orientation des
élèves et étudiants ;
4) les moyens d’accroître l’efficience et l’efficacité du service d’éducation ;
5) le degré optimal de décentralisation des décisions et d’autonomie des écoles et
des établissements scolaires, afin d’accroître la capacité d’adaptation et
d’initiative sur le terrain, sans accroître les inégalités sociales et géographiques ;
6) les moyens d’améliorer la formation initiale et continue des enseignants dont la
mission devient plus difficile à remplir et plus variable en fonction des contextes
d’enseignement ;
7) les moyens d’utiliser de manière pertinente les technologies de l’information et de
la communication (TIC) afin d’accroître effectivement les acquis cognitifs et non
cognitifs des élèves ;
8) les modalités les plus efficaces de régulation et de pilotage, à tous les échelons
de responsabilité.
Afin de tenter de répondre à ces questions, les réformes qui se sont succédé en
France au cours des années 1990, se situent dans le prolongement des efforts
accomplis depuis la fin de la deuxième guerre mondiale pour constituer une système
éducatif plus cohérent et plus intégré et ne marquent pas de rupture quant aux
objectifs essentiels énoncés par la loi d’orientation du 10 juillet 1989.
Au delà des vicissitudes des changements économiques et politiques, trois
orientations majeures ont guidé l’esprit des réformateurs :
-
la quête de l’égalité des chances et le souci de réduire les sorties de l’école sans
qualification (le décrochage scolaire)
-
l’amélioration de la qualité de l’enseignement dans un contexte de faible
croissance économique et de nécessaire maîtrise des coûts
-
la recherche d’une meilleure harmonie entre la dynamique de l’offre de
qualifications et celle des perspectives d’emploi.
12
1. La quête de l’égalité des chances et la lutte contre l’échec
scolaire
Un effort financier croissant
En dépit d’un contexte économique globalement défavorable, l’effort national
d’éducation, exprimé en termes financiers, s’est considérablement accru depuis
1990. En effet, la dépense intérieure d’éducation (DIE), agrégat représentant le total
de la dépense des agents économiques pour l’éducation, a plus que doublé en euros
courants de 1985 à 2002, passant de 48.7 milliards d’euros à 103.6 milliards, ce qui
représente 6.9 % du produit intérieur brut (PIB), soit davantage que la moyenne des
pays membres de l’OCDE (5,5 % du PIB).
Cette dépense représente un effort financier annuel par habitant de 1730 euros par
an, ou encore une dépense de 6470 euros par élève ou étudiant (contre 3110 euros
en 1985). En euros constants (aux prix 2002), cette dépense globale moyenne par
élève/étudiant est passée de 4470 euros à 6470, soit une augmentation de 45 %
environ.5
Cette progression s’explique moins par l’accroissement du nombre d’élèves ou
étudiants (en dépit de l’allongement de la scolarité, il est vrai dans un contexte de
recul démographique ) que par l’accroissement du coût unitaire de chaque élève ou
étudiant. L’effort le plus important a porté sur l’enseignement primaire
(préélémentaire et élémentaire) ; le coût de l’élève à ce niveau a augmenté de 96 %
entre 1975 et 2002, contre 76 % au niveau du secondaire et seulement 29 % au
niveau de l’enseignement supérieur6.
L’Etat, qui emploie 1,3 millions de personnes dans le secteur de l’éducation (soit 13
% de plus qu’en 1990), est le principal financeur puisqu’il représente 64.5 % de la
DIE, le reste étant financé par les collectivités territoriales (21 %), les ménages (6.4
%), les entreprises (6.4 %) et les autres collectivités publiques ou para-publiques (1.8
%) (L’état de l’Ecole, 2003).
1.1. Un effort très important de scolarisation précoce dans les écoles
maternelles
L’un des traits les plus marquants de la politique éducative française est l’effort
exceptionnel en faveur de l’enseignement préélémentaire, dispensé par des
professeurs des écoles ayant suivi la même formation que leurs collègues de
l’enseignement élémentaire.
5
L’état de l’Ecole, n° 13, MENESR, Direction de l’évaluation et de la prospective
(DEP), octobre 2003
6
Cet effort moindre pour l’enseignement supérieur a fait l’objet de nombreuses
critiques, notamment du Haut Conseil de l’évaluation de l’Ecole (Hcéé) (avis n° 9,
octobre 2003) et dans un rapport du Conseil d’analyse économique intitulé
« Education et croissance » (Aghion Ph., Cohen E., 2003).
13
Dès le début des années 80, quasiment 100 % des enfants âgés de 4 ans et 90 %
des enfants de 3 ans étaient ainsi déjà scolarisés. La proportion des enfants
scolarisés dès l’âge de 3 ans a atteint 99 % dès la fin des années 80, tandis que
celle des enfants scolarisés dès l’âge de 2 ans s’est maintenue autour de 33 %
depuis le début des années 80, afin d’accueillir en priorité à cet âge les enfants issus
de milieux défavorisés, notamment dans les ZEP. C’est donc l’un des aspects de la
politique de discrimination positive en faveur des élèves défavorisés.
Les fondements de cet effort exceptionnel
De fait, c’est l’ensemble de l’effort en faveur de l’enseignement préélémentaire qui
participe du souci d’équité et d’efficacité. Mieux vaut prévenir en amont que guérir en
aval. Les apprentissages et le déroulement d’un parcours scolaire, de même que
l’échec scolaire, sont des processus cumulatifs et les destinées scolaires se
déterminent très tôt. Le dépistage précoce de difficultés scolaires ou de handicaps
spécifiques est donc une mission essentielle des écoles maternelles.
Par ailleurs, une attitude positive envers l’école et la motivation à apprendre sont les
facteurs essentiels de la réussite scolaire. Or, elles s’acquièrent d’autant plus
facilement que l’enfant est jeune. Un effort particulier est accompli à l’école
maternelle pour communiquer avec les parents, notamment « ceux que l’on ne voit
jamais », c’est-à-dire ceux qui ne disposent pas du niveau d’éducation leur
permettant d’être à l’aise dans la relation à l’enseignant (ici le plus souvent
l’enseignante). Le dialogue est difficile à établir avec ces parents et implique des
approches et des dispositifs particuliers, qui ont conduit à de nouveaux partenariats
avec des associations ou d’autres services publics (F. Dubet, 1997, C. Pair, 1999).
A cet égard, il convient de rappeler que les études internationales sur les acquis des
élèves, comme la troisième enquête sur les acquis en mathématiques et en sciences
- enquête TIMSS conduite en 1994 par l’Association Internationale pour l’Evaluation
des performances des élèves (IEA) ou PISA 2000 (OCDE) - ont montré que l’attitude
des parents (surtout de la mère) envers l’éducation était un facteur essentiel de la
réussite scolaire des élèves.
La priorité donnée aux enfants issus de milieux défavorisés
La priorité donnée aux enfants issus de milieux défavorisés pour entrer dès l’âge de
2 ans à l’école maternelle repose sur l’hypothèse qu’une scolarisation précoce
favorise ensuite la réussite scolaire et cela d’autant plus que l’enfant est élevé dans
un milieu culturellement défavorisé, ce qui semble plausible a priori. Or, des études
menées par l’Institut de Recherche en Economie de l’Education (IREDU) de
l’Université de Bourgogne ont montré que si effectivement l’impact était positif, il
l’était quelle que soit l’origine sociale de l’élève. Ce résultat ne remet pas en cause la
priorité donnée aux enfants défavorisés pour une scolarisation précoce, puisqu’il
confirme une certaine efficacité de celle-ci7. D’où, dans une perspective d’égalité des
chances, la justification de maintenir un avantage comparatif en début de cursus
scolaire pour celles et ceux qui souffrent de handicaps socio-culturels.
7
Cette efficacité a été toutefois contestée par d’autres chercheurs, c’est pourquoi le
Hcéé a recommandé que d’autres études soient effectuées sur cette question.
14
En 2003-2004, près de 2,6 millions d’enfants (dont un peu plus de 325 000 dans le
secteur privé sous contrat) étaient scolarisés dans l’enseignement préélémentaire, la
grande majorité dans près de 18 600 écoles maternelles, les autres dans des classes
préélémentaires d’écoles primaires8
1.2.
Vers l’intégration de tous les enfants dans l’enseignement élémentaire
Depuis fort longtemps en France, la quasi totalité des enfants suivent régulièrement
les 5 années d’enseignement de l’école élémentaire :
- cours préparatoire (CP), année cruciale pour l’apprentissage de la lecture
- cours élémentaire première année (CE1) et deuxième année (CE2)
- cours moyen première année (CM1) et deuxième année (CM2).
La mise en place d’une gestion plus souple des rythmes d’apprentissage
Ces appellations, anciennes et fortement ancrées dans les habitudes, se sont
maintenues malgré la mise en place des cycles pluriannuels prévue par la loi de
1989. Un décret du 6 décembre 1990 a en effet défini trois cycles pédagogiques
permettant notamment de mieux articuler l’enseignement préélémentaire et
élémentaire au sein de l’enseignement primaire, encore appelé « enseignement du
premier degré » :
- le cycle 1 des apprentissages premiers (trois niveaux du préélémentaire)
- le cycle 2 des apprentissages fondamentaux (dernier niveau du préélémentaire et
deux premières années de l’élémentaire)
- le cycle 3 des approfondissements (trois dernières années de l’élémentaire).
Cette mise en place des cycles visait à assurer une meilleure continuité des
apprentissages, un enseignement prenant davantage en compte chaque enfant, en
substituant à l’organisation en années de cours fixant des objectifs à atteindre par un
« élève moyen » une gestion plus souple du temps scolaire, de manière à permettre
des parcours individuels adaptés aux besoins repérés. Si un élève a atteint les
objectifs d’une fin de cycle, il passe au cycle suivant, sans changer de classe, avant
la fin de l’année scolaire. La variabilité de la durée des cycles est une alternative à la
rupture du redoublement (coûteux pour l’élève et pour le contribuable) dont
l’efficacité pédagogique a été largement remise en cause par les études effectuées
sur les parcours scolaires de cohortes d’élèves. De fait, les taux de redoublement ont
été sensiblement réduits entre 1990 et 2003 : la proportion des élèves entrant en
première année de collège (classe de sixième) sans avoir redoublé est passée de 64
à 80 %.
L’âge normal d’entrée en CP est 6 ans ; mais certains élèves sont autorisés à
commencer dès l’âge de 5 ans, à la demande des parents, lorsque les enfants ont
montré durant l’enseignement préélémentaire des capacités et une maturité
8
Repères et références statistiques (RERS), DEP/MENESR, 2003 et Note
d’Information DEP (N.I.) n° 4, mars 2004 (www.education.gouv.fr/stateval)
15
suffisantes. Donc, une scolarité ordinaire dans le primaire se déroule de l’âge de 6
ans à l’âge de 11 ans.
La réponse aux besoins spécifiques de certains élèves
En droit, il y a obligation d’instruction et non de scolarisation. D’où de très rares cas
d’instruction à la maison, notamment pour des familles de haut niveau culturel qui,
par exemple, se déplacent beaucoup pour des raisons professionnelles. D’autres cas
concernent les gens du voyage (notamment la communauté tsigane) ou des familles
pauvres, souvent récemment immigrées, vivant en marge de la société.
Pour y remédier, une loi du 18 décembre 1998 a renforcé le contrôle de l’obligation
d’instruction. Son but est de permettre de vérifier que la liberté laissée aux familles
dans le choix des modalités d’instruction ne soit pas utilisée de manière à dévoyer
les principes fondamentaux de l’éducation due aux enfants, principes qui ont été
rappelés dans le préambule de la Constitution de 1958. Le contenu de
l’enseignement requis pour les enfants instruits au sein de la famille ou dans les
rares établissements privés n’ayant pas passé contrat avec l’Etat, dits « hors
contrat », a été défini de manière plus précise et donne lieu à des contrôles.
Par ailleurs, une circulaire de 2001 a rappelé que l’obligation scolaire concerne
l’ensemble des enseignements et des activités éducatives organisées par l’école.
Cette disposition a eu deux conséquences particulières. L’une concerne la question
difficile des filles de familles musulmanes refusant de suivre les cours d’éducation
physique et sportive (qui pose le problème de l’école républicaine face aux réalités
du multiculturalisme)9 ; l’autre concerne le problème des sorties scolaires impliquant
une participation financière des familles, la circulaire rappelant que l’exclusion pour
des motifs financiers de certains enfants dans de telles activités est illégale.
Mais la question de l’intégration universelle des enfants à l’école ne se limite pas à
l’obligation de présence et d’assiduité. Comme dans de nombreux autres pays, la
tendance de la dernière décennie a été d’intégrer autant que possible dans un
cursus ordinaire les élèves à besoins particuliers.
L’idée directrice est de n’accueillir un élève dans une école ou une classe spécialisée
qu’après avoir essayé au préalable les autres solutions envisageables. Dans toute la
mesure du possible, l’élève à besoins spécifiques sera maintenu dans une classe
ordinaire en bénéficiant de dispositifs de soutien prévus dans le projet d’école. Il
revient à l’école dans sa mission de service public de prendre en compte la diversité
des élèves dans un strict souci d’équité (M-C. Mège-Courteix, 1999). Parmi les
dispositifs prévus, on peut citer :
- Les classes d’intégration des jeunes handicapés, appelées au niveau de
l’enseignement primaire « classes d’intégration scolaire » (CLIS), qui accueillent
des enfants présentant un handicap physique, sensoriel ou mental, mais pouvant
tirer profit en milieu scolaire ordinaire d’un enseignement adapté. Ces classes
accueillaient, en 2000, environ 41 000 enfants (dont 2400 dans le privé), à temps
9
Ce problème délicat a donné lieu à une nouvelle loi sur la laïcité votée en 2004 (loi
du 15 mars 2004).
16
complet ou partiel. Un plan d’action a été lancé en 1999 visant à mieux informer les
familles sur les dispositifs d’accueil, à former davantage d’enseignants spécialisés et
à créer des groupes de coordination associant au niveau de chaque département les
services publics concernés, les collectivités territoriales et les associations
partenaires.
- Les classes d’initiation, qui reçoivent des élèves de nationalité étrangère non
francophones : 2150 enfants en 1999 – 2000.
- Les classes d’adaptation, qui accueillent des élèves rencontrant des difficultés
particulières, au niveau de l’enseignement élémentaire : plus de 9300 élèves en
1999 – 2000. Les effectifs de ce type de classes sont réduits (environ une dizaine
d’élèves par classe).
- Les réseaux d’aides spécialisées en faveur des enfants en difficulté (RASED),
mis en place par une circulaire du 9 avril 1990, chaque réseau comprenant un
psychologue scolaire, chargé de la coordination du dispositif et des relations avec les
familles, des maîtres chargés des aides à dominante pédagogique (dont la mission
est de favoriser au sein de petits groupes des interactions entre élèves les aidant à
prendre conscience de leurs capacités et acquérir des méthodes d’apprentissage
scolaire adaptées) et des maîtres dont la mission est de susciter chez l’enfant le
désir d’apprendre et l’estime de soi.
- Des formes particulières de scolarité pour les enfants migrants, notamment
tsiganes, qui sont ceux avec les enfants d’immigrés clandestins, à être le moins
souvent scolarisés. La population des gens du voyage est estimée à environ 300 000
personnes, dont 45% ont moins de 16 ans. Beaucoup d’enfants sont scolarisés dans
le primaire, mais une proportion importante décroche dans le secondaire. Environ
150 enseignants font la classe aux gens du voyage, dont une trentaine dans des
camions écoles. Le Centre pour la formation, l’information et la scolarisation des
enfants migrants (CEFISEM) aide ces enseignants à concevoir une pédagogie
adaptée. C’est l’Association d’aide à la scolarisation des enfants tsiganes (ASET) qui
gère les camions écoles et emploie 37 enseignants, grâce au soutien financier de
collectivités territoriales et de services sociaux.
Au total, en 2003-2004, 3 900 000 élèves (dont 566 000 dans le secteur privé) sont
scolarisés dans l’enseignement élémentaire dans près de 58 000 écoles. Environ 53
000 élèves relèvent d’un des dispositifs de l’enseignement spécial (N.I. DEP n° 4,
mars 2004).
1.3.
La lutte contre l’échec scolaire dans l’enseignement secondaire
Après l’école élémentaire, les élèves entrent au collège (premier cycle de
l’enseignement secondaire) où ils suivent une scolarité de 4 ans : de la classe de
6ème à la classe de 3ème. L’âge ordinaire des élèves à l’entrée en 6ème est 11 ans,
celui de l’entrée en 3ème est 14 ans. On remarque donc que, pour un élève n’ayant
pas redoublé, l’âge à la fin du collège est 15 ans, ce qui ne correspond pas à celui de
la fin de la scolarité obligatoire qui est 16 ans.
17
Les tensions créées par l’instauration du collège unique
En principe, depuis la loi Haby de 1975, l’ensemble d’une génération est scolarisée
au sein d’un même type d’établissement. Depuis lors, ce collège unique a suscité de
nombreux débats. En effet, si le collège unique a constitué un progrès social
incontestable en mettant fin au système antérieur qui sélectionnait très tôt, et de
manière quasi irréversible, les élèves à même de poursuivre des études, en
revanche, en accueillant au sein d’une même structure des élèves de niveaux très
différents, il suscite un nouveau problème : celui d’une population d’élèves plus
hétérogène tant du point de vue du niveau, que du comportement ou des référents
culturels. Il importe donc de préserver les acquis du collège unique tout en
diversifiant les approches pédagogiques, de faire du collège un « collège pour tous »
ou « un collège pour chacun ».
La mission du collège est de permettre à tous les élèves de poursuivre leurs études
soit dans un lycée d’enseignement général et technologique (LEGT) pour préparer
un baccalauréat général ou technologique en 3 ans, soit dans un lycée professionnel
(LP) pour, soit préparer en 2 ans un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou un
brevet d’études professionnelles (BEP), premier niveau reconnu de qualification
professionnelle (diplôme de niveau V ou de niveau CITE 3c)10, soit préparer en 4 ans
un baccalauréat professionnel (diplôme créé en 1985 de niveau IV ou CITE 3b).
Le diplôme que les élèves présentent à la fin du collège, appelé diplôme national du
brevet (DNB), ou plus couramment « brevet des collèges », n’est donc pas un
diplôme terminal en lui-même ; du reste, il n’est pas obligatoire et sa réussite n’est
pas nécessaire pour une inscription en lycée (LEGT ou LP).
La gestion des transitions entre niveaux d’études
Un type d’action visant à réduire l’échec scolaire concerne l’amélioration de la
gestion des transitions entre cycles d’enseignement qui constituent des moments
critiques du cursus scolaire : passage de l’enseignement élémentaire au collège et
passage du collège au lycée.
Le passage entre le CM2 et la classe de 6ème peut poser problème. Alors que dans
l’enseignement primaire presque tous les enseignements sont assurés par un même
enseignant (seuls les enseignements artistiques, d’éducation physique et sportive et
de langues vivantes étrangères étant parfois assurés par des enseignants
spécialisés), dès la 6ème, l’élève est face à plusieurs professeurs enseignant chacun
leur discipline, avec des attentes et des modalités d’évaluation diverses. C’est un
facteur perturbant pour certains élèves, d’autant plus que d’une manière générale la
« culture » des professeurs et la « vie scolaire » du collège constituent un nouveau
contexte.
Des mesures ont donc été prises pour favoriser le dialogue entre professeurs de
CM2 et professeurs de 6ème (meilleure connaissance réciproque de leurs attentes,
10
Voir en annexe la nomenclature française des niveaux de formation qui est
différente de la classification internationale type de l’enseignement (CITE) établie par
l’UNESCO.
18
des programmes et des approches pédagogiques), visites de professeurs de 6ème
dans les classes de CM2, visites d’élèves de CM2 en collège, etc. D’autres mesures
ont été prises pour favoriser un pilotage pédagogique territorial : politique de
« bassins d’éducation et de formation »11 impliquant notamment des inspecteurs de
l’enseignement primaire, des principaux de collège et des inspecteurs pédagogiques
régionaux, coordination accrue au sein des ZEP et des réseaux d’éducation
prioritaire (REP).
De la même manière, la transition collège/LEGT ou LP peut être mal vécue. Les
mêmes dispositions ont été adoptées à ce niveau, avec un effort particulier pour
l’aide à la construction d’un projet de poursuite d’études et à l’orientation
professionnelle, impliquant les professeurs principaux du collège et du lycée, ainsi
que des conseillers d’orientation psychologues, mais aussi des partenaires
extérieurs, notamment du milieu économique.
Le développement d’une évaluation diagnostique à visée formative
Un aspect de la gestion des transitions, concernant aussi l’efficacité du soutien aux
élèves en difficulté, et plus généralement une meilleure adaptation de l’enseignement
aux besoins individuels des élèves, est le développement de nouveaux instruments
d’évaluation de leurs acquis.
A partir de 1989, la direction de l’évaluation et de la prospective (DEP) du ministère
de l’éducation nationale a élaboré, avec l’aide d’enseignants et d’inspecteurs, des
outils normalisés d’évaluation. Chaque année, tous les élèves à trois niveaux, jugés
critiques du cursus scolaire, devaient passer le même test national :
- à l’entrée en CE2 (début du 3ème cycle de l’enseignement primaire)
- à l’entrée en sixième (début du collège)
- à l’entrée en seconde (début du lycée).
L’objectif essentiel est, à partir de critères communs, d’évaluer en début d’année les
acquis cognitifs des élèves et de repérer leurs lacunes, notamment méthodologiques,
de manière à pouvoir adapter l’enseignement à la diversité des élèves et à élaborer
des stratégies diversifiées d’apprentissage. La visée est résolument formative et non
sommative. De manière à établir un diagnostic directement utile, les items des tests
sont conçus de manière à repérer des vices de raisonnement et à dresser une
typologie des erreurs les plus fréquentes. Les enseignants ont été nombreux au
début à résister à ce type de démarche, du fait de leur aversion pour des outils qu’ils
avaient du mal à s’approprier et qui les dépossédaient quelque peu de leur pouvoir
de juger les élèves selon leurs propres critères ou niveaux d’exigence. Mais au fil des
années 1990, ces outils ont été mieux acceptés, grâce à une politique de
sensibilisation et de formation et à l’élaboration de logiciels d’analyse des résultats
de plus en plus conviviaux et faciles à utiliser. Aujourd’hui, une large majorité des
enseignants apprécie d’avoir à sa disposition de tels outils. Toutefois, le passage du
test national n’est plus obligatoire à l’entrée en seconde et leur utilisation à ce niveau
est en régression.
11
cf. circulaire du 20 juin 2001 sur les missions et l’organisation des bassins
d’éducation et de formation (BOEN du 28/6/2001)
19
L’évolution des dispositifs de soutien aux élèves en difficulté au collège
Pour permettre à l’ensemble d’une génération d’acquérir un niveau de qualification
reconnu, ont été conçus des dispositifs d’aide aux élèves éprouvant des difficultés.
Déjà, la loi du 11 juillet 1975 (loi Haby) avait prévu des actions de soutien pour ces
élèves. Mais jusqu’à la loi de 1989, le premier palier d’orientation des élèves se
situait à la fin de la deuxième année de collège (classe de 5ème), les élèves les plus
faibles étant orientés alors vers la préparation d’un CAP en 3 ans sous statut scolaire
ou par la voie de l’apprentissage.
Au cours des années 1990, deux principes ont prévalu :
- retarder le premier palier d’orientation à la fin du collège par la suppression
progressive du palier d’orientation en fin de 5ème ;
- constituer des classes autant que possible hétérogènes, plutôt que des classes
de niveau.
L’application de ces principes a été progressive et difficile, pour des raisons pratiques
et du fait de la réticence de nombreux enseignants et parents d’élèves qui préfèrent
des classes relativement homogènes, malgré les résultats de la recherche en
sciences de l’éducation qui montrent la plus grande efficacité de classes
hétérogènes.
En ce qui concerne l’architecture des formations, avec la suppression progressive
des « classes pré-professionnelles de niveau » et des « classes préparatoires à
l’apprentissage », et la création des 4ème et 3ème technologiques, le système éducatif
n’a cessé de chercher de nouvelles solutions structurelles. Au début des années
1990, la scolarité du collège a été divisée en deux cycles : « cycle d’observation »
(6ème et 5ème ) et « cycle d’orientation » (4 ème et 3 ème), avec trois
possibilités d’orientation en fin de 5ème : 4ème et 3ème générales ; 4ème et 3ème
technologiques ; 4ème d’aide et de soutien et 3ème d’insertion.
En 1996, la volonté de réduire les orientations en fin de 5ème et d’améliorer
l’articulation entre l’école élémentaire et le collège a conduit à concevoir une scolarité
en trois cycles au lieu de deux. Désormais, on distingue :
-
Le « cycle d’adaptation » (classe de 6ème), dont l’objectif est de consolider les
acquis de l’enseignement élémentaire et d’initier aux méthodes de travail propres
à l’enseignement secondaire ; un dispositif de « consolidation »est conçu pour les
élèves qui ne possèdent pas les compétences fondamentales nécessaires.
-
Le « cycle central » (classes de 5ème et 4ème), qui vise à approfondir et élargir les
savoirs et savoir faire des élèves.
-
Le « cycle d’orientation » (classe de 3ème), qui vise à compléter les acquis
cognitifs et non cognitifs et à aider l’élève à préparer ses études après le collège
en liaison avec un projet professionnel.
Cette organisation en trois cycles a été accompagnée d’une plus grande autonomie
des collèges, afin de favoriser des parcours diversifiés, grâce à des marges de
20
manœuvre au sein d’horaires minima et maxima pour certaines disciplines. Ces
parcours diversifiés prévus au sein du projet d’établissement permettent de prendre
en compte les besoins spécifiques mais aussi les appétences des élèves. Sont aussi
prévues des heures « d’études dirigées ou encadrées » (décret du 29 mai 1996).
Pour les élèves en grande difficulté, outre les dispositifs de « consolidation » en
classe de 6ème et d’aide individualisée en 5ème, un accueil est prévu en « 4ème d’aide
et de soutien ». Si au terme de l’année, l’élève reste en difficulté, il peut être accueilli
dans une 3ème d’insertion. Ces classes reposent sur une « pédagogie de contrat » et
une alternance entre périodes en classe et stages en entreprise. Certains collèges
comportent des sections particulières pour accueillir des élèves en grande difficulté
depuis l’école primaire : les « sections d’enseignement général et professionnel
adaptés » (SEGPA), créées en 1989. Ces sections ont pour objectif de préparer à
terme à un diplôme professionnel, le plus souvent de type CAP. Le projet
pédagogique de la SEGPA doit être partie intégrante du projet du collège. Les
enseignements sont assurés par des instituteurs ou professeurs spécialisés.
Autre dispositif : les « classes-relais », qui accueillent des jeunes en rupture avec
l’institution scolaire, parfois exclus de leur établissement pour cause d’absentéisme
ou d’incivilité. Ces classes visent à « resocialiser » et à remotiver ces jeunes dans
une structure d’accueil temporaire créée au sein de certains collèges pour accueillir
les élèves concernés d’une zone ou d’un bassin de formation. L’organisation de ces
classes s’appuie sur un partenariat avec d’autres acteurs : collectivités territoriales,
familles, associations, protection judiciaire de la jeunesse, etc. L’admission des
élèves, décidée par l’inspecteur d’académie sur proposition du principal de collège et
d’un groupe départemental de pilotage, suppose l’accord de l’élève et de sa famille.
L’équipe d’encadrement est constituée d’enseignants et éducateurs volontaires
travaillant en relation avec des services sociaux et sanitaires.
Le dispositif des classes – relais a été redéfini et étendu par une circulaire du 12 juin
1998 (BOEN du 18 juin 1998). En 1999-2000, il existait environ une centaine de
classes – relais. Ce type de classes a été développé depuis et coexiste aujourd’hui
avec d’autres types de dispositifs relais (cf. convention du 2 octobre 2002, publiée au
BOEN du 10 octobre 2002), tels que les « ateliers relais » dont la durée ne peut
excéder 12 semaines.
Des établissements accueillent en internat des élèves à besoins particuliers : les
« établissements régionaux d’enseignement adaptés » (EREA), créés en 1985.
Divers instituts du secteur médico-éducatif accueillent des élèves ayant des
handicaps spécifiques.
Par ailleurs, en 1997, ont été créées des unités pédagogiques d’intégration (UPI)
dans certains collèges pour accueillir des jeunes de 11 à 16 ans présentant diverses
formes de handicap mental mais pouvant tirer profit, en milieu scolaire ordinaire,
d’une scolarité adaptée à leurs besoins spécifiques.
Mais le collège reste, de l’avis de beaucoup, le « maillon le plus sensible » du
système éducatif. Il n’a cessé d’être en rénovation depuis de nombreuses années et
plus récemment divers rapports ont été écrits qui ont conduit à une nouvelle réforme
(cf. chapitre 2).
21
Les effectifs d’élèves scolarisés au collège ont augmenté d’environ 3.5 % depuis
1990, passant de 3 134 600 en 1990–91 à 3 244 580 en 2003-2004 , la proportion
dans le secteur public étant restée identique : 79, 3 %. Environ 6000 élèves étaient
scolarisés dans des dispositifs de type UPI et classes relais, 106 000 en SEGPA et
10 700 dans des EREA (N.I. DEP n° 5, mars 2004).
1.4. Les tentatives pour réduire les sorties sans qualification et l’aide à
l’insertion
La loi de 1989 a fixé à l’école une obligation de résultats : celle de conduire chaque
élève à un niveau reconnu de qualification. Cela implique qu’au terme de la scolarité
au collège, chaque élève puisse continuer ses études pour obtenir un diplôme, au
moins de niveau V (CITE 3c), c’est-à-dire un CAP, BEP ou un diplôme équivalent.
Or, si des progrès importants ont été accomplis entre 1970 et 1990, la proportion
d’une génération sortant sans diplôme du système éducatif passant d’environ 25% à
10% en 20 ans, depuis lors les progrès ont été beaucoup plus lents, car il semblerait
que la faible proportion d’élèves concernée requiert des dispositifs plus difficiles à
mettre en œuvre.
Ainsi, la loi quinquennale de 1993 sur l’emploi, le travail et la formation
professionnelle a-t-elle prolongé la loi de 1989 en affirmant le droit pour tous les
jeunes à bénéficier d’une formation professionnelle avant leur sortie du système
éducatif. Cette disposition concerne au premier chef les Régions qui, dans le cadre
du processus de décentralisation, ont en charge la formation professionnelle tout en
étant l’interlocuteur principal des lycées professionnels et des centres de formation
d’apprentis.
Plus récemment, la loi d’orientation sur l’exclusion de juillet 1998 a garanti à tous
l’accès effectif aux droits fondamentaux, notamment dans le domaine de l’éducation.
Enfin, tant au niveau national qu’européen, la question de l’acquisition d’une
qualification minimale, en liaison avec l’impératif d’équité, est de plus en plus pensée
en termes d’apprentissage ou d’éducation tout au long de la vie.
Dans cette perspective, depuis la fin des années 1970, ont été mis en place de
nombreux dispositifs, soit pour apprendre autrement, soit pour donner une nouvelle
chance de reprendre des études à de jeunes adultes ayant quitté l’école sans
diplôme. A cet égard, le problème du décrochage scolaire est celui qui a conduit au
plus grand nombre d’innovations. La France a développé un système original
d’enseignement professionnel en alternance, sous statut scolaire ou sous statut
d’apprentissage, qui paraît adapté à la très grande majorité des jeunes qui l’ont
choisi, mais il restait à inventer des dispositifs spécifiques pour la minorité de jeunes
restant en situation d’échec.
De nombreuses innovations ont ainsi vu le jour pour faciliter, d'une manière de plus
en plus personnalisée, l’insertion des élèves décrocheurs, dans l'éducation nationale,
dans l’enseignement agricole, ainsi que dans des dispositifs associant divers
partenaires économiques et sociaux.
22
Des mesures législatives, réglementaires, administratives et financières ont visé à
permettre à ceux qui sont en grande difficulté scolaire d’acquérir une qualification
minimale et à faciliter la transition souvent longue et difficile entre l’école et le premier
emploi.
Divers types d’insertion en alternance sous contrat de travail ont ainsi été créés pour
les jeunes récemment sortis du système éducatif qui ont besoin d’une première
expérience professionnelle et d’un appui pour leur orientation ou leur réorientation
professionnelle (contrats de qualification, d’adaptation ou d’orientation). Les
conditions d’accès et de durée de ces diverses formules ont été récemment révisées,
par exemple pour les contrats d’orientation, qui ne concernaient que les jeunes de
moins de 22 ans sans baccalauréat et qui sont désormais ouverts à ceux qui sont en
situation d’échec dans l’enseignement supérieur.
Un autre moyen de favoriser l'insertion est le soutien apporté aux réseaux d’accueil
et d’orientation des jeunes en difficulté, notamment celui des "missions locales". Ce
réseau, en liaison avec les partenaires locaux et la délégation interministérielle à
l’insertion des jeunes (DIIJ), vise à apporter un conseil personnalisé aux jeunes en
matière d’accès à l’emploi et à la formation. La plupart d’entre eux sont non qualifiés
(40 % sont de niveau VI et V bis), mais on observe dans le réseau une tendance
marquée à prendre en charge des jeunes de plus en plus formés ; en particulier, les
jeunes femmes accueillies ont en moyenne un niveau de formation nettement plus
élevé que les garçons, et leur proportion augmente.
Le réseau des missions locales s’est rapproché de celui de l’agence nationale pour
l’emploi (ANPE), qui s’est elle-même rapprochée de l’association pour la formation
professionnelle des adultes (AFPA); la meilleure coordination de services dépendant
de divers ministères (emploi et solidarité, éducation nationale, jeunesse et sports)
devrait permettre de raccourcir le processus d’insertion et de réduire la période
d’incertitude des jeunes après leur sortie du système scolaire.
Au sein de l’éducation nationale, la politique d’aide à l’insertion s’est concrétisée par
tout un ensemble de mesures coordonnées à partir de 1986 au sein du dispositif
d’insertion des jeunes (DIJEN), puis à partir de 1996 au sein de la Mission générale
d’insertion (MGI). L’objectif du dispositif, qui concerne les jeunes de plus de 16 ans,
est double : réduire les sorties sans qualification par une politique de prévention et
offrir des actions spécifiques à ceux qui sont encore scolarisés ou sortis depuis
moins d’un an du système scolaire. Les actions de la MGI sont pilotées au niveau
national par la direction de l’enseignement scolaire, au niveau académique par un
responsable (le plus souvent le DAET) et un correspondant académique de la
mission nationale et, au niveau départemental, par l’inspecteur d’académie assisté
d’un inspecteur de l’information et de l’orientation. Les actions MGI bénéficient de
contributions du Fonds social européen d’un montant potentiel annuel de 11,4
millions d’euros.
La politique de prévention repose sur des dispositifs de veille et le suivi individualisé
des élèves les plus fragiles. Ainsi, en 2002-2003, près de 75 000 jeunes ont pu
bénéficier d’un ou plusieurs entretiens permettant de faire le point sur leur situation et
de proposer des solutions adaptées. Les actions spécifiques conduites par la MGI
sont de trois types :
23
-
les actions de remobilisation visant à remotiver pour commencer ou poursuivre un
parcours de formation qualifiante et à renforcer certaines compétences de base,
par exemple : les cycles d’insertion professionnelle par alternance (CIPPA) ou
des modules d’adaptation au lycée (MODAL);
-
les actions de préparation à un diplôme et à la qualification prenant en compte les
acquis, par exemple, les modules de repréparation aux examens par alternance
(MOREA) ou les itinéraires d’accès à la qualification (ITHAQUE) ;
-
les actions d’accompagnement vers l’emploi, notamment les formations
complémentaires d’initiative locale (FCIL) organisées en partenariat avec les
branches professionnelles locales, qui se déroulent en lycée professionnel ou
technologique et qui s’adressent à des jeunes titulaires d’une première
qualification.
On peut encore citer comme exemple le programme « Nouvelles chances », lancé en
1999, qui s’adresse aussi aux jeunes sortant ou risquant de sortir du système
scolaire sans qualification. Ce programme repose sur trois principes :
- donner des réponses individuelles adaptées ;
- encourager les initiatives du terrain et diffuser celles qui réussissent ;
- agir avec des partenaires extérieurs pour assurer une transition vers l’emploi et
donner un sens plus concret aux apprentissages.
On a vu que le dispositif inclut aussi en amont la création de « classes relais » et
d’ateliers relais pour scolariser des enfants de moins de 16 ans en risque de
marginalisation.
On peut encore citer le programme TRACE (Trajet d’accès à l’emploi) créé par la loi
sur l’exclusion de 1998 , pour accompagner vers un premier emploi les jeunes sortis
de l’école sans qualification, grâce là aussi à des actions personnalisées. D’autres
expériences concernent des écoles autogérées ou encore des lycées offrant des
formations diplômantes selon des dispositifs particuliers (exemple : lycée du temps
choisi), permettant notamment de mener de front l’exercice d’un travail rémunéré et
la reprise d’études.
1.5. La politique des ZEP et des REP
Mises en place à partir de 1982, les « zones d’éducation prioritaire » (ZEP) ont
constitué une innovation importante : à la conception d’une école uniforme sur
l’ensemble du territoire national on substitue celle d’une école adaptée à des besoins
spécifiques locaux, selon un principe de discrimination positive qui consiste à
accorder davantage de moyens et d’attention aux écoles et aux établissements les
plus défavorisés.
Les ZEP constituent un dispositif original de réduction des inégalités concernant des
aires géographiques dans lesquelles le cumul de handicaps économiques et socioculturels constitue un obstacle à la réussite scolaire. L’inscription territoriale de cette
politique résulte du double objectif d’améliorer les performances scolaires et de lutter
contre l’exclusion sociale. Cela requiert une approche globale de l’école et de son
24
environnement par une action coordonnée des personnels de l’éducation et d’autres
partenaires administratifs et sociaux, notamment en direction des familles.
Les ZEP sont définies à partir de critères scolaires (proportion d’élèves en retard
dans leur scolarité, taux de redoublement, abandons et sorties sans qualification,
résultats aux tests nationaux d’entrée en CE2 et en 6ème) et de critères relatifs au
contexte démographique, économique et social (nombre d’enfants par famille,
pourcentage d’étrangers, revenu des familles, taux de chômage, nombre de
boursiers). Ces critères généraux sont complétés par des éléments plus qualitatifs
reflétant à la fois la réalité du territoire et les perceptions des collectivités locales.
Chaque ZEP est pilotée par un responsable ou des co-responsables (inspecteur de
l’éducation nationale, chef d’établissement) assisté d’un coordinateur. Le Conseil de
zone élabore un projet cohérent, fondé sur l’analyse de la situation et des besoins
spécifiques des élèves, conçu avec les équipes pédagogiques des écoles et
établissements concernés et comportant des objectifs concrets et mesurables. Ce
projet est ensuite finalisé en un contrat de réussite scolaire signé pour trois ou quatre
ans entre les autorités académiques et les représentants de la ZEP. Un autre aspect
important est la notion de partenariat : la place importante accordée aux familles et
aux relations avec les associations et les acteurs économiques, sociaux et culturels
locaux.
L’objectif central est d’améliorer les résultats scolaires par des actions éducatives et
pédagogiques centrées sur les besoins individuels des élèves. Les principales
modalités en sont : la scolarisation dès l’âge de 2 ans, une pédagogie différenciée,
des actions périscolaires, un effort particulier dans les domaines de la santé et de la
sécurité, la mise en place de pôles d’excellence, la formation des personnels
enseignants et non enseignants, la liaison inter-degrés (école/collège/lycée), des
indicateurs de résultats, la coordination entre projets d’école ou d’établissement et
projet de ZEP, des indicateurs de résultats, des moyens financiers supplémentaires,
un encadrement des élèves renforcé, ainsi que des avantages de rémunération et de
carrière pour les personnels.
On dénombre, en 2003-2004, environ 900 ZEP et REP, qui regroupent plus de 7000
écoles primaires, plus de 1000 collèges, 121 lycées professionnels et 46 LEGT (soit
20 % des élèves du secteur public).
Suite à un rapport d’évaluation (Moisan, Simon, 1997), la politique des ZEP a été
relancée en 1998-1999. Cette relance des ZEP comportait trois innovations
majeures :
-
La mise en place de réseaux d’éducation prioritaire (REP) permettant d’intégrer
des établissements « sensibles » mais non classés en ZEP, d’atténuer les effets
de frontière ZEP/hors ZEP, donc les risques de stigmatisation, et d’accroître
l’efficacité pédagogique en s’appuyant davantage sur les effets de réseau
(partenariats, échanges, complémentarité, mutualisation de moyens, etc.).
-
L’obligation pour chaque REP d’élaborer un « contrat de réussite » rappelant les
objectifs essentiels, notamment en termes d’exigence de niveau des
performances scolaires, le recentrage des activités sur les apprentissages
25
fondamentaux, notamment la maîtrise du langage et de l’écriture, le soutien aux
élèves les plus fragiles, la scolarisation précoce, l’éducation à la citoyenneté, les
relations avec les familles et l’environnement, la nécessité d’apporter un soutien
aux enseignants, etc.
-
La formalisation de « pôles d’excellence » afin de promouvoir une image positive
des REP. Il s’agit de constituer de tels pôles autour de diverses activités :
sections sportives et musicales, ateliers de pratique artistique ou scientifique, etc.,
menées le plus souvent en partenariat avec des institutions ou associations
extérieures, culturelles, éducatives ou sportives. Il s’agit surtout de revaloriser les
élèves et d’accroître leur confiance en soi et leur motivation à apprendre.
L’effectif moyen des classes des écoles et établissements de ZEP ou REP est plus
réduit ; par exemple, pour les collèges, cet effectif moyen est de 21,4 élèves en ZEP
contre 24 dans les autres collèges publics. Dans l’ensemble, le coût de formation
d’un élève en ZEP est estimé à environ 10% au-dessus du coût moyen de formation
d’un élève.
Durant l’année 2002-2003, les contrats de réussite mis en place en 1999-2000 ont
été évalués. Si les bilans effectués montrent des avancées significatives depuis la
relance des ZEP et la création des REP, il demeure que certaines ZEP réussissent
beaucoup mieux que d’autres. L’analyse des contrats de réussite met en évidence
que nombre d’actions engagées l’ont été sur la périphérie de l’école au détriment du
cœur de la classe, alors que les chercheurs s’accordent à dire que les ZEP qui ont
les meilleurs résultats sont celles qui ont concentré leurs efforts sur les
apprentissages scolaires.
2. L’amélioration de la qualité et de l’efficacité de l’enseignement
Un aspect majeur de l’amélioration de la qualité de l’enseignement concerne
l’adaptation des programmes et l’adoption d’une pédagogie différenciée laissant une
part plus importante à l’apprentissage actif des élèves. Les autres aspects importants
concernent la contribution des disciplines et de la vie scolaire à l’éducation à la
citoyenneté, l’utilisation pertinente des technologies de la communication dans
l’enseignement (TICE), la formation initiale et continue des enseignants et l’obligation
pour chaque école ou établissement d’élaborer un projet éducatif cohérent avec de
nouveaux outils de pilotage.
2.1. L’évolution des programmes d’enseignement
L’évolution scientifique, technologique, économique, sociale et culturelle implique un
changement des programmes disciplinaires, mais aussi des activités développant les
compétences non cognitives : valeurs, attitudes et comportements. Depuis 1989,
plusieurs révisions des programmes ont été effectuées, faisant suite à des
consultations nationales, conduites par d’éminents chercheurs, la première étant
celle conduite, en 1989-90, à partir du rapport d’une commission dirigée par Pierre
Bourdieu et François Gros.
26
Les principes de Bourdieu/Gros et la création du Conseil national des
programmes
En mars 1989, le rapport – « Principes pour une réflexion sur les contenus
d’enseignement » - de la commission Bourdieu/Gros a fixé sept grands principes à
respecter pour une révision progressive des programmes. En particulier, afin
d’arrêter un processus conduisant à accroître sans cesse le volume des
connaissances à acquérir, et donc de prétention à un encyclopédisme inaccessible à
la grande majorité des élèves, il a été recommandé de ne rien ajouter sans
supprimer en contrepartie un volume équivalent de connaissances. Ce principe est
raisonnable car on connaît la différence entre les programmes officiels et les
programmes enseignés, ainsi que celle entre les programmes enseignés et ceux
réellement appris, compris et assimilés par la majorité des élèves.
Un autre principe proposé est celui de développer les compétences transversales et
l’articulation entre les disciplines. Enfin, une autre recommandation était de diversifier
les modalités d’apprentissage et de développer les activités expérimentales et
l’observation, le système éducatif français ayant tendance à privilégier les savoirs
abstraits et les démarches hypothético-déductives12. Cette
proposition fut
notamment soutenue et relayée par deux Prix Nobel : Georges Charpak et PierreGilles de Gennes. Depuis, G. Charpak a piloté l’expérience « La main à la pâte »,
nouvelle méthode active de l’enseignement des sciences dans l’enseignement
primaire (Charpak, 1998).
Afin d’organiser le processus de révision des programmes d’enseignement, la loi de
1989 a prévu la création d’un Conseil national des programmes, composé
d’universitaires/chercheurs, d’enseignants du secondaire, d’inspecteurs généraux et
de personnalités du monde économique, social et culturel. Ce Conseil est chargé de
fixer les grandes orientations de la réforme des programmes aux divers niveaux
d’enseignement et de faciliter la coordination entre les travaux de groupes
techniques disciplinaires (GTD) chargés d’élaborer, en liaison avec le ministère, les
programmes de chaque discipline. C’est selon cette procédure que les programmes
de l’enseignement primaire et secondaire ont été révisés à plusieurs reprises durant
les années 199013.
Les réformes de l’école primaire, du collège et du lycée ont concerné les
connaissances à acquérir, mais aussi l’organisation pédagogique (cycles,
organisation du temps scolaire, tronc commun et options, modalités d’évaluation des
élèves, etc.), ainsi que les activités et les méthodes d’enseignement (mise en place
de modules au lycée par exemple). Pour ne pas présenter une liste détaillée, qui
serait fastidieuse, des changements successifs des programmes qui ont été mis en
œuvre depuis 1990, nous nous en tiendrons à quelques exemples, réservant pour le
12
Ces principes de bon sens n’ont pas été remis en cause depuis lors. Ils ont été
effectivement appliqués et rappelés, sous des formes différentes certes, par les
ministres successifs en charge de l’éducation nationale.
13
Les GTD ont été remplacés depuis par des « groupes d’experts » ayant une
composition légèrement différente et dont le fonctionnement est coordonné par la
Direction de l’enseignement scolaire (DESCO), en liaison avec l’IGEN.
27
chapitre II la présentation des réformes en cours ou en projet. Au delà de l’accent
mis sur tel ou tel aspect par chaque Ministre, apparaît une certaine continuité quant
aux objectifs essentiels recherchés et sur les moyens de les atteindre. A cet égard,
les politiques conduites sont conformes aux recommandations de Jacques Delors
dans son rapport à l’UNESCO (Commission internationale sur l’éducation pour le
21ème siècle) qui souligne la nécessité d’une certaine continuité dans la durée des
stratégies de changement concernant le domaine de l’éducation (J. Delors, 1996).
Premier exemple : les principales priorités du « plan pour l’école maternelle et
élémentaire » (printemps 2000)
L’objectif fondamental de ce plan est de permettre à chaque élève de se développer
selon sa personnalité et ses talents. La poursuite de cette objectif s’organise selon
cinq axes principaux :
-
la maîtrise suffisante des langages à l’écrit et à l’oral, qui est la première priorité ;
-
le développement et la diversification de l’enseignement des langues vivantes,
l’objectif d’ici 2005 étant de commencer l’apprentissage d’une langue étrangère,
pas seulement l’anglais, dès la dernière année de l’école maternelle et celui d’une
deuxième langue dès le début du collège ;
-
la généralisation d’un enseignement scientifique et technologique fondé sur
l’observation et la manipulation, et conçu pour permettre aux élèves de discuter et
d’argumenter oralement et par écrit, avec notamment le programme « La main à
la pâte » piloté par l’Académie des sciences;
-
la garantie d’un accès de tous aux TICE, toutes les écoles devant être équipées
en micro-ordinateurs et être connectées à l’Internet d’ici la rentrée 2002. Dès
2003, à la fin de l’école élémentaire, les élèves pourront passer les épreuves d’un
brevet « informatique et Internet » (B2I) ;
-
le développement de l’éducation artistique et culturelle.
Aucun de ces axes n’a été remis en cause depuis lors. Ils ont été seulement
précisés, enrichis et complétés dans le cadre de la mise en œuvre des nouveaux
programmes de l’enseignement primaire de 200214, étalée sur les années scolaires
2002-2003, 2003-2004 et 2004-2005.
Les réformes du collège
1) En juin 1994, suite à une vaste consultation, le ministre de l’éducation nationale
François Bayrou annonce un « nouveau contrat pour l’école » comportant 158
décisions (brochure du MEN, septembre 1994). Ce texte rappelle d’abord quelques
principes fondamentaux :
-
allégement des programmes, recentrés sur l’essentiel
14
Arrêté du 25 janvier 2002 fixant les programmes et les horaires de l’enseignement
primaire (B.O. hors-série du 14 février 2002)
28
-
meilleure continuité entre école primaire, collège et lycée
valorisation de l’image de l’école
développement de l’éducation à la citoyenneté.
Concernant plus particulièrement le collège, qui avec l’école primaire constitue
« l’école fondamentale », il s’agit d’abord d’énoncer « une liste d’objectifs simples de
connaissances et de savoir faire devant être atteints par chaque élève à chaque
niveau. » L’organisation est fondée sur trois cycles (cf. supra) et un dispositif de
consolidation est mis en place en 6ème pour renforcer l’aide individualisée aux élèves
en difficulté. A partir de la 5ème sont créés des parcours diversifiés.
De nouvelles consultations auprès des enseignants, entre 1994 et 1996, sur les
contenus à enseigner, ont pu alimenter la réflexion des groupes techniques
disciplinaires (GTD) chargés d’élaborer les nouveaux programmes qui ont été mis en
œuvre en 1996 (classe de 6ème), en 1997 (cycle central : 5ème et 4ème) et en 1998
(classe de troisième).
2) En 1999, le texte sur « le collège des années 2000 » (B.O. du 10/6/1999) qui
s’intitule « La mutation des collèges : un collège pour tous et pour chacun », propose
diverses orientations générales pour la scolarité en collège, suite à l’enquête
conduite par une équipe de chercheurs pilotée par François Dubet et Marie DuruBellat. L’objectif est une fois encore de concevoir un collège « capable de s’adapter à
chacun pour éviter de reléguer les uns sans freiner les autres », grâce à trois types
d’actions complémentaires :
-
prendre en considération des élèves différents dans un collège pour tous ;
diversifier les méthodes d’enseignement et accompagner l’apprentissage de
l’autonomie ;
mieux vivre au collège.
Parmi les mesures prises, on peut citer :
-
la création d’un livret d’accueil pour les élèves entrant en 6ème, développement
des heures de mise à niveau pour ceux ne maîtrisant pas les compétences de
base en français et en mathématiques et des études dirigées ;
-
la généralisation en 4ème des activités « nouvelles technologies appliquées »,
dispositif souple permettant aux élèves d’expérimenter à travers un projet la
cohérence des divers enseignements disciplinaires et aux professeurs de
diversifier leur pédagogie dans le cadre d’un travail en équipe ;
-
la création en 4ème de « travaux croisés », projets pluridisciplinaires, prolongeant
les « parcours diversifiés » de la classe de 5ème ; il s’agit pour chaque collégien de
mener à bien une production (artistique, scientifique,…) mettant en œuvre des
savoirs de plusieurs disciplines, avec l’aide des enseignants concernés ;
-
la mise en place d’ateliers de lecture (une heure hebdomadaire) et
développement de l’éducation à l’image ;
29
-
la création d’un « livret des compétences » pour chaque élève permettant une
évaluation plus formative, montrant les progrès accomplis et les acquis ;
-
l’élaboration d’une charte de qualité pour les bâtiments et équipements scolaires ;
-
la mise en place d’une « heure de vie de classe » deux fois par mois, permettant
de discuter des questions relatives à la vie dans le collège, de s’exercer au débat
et, en 3ème, d’évoquer les problèmes d’orientation ;
-
la rénovation des règlements intérieurs des collèges et l’élaboration d’une charte
des droits et devoirs du collégien.
3) En avril 2001, Jack Lang, ministre de l’éducation nationale, suite au rapport
commandé en 2000 au recteur Philippe Joutard, également président du groupe
d’experts chargé de l’élaboration des programmes de l’enseignement primaire,
présentait de « nouvelles orientations pour un collège républicain ».
Dans le cadre de ces objectifs et dans le prolongement des priorités définies pour
l’école primaire, la nouvelle réforme de 2001 vise à simplifier les dispositifs, afin que
« le collège pour tous soit aussi un collège pour chacun ». Il s’agit de bâtir un
« collège républicain » qui reconnaisse pleinement la diversité des goûts et des
talents des élèves, tout en étant un creuset social et un lieu d’éducation à la
citoyenneté. L’objectif n’est pas de réformer les structures mais de mettre l’accent sur
les pratiques pédagogiques, l’essentiel étant de donner du sens à la scolarité au
collège pour tous les élèves. A cette fin, est rappelé le nécessaire respect de trois
exigences :
-
l’apprentissage de nouveaux savoirs et l’acquisition de nouvelles compétences
doivent être conçus à la fois comme des éléments constitutifs du dernier tronçon
de la scolarité obligatoire et comme la base d’une formation plus approfondie et
plus spécialisée ;
-
l’enseignement et l’organisation du collège doivent intégrer les préoccupations
des élèves à un moment très particulier de construction de leur personnalité et de
leur affectivité ;
-
le collège doit ouvrir à de nouvelles formes de sociabilité : l’entrée au collège est
une étape essentielle d’ouverture intellectuelle.
Il s’agit de proposer à chaque collégien un parcours de formation conciliant les
mêmes exigences pour tous et la pluralité des itinéraires pour les atteindre, et de
mieux prendre en compte l’hétérogénéité des acquis et des comportements des
élèves. Ce qui implique une certaine marge de manœuvre de chaque collège dans
un cadre fixant de grands objectifs nationaux et académiques à respecter.
Nous verrons dans le chapitre II que les réformes proposées par les ministres Luc
Ferry et Xavier Darcos, ainsi que les voies tracées par le ministre actuel François
Fillon se situent fondamentalement dans la même perspective de lutte contre l’échec
scolaire par une diversification des parcours plus individualisés des élèves en
fonction de leurs compétences et de leurs appétences et un accroissement de la
30
marge de manœuvre des collèges. Pour ne prendre qu’un exemple, la mise en place
des parcours diversifiés, puis celle des travaux croisés, puis celle des itinéraires de
découverte, participent, au-delà de modalités pratiques différentes, de la même
volonté de favoriser un apprentissage pluri-disciplinaire, une pédagogie plus
inductive et un travail en groupe des élèves.
L’évolution des programmes
technologique (LEGT)
du
lycée
d’enseignement
général
et
Il a été jusqu’ici surtout question de l’enseignement élémentaire et du collège, en
liaison avec la problématique de l’égalité des chances et de la lutte contre l’échec
scolaire. On décrira ici la réforme du LEGT (celle du lycée professionnel sera
présentée plus loin) mise en place en 1992 (décret du 17/1/92 et arrêté du
17/6/1992). Celle-ci était devenue souhaitable pour deux raisons principales :
-
1) la nécessité de diversifier les voies d’excellence pour lutter notamment contre
une hiérarchie des séries préparant au baccalauréat général, la série C
(scientifique) étant devenue de fait la filière regroupant la grande majorité des
bons élèves ;
-
2) la nécessité de simplifier et repenser les baccalauréats technologiques trop
spécialisés (16 baccalauréats différents) pour des diplômes ayant vocation à
conduire à des études supérieures, d’autant plus qu’ils faisaient partiellement
double emploi avec les baccalauréats professionnels créés en 1985.
Le décret de 1992 maintient les trois voies d’accès au baccalauréat : générale,
technologique et professionnelle. Les voies générale et technologique comprennent :
- un cycle de détermination, constitué par la classe de seconde générale et
technologique
- un cycle terminal constitué des classes de première et de terminale.
La classe de seconde « concourt à la détermination des séries et spécialités de
terminale ». Elle comprend des enseignements communs, optionnels obligatoires
(chaque élève doit choisir deux options parmi les disciplines proposées) et facultatifs.
Aucune option n’est imposée pour l’accès à une série de première, de manière à ce
que cette classe soit vraiment de détermination et ne conduise pas à des choix
irréversibles.
Le cycle terminal d’enseignement général comprend trois séries (arrêté du 15/9/
1993) :
-
la série économique et commerciale (ES)
la série littéraire (L)
la série scientifique (S).
Comme en classe de seconde, on distingue des enseignements obligatoires,
optionnels et facultatifs.
En 2nde et en 1ère sont créés des enseignements obligatoires, à raison de 2 heures
par semaine, appelés « modules », conduisant à modifier les regroupements
31
d’élèves en fonction d’objectifs à dominante méthodologique, fixés à partir des
besoins des élèves. En début de classe de 2nde, l’évaluation diagnostique à partir des
tests nationaux permet de repérer les principales lacunes des élèves. Ces modules
ont connu un vif succès auprès des élèves et des professeurs, mais ils sont souvent
devenus des séances de travaux dirigés, en raison de la difficulté pratique à mettre
en œuvre leur aspect le plus original : la recomposition des groupes en fonction des
progrès des élèves et des objectifs de chaque séquence. Il s’agit d’un obstacle
fréquent à la mise en œuvre d’innovations pédagogiques : la relative rigidité des
contraintes d’organisation du temps et de l’espace scolaires.
Une autre innovation concerne la classe terminale : pour renforcer l’identité de
chaque série, il est demandé aux élèves de choisir un « enseignement de
spécialité » (de 2 à 3 h par semaine) en fonction de leurs préférences et de leur
projet d’études supérieures.
L’arrêté du 15 septembre 1993 modifie aussi l’organisation de l’enseignement
technologique. Le cycle terminal ne comprend plus que quatre séries définies de
manière plus large, mais comprenant elles-mêmes des possibilités de spécialisation
par le jeu des options :
- la série médico-sociale (SMS)
- la série sciences et technologies industrielles (STI)
- la série sciences et technologies tertiaires (STT) ou « économie-gestion »
- la série sciences et technologies de laboratoire (STL).
L’accès en 1ère technologique est ouvert aux élèves de 2nde générale et
technologique et à des élèves venant de lycée professionnel, titulaires d’un BEP, le
plus souvent dans des classes à horaire aménagé, appelées « premières
d’adaptation ». L’existence de ces « classes passerelles » est un aspect important du
système éducatif français, car elle répond au souci de constituer un système intégré
permettant des passages d’une voie ou d’une série à l’autre, de telle sorte que les
choix d’orientation des élèves ne soient pas irréversibles.
La structure générale du lycée mise en place en 1993 visait à :
-
un rééquilibrage du prestige des séries et des disciplines au sein de chaque
série ;
une plus grande flexibilité dans les choix d’orientation des élèves et dans
l’organisation pédagogique, par le biais des modules, des options et d’ateliers de
pratiques ;
une plus grande simplicité de l’architecture des filières de formation et donc une
meilleure lisibilité par les familles et les élèves.
Cette structure générale du lycée n’a pas été modifiée ; mais cela n’a pas exclu
certains aménagements et une rénovation des programmes.
La consultation nationale de 1998 et « le lycée pour le 21ème siècle »
La consultation nationale lancée en 1997-98 sur le thème « quels savoirs enseigner
dans les lycées ? » a conduit à un colloque national (avril 1998) puis à un rapport de
synthèse rédigé par un comité présidé par Philippe Meirieu (ancien directeur de
32
l’INRP, aujourd’hui directeur de l’IUFM de l’académie de Lyon). Ce rapport rappelle
quelques principes fondamentaux :
-
Le lycée est une institution de la République : le projet de chaque lycée doit avoir
un référent national clair ; il doit viser à transmettre des connaissances et à
éduquer le citoyen. Il doit conduire à une diversification progressive des parcours,
mais à partir d’une culture commune et de cursus de formation lisibles et
cohérents. A l’issue de sa scolarité au lycée, chaque élève doit pouvoir poursuivre
des études ou accéder à un emploi qualifié.
-
Il convient de différencier les modalités d’enseignement d’une discipline selon les
voies ou les séries. Les programmes des disciplines doivent être concis et ne pas
constituer une programmation d’activités. Ils indiquent les concepts, les
problématiques et les thèmes essentiels à enseigner sans entrer dans le détail. Ils
sont complétés par des documents techniques et pédagogiques.
-
Une « culture commune » à tous les lycéens doit être définie au plan national sur
proposition du Conseil national des programmes. Elle doit être formulée en
termes d’objectifs de fin de lycée et comporter des connaissances fondamentales
pour la compréhension du monde et l’exercice de la citoyenneté, des
compétences techniques requises pour faire face aux exigences communes de la
vie sociale, des capacités méthodologiques permettant l’accès à des études
supérieures et des qualités intellectuelles. Cette culture commune comporte les
disciplines suivantes : français, histoire/géographie, éducation civique, juridique et
politique, éducation physique et sportive, expression artistique, une culture
scientifique de base, ainsi que deux langues vivantes.
-
Le principe selon lequel la classe de seconde est une classe de détermination est
réaffirmé. Pour permettre un choix d’orientation éclairé, il est nécessaire de
prévoir une initiation à certaines disciplines non enseignées au collège : sciences
économiques et sociales ainsi que sciences et technologies industrielles et
tertiaires. De plus, l’orientation ne doit pas être irréversible, ce qui implique des
classes passerelles entre filières et séries.
-
Il importe de développer l’apprentissage actif des élèves, la coordination entre les
disciplines et les approches interdisciplinaires.
-
Il convient de mener une réflexion sur les procédures d’évaluation des acquis des
élèves.
-
Un guide d’aménagement des locaux et d’équipement des lycées devra être
élaboré servant de référent aux Conseils régionaux et aux rectorats.
-
La carte scolaire ne peut être livrée aux lois du marché, car elle relève d’une
politique d’aménagement du territoire et de justice sociale.
Parmi les recommandations appliquées en 1999, outre la rénovation des
programmes des disciplines, les plus innovantes sont la création de l’enseignement
obligatoire d’éducation civique, juridique et sociale (ECJS) en seconde, première et
terminale et des « travaux personnels encadrés » (TPE) au LEGT, avec l’équivalent
33
au lycée professionnel sous forme des « projets pluridisciplinaires à caractère
professionnel » (PPCP). Les TPE et les PPCP constituent une innovation importante
dans la voie de l’interdisciplinarité. Mis en place à titre expérimental en classe de 1ère
durant l’année 1999-2000, ils ont été généralisés à ce niveau durant l’année 20002001. Il s’agit de développer un apprentissage actif des élèves (un projet à réaliser)
en petit groupe, à travers une activité encadrée par deux professeurs de disciplines
différentes, portant sur un thème d’études transversal.
De fait, dans la réforme de l’enseignement, la rénovation des contenus est allée de
pair avec celle des pratiques et de l’organisation pédagogiques. En particulier, les
modalités d’évaluation formative et sommative des acquis des élèves conditionnent
la manière dont sont enseignés et appris les contenus des programmes.
2.2. L’éducation à la citoyenneté et la vie scolaire
Un autre trait majeur de l’évolution récente de l’école en France est l’importance
donnée à « l’éducation à la citoyenneté ». Le terme apparaît au début des années
1990 et se substitue progressivement à celui d’éducation civique, qui avait lui-même
succédé à l’instruction civique et à l’éducation morale. Le changement de
terminologie correspond à la nécessité de répondre à de nouveaux défis (nouvelle
fracture sociale et culturelle, montée de l’intolérance et de la xénophobie, impact d’un
processus de mondialisation privilégiant une vision mercantile de la vie sociale,
nouvelles formes de violence et de racisme dans et hors l’école, etc.), ce qui requiert
d’articuler plus étroitement l’éducation civique et la pratique de la démocratie dans la
vie quotidienne de l’école, du collège ou du lycée (J.P. Obin et al., 2000).
Les programmes élaborés en 1985 avaient mis l’accent sur l’instruction civique, à
l’école primaire et au collège. Si ces programmes ont été bien appliqués dans
l’enseignement élémentaire, en revanche l’éducation civique est restée une discipline
considérée comme mineure au collège et elle était absente au lycée. Dans le même
temps, est apparu un décalage croissant entre, d’une part la promotion de valeurs
démocratiques dans la société civile, la montée de nouvelles formes d’individualisme
et l’évolution des mœurs et, d’autre part, les règles de fonctionnement des collèges
et des lycées. Il s’agissait donc, tout en sauvegardant une spécificité de l’école,
grâce au maintien de règles et de codes qui lui sont propres, de redéfinir le rôle des
élèves pour réduire l’écart entre le fonctionnement de l’école et l’évolution des autres
institutions, y compris des médias. L’école se devait d’inventer une nouvelle et
nécessaire osmose avec son environnement culturel, social et institutionnel.
Dans cette perspective, des réformes ont été adoptées pour modifier les
programmes d’éducation civique au collège et le fonctionnement de la vie scolaire
(droits et obligations des élèves) en créant de nouvelles instances de participation
des élèves à la vie des lycées.
Si, au collège et au lycée, l’éducation civique est traditionnellement confiée en
priorité aux professeurs d’histoire et géographie, la tendance des dernières années a
été de faire de cet enseignement davantage l’affaire de tous les enseignants. En
premier lieu, il est vrai que, tant en ce qui concerne l’éducation à des valeurs
fondamentales (droits de l’homme et de la femme, respect de la dignité humaine,
solidarité, tolérance, respect de l’environnement, etc.) que l’apprentissage d’une
34
certaine civilité ou d’un esprit civique, toutes les disciplines peuvent apporter leur
contribution. Cet objectif a donc été mentionné explicitement dans les programmes
des diverses disciplines.
En second lieu, se sont multipliées les initiatives de journées à thème (droits de la
femme, droits de l’enfant, la faim dans le monde, la protection de l’environnement,
lutte contre le racisme, la liberté de la presse) qui doivent être animées par
l’ensemble des enseignants, ainsi que des opérations organisées avec la presse et
les médias (ex : semaine de la presse à l’école sur le thème de la justice) avec le
Centre de liaison de l’enseignement et des moyens d’information (CLEMI)15.
En troisième lieu, ont été redéfinis les règlements intérieurs des établissements
scolaires et mises en place de nouvelles instances de participation des élèves. Leurs
délégués ont reçu des formations adaptées et une heure de « vie de classe » a été
prévue dans l’emploi du temps pour discuter notamment du fonctionnement de
l’établissement. La dernière réforme du lycée a créé un nouveau conseil de la vie
lycéenne.
Enfin, tous les projets d’école ou d’établissement ont un volet « éducation à la
citoyenneté » qui s’efforce de donner une cohérence à l’ensemble des actions qui
visent à y contribuer, notamment en y intégrant l’éducation à la santé ainsi que
certaines activités organisées avec des partenaires extérieurs (associations, police
ou gendarmerie, justice, services sociaux, etc.).
Ainsi, a été construit un véritable parcours civique de l’élève depuis l’école maternelle
jusqu’au lycée qui permet de développer une conscience démocratique et d’acquérir
des compétences, des attitudes et des comportements nécessaires pour devenir un
citoyen lucide et actif. Au total, l’éducation à la citoyenneté apparaît donc comme un
axe important de l’évolution du système éducatif français au cours des années 1990.
2.3. L’utilisation croissante des technologies de l’information et de la
communication dans l’enseignement (TICE)
Etant donné l’évolution rapide et la banalisation de l’usage des technologies de la
communication dans la vie professionnelle et quotidienne, l’école s’est efforcée de
suivre le rythme, non sans peine. L’enjeu est fondamental car l’école doit préparer à
vivre et travailler dans un monde envahi par ces nouvelles technologies. De surcroît,
le défi de la « fracture numérique » est de plus en plus réel. Enfin, l’apprentissage de
l’usage des TICE est un enjeu d’équité, car les enfants issus de milieux défavorisés
n’ont pas accès chez eux à un micro-ordinateur, aux cédéroms et à l’Internet.
Beaucoup de chemin a été accompli depuis le Plan « Informatique pour tous » de
1985. La loi de 1989 a rappelé les enjeux de l’utilisation élargie des TICE, mais
depuis ces technologies ont rapidement évolué avec notamment l’émergence du
multimedia et des réseaux.
15
Le CLEMI, qui dépend du Centre national de documentation pédagogique (CNDP),
est une instance originale, dont le Conseil d’orientation rassemble des enseignants,
des journalistes et des représentants de diverses associations, qui favorise et
développe l’éducation aux médias et par les médias. Il existe un correspondant du
CLEMI dans chaque académie.
35
Le premier volet de la politique de développement des TICE a été l’équipement
croissant des écoles et établissements scolaires en micro-ordinateurs et en lecteurs
de cédéroms, mais aussi en équipements audiovisuels. Dès le début des années 90,
de nombreux établissements ont été câblés et les nouvelles constructions ont
systématiquement pris en compte l’utilisation des TICE. Aujourd’hui, un nombre
croissant d’écoles et la quasi totalité des collèges et lycées sont connectés à
l’Internet. L’équipement est encore jugé insuffisant et certaines écoles sont mieux
équipées que d’autres, notamment en raison de l’effort particulier de certaines
collectivités territoriales.
Un deuxième volet concerne les contenus : logiciels, didacticiels, cédéroms et autres
outils multimédia. Le ministère de l’éducation nationale a mis en place dès le début
des années 90 des commissions d’experts chargées de contrôler la qualité
pédagogique des produits et a contribué à leur développement par un système de
« licences mixtes » permettant un cofinancement de la conception de nouveaux
produits.
Un troisième volet concerne la formation initiale et continue des enseignants (cf.
infra). L’initiation et le perfectionnement à l’utilisation des TICE en situation
pédagogique constituent une part importante de la formation initiale et continue des
enseignants au sein des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).
Un quatrième volet concerne l’évaluation de l’utilisation des TICE, notamment de leur
impact sur l’efficacité des apprentissages. De nombreuses évaluations ont été faites
par l’inspection générale, les inspecteurs pédagogiques du secondaire et du
primaire, et par les chercheurs en sciences de l’éducation, notamment en ce qui
concerne l’acquisition de compétences de base en lecture et en calcul, et pour l’aide
aux élèves en difficulté.
Aujourd’hui, l’usage des TICE est de plus en plus répandu, en classe (travaux dirigés
notamment) ou dans les centres de documentation et d’information (CDI) des
collèges et lycées. Les TICE sont notamment utilisées pour la recherche
d’informations et de documents, mais aussi dans diverses situations pédagogiques :
didacticiels d’apprentissage de la lecture, jeux de rôles, simulations scientifiques,
apprentissage de langues étrangères, logiciels d’enquête, etc. Au total, l’équipement
reste insuffisant et se pose le problème de la maintenance de dispositifs de plus en
plus sophistiqués.
Un autre problème est celui du nécessaire recyclage des connaissances et savoir
faire avec les progrès technologiques très rapides. Enfin, il convient de noter le parti
pris, dès les années 1980, de privilégier, dans l’enseignement scolaire,
l’apprentissage de l’utilisation des TICE dans toutes les disciplines plutôt que de
créer une nouvelle discipline particulière, même si, de fait, certaines disciplines
utilisent beaucoup plus les TICE que d’autres. Cela n’exclut pas des mises à niveau
en informatique, notamment au sein de l’enseignement de technologie.
Le plan d’action gouvernemental pour la société de l’information, lancé en 1997, a
accéléré le processus, grâce à un investissement important de l’Etat, mais surtout à
une forte mobilisation des collectivités territoriales. En particulier, depuis 1997, le
36
parc d’ordinateurs a doublé dans les lycées et collèges et quadruplé dans les écoles.
En 2002, étaient connectés à l’Internet 100 % des lycées, 91 % des collèges et 50 %
des écoles, plus de la moitié des établissements du second degré disposant d’un site
web. Une priorité a été donnée aux établissements et écoles des zones sensibles ou
de profonde ruralité.16
Dans les enseignements disciplinaires, l’usage des TICE a été fortement développé :
accès à des dictionnaires et encyclopédies électroniques, à des bases de données
scientifiques, économiques et sociales, etc., à de nouveaux logiciels de traitement de
données, de simulation ou modélisation, à des jeux pédagogiques, etc.
430 cédéroms ou dévédéroms sur 1700 déposés entre 1998 et 2002 ont bénéficié de
la marque RIP (reconnu d’intérêt pédagogique), marque déposée à l’Institut national
de propriété industrielle (INPI).17
Un brevet Informatique et Internet (B2i) a été créé en 2000 afin de valider les
compétences acquises dans l’enseignement primaire et au collège. Il a été
généralisé dans les collèges en 2002-2003 et dans les écoles en 2003-2004. Ce
brevet atteste que l’élève sait utiliser de manière autonome et raisonnée les TIC pour
lire et produire des documents, rechercher des informations et communiquer par
messagerie. Sa validation s’effectue par un contrôle continu des compétences en
classe et lors de travaux de documentation. Le brevet comporte deux niveaux :
niveau 1 pour l’enseignement primaire et niveau 2 pour le collège et les élèves de
seconde de lycée.
2.4. La formation des enseignants et la mise en place des IUFM
Une autre innovation de la loi de 1989 a été la création des instituts universitaires de
formation des maîtres (IUFM). En effet, si dans l’enseignement primaire et dans
l’enseignement professionnel existait une tradition de formation professionnelle des
enseignants au sein des écoles normales d’instituteurs (ENI) et des écoles normales
nationales de l’apprentissage (ENNA), en revanche, dans l’enseignement secondaire
général, la formation professionnelle était jugée insuffisante. En effet, les nouveaux
professeurs devaient simplement suivre quelques cours au sein de centres
pédagogiques régionaux pendant leur année de stage.
Quant à la formation continue, elle était gérée, depuis 1982, par les Missions
académiques de formation des personnels de l’éducation nationale (MAFPEN) sous
la responsabilité des recteurs. Ces MAFPEN ont accompagné les réformes des
années 80 et 90 et ont développé la préparation aux concours internes, permettant
des promotions professionnelles ou même l’accès de personnels auxiliaires,
vacataires ou contractuels à des postes de fonctionnaires titulaires, accompagnant
16
Cf. brochure du ministère de l’éducation nationale « L’utilisation pédagogique des
TIC :1997-2002 » (Direction de la technologie, mars 2002)
17
Parmi les sites consultables pour en savoir plus :
http://www.education.fr (portail général)
http://www.educnet.education.fr (site des TICE)
http://www.eduscol.education.fr (site pédagogique)
37
ainsi la politique de résorption progressive de l’auxiliariat dans la fonction publique,
fortement revendiquée par les syndicats.
La création des IUFM répondait à plusieurs objectifs :
-
renforcer la formation professionnelle initiale des enseignants
renforcer les liens entre enseignants du primaire et du secondaire en les formant
au sein d’une même structure
trouver une nouvelle synergie entre formation théorique et pratique en associant
des universitaires et des praticiens dans le corps enseignant des nouveaux
instituts
permettre une synergie entre formation et recherche en sciences de l’éducation.
En 1998, la fusion des MAFPEN et des IUFM a complété ce dispositif. Aujourd’hui,
les IUFM sont chargés de dispenser la formation initiale des enseignants mais leur
formation continue est placée sous la responsabilité des recteurs, qui peuvent faire
appel à d’autres opérateurs que les IUFM.
La fonction de directeur d’IUFM peut être exercée par toute personne ayant vocation
à y enseigner ; dans la plupart des cas, il s’agit d’un universitaire. Le recteur est
président du conseil d’administration de l’IUFM de son académie et est chargé
d’établir le plan académique de formation de ses personnels, notamment
enseignants. Il y a donc une coordination institutionnalisée entre l’IUFM, prestataire
des formations et le recteur qui représente les intérêts du ministère, « client » de ces
formations, afin que celles-ci répondent aux besoins jugés prioritaires, notamment
pour la mise en œuvre réussie des réformes ou innovations en cours.
Le recteur, assisté de ses conseillers, notamment les inspecteurs pédagogiques, doit
donc établir un cahier des charges et fixer des priorités dans le cadre d’un plan
académique de formation (PAF) des personnels. En principe, l’IUFM n’est pas en
situation de monopole pour l’organisation des stages de formation continue. En
revanche, il l’est pour ce qui concerne la formation initiale et pour la politique
d’accompagnement à la prise de fonction (deux premières années d’exercice) mise
en œuvre à partir de 1998.
2.5. La généralisation des projets d’établissement et des projets académiques
Si les premiers projets d’établissement ont été mis en place en 1983, lors de
l’opération « rénovation des collèges », c’est la loi de 1989 qui les a généralisés.
Bien que le projet d’établissement ait plusieurs origines, deux facteurs essentiels ont
contribué à son développement :
-
le processus de décentralisation/déconcentration et la création des
établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) par la loi de juillet 1983
donnant la personnalité juridique aux collèges et lycées, ainsi que l’élargissement
de leur autonomie en matière pédagogique et éducative par le décret du 30 août
1985 modifié par le décret du 31 octobre 1990 ;
-
les réflexions sur le management public et la modernisation de l’action
administrative (notamment le « renouveau du service public » lancé par le
38
gouvernement Rocard en 1989/90). A cet égard, le développement du
management participatif et de la démarche qualité dans les entreprises a exercé
une influence importante.
Y ont également contribué des réflexions concernant le fonctionnement du système
éducatif :
-
la prise de conscience de l’importance capitale de l’école ou établissement
comme lieu où se dessinent les destins scolaires des jeunes et les travaux relatifs
à « l’effet établissement » qui montrent les différences de performances des
élèves issus de milieux analogues selon les établissements (Duru-Bellat, Van
Zanten, 1999);
-
la nécessité de trouver de nouveaux modes de régulation et de pilotage d’un
système éducatif devenu plus complexe et de substituer à une logique de
régulation bureaucratique une logique de régulation cybernétique fondée sur
l’information et l’évaluation notamment (A. Michel, 1993).
De nombreux textes officiels ont complété les dispositions de la loi du 10 juillet 1989
et de son rapport annexé concernant le projet d’établissement, pour préciser les
objectifs visés, les conditions à respecter, les modalités de mise en œuvre et
d’évaluation des résultats (circulaire du 17/5/90, décret du 31/10/90, etc.). Il ressort
notamment de ces textes que le projet d’établissement doit :
-
respecter les objectifs et les programmes nationaux ;
viser à mieux prendre en compte la diversité des élèves et le contexte local ;
définir une stratégie cohérente dans la durée (pluriannualité) ;
exprimer la volonté de la « communauté éducative » mentionnée dans la loi de
1989 ;
porter sur les objectifs et l’organisation pédagogiques, mais aussi sur les relations
avec l’environnement, les dispositifs d’orientation et d’insertion professionnelle
des élèves.
La mise en place progressive des projets a été accompagnée par l’élaboration de
nouveaux instruments d’évaluation : les indicateurs de pilotage des établissements
scolaires (IPES).
Le processus de déconcentration administrative accompagnant la décentralisation a
également conduit à renforcer les attributions des recteurs par rapport à
l’administration centrale, ainsi que le rôle des politiques académiques, chargées de
décliner au niveau des régions les grandes orientations nationales en fonction des
contextes locaux. Cela a conduit à requérir des recteurs qu’ils définissent des projets
académiques en liaison avec les collectivités territoriales et à mettre en place des
procédures de contractualisation entre l’administration centrale du ministère et les
académies, comme cela avait été fait auparavant entre l’Etat et les universités.
2.6. L’ouverture des enseignements sur l’international
Cet aspect important de l’évolution de l’enseignement sera développé plus loin. Il
s’agit ici de mentionner brièvement la prise en compte de l’insertion croissante de la
39
société et de l’économie françaises dans l’environnement international et l’impact de
la construction progressive de l’Europe.
C’est surtout à partir des années 70 que le système éducatif français a commencé à
véritablement s’ouvrir sur l’étranger, avec une politique d’appariements des
établissements scolaires et de développement de séjours linguistiques à l’étranger.
Au cours des années 80 et 90, l’enseignement des langues vivantes a été renforcé
et rénové, et la dimension internationale (notamment européenne) a été développée
au sein des programmes des diverses disciplines. De surcroît, de nombreux thèmes
internationaux ont fait l’objet d’activités interdisciplinaires : l’éducation au
développement, la faim dans le monde, les problèmes de l’environnement, la paix
dans le monde, les droits de l’homme, de la femme et de l’enfant, etc. sont autant de
thèmes apportant une dimension internationale aux enseignements.
Dès 1982, des enseignements bilingues ont été mis en place dans des « sections
internationales » et en 1992 ont été créées des « sections européennes » dans les
établissements du second degré (circulaire du 19/8/1992). Leur nombre n’a cessé de
croître.
Enfin, à partir des années 90, a été mis en place l’enseignement d’une langue
vivante étrangère dès l’école élémentaire et une ouverture accrue sur l’international a
résulté de l’usage croissant des médias et des TICE, en particulier de l’Internet.
3. L'articulation dynamique entre système éducatif et emploi
La relation entre le système éducatif et l'emploi a longtemps été en France l'objet
d'un vif débat entre enseignants, attachés aux objectifs culturels et citoyens et à
l'égalité des chances, et milieux économiques, préoccupés davantage d'employabilité
immédiate des jeunes sortant du système éducatif.. Le rapprochement de ces points
de vue au cours de la décennie 1990 a été facilité par la reconnaissance de l'intérêt
d'une bonne culture générale par les employeurs et par la prise de conscience par
les enseignants de la nécessité d'une dimension de professionnalisation, en
particulier en raison de l'ampleur du chômage des jeunes qui n'a commencé à
reculer que récemment.
La responsabilité du système éducatif a été progressivement étendue au devenir
professionnel de ceux qui le quittent. Les principaux axes de réponse aux défis de la
professionnalisation ont été la rénovation de l'enseignement professionnel, les filières
professionnelles supérieures et la formation continue.
3.1.
La rénovation de l'enseignement professionnel
L’objectif de la loi d’orientation de 1989 de fournir à tous les élèves un niveau
reconnu de qualification (niveau CAP ou BEP) avant leur sortie du système éducatif
n’est pas encore pleinement réalisé. Si on a pu passer au cours des années 1980 de
80 à 92 % d’une classe d’âge sortant avec une qualification, ce chiffre s’est stabilisé
au cours des dernières années. Les tensions sur le marché du travail, l’important
40
taux de chômage des jeunes au cours de la décennie 1990, l’élévation du niveau de
qualification requis pour trouver un emploi ont rendu la tâche d’autant plus ardue.
La filière professionnelle traditionnelle : CAP et BEP
L’enseignement professionnel a souffert en France d’avoir été souvent la voie vers
laquelle on orientait par défaut les élèves les plus faibles et que les familles ont
essayé d’éviter. Elle concernait en 1999-2000 près de 700 000 élèves, soit deux
élèves sur cinq à partir de la classe de 3ème. Les effectifs sont depuis lors restés à
peu près stables : près de 707 000 élèves en 2003-2004.
Cet enseignement prépare à des diplômes professionnels intégrant une part de
formation en entreprise : certificat d’aptitude professionnelle (CAP), brevet
d’enseignement professionnel (BEP) et, de plus en plus, baccalauréat professionnel.
Avec près de 280 000 diplômés en 1990, le CAP, première marche de la qualification
professionnelle, était encore le diplôme le plus courant, devant le BEP (162 000
diplômés en 1990). Cette formation peut être suivie sous statut scolaire dans un
lycée professionnel, ou par la voie de l’apprentissage, sous contrat de travail
alternant périodes en centre de formation d’apprentis (CFA) et en entreprise (en
apprentissage, de 50 à 75 % du temps de formation se déroule en entreprise).
La filière professionnelle peut se poursuivre au niveau de l'enseignement supérieur
par diverses formations au sein des universités, notamment dans les IUT, ou dans
les sections de techniciens supérieurs (STS), classes post-baccalauréat des lycées.
La rénovation et la revalorisation de l’enseignement professionnel se sont
progressivement imposées comme une priorité, à la fois pour faire des lycées
professionnels une véritable voie alternative de réussite débouchant sur un emploi et
pour apporter à l’économie les personnels qualifiés dont elle a besoin. Les efforts
visant à promouvoir l’enseignement professionnel intégré (alliant formation générale
et professionnelle, et combinant pédagogie en classe et apprentissage en entreprise)
portent sur l’image de la voie professionnelle, le partenariat, les programmes et les
diplômes correspondant à la formation intégrée, le développement de l’alternance, et
la formation initiale et continue des personnels (qui doit inclure des périodes en
entreprise) et la revalorisation de leur conditions de travail.
Un travail considérable de rénovation des programmes des CAP et BEP a été réalisé
au sein des 17 commissions professionnelles consultatives (CPC) afin d'actualiser le
profil des formations, notamment les référentiels des diplômes, c'est à dire la
définition des compétences, savoir faire et savoirs nécessaires, ainsi que le rythme
de l'alternance école/entreprise. Ce travail concerne d’abord les CAP et se poursuit
afin que les diplômes évoluent en même temps que les métiers auxquels ils
conduisent. Il constitue un élément important du partenariat éducation/économie.
Une nouvelle impulsion lui a été donnée avec la création en 2000 d’un ministère
délégué à l'enseignement professionnel ayant le souci de constituer une véritable
"voie des métiers" au sein du système éducatif.
L’évolution de ces dernières années a conduit à distinguer de plus en plus le CAP et
le BEP, le premier ayant pour vocation première l’insertion immédiate sur le marché
41
du travail, le second ayant d’abord pour vocation une poursuite d’études en vue de
l’obtention d’un baccalauréat professionnel. De ce fait, le nombre de CAP n’a cessé
de décliner, tandis que celui des BEP restait à peu près stable (évolution encouragée
par le ministère de l’éducation nationale). Ainsi, en 2002, pour la première fois, le
nombre de BEP (187 000) a dépassé le nombre de CAP (177 280).
Le baccalauréat professionnel
Ce diplôme, créé en 1985, a connu un essor remarquable et a largement contribué à
la revalorisation souhaitée de la filière professionnelle ainsi qu’à l’amélioration de la
qualification des jeunes par l’accès au niveau du baccalauréat. La croissance du
baccalauréat professionnel représente une part importante de la progression du taux
d’accès au niveau du baccalauréat (niveau IV) :si ce taux a globalement augmenté
de 14 points entre 1991 et 2000 (soit de 56 à 70 % d’une génération), 9 points sont
dus au baccalauréat professionnel et 4 au baccalauréat technologique, contre
seulement 1 au baccalauréat général.
Au total, en 1990, le nombre de bacheliers professionnels était de 24 602. Ce
nombre est passé, en 1995, à 65 936, puis en 2000, le nombre s’est élevé à 92 600.
Il a encore faiblement augmenté en 2002, pour atteindre 93 579. En revanche, le
nombre a nettement diminué en 2003 : 91 537 seulement. Ce recul est-il conjoncturel
ou marque-t-il le début d’un reflux après le fort engouement dû notamment à la mise
en place du lycée des métiers ? Il n’est pas aisé de répondre à cette question.
Le succès de ce baccalauréat se traduit aussi par un taux de chômage de ses
détenteurs de moitié inférieur à la moyenne des jeunes cinq ans après leur sortie du
système scolaire.
Les taux de réussite aux examens continuent de progresser. Avec un taux de succès
supérieur à 70 % pour les diplômes de niveaux IV et V, la filière professionnelle
contribue amplement à l’objectif de faire accéder l’ensemble d'une classe d'âge à un
diplôme qualifiant.
Malgré ce succès, un constat inquiétant s'impose : de 1990 à 2002 les effectifs en
lycée professionnel ont baissé, passant de 726 224 à 698 497, après avoir atteint un
pic en 1998 avec 741 814 élèves. Ce phénomène n'est pas lié seulement à la baisse
démographique, deux fois moins importante. Divers facteurs (une certaine
inadéquation de l'offre, l'attractivité grandissante de l'apprentissage, une translation
vers les filières générales facilitée par la baisse démographique et la reprise de
l'emploi qui affecte plus la voie professionnelle que les autres18) ont pesé. Or cette
évolution est d'autant moins acceptable que l'économie française s'est installée dans
une période de croissance demandeuse d’ouvriers et techniciens professionnels.
Toutefois, la politique de communication sur le « lycée des métiers » semble avoir
porté quelques fruits : les effectifs en lycée professionnel ont légèrement augmenté à
18
On a pu constater, en période de reprise économique, que certains élèves
saisissent des occasions d’embauche avant l’obtention de leur CAP ou BEP. D’où un
effort d’information auprès des élèves et des entreprises pour insister sur les
inconvénients d’une telle attitude des uns et des autres.
42
la rentrée 2003, pour s’établir à 706 888, soit 8400 élèves de plus qu’à la rentrée
2002.
La relance de l’apprentissage
La relance de cette filière, qui avait été longtemps quelque peu délaissée, s’inscrit
dans la même optique de revalorisation des formations professionnelles.
Effectivement décentralisée au niveau des Régions depuis la fin des années 80,
l’organisation de l’apprentissage a connu une série d’évolutions importantes depuis
le début de la décennie :
-
une forte augmentation des effectifs : on comptait en 2002 plus de 360 000
inscrits dans les filières d’apprentissage, contre moins de 240 000 en 1990 ;
-
la revalorisation du CAP qui, avec plus de 63 % des effectifs totaux, reste le
principal diplôme préparé par cette voie (même si son poids dans l’ensemble
diminue régulièrement) constitue une pièce maîtresse du dispositif visant à une
meilleure qualification professionnelle et une meilleure insertion des jeunes ; les
principales mesures portent sur la rénovation des diplômes et la liste des
spécialités offertes, la diversification de leur mode d’acquisition et la validation
des compétences acquises dans l’exercice d’un métier ; l’apprentissage, surtout
aux niveaux du CAP et du BEP, reste très orienté vers les métiers de l’industrie
et très différencié selon les sexes : dans les secteurs industriels les plus
demandés (alimentation, industries mécaniques et de transformation, bâtiment),
plus de 95 % des apprentis sont des garçons. Les filles restent largement
minoritaires dans l’ensemble de l’apprentissage, dont elles ne représentent que
30 % des effectifs, et 90 % d’entre elles se préparent aux métiers du commerce,
de la communication ou des services aux personnes ;
-
l’ouverture de l’apprentissage à la tranche d’âge 16 – 25 ans et à des niveaux de
formation plus élevés. L’apprentissage s’étend désormais à l’enseignement
supérieur et s’ouvre de plus en plus vers les métiers du secteur tertiaire. Les
apprentis préparant un diplôme de niveau supérieur au CAP/BEP sont encore
très minoritaires, mais en forte croissance. Près d'un quart d’entre eux visent un
diplôme de niveau égal ou supérieur au baccalauréat (contre moins de 5 % en
1989-90) et l’augmentation de leurs effectifs représente 60 % de l’augmentation
totale du nombre d’apprentis enregistrée par rapport à l’année précédente;
-
enfin, le secteur bénéficie de ressources financières supplémentaires, grâce au
doublement du « quota apprentissage » que les entreprises doivent utiliser ou
verser sous forme de contribution financière.
3.2.
La dimension professionnelle de l'enseignement supérieur
Le parti pris dans ce rapport n’est pas de présenter de manière exhaustive toutes les
mesures prises pour faire évoluer l’enseignement supérieur français ni ses
caractéristiques structurelles originales (telle que l’existence de la filière des grandes
écoles à côté de la filière universitaire), mais seulement d’analyser les efforts pour
prendre davantage en compte les besoins de formation exprimés par le monde
économique et la construction européenne. Toutefois, sera d’abord rapidement
43
rappelé le contexte général d’évolution dans lequel ont été prises les principales
initiatives pour renforcer la dimension professionnelle de l’enseignement supérieur.
Evolution d'ensemble de l'enseignement supérieur
De tous les secteurs du système éducatif, c’est l’enseignement supérieur qui a connu
le développement le plus important depuis 1990. De 1 714 000 étudiants en 1991, on
est passé à 2 170 000 cinq and plus tard (+ 25 %) ; mais les effectifs se sont depuis
1996 stabilisés pour des raisons démographiques (classes d’âge moins nombreuses)
et du fait de la stabilité du pourcentage d’une génération obtenant le baccalauréat.
Ainsi, on comptait 2 164 800 étudiants en 2002-2003 et on en compte 2 209 000 en
2003-2004.
La France n’a cessé d’augmenter son effort budgétaire en faveur de l'enseignement
supérieur, y compris au cours des années les plus récentes qui ont vu une
stabilisation des effectifs. En 2003, le budget de l’éducation nationale pour
l'enseignement supérieur s’élève à 8.83 milliards d’euros. Cette somme représente
une progression de plus de 10 % en termes réels par rapport à 1995. Pourtant, la
France dépense relativement plus pour un élève de l’enseignement secondaire que
pour un étudiant en université. De fait, alors que la dépense par élève du primaire se
situe à un niveau moyen parmi les pays de l’OCDE et au-dessus de la moyenne pour
un élève du secondaire, la dépense par étudiant de l’enseignement supérieur est
sensiblement inférieure à cette moyenne (OCDE, Regards sur l’éducation, 2002).
L'évolution vers la professionnalisation a constitué l'un des mouvements de fond les
plus puissants et les plus constants au sein de l'université française au cours de la
période récente. Il a été facilité par divers autres facteurs clés qui ont marqué la
décennie et ont permis de fonder les conditions d'une meilleure adéquation des
formations aux besoins de l’économie.
La politique des contrats quadriennaux signés entre le ministère et chaque université
combine les impératifs d'une politique d'ensemble cohérente incombant à l'Etat et les
avantages de l'initiative individuelle des universités. Introduite par la loi de 1984,
approfondie et relancée en 1998, la politique contractuelle est désormais au coeur du
fonctionnement du système universitaire ; elle constitue un instrument de dialogue
entre le ministère et les établissements, en permettant à ceux-ci d'affirmer leur
identité dans le respect d'une politique cohérente au niveau national.
Ce sont 200 établissements d'enseignement supérieur (universités, IUFM, écoles
d'ingénieurs, autres établissements tels que le CNAM) accueillant 1,5 millions
d'étudiants qui sont ainsi engagés dans la démarche contractuelle. Les contrats
quadriennaux s'appuient sur le projet de l'établissement qui définit ses priorités
stratégiques propres (en termes d'évolution et de qualité des formations, de vie
étudiante, de gestion interne, de recherche, d'action européenne et internationale),
en partenariat avec les collectivités territoriales, les milieux professionnels et d'autres
établissements d'enseignement supérieur. Les dotations versées au titre des contrats
d'établissement représente près du tiers de l'ensemble des subventions aux
établissements d'enseignement supérieur.
44
La diffusion d'une culture de l'évaluation a permis une refondation de l'autonomie
universitaire basée sur la responsabilité et l'évaluation par des pairs. Plusieurs
formes d'évaluation se sont développées : l'évaluation interne, notamment à
l'occasion de la fixation des objectifs pour les plans quadriennaux, celle des
nouveaux cursus proposés (qui doivent être évalués par des groupes d'experts avant
d'être soumis au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche
(CNESER), et l'évaluation des politiques d'établissement, qui a encore besoin de
s'affirmer. Il faut souligner à cet égard le rôle du Comité national d'évaluation (CNE).
Le développement de l'évaluation répond à deux impératifs : fonder la politique
contractuelle et justifier les sommes investies.
Les partenariats Etat-Régions, notamment pour la planification des investissements,
se sont considérablement renforcés, comme l'illustrent les plans Université 2000,
puis Université du troisième millénaire (U3M). Le schéma U2000 était surtout de type
quantitatif : il devait répondre à une importante demande de surfaces nouvelles,
surtout en centre ville et en Ile de France, en raison du doublement des effectifs
étudiants au cours des années précédentes ; il a été cofinancé par l'Etat et les villes,
les départements et les Régions. Le Plan U3M qui lui a succédé pour la période
2000-2006 veut avant tout répondre à des besoins qualitatifs (améliorer la vie des
étudiants, l'accueil des chercheurs et étudiants étrangers, la recherche, etc.). A
l'effort d'investissement de l'Etat (en augmentation de 40 % par rapport à la période
1994-1999) se sont ajoutés ceux des Régions dans le cadre des "contrats de plan
Etat-Régions" et des fonds structurels européens.
Le renforcement de la mobilité européenne et internationale s'est traduit notamment
par la participation active des établissements d'enseignement supérieur français
dans les programmes européens (notamment Erasmus, Leonardo de Vinci,
Tempus). Ces programmes sont, avec les déclarations de la Sorbonne (1998) et de
Bologne (1999) sur la création de l'espace universitaire européen avant 2010, parmi
les outils du Plan d'action pour la mobilité adopté par l'Union Européenne en 2000
sous présidence française (voir chapitre II).
Aujourd'hui plus de 18 000 étudiants français partent étudier chaque année pendant
un ou deux semestres dans la trentaine de pays européens partenaires de ces
programmes.
Environ 300 établissements supérieurs français participent aux activités
européennes, qui sont également incluses dans les contrats quadriennaux. Ces
contrats incluent, pour les établissements concernés, des moyens additionnels pour
le développement d'une véritable stratégie internationale (dans le cadre de
l'autonomie des établissements) et la mise en place d'outils et d'action particuliers
tels que des bourses complémentaires de mobilité (qui sont aussi une priorité de
nombreuses Régions), la reconnaissance des périodes d'étude, un système de
points-crédits de reconnaissance des acquis, la préparation linguistique des
étudiants, la création de cursus à dimension européenne (doubles diplômes, cotutelles de thèse) ou d'universités européennes d'été. Ces activités visent à
développer et démocratiser la mobilité, à renforcer la citoyenneté européenne et à
inscrire les formations dans le cadre européen et international qui leur est devenu
naturel.
45
Les filières professionnelles à l'université
A côté des formations professionnelles offertes dans les grandes écoles et des
filières universitaires telles que les études médicales ou juridiques, traditionnellement
proches des professions correspondantes, de nouvelles filières à fort caractère
professionnel se sont développées au sein de l'université.
Parmi celles-ci, les formations supérieures courtes (d’une durée de 2 ans) ont connu
une expansion remarquable : les instituts universitaires de technologie (IUT),
formations technologiques organisées au sein des universités, ont connu entre 1991
et 2004 une croissance supérieure à 51 % et ininterrompue tout au long de cette
période. Les sections de techniciens supérieurs (STS), formations professionnelles
post-secondaires organisées dans les lycées, ont connu une croissance moins forte
(+ 17 %), mais tout aussi régulière et continue. Si l'on y ajoute les écoles
paramédicales et sociales de niveau III, c'est un étudiant sur cinq qui a opté en 2002
pour une filière supérieure courte. L’adoption de la norme européenne « LMD » ne
va pas manquer de poser le problème du devenir des formations à bac+3. De plus
en plus d’établissements demandent l’autorisation de prolonger ces formations par
des licences professionnelles (cf. infra).
A côté des filières courtes, l'enseignement universitaire compte d'autres formations
professionnelles :
-
les licences et maîtrises à contenu professionnel précis : maîtrise des sciences de
gestion (MSG), maîtrise des sciences et techniques (MST), maîtrise
d'informatique appliquée à la gestion (MIAGE) ;
-
diverses formations universitaires d'ingénieurs, qui représentent plus d'un tiers
des effectifs de cette filière ;
-
instituts universitaires professionnels (IUP) menant au diplôme d'ingénieur-maître
au niveau baccalauréat + 4 ans ;
-
les diplômes d'études supérieures spécialisées (DESS), au niveau bac + 5, dont
les effectifs ont triplé entre 1991 (12 600 diplômés) et 2001 (38 100 diplômés) et
qui restent une priorité dans le cadre des plans quadriennaux et de la mise en
place du nouveau « mastère ».
Enfin, la possibilité de suivre des études d’enseignement supérieur par la voie de
l’apprentissage, ouverte en 1987, a connu un vif succès : le nombre d’apprentis dans
l’enseignement supérieur est passé de 4700 en 1992-93 à 45 000 en 2000.
Plus récemment, la mise en place au sein de l’université des nouvelles « licences
professionnelles » a pu s’appuyer sur ce courant favorable aux formations en liaison
étroite avec le monde du travail.
La création de ces filières "professionnalisées" au sein de l'enseignement supérieur a
grandement contribué à une meilleure adéquation des formations offertes aux
possibilités d'emploi. La diversité des filières d’étude et de qualification, la
multiplication des passerelles entre elles pour permettre la réorientation ou la
46
poursuite d’études, et l’accompagnement individuel des étudiants pour les aider à
réussir ou à se réorienter à temps (cf. la politique volontariste qui a introduit le tutorat
dans les universités) agissent dans le même sens. La mise en place d’un système de
« crédits » et une plus grande liberté de choix des étudiants dans la progression de
leur parcours vers la qualification permettront sans doute d’autres progrès.
L’adoption de la norme européenne « licence, master, doctorat » (LMD) a conduit à
un bouleversement de tout ce système de diplômes et ouvert un immense chantier
de définitions de nouveaux parcours de formation et de diplômes (cf. chapitre II).
L’université et la formation des adultes
Le rôle essentiel des universités et de l’enseignement supérieur en général dans la
formation des adultes a été souligné au niveau international dans les années
récentes, notamment dans le cadre de l’UNESCO. La Conférence de Hambourg sur
l’éducation des adultes, en juillet 1997, a recommandé la transformation des
institutions post-secondaires en institutions d’éducation tout au long de la vie offrant
aux adultes des possibilités d’apprendre ouvertes, flexibles et nouvelles. La
Conférence mondiale sur l’enseignement supérieur, organisée par l’UNESCO à Paris
en septembre 1998, a repris ce thème et réaffirmé le rôle crucial des universités dans
la formation tout au long de la vie.
Dans le contexte français, l’université a un rôle particulier à jouer dans les domaines
où le reste du dispositif de formation permanente est comparativement moins
complet, à savoir :
-
dans le domaine de la formation générale et de longue durée, assez délaissée
dans le cadre du dispositif existant de formation professionnelle, qui est très
largement tourné vers les formations courtes d’utilité immédiate ;
-
pour les formations professionnalisées diplômantes, qui ont été encouragées en
particulier par les possibilités de validation des acquis professionnels (VAP) pour
l'admission, la dispense de certains enseignements voire, depuis 2001, l'obtention
de diplômes complets;
-
pour la demande de formation, générale ou professionnelle, émanant des
individus eux-mêmes plutôt que des entreprises ou des organismes sociaux
d’insertion ou de réinsertion. Même si le nombre de « congés individuels de
formation » (CIF) est faible, il est intéressant de remarquer que 18 % d’entre eux
s’effectuent en université ou en IUT. Par ailleurs, le nombre d’adultes qui
s’inscrivent dans les cycles initiaux des universités est loin d’être négligeable (on
l’estime à plus de 100 000 par an). Il est intéressant de noter que ces retours à
l’université interviennent en général à l’occasion d’un changement important dans
la vie personnelle ou professionnelle des personnes concernées (ce qui souligne
un aspect important du droit à l’éducation pour tous) et s’orientent surtout vers le
domaine des sciences sociales et humaines.
Pour autant, les universités sont loin d’être absentes du marché de la formation plus
spécifiquement professionnelle ; on estime à environ 350 000 le nombre de
stagiaires qu’elles accueillent tous les ans. Certaines de ces formations peuvent être
47
diplômantes et ouvrir la possibilité de validation des acquis professionnels. A cet
égard, il faut attirer l’attention sur le rôle très important du CNAM (Conservatoire
national des arts et métiers) dans le dispositif de formation supérieure des adultes en
France. Fondé il y a plus de 200 ans, il a une vocation de formation continue et de
promotion sociale et professionnelle et dispose d'un réseau national où 75 000
adultes suivent tous les ans plus de 600 formations à tous les niveaux de
l'enseignement supérieur.
3.3.
La formation tout au long de la vie
La France possède un important dispositif de formation professionnelle continue, qui
s’est développé par étapes depuis la loi fondatrice de 1971 à laquelle est attaché le
nom de Jacques Delors. Il est fondé sur quelques principes essentiels :
-
le droit des salariés à la formation (y compris en principe la formation non
strictement professionnelle) ;
le paritarisme, qui se traduit surtout par la participation des syndicats aux
négociations, notamment dans les branches professionnelles, et par le rôle des
comités d’entreprise dans la gestion de la formation ;
l’obligation de financement par les entreprises.
L’offre est d’une grande diversité, tant par les publics visés que par les types
d’intervention ou les modes de financement. Elle provient du secteur public ou
parapublic aux niveaux national, régional ou local (offre institutionnelle), des milieux
associatifs et syndicaux (notamment par la voie de l'éducation populaire), ou du
secteur privé.
Le système est principalement financé par les pouvoirs publics (Etat, Régions) et par
les entreprises. La part de l'éducation nationale est de 11 % du chiffre d'affaires total
des organismes de formation continue. Elle provient en particulier de structures telles
que les GRETA, le CNED, les universités et le CNAM. Différents autres ministères
ont mis en place des dispositifs concernant leur propre domaine d’intervention, par
exemple le ministère de l'emploi et de la solidarité, notamment par le biais de
l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), ou le ministère de
l'agriculture et de la pêche.
Les GRETA (groupements d’établissements pour la formation continue) sont le
principal outil pour la formation continue de l’éducation nationale. Ils constituent un
vaste réseau décentralisé comprenant plus de 5 600 lieux de formation sur tout le
territoire. Ils s’appuient sur les établissements secondaires, surtout les lycées, et
accueillent à titre individuel, ou dans le cadre de plans de formation des entreprises,
des salariés, des demandeurs d’emploi, des jeunes inscrits dans divers dispositifs de
formation et d’insertion. Ils accueillent plus de 500 000 stagiaires par an, dont
environ la moitié sur commande des entreprises et la moitié sur commande publique.
Les GRETA ont surtout une mission d’amélioration de la formation de base des
adultes et de création d’approches pédagogique pour ce public.
Le second plus important opérateur est l’AFPA, association liée au ministère de
l’emploi et de la solidarité qui assure l’essentiel de son budget. Elle dispose de 150
centres de formation répartis entre les régions et a accueilli en 2002 plus de 150 000
48
stagiaires, dont 80 000 demandeurs d’emploi, principalement pour des formations du
niveau du CAP. Son orientation vers les missions de service public devrait conduire
l’AFPA à privilégier davantage ses interventions en faveur des chômeurs et d’autres
publics spécifiques en se rapprochant de l’ANPE (agence nationale pour l’emploi).
Le CNED (Centre national d’enseignement à distance) offre à la fois des
enseignements scolaires généraux et professionnels, des préparations aux diplômes
professionnels (notamment CAP, BEP, BTS) et aux concours de la fonction publique
et du domaine sanitaire et social, et des programmes de formation professionnelle
continue. Il dispose aussi depuis 1997 d'un campus électronique interactif. Plus de
400 000 personnes, dont 80 % d’adultes, s'inscrivent annuellement aux formations
du CNED.
Le dispositif mis en place à partir de 1971 a connu de très nombreuses modifications
au fil des ans. Il a fait l’objet en 1998-1999 d’une évaluation d’ensemble qui a
souligné les limites auxquelles il se trouve confronté, en particulier parce que:
- ceux qui auraient le plus besoin d’avoir recours à la formation professionnelle
continue sont ceux qui y ont le moins accès,
- le système reproduit plus qu’il n’atténue les inégalités sociales.
Ces constats posent un défi majeur au système d'éducation et de formation,
notamment celui de la réinsertion plus difficile des adultes faiblement diplômés, qui
ont bénéficié de promotion interne dans leur entreprise, lorsqu’ils se trouvent en
situation de rupture d’emploi et confrontés à la concurrence de jeunes plus qualifiés
qui sortent du système scolaire.
Ceux qui bénéficient le plus de la formation sont ceux qui ont déjà un emploi stable,
surtout au niveau cadre et dans les grandes entreprises (pour qui le taux d’accès est
de plus de 68 %). Les salariés moins qualifiés, ceux employés dans de très petites
entreprises, les demandeurs d'emploi, les jeunes, les femmes et les salariés en
contrat à durée déterminée (CDD) accèdent proportionnellement moins à la
formation continue.
Les formations à l’initiative individuelle des adultes restent marginales par opposition
à celles organisées à l’initiative des entreprises ou des collectivités. Le « crédit
formation individualisé » (CFI), prévu dans la loi de 1971, est toujours resté limité et
le nombre des « congés individuels de formation », déjà faible, est en déclin. Ce
constat est renforcé par un autre : les formations à caractère strictement utilitaire
l’emportent largement. Elles ont fait perdre de vue l’idée de l’épanouissement et de la
promotion culturelle des personnes, et le chemin reste long de la formation
professionnelle continue à la véritable éducation tout au long de la vie.
Le dispositif de formation continue mis en place il y a 30 ans trouve donc aujourd’hui
ses limites. Les besoins nouveaux liés à l'impératif d'éducation tout au long de la vie
exigent de combler les lacunes, mais aussi de relever le niveau général des
apprenants (dans une perspective de professionnalisation durable) et d'éviter que
s'élargisse la fracture numérique résultant de la diffusion rapide des TIC.
Les axes de réforme annoncés en 1999 (simplification, décloisonnement, meilleure
efficacité, coordination) visaient à promouvoir :
49
-
un accès individuel à la formation, garanti collectivement, et non limité aux seuls
aspects professionnels ;
une meilleure prise en compte (validation) des acquis professionnels ; cet aspect
essentiel a fait l'objet d'une réforme très importante en 2001 (voir Chapitre II,
section 1.6) ;
une priorité donnée aux personnes privées d’emploi ;
les formations professionnelles en alternance, consolidées à l’échelon régional ;
la coordination entre tous les acteurs institutionnels, afin d’améliorer la lisibilité et
l’efficacité du dispositif.
Ces politiques de rénovation de la formation professionnelle, de développement de la
dimension professionnelle dans l'enseignement supérieur et de prise en compte de la
perspective d'éducation tout au long de la vie participent des efforts permanents
d'ajustement de l'offre d'éducation aux besoins de la société et de l'économie.
L'entrée dans une nouvelle société, marquée par la connaissance, la technologie et
la mondialisation, et la reprise de la croissance économique et des embauches,
posent de nouveaux défis au système éducatif en ce début de 21ème siècle. Les
nouvelles politiques d'articulation dynamique entre offre et besoins de formation
engagées pour les relever sont décrites dans le Chapitre II.
Conclusion du chapitre I
Les principaux résultats des réformes des années 1990
Après le développement de l’enseignement de masse au niveau du collège durant
les années 70 et 80, la période des années 90 est celle de l’ouverture au lycée et à
l’enseignement supérieur. En dépit de l’arrivée de classes d’âge relativement moins
nombreuses, il a fallu accueillir les élèves prolongeant leur scolarité et faire face
d’abord à un défi quantitatif : construction de lycées, d’IUT et d’universités, mais
aussi recrutement d’enseignants.
Dans un second temps, en raison de la stabilisation des effectifs due au contexte
démographique, l’effort a surtout porté sur la recherche de la qualité : plus grande
efficacité et plus grande équité. Les effectifs d’élèves dans l’enseignement
secondaire ont culminé en 1993 (5,6 millions d’élèves) avant de baisser de plus de
100 000 élèves en 6 ans. Dans l’enseignement supérieur, si les effectifs ont été
multipliés par 7 en 30 ans, la croissance a pris fin en 1996, les effectifs s’étant
stabilisés depuis autour de 2,2 millions d’étudiants.
Principaux résultats positifs
Les réformes mises en œuvre et le processus continu de rénovation sur le terrain ont
conduit à certains résultats positifs.
Une élévation du niveau général de qualification
-
La durée moyenne de scolarisation (ou espérance de scolarisation) est passée
entre 1990 et 2002 de 18,2 à 19 années. Mais après une augmentation très forte
entre 1975 et 1995, cette durée s’est stabilisée. Elle est plus grande pour les filles
que pour les garçons.
50
-
La part d’une génération accédant au niveau V (CITE 3c) est passée de 80 % en
1980 à 92 % en 1990 et à 96 % en 2002. Les progrès sont très importants même
si l’objectif 100 % de la loi de 1989 n’a pas été atteint. Environ 60 000 jeunes
sortent donc de l’école chaque année sans qualification, ce nombre s’étant
stabilisé depuis 1996. On peut ajouter les 90 000 jeunes sortant avec une
qualification, mais sans diplôme professionnel. Donc, au total, ce sont 150 000
jeunes qui sortent du système éducatif sans au moins un diplôme de niveau V. La
réduction de ce nombre est donc une priorité politique, étant donné l’étroite
relation en France entre le diplôme et les perspectives d’emploi.
-
La part d’une génération atteignant le niveau du baccalauréat (CITE 3 a ou b) est
passée de 34 % en 1980 à 54 % en 1990 et à 70 % en 2003. Ainsi, si l’objectif
80% au niveau du baccalauréat n’a pu être atteint, les progrès accomplis sont
considérables (doublement en 20 ans). La proportion d’une génération obtenant
le baccalauréat est passée pour sa part de 20 % en 1970 à 26 % en 1980, 43,5
% en 1990 et à 70 % en 2003. Le baccalauréat professionnel (CITE 3b) a
contribué de manière croissante à cette progression, sa part dans le total passant
de 5 % en 1990 à 18 % en 2003. Le taux d’accès féminin au niveau du
baccalauréat est supérieur au taux masculin : en 2000, 75 % contre 64 % ; il en
est de même pour le taux d’accès au seul baccalauréat général : 40,5 % contre
28,2% (taux global : 34,1%).
-
Le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur a augmenté constamment :
le nombre d’étudiants obtenant un diplôme de type « bac+2 » (CITE 5 b) – BTS,
DUT, DEUG ou équivalent – a augmenté de plus de 60 % depuis 1990 : 169 000
lauréats en 1990 et 269 000 en 2001. Celui des titulaires d’un diplôme
d’enseignement supérieur long (CITE 5 a et 6) – licence, maîtrise, DESS, DEA et
doctorat - a presque triplé depuis 1982 : 102 000 en 1982, 162 000 en 1990 et
302 000 en 2001.
Une amélioration des bâtiments et des équipements scolaires et universitaires
Un effort important a été accompli par l’Etat pour l’enseignement supérieur (cf. « plan
université 2000 » puis « plan U3M ») et par les collectivités territoriales pour
l’enseignement scolaire en matière d’architecture (construction et rénovation) et pour
les équipements : selon les normes internationales, les établissements scolaires et
les bâtiments universitaires sont relativement adaptés, même si la situation est
variable selon les régions. Un effort très important a été accompli pour l’utilisation
des TICE et pour les centres de documentation et d’information.
Une réduction des effectifs moyens des classes et un meilleur taux
d’encadrement des élèves
Même si selon les chercheurs en sciences de l’éducation, de manière générale, la
corrélation n’est pas évidente entre la progression des acquis des élèves et la
réduction de l’effectif moyen des classes, celle-ci permet un meilleur suivi individuel
des élèves et répond à une demande des parents et des enseignants. A cet égard,
elle répond donc à une demande sociale et peut être considérée comme un progrès.
La situation est beaucoup moins favorable dans les universités.
51
Une diversification plus efficace des filières
Les efforts en faveur de l'enseignement technologique et professionnel, la rénovation
de l'apprentissage et le succès du baccalauréat professionnel ont permis de
progresser vers une plus grande diversité des filières. Il reste cependant encore du
chemin à parcourir pour réussir à établir une véritable "filière de réussite" ,alternative
à l'enseignement général et débarrassée des anciennes séquelles d'une orientation
par l'échec, que les autorités éducatives appellent de leurs voeux.
Une ouverture européenne réelle mais encore insuffisante
La France a participé activement aux échanges éducatifs européens, tant au niveau
de l'enseignement supérieur (Socrates/Erasmus, Leonardo da Vinci, Tempus) que,
plus récemment, au niveau du secondaire (Socrates/Comenius). Mais
l'européanisation et l'internationalisation doivent continuer pour se faire plus en
profondeur (programmes, structures) et se généraliser, pour éviter l'émergence d'un
nouvelle fracture entre ceux qui ont et ceux qui n'ont pas accès à l'expérience d'une
formation à dimension européenne et internationale.
Une amélioration du statut des enseignants
Si les principaux bénéficiaires ont été les enseignants du primaire avec la création du
corps des professeurs des écoles (recrutés au niveau de la licence) alignant leur
carrière sur celle des professeurs certifiés du secondaire, d’autres dispositions ont
permis d’améliorer la situation des enseignants : intégration progressive des
auxiliaires par des concours spécifiques de recrutement, organisation de concours
internes permettant des progressions de carrière, congés de reconversion
professionnelle, création de catégories « hors classe » permettant une progression
des traitements, bonifications indiciaires et avantages accordés aux professeurs
enseignant dans des ZEP, etc.
A cet égard, il convient de rappeler que les enseignants font l’objet d’une double
notation – administrative et pédagogique – qui permet de récompenser les
professeurs jugés les plus efficaces de trois manières : avancement au grand choix
ou au choix au lieu de l’avancement à l’ancienneté, accès à la hors-classe de chaque
grade et changement de grade (par exemple, dans l’enseignement secondaire,
accès au grade d’agrégé par liste d’aptitude). Les deux derniers types de promotions
font l’objet de délibérations au sein de commissions administratives paritaires où
siègent les représentants des personnels concernés et sont prononcées au vu d’un
barème complexe prenant en compte divers paramètres en sus de la note
pédagogique, à commencer par l’ancienneté et les diplômes.
Il faut aussi mentionner le mouvement de déconcentration de la gestion des
enseignants du secondaire et la création de directions des ressources humaines
dans les rectorats permettant de mettre en œuvre une gestion plus qualitative des
enseignants.
Enfin, la création des IUFM a permis d’améliorer la formation professionnelle initiale
des enseignants. Une évaluation conduite par l’IGEN en 1995 avait montré que les
52
jeunes professeurs du secondaire récemment sortis des IUFM faisaient preuve en
général de bonnes compétences pédagogiques et étaient plus enclins à travailler en
équipe que leurs aînés. La formation en IUFM fait cependant l’objet de nombreuses
critiques, notamment des jeunes enseignants eux-mêmes, comme l’a encore montré
le récent grand débat national sur l’école.
Des résultats plus controversés et des difficultés qui demeurent
La difficulté à encore réduire les sorties sans qualification
Certes, depuis 30 ans la proportion d’une génération sortant du système éducatif
sans qualification a beaucoup baissé : 25 % en 1970, 10 % en 1990 et de 6 à 8 %
aujourd’hui, selon la définition adoptée de la « qualification »19. Mais cette proportion
reste stable depuis plusieurs années, malgré tous les dispositifs, de plus en plus
personnalisés, mis en place. Cette persistance de l’échec scolaire est un défi
important. En effet, les jeunes sans qualification ont de plus en plus de mal à trouver
un emploi dans l’économie d’aujourd’hui et l’écart a tendance à se creuser entre la
majorité croissante de ceux qui prolongent leurs études et la minorité stable de ceux
pour qui difficultés scolaires, professionnelles et sociales se cumulent.
Les politiques volontaristes de discrimination positive mises en place au cours des
dernières années ont permis de réduire l’augmentation de l’écart entre cette majorité
et cette minorité. Elles convergent vers une nouvelle définition des compétences de
base nécessaires et vers un soutien plus précoce, plus global et plus personnalisé
de ceux qui en ont le plus besoin. Elles traduisent un effort soutenu dans
l’enseignement primaire, qui reste déterminant pour les destinées scolaires et
sociales. Elles impliquent aussi de nouveaux efforts pour accroître la diversité des
parcours et des méthodes d’apprentissage, modifier les comportements d’évaluation,
reconnaître les compétences acquises, mieux utiliser les nouvelles technologies, et
repenser l’aide à l’insertion pour l’adapter aux besoins de ceux qui en sont le plus
loin.
Les controverses sur l’importance de l’illettrisme et sur la baisse du niveau des
élèves
Etant donné la difficulté à définir précisément et de manière indiscutable le niveau de
capacité de lecture en deçà duquel une personne peut être considérée comme
illettrée, il y a eu durant ces dernières années en France de nombreuses polémiques
quant à l’importance de l’illettrisme. Une enquête du ministère de l’éducation
nationale conduite en 1997 à la demande de l’Observatoire national de la lecture a
montré qu’environ 15% des élèves de sixième éprouvaient des difficultés à lire. Des
tests récents du ministère de la défense nationale ont fait apparaître qu’environ 10%
des jeunes manifestaient des carences importantes. Mais, dans les deux cas,
seulement 4% environ pouvaient être considérés comme illettrés, c’est-à-dire ne
maîtrisaient pas le sens de phrases simples.
19
Comme le souligne le Haut Conseil d’évaluation de l’école (Hcéé) dans son avis
d’octobre 2003, il existe une ambiguïté quant à la définition de la qualification, qui
n’est pas équivalente à l’obtention d’un diplôme. Le Hcéé recommande de lever cette
ambiguïté.
53
Autre polémique : celle qui tourne autour de l’évolution du niveau des élèves. De fait,
toutes les études statistiques sérieuses montrent un accroissement dans le long
terme du niveau des élèves. Il convient seulement de rappeler que les discours sur la
baisse du niveau ont toujours existé, sans aucun fondement scientifique. A titre
d’exemple, on peut rappeler que lorsque l’on affirme que le baccalauréat n’est plus
ce qu’il était, on compare, par exemple, le niveau moyen de 10 % d’une génération
en 1960 (% de bacheliers à cette date) au niveau moyen de 62 % d’une génération
aujourd’hui, alors qu’il conviendrait de comparer ce dernier, afin de mesurer le
progrès accompli, avec le niveau moyen de 62 % d’une génération en 1960.
Un taux d’échec qui reste élevé dans le premier cycle de l’enseignement
universitaire
Une faiblesse du système éducatif français reste le taux d’échec élevé en premier
cycle universitaire : si le taux d’accès d’une génération de bacheliers au 2nd cycle de
l’enseignement supérieur a augmenté, entre 1988 et 1999, de 51,5 % à 59,2 %, il
reste faible selon les normes internationales. Il est vrai que cela est en partie lié au
fait qu’une forte proportion des plus brillants bacheliers entrent dans les classes
préparatoires aux grandes écoles plutôt qu’à l’université, et que la filière universitaire
est la seule filière non sélective de l’enseignement supérieur, la sélection se faisant
donc surtout au cours de la première année de l’université. Toutefois, les réformes
récentes et l’effort accru d’aide à l’orientation dès le lycée devraient permettre de
réduire l’échec en premier cycle universitaire.
Une démocratisation contestée
Un autre débat très vif dans la société française concerne la question de savoir si
l’enseignement de masse a conduit en fin de compte à réduire les inégalités sociales
devant l’école. Lors d’une enquête conduite en 1994 par le ministère de l’éducation
nationale, trois quarts des personnes interrogées avaient répondu que l’école ne
réduisait pas les inégalités sociales et deux tiers d’entre elles affirmaient qu’une
mission de l’école devait être de les réduire. Cette enquête confirmait les résultats
d’enquêtes antérieures : une large majorité de Français considère que l’école doit
contribuer à édifier une société plus juste et qu’elle ne remplit pas bien cette mission.
Quelles conclusions faut-il tirer de l’accès d’une proportion croissante de jeunes
issus de milieux défavorisés au baccalauréat et à l’enseignement supérieur ? Cette
stratégie d’ouverture (enseignement de masse) conduit-elle à une réelle
démocratisation de l’école et favorise-t-elle la mobilité sociale ? La réponse est
souvent négative, confortée il est vrai, par certaines études statistiques qui concluent
à une translation vers le haut des inégalités, sans que celles-ci se réduisent (Goux,
Maurin, 1997), ce qui semblerait confirmer la théorie de la reproduction sociale,
énoncée il y a 30 ans par Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron, Christian
Baudelot et Roger Establet.
De fait, la réponse doit être beaucoup plus nuancée pour diverses raisons et requiert
une analyse plus fine (C.Thélot, 1999, A.Michel, 1999) :
54
1) Le diagnostic global et synthétique ne rend pas fidèlement compte de la réalité et
dépend des critères pris en compte.
2) Il ne permet pas de comprendre les processus à l’origine de certaines inégalités.
3) Le diplôme est plus que jamais nécessaire, même s’il n’est pas toujours suffisant,
pour obtenir un emploi, comme le confirment toutes les statistiques sur l’emploi
des jeunes : le fait que davantage d’enfants d’ouvriers obtiennent un diplôme est
donc un facteur essentiel de réduction des inégalités.
4) L’accès à un niveau plus élevé de formation ne doit pas être jugé seulement en
fonction de sa capacité à obtenir un emploi plus ou moins rémunéré : même si un
diplôme se déprécie sur le marché du travail au fur et à mesure qu’il est obtenu
par davantage de personnes, il reste qu’il a une valeur en soi en ce qu’il atteste
d’un certain niveau de connaissances, de culture et de compétences permettant
de mieux vivre dans la société actuelle ; du reste, les inégalités de destins
scolaires sont de plus en plus corrélées au niveau scolaire des parents davantage
qu’au niveau de leur revenu.
5) Si un enfant d’ouvrier a aujourd’hui encore 7 fois moins de chances qu’un enfant
de cadre supérieur d’entrer à l’université, ce qui est fort regrettable, il ne faut pas
oublier qu’en 1970, il avait 28 fois moins de chances de le faire. On ne peut donc
nier un progrès à cet égard. Une autre manière de l’exprimer : depuis 1984,
l’accès à l’enseignement supérieur a été multiplié par 3,5 pour les enfants
d’ouvriers, contre 2,2 pour l’ensemble des catégories socio-professionnelles.
On ne peut donc nier une tendance à la démocratisation de l’école, même si on
constate une translation vers le haut des inégalités. Mais surtout, il convient de
dépasser les approches macrosociologiques de l’école afin d’analyser dans quelle
mesure le fonctionnement de l’institution scolaire peut lui-même engendrer des
inégalités de destins scolaires (cf. travaux de l’IREDU par exemple). Enfin, force est
de constater que l’école ne peut à elle seule réduire les inégalités sociales, elle peut
seulement y contribuer.
Ainsi, les politiques éducatives mises en œuvre durant la décennie 1990 ont donné
des résultats globalement positifs tant du point de vue de l’amélioration du niveau
général de formation de la population ( réduisant ainsi le retard par rapport à d’autres
pays très avancés) que de la justice sociale. Toutefois, la persistance de l’échec
scolaire d’une minorité de jeunes et l’émergence de nouveaux besoins de formation
liés à l’accélération du progrès technique et du processus de mondialisation, mais
aussi aux nouvelles fractures sociales qui en résultent, nécessitent de poursuivre
l’effort accompli jusqu’ici et d’inventer des dispositifs et des approches, à même de
répondre aux nouveaux problèmes ainsi posés par ce que certains ont appelé
« l’entrée dans une nouvelle civilisation », dans la perspective de l’éducation tout au
long de la vie pour tous.
CHAPITRE II
55
UNE EDUCATION POUR LE XXIè SIECLE
Introduction
L’entrée dans une nouvelle civilisation ?
Comme l’ont souligné divers travaux de l’Unesco et de la Commission française
auprès de cette organisation (J. Delors,1996 ; Y. Brunsvick, A. Danzin, 1998 ; F.
Mayor, J. Bindé, 1999 ; E. Morin, 2000), le monde actuel connaît des mutations
fondamentales qui sont autant de nouveaux défis à relever pour tous les systèmes
éducatifs et qui suscitent de nouvelles attentes à l’égard de l’école (A. Michel, 2000,
OCDE, 2001).
Une première mutation fondamentale est le processus de mondialisation /
globalisation qui s’accompagne d’une résurgence du régional et du local, impliquant
de repenser la dialectique dynamique global/local, dont l’un des aspects est le nouvel
équilibre à trouver entre une logique économique (marchande) uniformisante et une
logique sociale et sociétale reconnaissant la diversité des traditions et des cultures.
L’enjeu est d’autant plus important que les excès d’un libéralisme économique, sans
foi ni loi, faisant fi des revendications liées au droit à la différence et aux spécificités
culturelles, et porté par aucun projet de société, nourrissent de nouveaux risques de
fragmentation, de replis identitaires, de xénophobie et de racisme, donc de nouvelles
menaces pour la paix.
Ce processus de mondialisation est étroitement lié à la prodigieuse avancée dans le
domaine des technologies de la communication. En particulier, l’explosion de
l’Internet et des nouveaux médias entraîne une nouvelle perception du temps et de
l’espace, une nouvelle relation au couple espace/temps et une confusion entre le
virtuel et le réel tangible. L’instantanéité de la communication à travers le « village
planétaire » contribue à un tropisme généralisé vers le très court terme. D’aucuns
l’interprètent comme l’entrée dans une nouvelle civilisation où domine le souci de
coller à l’actualité au détriment d’une réflexion approfondie et d’une approche
prospective.
L’accélération du rythme de l’évolution scientifique et technologique et le
raccourcissement du temps entre les inventions et leur traduction en innovations
conduisent à une obsolescence accélérée des connaissances et des compétences,
et donc à de nouveaux besoins d’éducation et de formation. Cette accélération des
découvertes scientifiques est aussi porteuse de nouvelles menaces d’ordre éthique,
notamment dans le domaine de la biologie et de la recherche sur le cerveau.
De surcroît, le processus de développement économique au niveau mondial accroît
l’écart de niveaux de vie entre pays riches et pauvres et est porteur d’importants
coûts humains et sociaux. Au sein même des pays industrialisés, la période récente
a vu se creuser les écarts entre les plus riches et les plus démunis, le cumul de
handicaps économiques et culturels parmi une partie importante de la population
conduisant à ce que l’on a parfois appelé la « nouvelle fracture sociale ».
Les nouveaux défis adressés au système éducatif
56
L’évolution rapide des connaissances scientifiques et des technologies requiert de
préparer très tôt les élèves à remettre sans cesse en cause les connaissances
acquises. Dans un monde en mutation rapide, il convient de développer dès
l’enseignement primaire la capacité d’adaptation à des situations inédites et la
créativité. Cela requiert un apprentissage actif des élèves, donc de nouvelles formes
d’activités pédagogiques. Cela implique aussi un recyclage permanent de tous les
adultes, dans la perspective de l’éducation tout au long de la vie, en particulier des
enseignants.
L’évolution rapide des technologies de la communication et la banalisation de leur
usage au travail et dans la vie courante impliquent leur utilisation au sein de l’école.
C’est une question d’efficacité, mais aussi d’équité, car les enfants issus de milieux
défavorisés ne bénéficient pas chez eux d’un accès aux TICE. Enfin, l’usage des
TICE à l’école peut réduire l’échec scolaire et accroître l’efficacité des
apprentissages à condition de les intégrer de manière pertinente, ce qui requiert de
repenser toute l’organisation pédagogique et de former les enseignants de manière
adéquate.
Les nouveaux défis d’ordre éthique, social et culturel, mais aussi relatifs à
l’environnement à l’échelle planétaire, impliquent qu’une nouvelle priorité soit donnée
à l’éducation à la citoyenneté au sens large, car il s’agit de former des citoyens
lucides et actifs, capables de créer un monde meilleur, respectueux des droits de
l’homme, des valeurs de paix et de démocratie, ainsi que de notre environnement et
des patrimoines culturels.
L’universalité des problèmes et la mobilité géographique accrue requièrent de
nouvelles compétences qui impliquent une rénovation des programmes
d’enseignement, sans pour autant sacrifier à des effets de mode ou vouloir coller aux
aléas de l’actualité. Plus que jamais, il s’agit de donner à chaque élève une culture
générale fondamentale : ensemble de connaissances, de valeurs, de savoir faire,
savoir être et savoir communiquer.
Sans remettre en cause l’existence des savoirs disciplinaires, il faut, comme l’ont
préconisé Pierre Bourdieu et François Gros en 1989, dégager des compétences
transversales fondamentales et, comme l’a exprimé plus récemment Edgar Morin,
davantage relier les savoirs.
C’est en prenant en considération ces défis majeurs, et notamment en se situant
dans la perspective de l’éducation tout au long de la vie, qu’ont été conçues les
réformes récentes et en cours du système éducatif français. Les initiatives prises ont
visé à poursuivre l’évolution nécessaire de l’enseignement à tous les niveaux, à
établir de nouvelles modalités de pilotage du changement, de manière à encourager
les innovations sur le terrain, tout en assurant une régulation globale du système
éducatif afin que son évolution soit conforme aux grands objectifs assignés par la
nation, et enfin à ouvrir davantage le système éducatif à la réalité européenne et
internationale.
1. L’évolution de l’enseignement et ses perspectives
57
Les actions entreprises depuis deux ans, y compris les plus récentes, s’appuient sur
quelques idées forces :
réduire l’illettrisme, reconnaître les diverses formes
d’intelligence (conceptuelle, concrète et sensible), refuser l’échec scolaire et
l’exclusion, mieux intégrer les handicapés, favoriser le brassage social, ferment de
progrès et de créativité, former des citoyens éclairés, développer la maîtrise d’au
moins deux langues étrangères, combattre la violence à l’école, conforter la laïcité et
l’esprit de tolérance et restaurer l’autorité des enseignants. L’accent a aussi été mis
sur une utilisation pertinente des TIC et la valorisation des initiatives et des
innovations pédagogiques. Une rénovation sereine du système éducatif requiert une
action cohérente, ordonnée et méthodique, d’où la priorité donnée à l’enseignement
primaire et à l’acquisition de connaissances et compétences fondamentales, à
commencer par la maîtrise de la langue française.
Un objectif transversal : le plan de 5 ans en faveur des handicapés
Consacré « grande cause nationale » en 2003, le plan en faveur des handicapés est
l’un des chantiers prioritaires du quinquennat fixés par le Président de la République.
Dans le domaine de l’éducation, les actions ont été engagées selon trois grands
axes :
-
-
garantir le droit à la scolarité pour tous les jeunes handicapés ou malades ainsi
que la continuité de leurs parcours scolaires, ce qui s’est traduit notamment par la
décision de créer 1000 unités pédagogiques d’intégration (UPI) sur 5 ans (20032007) ;
former l’ensemble des personnels et développer la formation spécialisée des
enseignants ;
améliorer les conditions d’accueil et de scolarisation des élèves handicapés.
L’objectif est de scolariser dans des classes ordinaires de 10 000 à 15 000
enfants handicapés supplémentaires (actuellement, 103 000 enfants handicapés
suivent déjà une scolarité ordinaire). Environ 5000 postes d’assistants
d’éducation pour exercer les fonctions d’auxiliaires de vie doivent être créés en
plus des 1000 postes de ce type existant aujourd’hui20. Alors qu’en 1999, un
élève handicapé sur trois était accueilli en milieu scolaire ordinaire, cette
proportion est de près de un sur deux à la rentrée 2003. Par ailleurs, en 2003, un
investissement de l’ordre de 23 millions d’euros a été effectué en achats
d’équipements et matériels pédagogiques adaptés.
1.1. Enseignement primaire : l’objectif de réussite pour tous
Les programmes ont été modifiés pour renforcer la cohérence entre les disciplines et
des dispositions ont été prises pour renforcer l’application des mesures propres à
réduire l’échec scolaire et à permettre à tous les élèves d’acquérir les compétences
nécessaires à une poursuite de leurs études au collège dans les meilleures
conditions possibles. Avec les nouveaux programmes ont été publiés des documents
20
Les textes relatifs à la création des emplois d’assistants d’éducation (à leur
recrutement, leurs missions, leur rémunération, etc.) sont rassemblés dans n° 25 du
B.0. du 19 juin 2003 : loi n° 2003-4000 du 30/4/2003 et textes d’application. Les
assistants d’éducation doivent progressivement remplacer les surveillants d’externat,
les maîtres d’internat et les aides-éducateurs.
58
d’application et d’accompagnement couvrant pratiquement tous les champs
disciplinaires pour chacun des cycles de l’école primaire.
Les axes essentiels de la réforme des programmes
Les nouveaux programmes ont été mis en place progressivement sur trois ans à
compter de la rentrée 200221.
A la rentrée 2002, ont été introduits le nouveau programme de première année du
cycle des apprentissages premiers (petite section de maternelle), celui de première
année du cycle des apprentissage fondamentaux (grande section de maternelle) et
celui de première année du cycle des approfondissements (cours élémentaire de
2ème année ou CE2).
A la rentrée 2003, ont été mis en place les nouveaux programmes de deuxième
année des apprentissages premiers (moyenne section d’école maternelle), de
deuxième année du cycle des apprentissages fondamentaux (première année de
l’enseignement élémentaire ou CP) et de deuxième année du cycle des
approfondissements (cours moyen première année ou CM1).
Enfin, à la rentrée 2004, seront mis en œuvre les programmes de 3ème année du
cycle des apprentissages fondamentaux (CE1) et de 3ème année du cycle des
approfondissements (CM2).
Un premier axe essentiel est la prévention de l’illettrisme. Si la proportion d’élèves
pouvant être considérés comme illettrés au début du collège peut être estimée à
environ 5 %, celle des élèves ayant une maîtrise insuffisante de la lecture et de
l’écriture est de l’ordre de 15 à 20 %. Face à ce constat, la lutte contre l’illettrisme
reste la première priorité. Des dispositifs particuliers de prévention au cours
préparatoire (CP) ont été prévus à partir de la rentrée 2002 et étendus à la rentrée
2003. Près de 4000 classes (près de 70 000 élèves) sont concernées : classes à
effectifs réduits (dont 500 classes avec une dizaine d’élèves dans des écoles aux
résultats très faibles), classes renforcées par un maître supplémentaire ou
accompagnées par un assistant d’éducation22. Ces classes bénéficient d’un suivi
particulièrement attentif des inspecteurs de l’enseignement primaire et leur impact
sera évalué. Pour tous les élèves, les nouveaux programmes imposent un horaire
obligatoire d’au moins 2 heures 30 par jour pour les activités de lecture et d’écriture
en cycle 2 et 2heures en cycle 3 (du CE2 au CM2), les enquêtes des inspections
ayant montré des écarts importants d’une classe à l’autre. Un livret intitulé « Lire au
CP – Repérer les difficultés pour mieux agir », élaboré avec la participation de
nombreux enseignants, a été distribué en mars 2003 à tous les enseignants du cycle
2 (grande section de maternelle, CP et CE1). Ces actions sont complétées par
l’organisation d’activités dans le domaine périscolaire. En outre, les dispositifs prévus
pour les enfants immigrés non-francophones ont été renforcés.
21
Voir « Horaires et programmes d’enseignement de l’école primaire », B.O. n° horssérie du 14 février 2002
22
Les assistants d’éducation doivent remplacer progressivement les aideséducateurs à partir de l’année 2003-2004 pour ce type de dispositif.
59
Un deuxième axe
complémentaire du premier est le renforcement de
l’enseignement de la langue française, la place plus grande faite aux domaines
transversaux dans cet enseignement et l’introduction de la littérature au cycle III avec
une liste évolutive d’ouvrages de référence.
Un troisième axe est l’éducation civique avec la mise en place d’un parcours
cohérent et continu d’apprentissage civique de l’école primaire au lycée.
Un quatrième axe est la poursuite du plan de rénovation des enseignements
scientifiques et technologiques, déjà largement mis en œuvre, notamment grâce à
un effort important de formation continue des enseignants.
Un cinquième axe concerne la poursuite du développement de l’enseignement
des langues vivantes. L’offre d’enseignement des langues doit être diversifiée dès
l’école primaire. Dans cette perspective, le développement des langues régionales et
frontalières doit s’inscrire dans le cadre plus général de l’élaboration d’une carte des
langues au sein de chaque académie. A terme, l’objectif est que la majorité des
enseignants du primaire soient capables d’assurer eux-mêmes l’enseignement d’une
langue vivante. Dès la rentrée 2001, la formation initiale en IUFM a intégré des
enseignements de langues et des stages de formation continue ont été organisés
pour les enseignants en poste. Le recours à des assistants étrangers, avec
l’accompagnement pédagogique des maîtres, a également été développé.
Ainsi, tout en rappelant l’importance cruciale de l’acquisition de compétences
fondamentales (notamment une bonne maîtrise du français), la politique actuelle de
l’enseignement primaire vise donc à faire acquérir l’ensemble des compétences
requises par l’évolution du monde : apprentissage plus actif des élèves,
interdisciplinarité, utilisation des TICE et création du brevet informatique et internet
(B2i premier niveau)23, démarches inductives et expérimentales, apprentissage
précoce d’une langue étrangère, avec l’adoption du référentiel élaboré par le Conseil
de l’Europe, éveil artistique favorisant la créativité, apprendre à vivre ensemble et
éducation civique.
Les recommandations quant au pilotage pédagogique
L’accent est mis sur la détection précoce des difficultés éventuelles. A cet égard, est
soulignée l’importance de la mise en œuvre effective des cycles et de l’évaluation
formative des élèves. La pédagogie doit prendre en compte les lacunes constatées
et la diversité des élèves. Il est demandé aux enseignants de faire preuve
d’imagination et d’inventer des dispositifs de soutien aux élèves en difficulté et de
consolidation des acquis.
Le caractère fondamental du projet d’école a été rappelé : c’est lui qui organise la
cohérence de toutes les activités pédagogiques et éducatives et il doit être le produit
de la réflexion collective de toute l’équipe. Les conseils des maîtres du cycle des
apprentissages fondamentaux qui regroupent des enseignants de l’école maternelle
et de l’école élémentaire doivent faciliter la transition entre grande section de
maternelle et CP. De la même manière les enseignants de CM2 doivent faciliter la
23
cf. Le B2i, Les dossiers de l’ingénierie éducative n° 39, juin 002, CNDP
60
transition avec le collège, notamment par une évaluation rigoureuse des acquis et
des lacunes de chaque élève.
Une étude a été confiée à l’INRP sur les pratiques pédagogiques susceptibles d’être
les plus adaptées. Enfin, dans la formation des maîtres de l’enseignement primaire,
l’accent a été mis sur les modalités d’apprentissage de la lecture, la maîtrise écrite et
orale du français, et sur la conduite de la classe dans des situations difficiles. Des
objectifs opérationnels explicitant les compétences de fin de chaque cycle doivent
être élaborés afin de fournir des repères concrets pour l’évaluation des acquis.
L’accent est mis sur la nécessité « d’organiser la continuité des apprentissages,
selon des étapes bien identifiées, incluant des évaluations régulières et des
remédiations engagées sans attendre »24. A cette fin, il est recommandé d’utiliser les
instruments d’évaluation de la banque nationale d’outils dont l’élaboration est
coordonnée par la DEP. Une évaluation nationale doit être mise en place au CE1 en
2005 à l’intention des élèves éprouvant des difficultés.
1.2 . De nouvelles orientations pour le collège
Il a souvent été avancé que le collège était l’étape la plus sensible du cursus
scolaire. De fait, il n’a pas cessé d’être en rénovation depuis le milieu des années 80.
Il est vrai que le collège accueille l’ensemble d’une génération aux âges de
l’adolescence, moment particulièrement difficile à gérer par les élèves.
De surcroît, les finalités du collège sont problématiques dans la mesure où il doit à la
fois permettre à tout élève d’acquérir des connaissances et des compétences
fondamentales pour s’insérer normalement dans la société, mais aussi permettre aux
élèves de poursuivre leurs études au lycée et au delà. Or, l’accomplissement
simultané de ces deux missions n’est pas facile à réaliser.
De même, en est-il de l’application du principe de l’hétérogénéité des classes, même
si cela paraît souhaitable pour ne pas opérer trop tôt dans le cursus une sélection
des élèves. Les difficultés sont accrues dans certains collèges dits « sensibles » qui
accueillent des élèves refusant les règles de la vie scolaire. De fait, le collège connaît
certaines tensions et cela implique de trouver de nouvelles approches pédagogiques
à même de les réduire.
Les principaux axes de la rénovation
-
Une meilleure prise en compte de la diversité des élèves : en donnant plus de
souplesse à l’organisation des dispositifs existants pour, d’une part, la
consolidation des acquis et la remise à niveau (en sixième) ou les dispositifs
d’aide et de soutien (dans les autres classes) concernant les élèves en difficulté,
et, d’autre part, les études « dirigées » ou « encadrées » concernant tous les
élèves (les études dirigées visant surtout à apporter une aide méthodologique et
les études encadrées concernant des élèves plus autonomes) ; le mode
24
Cf. circulaires du 16/11/2000 (B.O. n° 42 du 23/11/2000) créant les programmes
personnalisés d’aide et de progrès (PPAP) et du 27/1/2004 (B.0. n° 6 du 5/2/2004),
relative à la préparation de la rentrée 2004 dans les écoles, collèges et lycées.
61
d’utilisation des heures accordées pour ce type d’activités fait partie de la
politique pédagogique de chaque collège (projet d’établissement) ;
-
La mise en place de pratiques pédagogiques facilitant l’interdisciplinarité et un
apprentissage actif des élèves, avec les itinéraires de découverte ;
-
Redéfinir le bagage obligatoire de compétences et de connaissances, tout en
diversifiant les itinéraires permettant de les acquérir.
La question clé du socle de connaissances et compétences de base pour tous
Ce principe d’une unité des exigences et de la pluralité des itinéraires pour y
satisfaire pose la question fondamentale des connaissances et des compétences qui
doivent être acquises à la fin de la scolarité obligatoire. La réponse n’est pas simple,
car il s’agit de définir les compétences et les connaissances indispensables pour
vivre et travailler dans un monde en mutation rapide, ce qui implique des choix et de
redéfinir le « curriculum scolaire de base » en termes de contenus mais aussi de
pratiques pédagogiques et d’évaluation des élèves (A. Michel, 1996).
D’une part, certaines compétences doivent être davantage mises en avant : capacité
à formuler clairement sa pensée à l’oral comme à l’écrit, imagination créatrice,
distance critique, sens de la complexité, respect d’autrui, sens des responsabilités et
travail en équipe. D’autre part, la redéfinition des programmes doit respecter
quelques principes fondamentaux :
-
la contribution explicite de chaque discipline à la maîtrise du français ;
l’adéquation entre les contenus et les horaires ;
la distinction au sein de chaque discipline entre ce qui relève d’une culture
commune et de savoirs plus spécifiques ;
la définition des compétences et les notions essentielles à acquérir et à évaluer ;
l’harmonisation du vocabulaire dans les diverses disciplines de l’école primaire au
collège ;
la mise en évidence des convergences entre disciplines et des approches
croisées nécessaires.
L’enseignement scientifique et technologique
A cet égard, l’Académie des sciences a exprimé le souhait que les sciences et la
technologie soient « au moins dans les classes de 6ème et de 5ème, enseignées dans
un esprit proche de celui de La main à la pâte , impliquant qu’une partie significative
de l’enseignement mette en jeu l’observation, la formulation des hypothèses,
l’expérimentation, l’expression orale et écrite sur un cahier de sciences. » On voit
ainsi que des scientifiques de très haut niveau sont favorables à l’évolution vers
davantage d’interdisciplinarité et à une approche plus expérimentale et pratique des
sciences au collège, comme dans l’enseignement primaire.
Cet élan en faveur d’une approche nouvelle des enseignements scientifiques a
trouvé d’autant plus d’écho que les résultats des élèves français aux tests passés
dans le cadre des grandes enquêtes internationales organisées par l’IEA étaient
beaucoup moins bons pour les sciences que pour les mathématiques (cf., par
62
exemple, les résultats obtenus lors de la troisième enquête internationale sur les
mathématiques et les sciences). Ces résultats, ainsi que ceux de PISA 2000,
concernant les élèves de 15 ans, confirment la priorité longtemps donnée en France
aux raisonnements hypothético-déductifs au détriment d’approches plus inductives et
expérimentales25.
Or, cette préférence a aussi des conséquences pour l’objectif d’équité. En effet, on
peut supposer que la démarche hypothético-déductive avantage les enfants issus de
milieux culturellement favorisés, ce qui est d’autant plus regrettable qu’elle contribue
aussi à légitimer une sélection par les mathématiques et les sciences et à conforter
la hiérarchie de fait entre filières d’enseignement mais aussi au sein de la voie
générale entre la série scientifique (S) et les autres (L et ES). Il en résulte que les
études scientifiques ont remplacé depuis au moins une trentaine d’années les études
littéraires classiques comme « marqueur social », alors même que, a priori,
l’avantage relatif des enfants dotés d’un plus grand capital culturel et social devrait
être moindre dans le domaine scientifique.
En d’autres termes, le choix d’une approche plus pragmatique de l’enseignement
scientifique à l’école primaire et au collège ne concerne pas seulement l’efficacité du
système éducatif, mais aussi son équité, car il peut permettre d’atténuer la hiérarchie
des disciplines, diversifier réellement les parcours d’excellence et réduire les
mécanismes de la « reproduction » sociale mis en évidence par P. Bourdieu et
d’autres.
Un renforcement des procédures d’évaluation
Par ailleurs, les nouvelles orientations du collège renforcent le rôle pédagogique de
l’évaluation des élèves. L’évaluation de début de collège sera étendue à d’autres
disciplines, outre le français et les mathématiques, qui étaient les seules à être
évaluées jusqu’alors, et devra faire l’objet d’un travail d’équipe entre professeurs des
écoles et des collèges. Son objectif essentiel sera de construire des stratégies
pédagogiques adaptées aux besoins repérés des élèves. En particulier, il est prévu
de construire des tests normalisés dans le domaine des langues vivantes. Cette
initiative est d’autant plus souhaitable que les résultats à une enquête européenne
récente ont montré que le niveau des élèves français en anglais était relativement
faible par rapport à plusieurs autres pays européens.
L’actuel diplôme national du brevet sera rénové, de manière à attester de la maîtrise
de compétences et de connaissances définies au niveau national. Il devrait devenir
un élément déterminant au moment de la décision du conseil de classe pour
l’orientation en classe de seconde des lycées. La référence à une norme d’exigence
définie clairement au plan national en est une condition essentielle. Pour autant, il ne
s’agit pas d’introduire une nouvelle forme de bachotage, mais bien d’attester de la
réussite d’un parcours de scolarité obligatoire, car il convient de reconnaître
l’importance des « rites de passage » dans notre société et singulièrement à l’école.
25
Pour un commentaire des résultats de PISA, voir J-L. Heller et G. Lemaître, « Une
évaluation internationale des acquis des élèves », Futuribles, n° 279, octobre 2002
63
Mais ce souci doit s’accompagner d’une rénovation des procédures et modalités
d’évaluation des acquis des élèves :
-
en sus des compétences jugées fondamentales et donc obligatoires pour tous,
devront être évaluées des compétences correspondant à des choix des élèves en
fonction de leurs aptitudes et de leurs appétences ;
-
il faudra aussi trouver des procédures permettant de juger selon des critères les
plus objectifs possibles des compétences telles que l’autonomie d’expression et
de jugement ou la capacité à argumenter à l’oral comme à l’écrit.
Une meilleure articulation entre l’école et le collège et entre les trois cycles du
collège
Le passage du CM2 à la classe de 6ème reste encore trop souvent une rupture
difficile à vivre pour certains élèves. Le début de la scolarité au collège joue un rôle
crucial pour la suite ; il est nécessaire d’agir très tôt et de manière efficace. Chaque
collège doit donc, durant les premières semaines de l’année scolaire, organiser une
réelle intégration des élèves en prévoyant dans l’emploi du temps des activités
permettant d’expliquer les règles de la vie au collège et d’expliciter clairement les
attentes et les exigences. Il s’agit de donner des repères stables et cohérents,
notamment en ce qui concerne les consignes des professeurs des diverses
disciplines, le professeur principal ayant une responsabilité à cet égard.
Le cycle central du collège (5ème et 4ème ) forme un ensemble indissociable où se
conjugue une double exigence : des enseignements communs obligatoires et la
possibilité pour chaque élève d’exprimer ses aptitudes et ses goûts personnels.
Toutefois, le système de la « fourchette horaire » ayant parfois conduit à des
déviations ou à des difficultés, à la rentrée 2002 l’horaire des classes de 5ème et de
4ème a été unifié, avec un volume de deux heures hebdomadaires consacrées à des
« itinéraires de découverte ». Ceux-ci ne s’ajoutent pas aux programmes des
disciplines, mais constituent une autre manière de les apprendre et de les
approfondir.
Les itinéraires de découverte
Cette innovation pédagogique obéit à quelques principes simples :
1) Permettre une approche interdisciplinaire de nature à réduire l’éparpillement des
savoirs acquis au sein de chaque discipline, en permettant notamment de montrer
leur cohérence et leur convergence ;
2) Valoriser chez les élèves le travail autonome sur des projets dont la réalisation,
personnelle ou en équipe, donne lieu à une évaluation des connaissances, mais
aussi des compétences acquises ou révélées : esprit d’initiative, capacité à gérer
le projet, recherche et utilisation pertinente de la documentation, présentation du
travail personnel, etc.
3) Favoriser le travail en équipe des enseignants.
64
Au cours du cycle central, chaque élève, avec l’aide de ses professeurs, choisit
plusieurs itinéraires de découvertes dans un ensemble de quatre pôles définis à
l’échelon national :
- découverte de la nature et du corps humain ;
- découverte des arts et humanités ;
- découverte des langues et des civilisations ;
- initiation à la création et aux techniques.
Ces itinéraires ont aussi pour objectif d’accroître la motivation à apprendre et à
travailler. Ils constituent un espace de liberté et de créativité et devraient aussi
permettre d’aider les élèves dans leur choix ultérieur d’orientation, car ils constituent
en eux-mêmes une « éducation au choix ». Enfin, ils doivent permettre de renforcer
la dimension concrète et technique de la formation. Ces itinéraires doivent aussi
s’accompagner d’une information sur les métiers concernés par les domaines étudiés
(brefs séjours individuels ou collectifs en milieu professionnel par exemple). Il est
recommandé que chaque élève puisse effectuer un parcours dans chacun de ces 4
itinéraires de découverte à raison de deux en 5ème et deux en 4ème, pour une durée
de 11 à 12 semaines chacun (2 heures par semaine).
Les nouveaux dispositifs d’enseignement en alternance en
quatrième et de troisième
classes de
A compter de l’année 2003-2004 ont été mis en place de nouveaux dispositifs
d’alternance qui relèvent d’un souci de prévenir l’échec scolaire. Il s’agit d’agir le plus
en amont possible pour réduire le nombre d’élèves qui quittent le système éducatif
sans qualification. Ces dispositifs complètent la gamme des moyens déjà existants
qui visent à répondre à la diversité des besoins et intérêts des élèves et à remédier
aux difficultés rencontrées. Ils revêtent une fonction spécifique par leur nature et par
le public visé.
L’alternance au collège est un dispositif dérogatoire, caractérisé par les lieux où se
déroulent les séquences hors collège (lycée professionnel et/ou entreprise), leur
fréquence, leur durée et par les aménagements des programmes et des horaires
requis pour leur mise en œuvre. Ce dispositif s’adresse, à partir de la classe de
quatrième, à des élèves âgés d’au moins 14 ans, qui manifestent une accumulation
de retards ou lacunes que les autres dispositifs n’ont pas réussi à surmonter, mais
aussi des intérêts, des goûts ou des aptitudes non pris en compte dans la scolarité
ordinaire.
Le public n’est donc pas celui des « dispositifs relais » mais c’est un public qui
présente aussi un risque de décrochage scolaire. Ce dispositif doit trouver sa place
au sein d’une classe de troisième diversifiée concernant environ 15 % du temps
scolaire, avec la possibilité d’un module de découverte professionnelle, permettant
de construire un projet d’orientation mieux informé.
Ces dispositifs doivent prendre place au sein d’une offre de formation diversifiée (de
la SEGPA aux classes européennes, en passant par les classes relais) afin de
trouver des réponses mieux adaptés aux besoins spécifiques de chaque élève. A cet
égard, le bassin d’éducation et de formation est le meilleur niveau pour piloter ce
nouveau dispositif d’alternance, à la fois pour recenser la complémentarité des lieux
65
d’accueil, constituer un réseau local d’entreprises référentes, créer une logique de
mutualisation de personnes ressources et garantir une cohérence d’ensemble au
niveau local.
La part d’initiative laissée à l’élève dans ce dispositif participe d’une éducation au
choix et à l’orientation. Un enseignement de découverte professionnelle peut
contribuer à une orientation positive vers la voie professionnelle, mais il ne saurait
s’agir d’une pré-orientation, car aucun choix d’option ne doit avoir d’effets
irréversibles.
Les priorités de la formation des enseignants de collège
Pour accompagner les réformes, l’accent est mis sur :
-
la gestion pédagogique de classes hétérogènes ;
la conduite de la classe dans des situations difficiles ;
le dialogue avec les maîtres de l’enseignement primaire et avec les parents ;
l’aide à l’orientation des élèves ;
la contribution des diverses disciplines à la maîtrise de la langue française ;
le travail en équipe disciplinaire et pluridisciplinaire ;
l’intégration des élèves handicapés.
De surcroît, des formations particulières sont organisées pour accompagner la prise
de fonctions d’enseignants dans des collèges sensibles ou de ZEP. Ces formations
sont destinées à aider les enseignants à faire preuve de créativité dans la mise en
œuvre de dispositifs de soutien aux élèves en difficulté, notamment pour accroître
leur motivation.
La prévention et la lutte contre la violence
Parallèlement, des études ont été commandées à l’inspection générale et à des
chercheurs pour mieux connaître les problèmes rencontrés par les collégiens, les
raisons de certains comportements violents et de l’absentéisme. En effet, comme les
autres démocraties, la France est concernée par la violence qui infiltre l’école. En
février 2001, une première évaluation a été présentée par le Comité national de lutte
contre la violence, créé en octobre 2000.
De manière plus générale, « afin d’identifier et d’analyser ce type de phénomène, il
faut éviter les tentations de repli sur soi et s’inspirer de ce qui se fait ailleurs » selon
les termes mêmes de la présentation de la conférence internationale qui s’est tenue
à l’Unesco en mars 2001, sur le thème « Violences à l’école et politiques publiques ».
Organisée par l’Observatoire européen de la violence scolaire, présidé par Eric
Debarbieux, avec le soutien du ministère de l’éducation nationale et de la
Commission européenne, cette conférence a permis de dresser un état des lieux , de
découvrir des initiatives et d’échanger des pistes de réflexion sur un sujet difficile.
Cinq axes majeurs ont été retenus pour accroître l’efficacité de l’action dans ce
domaine : 1) mieux connaître les manifestations et l’évolution de la violence à
l’école ; 2) mieux réagir en cas d’incident (large diffusion d’un vade-mecum) ; 3)
66
mieux prévenir ; 4) mieux impliquer les élèves et les parents ; 5) renforcer la
coopération avec les partenaires de l’école.
Malgré les six plans de lutte contre la violence mis en place au cours des quinze
dernières années, les actes de violence et d’incivilité n’ont guère diminué. Partant de
ce constat, le nouveau plan lancé à la rentrée 2002 est axé essentiellement sur la
redéfinition de la règle et de la loi, avec l’objectif de donner une nouvelle légitimité à
l’autorité.
Parmi les mesures adoptées, il faut mentionner le recours plus fréquent aux
dispositifs relais : environ 250 classes relais ont fonctionné durant l’année scolaire
2002-2003 qui ont accueilli en moyenne 14 élèves chacune, soit un total de 3500
élèves environ. A partir d’octobre 2002, ces classes ont été complétées par des
ateliers relais (B.O. du 10/10/2002) : 19 ateliers de ce type ont fonctionné durant
l’année 2002-2003. Une cinquantaine de nouveaux ateliers ont été mis en place à la
rentrée 2003.
A ces dispositifs, il convient d’ajouter le développement de « l’école ouverte » qui
permet, dans les zones socialement défavorisées, urbaines ou rurales, d’accueillir
les élèves dans les collèges et les lycées en dehors du temps scolaire. Ainsi, les
jeunes peuvent participer à des activités culturelles, sportives et éducatives (aide aux
devoirs, soutien) les mercredis et samedis et durant les vacances scolaires. Le
nombre d’établissements concernés a triplé au cours des 5 dernières années. En
2002, plus de 60 000 jeunes ont pu en bénéficier. Un plan de relance a été prévu
avec l’objectif de doubler la capacité d’accueil en 2 ans, dans le cadre d’un
partenariat interministériel.
1.3 . La poursuite de la réforme du lycée d’enseignement général et
technologique
La rénovation dans les LEGT a concerné la mise en place de l’aide individualisée en
classe de seconde, des travaux personnels encadrés (TPE), de l’éducation civique,
juridique et sociale (ECJS), des ateliers artistiques et des « heures de vie de
classe », ainsi que l’élaboration progressive de nouveaux programmes dans la
plupart des disciplines et la réorganisation de la vie scolaire. La mise en œuvre de
ces nouveaux dispositifs a fait l’objet d’un suivi par un comité national et des comités
académiques, ainsi que d’une évaluation par la DEP et par l’IGEN.
Le dispositif de l’aide individualisée en classe de seconde, mis en place en
1999, consiste à organiser des séances par groupes de 8 élèves maximum
éprouvant des difficultés, à raison de 2 heures par semaine, en français et en
mathématiques. La composition de ces groupes varie en cours d’année et
l’affectation des élèves est précédée d’un entretien au cours duquel un contrat est
passé avec l’élève. Ce dispositif s’ajoute aux « modules » qui concernent l’ensemble
des élèves, les deux dispositifs étant articulés et complémentaires. Leur point
commun est de mettre l’accent sur des compétences méthodologiques et l’aide à
l’organisation du travail personnel de l’élève. Le diagnostic des lacunes des élèves
s’appuie notamment sur les résultats aux tests nationaux de début de seconde.
67
Une mise à niveau en informatique (18 heures sur l’année) est organisée en classe
de seconde pour les élèves ne maîtrisant pas suffisamment l’usage des outils
informatiques (traitement de texte, consultation de bases de données, traitement de
données, etc.). C’est l’équipe pédagogique et le proviseur qui apprécient quels
élèves doivent en bénéficier.
Les travaux personnels encadrés (TPE), mis en place en 2000-2001 en classe de
première, ont été étendus à la classe terminale (à titre facultatif) en 2001-2002. Les
TPE concernent en principe deux disciplines (parfois trois) et représentent 2 heures
hebdomadaires dans l’emploi du temps des élèves, avec l’un des professeurs
concernés ou avec les deux, ou en travail autonome au CDI, en salle informatique,
ou en enquête sur le terrain, etc.
Une brochure présentant les TPE a été distribuée dans les lycées à la rentrée 2000.
Elle s’appuie sur le bilan de l’expérimentation conduite dans une centaine de lycées
en 1999/2000 et précise les thèmes nationaux choisis pour chaque série de
l’enseignement général. Ces thèmes sont suffisamment larges pour permettre des
approches bi ou pluridisciplinaires et pour laisser aux élèves une grande marge de
choix des sujets. Ainsi, pour la première S, les thèmes étaient les suivants :
croissance ; eau ; images ; risques naturels et technologiques ; sciences et aliments ;
temps, rythmes et période. Des conseils méthodologiques sont fournis par la
brochure : constitution des groupes (2 à 4 élèves de préférence), démarches d’aide
aux élèves pour la délimitation des sujets, accompagnement pédagogique et suivi du
travail des élèves (tenue d’un « carnet de bord »), calendrier, présentation orale du
travail par les élèves et critères d’évaluation.
Les inspecteurs pédagogiques régionaux ont été mobilisés pour accompagner la
mise en place et de nombreuses sessions de formation ont été organisées dans
toutes les académies. Dès l’année 2000-2001, environ les deux tiers des professeurs
concernés ont pu bénéficier de ce type de formation. Si les TPE ont été perçus très
positivement par une forte majorité des élèves et des proviseurs, et par une majorité
des enseignants concernés, leur mise en place s’est heurtée à des difficultés
pratiques : problème des locaux peu adaptés à des travaux en petits groupes,
exiguïté de certains CDI, problème d’un encadrement insuffisant de documentalistes
pour la recherche d’information, difficulté des enseignants à piloter ce travail semiautonome des élèves en groupes, etc. Mais il est normal qu’une telle innovation
pédagogique nécessite un temps d’adaptation. La réticence d’un certain nombre
d’enseignants est liée à l’accroissement important de la charge de travail qui en
résulte, celle-ci étant il est vrai plus importante la première année, faute d’un savoir
faire méthodologique adéquat. Avec le temps, les enseignants ont gagné en
efficacité dans l’exercice de ce nouveau type de tutorat pédagogique.
Le nouvel enseignement d’éducation civique, juridique et sociale (ECJS) mis en
place en seconde (16 heures sur l’année), en 1999-2000, a été étendu à la classe de
première en 2000/2001 et en terminale en 2001-2002.
L’objectif de l’ECJS est d’aider les élèves à mieux percevoir les grands enjeux
politiques et sociétaux et à les former au débat argumenté. Si l’ECJS n’est pas
censée être une discipline stricto sensu dans la mesure où l’objectif premier de cet
enseignement n’est pas l’acquisition d’un nouveau corpus de connaissances, mais
68
l’acquisition de compétences nécessaires pour devenir un citoyen lucide et actif, il
reste qu’il implique la maîtrise de quelques notions ou concepts juridiques et de
science politique qui n’ont pas été étudiés dans les autres disciplines (sauf pour les
élèves de la série ES). L’ECJS requiert donc l’apprentissage de connaissances et de
pratiques.
La structure générale du programme sur les trois années du lycée vise à mettre en
évidence la notion de citoyenneté (principes, modalités et pratiques) et à analyser
ses conditions d’exercice au sein du monde contemporain :
-
en classe de seconde (de la vie en société à la citoyenneté), la citoyenneté est
approchée à partir de l’étude de la vie sociale : des objets d’étude choisis dans la
vie sociale permettent d’enrichir les acquis du collège (enseignement d’éducation
civique) à partir de quatre thèmes proposés : citoyenneté et civilité, citoyenneté et
intégration, citoyenneté et travail, citoyenneté et transformation des liens
familiaux. Sept notions fondamentales doivent être traitées : civilité, intégration,
nationalité, droit, droits de l’homme et du citoyen, droits civils et politiques, droits
sociaux et économiques.
-
en classe de première (institutions et pratiques de la citoyenneté), il s’agit
d’analyser le fonctionnement des principales institutions politiques et les
conditions d’exercice de la citoyenneté. Comme en classe de seconde, le
programme national propose quatre thèmes - représentation et légitimité du
pouvoir politique, formes de la participation politique et d’actions collectives,
République et particularismes, devoirs du citoyen – et 7 notions à traiter : pouvoir,
représentation, légitimité, Etat de droit, République, démocratie, défense.
-
En classe terminale (la citoyenneté à l’épreuve des transformations du monde
contemporain), la confrontation de la citoyenneté aux mutations en cours permet
de montrer comment les exigences de droit, de liberté et de justice sont
confrontées à de nouveaux défis : les évolutions scientifiques et techniques, la
construction européenne et le processus de mondialisation notamment. Les
quatre thèmes proposés sont : citoyenneté et évolution des sciences et des
techniques, citoyenneté et exigences renouvelées de justice et d’égalité,
citoyenneté et construction européenne, citoyenneté et mondialisation. Les 8
notions qui doivent être étudiées sont : libertés, égalité, souveraineté, justice,
intérêt général, sécurité, responsabilité, éthique.
Pour chacun des niveaux, un document, élaboré par le groupe d’experts national
ayant élaboré les programmes, donne des conseils méthodologiques et des
exemples d’objets d’étude et de problématiques pouvant être abordés. En particulier,
il est rappelé que cet enseignement doit privilégier l’apprentissage du débat collectif
argumenté, ce qui implique une préparation individuelle et collective en amont,
notamment un effort de recherche documentaire utilisant autant que possible les
TICE et l’Internet.
L’éducation artistique a connu également une rénovation importante. Outre
l’élaboration de nouveaux programmes d’enseignement, les « ateliers d’expression
artistique » créés en 1999 ont connu un développement rapide. D’après une enquête
du ministère à la rentrée 2000, 56% des lycées étaient dotés d’au moins un atelier de
69
ce type : 25% concernent le théâtre, 21% les arts plastiques, 12% la musique, 10%
la danse, 9% le cinéma et 9% l’écriture.
La réorganisation de la vie scolaire a constitué un autre aspect important de la
réforme des lycées et de l’apprentissage concret de la citoyenneté. Un décret du 5
juillet 2000 a créé dans chaque établissement un « conseil des délégués pour la
vie lycéenne » (CVL) et substitué une « conférence des délégués des élèves » à
l’ancien « conseil des délégués des élèves ». L’objectif était « d’impulser une
nouvelle dynamique de dialogue et de favoriser une meilleure prise en compte des
questions touchant à la vie et au travail scolaires dans les lycées. » (cf. numéro horssérie du B.O. n°4, 13 juillet 2000, concernant « les instances relatives à la vie
lycéenne »). Une circulaire du 11 juillet 2000 a précisé les attributions de la
conférence des délégués des élèves et du CVL, la composition du CVL, les
procédures d’élection et de fonctionnement de cette nouvelle instance.
La conférence des délégués des élèves regroupe sous la présidence du proviseur
l’ensemble des délégués de classe. Le ou les adjoints du proviseur, les conseillers
principaux d’éducation (CPE), les conseillers d’éducation et le gestionnaire du lycée
assistent aux séances (au moins 3 par an). Cette conférence formule des avis et des
propositions sur des questions touchant la vie et le travail scolaires.
Le CVL comprend sous la présidence du proviseur 10 représentants des lycéens.
Assistent à ses réunions à titre consultatif des représentants des personnels et des
parents d’élèves en nombre égal à celui des lycéens. Les représentants lycéens
comprennent 3 lycéens élus au sein de la conférence des délégués et 7 lycéens élus
par l’ensemble des élèves.
Le CVL formule des propositions sur la formation des représentants des élèves et les
conditions d’utilisation d’un fonds de ressources appelé « le fonds lycéen ». Il est
obligatoirement consulté sur :
-
les principes généraux de l’organisation des études, l’organisation du temps
scolaire, l’élaboration du projet d’établissement et l’élaboration ou la modification
du règlement intérieur (de fait en raison même d’autres dispositions du décret du
5/7/2000 modifiant le régime des sanctions, tous les règlements intérieurs ont dû
être révisés) ;
-
.les modalités générales d’organisation du travail personnel et du soutien des
élèves ;
l’aide à l’orientation des élèves ;
la santé, l’hygiène et la sécurité, ainsi que l’aménagement de l’espace ;
l’organisation des activités sportives, culturelles et périscolaires.
-
Il apparaît donc que la participation des élèves à la vie du lycée a été sensiblement
renforcée puisque le CVL s’ajoute à la conférence des délégués des élèves et à leur
représentation au sein du conseil d’administration. Cette réforme des structures qui
accompagne la création de l’heure de vie de classe et de l’ECJS s’inscrit dans
l’objectif général de l’éducation à la citoyenneté : il s’agit d’articuler les
apprentissages au sein des enseignements et l’apprentissage de pratiques et de
comportements démocratiques dans la vie scolaire.
70
La modification par le décret du 7/7/2000 du décret du 16/9/1991 créant les «conseils
académiques de la vie lycéenne »(CAVL) participe du même objectif de favoriser la
participation des lycéens, en renforçant notamment l’articulation entre l’instance
académique et les conseils des établissements. Il en est de même en ce qui
concerne la modification par le même décret du décret du 18 décembre 1995 créant
le conseil national de la vie lycéenne (CNVL). Enfin, il convient de rappeler que les
lycéens sont représentés par trois élus et trois suppléants au sein de la principale
instance nationale de consultation au sein du système éducatif français : le conseil
supérieur de l’éducation.
Une nouvelle ambition pour la voie technologique au lycée
Concernant plus spécifiquement la voie technologique, un rapport de Bernard
Decomps (juin 2001) a proposé des lignes d’action pour une rénovation des filières
de sciences et technologies. Ayant pour finalité de définir « une nouvelle ambition
pour la voie technologique au lycée », ce rapport établit, à partir d’un bilan des forces
et faiblesses de cette voie de formation, quelques propositions importantes, parmi
lesquelles l’introduction des TPE et de l’ECJS, jusqu’ici limités à la voie générale,
une meilleure lisibilité des séries, la notion de « lycée des métiers » (qui concerne les
liens entre voie technologique et voie professionnelle) et une plus meilleure
articulation avec l’enseignement supérieur.
Les nouvelles orientations des rentrées 2003 et 2004
Dans la voie générale, afin de rendre plus attractive la série littéraire, dont les
effectifs avaient baissé au cours des dernières années, a été rétabli à la rentrée 2003
un enseignement optionnel de mathématiques en première L et un enseignement de
spécialité de mathématiques en terminale L à la rentrée 2004. Par ailleurs, la
rénovation des programmes s’est poursuivie, notamment en langues, en histoire géographie et en sciences économiques et sociales, avec l’élaboration de
documents d’accompagnement.
Dans la voie technologique, la rentrée 2004 sera marquée par la préparation de la
rénovation de la filière sciences et technologies tertiaires (STT) qui entrera en
vigueur à la rentrée 2005 en classe de première. Au delà de l’actualisation des
contenus, il s’agit de positionner plus clairement cette série, qui s’appellera
« sciences et technologie de la gestion » (STG), comme voie normale d’accès à
l’enseignement technologique supérieur (STS et IUT). A cet égard, est rappelé la
priorité qui doit être accordée aux élèves issus de cette série pour l’accueil en IUT,
contrairement à certaines pratiques.
Plus généralement, est souligné l’objectif d’attirer davantage d’élèves vers la série
scientifique S et la série technologique industrielle (STI), étant donné la baisse
importante des effectifs d’étudiants dans les formations scientifiques de
l’enseignement supérieur. Par ailleurs, les proviseurs sont incités à développer les
classes passerelles entre l’enseignement professionnel et l’enseignement
technologique (premières d’adaptation, modules de soutien parcours individualisés).
71
En ce qui concerne les TPE et l’ECJS, compte tenu de l’inconvénient d’un certain
empilement des dispositifs innovants et dans le cadre de l’accroissement de
l’autonomie pédagogique des lycées, il est prévu que ceux-ci puissent décider de
combiner à leur guise TPE et ECJS, cette dernière pouvant très bien être enseignée
sous forme de TPE.
1.4.
Enseignement professionnel : la valorisation de la voie des métiers
En mars 2000, un ministère délégué à l'enseignement professionnel a été créé pour
répondre à une situation et à des tendances qui appelaient une intervention forte du
Gouvernement. L’aspect essentiel était le souci d’une meilleure intégration de
l'enseignement professionnel dans le système éducatif :
-
intégration pour signifier que l'enseignement professionnel ne s'écarte pas des
autres filières mais s'adosse à elles ;
-
intégration de l'ensemble des formations à finalité professionnalisante, à tous les
niveaux et dans les divers types d'établissements, pour aboutir à une "voie des
métiers" cohérente et efficace ; cela implique en particulier la recherche d'une
synergie entre les voies professionnelles et technologiques au niveau des lycées;
-
intégration de l’aspect professionnalisation dans tous les programmes, et pas
seulement dans ceux qui ont une finalité professionnelle précise : la préparation à
la vie professionnelle doit être un élément constitutif de tous les enseignements.
Au delà de ces raisons liées à la structure du système éducatif, la création d’une
véritable voie des métiers correspondait aux défis posés par un contexte nouveau.
D'une part l’évolution économique se manifeste par des besoins de formation
nouveaux et massifs. D'autre part, la situation est marquée par un paradoxe :
l'apparition ou l'aggravation de pénuries de personnels qualifiés dans plusieurs
branches professionnelles, combinées avec une hémorragie des effectifs scolarisés
dans l'enseignement professionnel. Cette situation exigeait un rééquilibrage
structurel du système éducatif et une refonte des enseignements professionnels. Les
grands principes de cette politique qui vise à une revalorisation de la voie
professionnelle n’ont pas été remis en cause par les ministres successifs26.
La voie des métiers: objectifs permanents
La rénovation et la valorisation d'une véritable "voie des métiers" exigent que soient
remplis trois objectifs permanents concernant la lisibilité, la fluidité et la crédibilité de
la filière.
-
26
La lisibilité : un des obstacles au choix de la voie professionnelle par les jeunes
est le manque de lisibilité des parcours et des qualifications. Cette opacité
fonctionne à la fois comme un repoussoir et comme un facteur de discrimination.
Cela exige que la nomenclature des diplômes soit mise en cohérence avec celle
des métiers, aussi bien au niveau du secondaire que du supérieur, que
l'information sur la chaîne métiers-diplômes-établissements soit plus accessible et
cf. B.0. n° 47 du 20/12/2001 sur le lycée des métiers (circulaire du 17/12/2001)
72
plus lisible, enfin que le choix d'orientation vers la filière professionnelle soit
mieux accompagné, notamment sous la forme d'un entretien personnel avec
chaque élève avant la fin de sa scolarité obligatoire.
-
La fluidité : un autre obstacle au choix de la voie professionnelle est la crainte,
souvent non fondée, de ne pas pouvoir atteindre les niveaux plus élevés de
qualification, donc de s'engager dans une impasse. Un système fluide et flexible
doit garantir à chacun la possibilité de poursuivre ou de reprendre ses études
vers les niveaux supérieurs par la création de passerelles entre les différentes
voies générale, technologique et professionnelle. La mise en place de
baccalauréats professionnels dans les domaines où n'existe pas actuellement de
possibilité de poursuite d'études après le BEP et la multiplication des classes
passerelles en sont des exemples. La fluidité exige aussi que la possibilité d'un
retour en formation soit garantie à chacun, quel que soit son niveau d'insertion
professionnelle, et soit facilitée, notamment par la validation des acquis
professionnels (VAP) et la validation des acquis de l’expérience (VAE) dans le
cadre de l'éducation tout au long de la vie.
-
La crédibilité : celle-ci dépend d'une part de la valeur nationale des diplômes,
garantie par l'Etat, d'autre part, de la qualité des contenus des programmes. Leur
qualité est liée à leur capacité à donner aux jeunes une formation élargie dans
laquelle les disciplines fondamentales sont enseignées, si besoin est avec des
moyens renforcés, et les outils pédagogiques mis en oeuvre sont en phase avec
l'évolution des métiers et celle des mentalités. Enfin, la crédibilité des formations
exige que soit établie leur acceptation et leur valeur au sein de l'espace éducatif
et du marché de l'emploi européens.
La réforme des lycées professionnels
A partir de la rentrée 2000, les principes ci-dessus se sont traduits par un certain
nombre de mesures concrètes de rénovation et de revalorisation des lycées
professionnels :
-
Nouveau statut unique pour les professeurs, dont la charge horaire a été alignée
sur celle des enseignants des autres filières.
-
Rénovation des diplômes professionnels, en particulier des CAP (désormais
clairement positionnés comme le premier diplôme national de qualification
professionnelle et accessible selon des modalités très diverses, y compris par
validation des acquis professionnels) et les BEP (désormais clairement dissociés
du CAP et positionnés comme une étape vers le baccalauréat plutôt que comme
une qualification d'insertion).
-
Innovations pédagogiques : face à des élèves souvent découragés par leur échec
dans la voie générale, et pour s'adapter à la diversité de leurs publics, les
professeurs ont développé depuis toujours des méthodes novatrices pour leur
redonner confiance et le goût d'apprendre ; l'utilisation des TICE, et de meilleures
conditions d'encadrement pour les périodes de formation en entreprise (PFE)
s'inscrivent aussi dans cette logique.
73
-
Renforcement du partenariat avec les entreprises, notamment au sein des CPC,
par la généralisation des "bonnes pratiques" mises en oeuvre par certains
établissements, la fixation des obligations respectives des acteurs des PFE, et la
création du Haut Comité Education-Economie-Emploi27 comme structure de
dialogue permanente et prospective entre l'Education nationale et ses partenaires
économiques.
-
Amélioration du statut social de l'élève en formation;
-
Meilleure formation générale : toutes les formations offertes sont assises sur une
culture générale garante de l'employabilité durable; dans la voie des métiers, en
France, il n'y pas de hiérarchisation entre disciplines générales et techniques :
savoirs et savoir-faire sont les deux facettes d'un même objectif, qui est
l'acquisition de qualifications professionnelle ; un effort particulier est fait pour les
savoirs transversaux (notamment l'aide renforcée en mathématiques ou en
français et l'apprentissage d'une langue vivante en petits groupes), la
généralisation de l'éducation civique, juridique et sociale (ECJS) et le travail
interdisciplinaire, notamment par la création des projets pédagogiques à
caractère professionnel (PPCP), y compris dans 3000 classes à projet artistique
ou culturel.
-
Effort supplémentaire de modernisation des équipements, en partenariat entre
l'Etat et les Régions, pour garantir que le matériel utilisé pendant la formation soit
au même niveau de technologie que celui des entreprises qui accueilleront les
diplômés.
-
Ouverture sur l'Europe et le monde, en application des principes du Sommet de
Lisbonne de mars 2000, où les gouvernements de l'Union Européenne ont
reconnu le rôle central de l'éducation dans le modèle de développement
économique et social européen; pour valoriser l'expérience acquise lors d'un
stage dans un autre pays de l'Union et encourager ces formations, une attestation
"Europass-Formation" étant délivrée à tous les stagiaires. A ce dispositif
communautaire, le ministère français a décidé d'ajouter une attestation "Europro",
jointe aux diplômes professionnels qui permettra à son détenteur de faire valoir
cette expérience tout au long de sa carrière. La France propose par ailleurs en
partage à ses partenaires de l'Union européenne et de l'OCDE son approche de
la professionnalisation durable, dans la perspective de la définition d'un modèle
éducatif européen alternatif aux vues libérales poussant à la marchandisation de
la formation.
-
Plus récemment, la diversification de la durée des formations avec
l’expérimentation relative aux préparations en 3 ans du bac professionnel
(préparation après la classe de troisième, sans préparation préalable du BEP).
Ces formations expérimentales sont évaluées par l’inspection générale.
27
Ce Haut Comité est le successeur du Haut Comité Education/Economie qui avait
été créé en 1986 et dont l’activité s’était progressivement ralentie. Le secrétariat du
Comité est assuré par la DEP.
74
-
L’encouragement des établissements à fonctionner en réseau et à s’engager
dans des démarches qualité.
En 2002-2003, le lycée des métiers a fait l’objet de modifications qui l’ont confirmé
comme élément déterminant de la valorisation de la voie professionnelle. La
procédure de labellisation a été simplifiée et est gérée au niveau des académies.
Pour obtenir le label, l’établissement doit répondre à des critères nationaux
obligatoires :
- mise en place d’actions destinées aux enseignants et élèves de collège visant à
améliorer l’orientation des collégiens et les conditions de leur accueil dans les
formations professionnelles ;
- existence de partenariats avec la Région et les milieux professionnels ;
- contribution de l’établissement à la formation continue et à la validation des
acquis de l’expérience ;
- existence de formations post-baccalauréat dans le lycée ou en partenariat avec
un autre lycée ;
- dispositif de suivi des élèves qui ont quitté le lycée, pouvant s’appuyer sur une
association d’anciens élèves.
Des critères académiques prenant en compte les spécificités régionales peuvent
compléter ces critères nationaux.
Les Régions jouent un rôle de plus en plus important dans le domaine de la
formation professionnelle et de l’apprentissage. La loi quinquennale de décembre
1993 avait déjà conforté leur rôle dans l’élaboration des plans de formation
professionnelle des jeunes (PRDFJ ou, plus couramment, PRDF) qui doivent être
réalisés en concertation étroite avec les autorités de l’éducation nationale au niveau
académique (le recteur et ses collaborateurs). En 2002, la loi de modernisation
sociale a encore accru les responsabilités des Conseils régionaux dans le domaine
de la formation professionnelle.
1.4 . Un enseignement supérieur à l’heure européenne et internationale
Après la phase d'expansion numérique très forte jusqu'au milieu des années 1990,
l'enseignement supérieur aborde une nouvelle période, plus axée sur les aspects
qualitatifs, marquée par l'importance grandissante de la formation tout au long de la
vie, une approche intégrée de la diversité des filières, et le développement de la
dimension européenne. De nouvelles priorités pour l'enseignement supérieur ont été
annoncées par le ministre de l’éducation nationale à la rentrée universitaire 2000 et
précisées en juin 2001 devant le Conseil national de l’enseignement supérieur et de
la recherche (CNESER). Elles s’inscrivent dans le droit fil de la rénovation
pédagogique des premiers cycles universitaires lancée en 1992. Il s’agit d’assouplir
et moderniser l’enseignement supérieur avec la double volonté de démocratiser la
réussite des étudiants et d’élever encore la qualité de l’enseignement et de la
recherche. Il s’agit aussi de favoriser la mobilité des étudiants en Europe et dans le
monde, de diversifier les parcours de formation en favorisant l’interdisciplinarité et de
s’inscrire résolument dans la perspective de l’éducation tout au long de la vie.
75
Enfin et surtout, l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur se sont
engagés dans une restructuration complète des parcours de formation et des
diplômes, plus des deux tiers ayant aujourd’hui adopté la norme européenne
« licence – master – doctorat (LMD) ».
Démocratiser la réussite des étudiants
Le premier principe du système est la lutte contre les effets des inégalités sociales,
qui s'est traduit concrètement par le « Plan social étudiant » lancé en 1998 et par
l’élaboration d'une « charte de la vie étudiante » en 2000. Les mesures prises
incluent un plan d'augmentation des bourses (plus de boursiers, bourses plus
élevées, possibilité de conserver la bourse après un premier échec ou en cas de
réorientation), un plan de réhabilitation et de construction de logements, le
développement de la vie civique, culturelle et artistique et de la sécurité sur les
campus, etc. Par ailleurs, a été affirmé le principe selon lequel l'université doit se
sentir responsable du devenir de ses étudiants, y compris de ceux qui la quittent ou
risquent de la quitter sans diplôme, ce qui exige la construction de parcours de plus
en plus individualisés. Les objectifs fixés en 1998 – aider 30 % des étudiants et
augmenter de 15 % le montant des bourses – ont été atteints en 2002-2003.
Mais l'efficacité du premier cycle universitaire (filière DEUG) reste un sujet de
préoccupation : 45 % des bacheliers généraux et technologiques obtiennent le
DEUG en deux ans, 70 % en trois ans maximum. Ces chiffres sont à interpréter au
regard de l'absence de sélection à l'entrée dans ces filières et de la grande diversité
de l'origine scolaire des étudiants. Mais ils sont jugés insuffisants.
L'introduction du tutorat a certes permis d'améliorer la situation au cours des années
récentes, grâce à un suivi plus personnalisé des étudiants qui a contribué à la
réussite ou à une réorientation à temps. Le taux de réussite en premier cycle restant
néanmoins insuffisant, plusieurs mesures ont été prises pour permettre une avancée
dans ce domaine :
-
-
la mise en place de directeurs des études de première année pour l'accueil,
l'information, la coordination ;
les projets pédagogiques innovants, notamment visant l'augmentation des
exercices et la baisse du nombre total des examens, par un contrôle continu plus
pertinent ;
la possibilité de réorientation sans pénalité jusqu'à la fin de la première année (et
non plus seulement jusqu'à la fin du premier semestre) ;
la création de nouveaux cursus bi- ou pluri-disciplinaires, comme il en existe déjà
en sciences, notamment pour faciliter les réorientations ;
l'amélioration de l’accueil, notamment par la création de nouveaux postes pour
les universités qui ont une politique d'accueil dynamique ;
la multiplication des passerelles (depuis les DUT et BTS vers les nouvelles
licences professionnelles, entre les filières DEUG, BTS et DUT pour faciliter les
réorientations sans perte de temps, des bacheliers professionnels vers les IUT,
etc.) ;
la création d’une commission de réflexion sur les évolutions souhaitables des
méthodes pédagogiques.
76
Lors des deux dernières années, un effort particulier a été accompli en matière d’aide
à l’orientation et pour que les bacheliers technologiques soient prioritaires pour
l’acceptation en STS de lycée ou en IUT.
La professionnalisation comme dimension transversale
Le mouvement de professionnalisation, surtout visible par les formations
spécifiquement professionnelles développées au sein des universités, s'amplifie et se
généralise, notamment par l'incitation à la créativité et à l'innovation dans le cadre de
toutes les formations. La dimension professionnelle devient ainsi consubstantielle de
l'enseignement supérieur et un élément transversal de l'ensemble du système.
Les filières professionnelles continuent à se développer. Ainsi, à la rentrée 2000 se
sont ouverts 312 nouveaux DESS, 52 nouveaux IUP et 12 nouveaux départements
d'IUT. Mais surtout, 195 nouvelles licences professionnelles ont vu le jour (ce point
est développé dans la section suivante). Toutes ces formations, loin de constituer
des spécialisations trop pointues, comportent un enseignement de culture
humaniste, conçu dans la perspective d'une professionnalisation durable. En 2000, a
été créé le certificat de compétences en langues pour l'enseignement supérieur
(CLES), qui sanctionne la maîtrise d'une langue étrangère et atteste donc une
compétence "transversale" utile pour l'insertion sur le marché du travail. Les
formations bi-disciplinaires ou pluridisciplinaires sont encouragées aussi bien dans
les sciences que dans les humanités, pour mieux refléter la diversité des débouchés.
Les écoles doctorales, qui sont maintenant plus de 300, procèdent aussi de cette
approche : elles veulent élargir le champ des thèses, favoriser l'insertion
professionnelle des jeunes docteurs et attirer ainsi davantage de jeunes talents.
Un autre aspect reflétant la dimension professionnelle de l'enseignement supérieur
concerne la désaffection des études scientifiques et technologiques, qui se traduit
par une baisse des effectifs en DEUG et une réduction du nombre de candidats aux
classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) – même si l'entrée dans ces
écoles elles-mêmes n'a pas diminué. Il s'agit d'un problème grave, qui affecte la
France comme ses voisins européens. Des mesures palliatives ont été prises
(rénovation des cursus, nouvelles méthodes pédagogiques, travail en petits
groupes), mais le phénomène a des causes plus structurelles qui demandent une
action en profondeur portant tant sur la formation technique que sur le
développement de la dimension "science et société" dans les cursus.
Le rôle des établissements d'enseignement supérieur est également appelé à se
développer dans l'éducation tout au long de la vie, notamment par une nouvelle
approche de la valorisation des acquis professionnels (VAP) et de l’expérience
(VAE)28, et par le développement des méthodes d'enseignement fondées sur les
TICE avec la création d'un campus numérique français et la passation d’un protocole
d'accord entre le CNED et les conférences de chefs d'établissements
d'enseignement supérieur.
28
La validation des acquis de l’expérience a été instituée par la loi du 17 janvier
2002.
77
Cette diversité des filières et des profils des cursus proposés s'inscrit dans une
double cohérence : celle des politiques d'établissement (par le biais des contrats
quadriennaux) et celle du cadre des diplômes nationaux (soumis à l'évaluation de
comités d'experts et à l'examen du CNESER). Cet équilibre entre la cohérence du
cadre national et la diversité des initiatives locales est devenu, par l'autonomie des
universités et la contractualisation, un élément essentiel du dispositif d'enseignement
supérieur français.
Mobilité et compatibilité européennes
Malgré les progrès accomplis, la mobilité des étudiants, des enseignants et des
diplômés en Europe reste encore trop limitée. La France voit dans son
développement et dans sa démocratisation (notamment par le cofinancement des
bourses de responsabilité par l'Etat ou les régions) un enjeu important pour l'avenir
de son système universitaire. Le « Plan d'action mobilité », adopté par l'Union
européenne en 2000 sous présidence française a proposé 43 mesures qui
constituent une sorte de "boîte à outils" pour les Etats membres (par exemple les
universités bi-nationales ou les universités européennes d'été). Ainsi, mille bourses
de mobilité ont été créées dès la rentrée 2001, leur nombre ayant été accru
progressivement depuis lors.
L'autre enjeu majeur est celui de la lisibilité européenne des parcours et des
diplômes français, dans le cadre de la création de l'espace universitaire européen
(Déclarations de la Sorbonne en 1998 et de Bologne en 1999). Parmi les initiatives
prises figurent la création de la licence professionnelle, celle du grade de mastaire
(bac + 5), la mise en harmonie des IUP et des diplômes des grandes écoles de
commerce et de gestion, en attendant l’adoption de la norme LMD.
Ces deux aspects (mobilité et harmonisation européennes) sont développés plus
loin. Il est cependant important de souligner ici que l'enseignement supérieur français
constitue un modèle original par sa diversité, sa flexibilité grâce à de nombreuses
passerelles, sa sensibilité aux aspects de professionnalisation durable, et possède
des atouts qui restent parfois insuffisamment connus au niveau européen et
international. La création de l'agence Edufrance, chargée de promouvoir à l'étranger
l'ensemble du système français, a contribué à mieux le faire connaître.
Cet objectif de mobilité a conduit à une nouvelle organisation des études, avec
l’adoption du système européen des « points capitalisables » ou « crédits » (système
ECTS)29. Ce système repose sur trois piliers :
- un système en modules d’enseignement semestriels ;
- une définition des modules pas seulement fondée sur le critère des contenus et
des volumes horaires, mais aussi sur l’ensemble des activités et la quantité de
travail requis ;
- le système des crédits.
Ce système présente le triple avantage d’être mieux adapté à la mobilité européenne
et internationale, à des parcours de formation plus souples et plus personnalisés et
aux exigences d’une réelle éducation tout au long de la vie. Il permet aussi de
29
European Credits Transfert System
78
prendre davantage en compte les nouvelles exigences de compétences requises par
l’évolution des métiers et de faciliter les innovations et la recherche dans des
domaines qui peuvent bénéficier d’une approche pluri ou transdisciplinaire. Une telle
approche globale est donc à même de créer une nouvelle dynamique de l’ensemble
de l’enseignement supérieur.
Cette évolution a trouvé un nouveau cadre juridique avec un décret du 8 avril 2002
qui tire les conséquences de l’accord sur la construction de l’espace européen de
l’enseignement supérieur en adoptant le triple niveau LMD (ou 3-5-8) et le système
européen de transferts de crédits30.
Dans ce cadre, le développement de la mobilité des étudiants et des enseignants
devient un enjeu décisif, d’où l’accroissement du nombre de bourses de mobilité,
attribuées sur critères sociaux à des étudiants de 1er et 2nd cycles. Ainsi, en 20022003, 5000 étudiants de 134 établissements d’enseignement supérieur ont pu en
bénéficier. Depuis la rentrée 2002, ces bourses sont gérées par les établissements et
intégrées dans les contrats quadriennaux . De surcroît, le MENESR apporte une
contribution complémentaire aux bourses attribuées dans le cadre du programme
ERASMUS.
Le développement des licences professionnelles
La création de ce diplôme a constitué une innovation majeure. La licence
professionnelle s'inscrit dans plusieurs logiques :
-
elle met en place le chaînon manquant au niveau bac + 3 pour compléter
l'architecture des diplômes professionnels (qui existent déjà à tous les autres
niveaux, par les DUT/BTS, les maîtrises à finalité professionnelle et les DESS);
elle procède de l'harmonisation des structures de diplômes au niveau européen,
dans le cadre du processus de convergence vers l'espace universitaire européen;
elle constitue le diplôme type de l'éducation tout au long de la vie.
Sur les 500 projets déposés par les universités, 195 premières licences
professionnelles ont été habilitées pour la rentrée 2000, et de nouveaux appels
d'offres ont été lancés pour les rentrées suivantes. Les nouvelles licences
professionnelles sont réparties entre toutes les académies (2 à 12 par académie) et
toutes les universités (1 à 6 par université). Elles ont accueilli d'emblée 4000
étudiants.
Elles couvrent tous les domaines professionnels des secteurs agricole et industriel,
de celui des services (gestion, commerce) et du "tiers-secteur" (carrières sanitaires
et sociales, métiers culturels, tourisme, etc.). Les secteurs qui connaissent
actuellement des difficultés de recrutement (par exemple la grande distribution ou
l'informatique) et les métiers dits "émergents" (commerce électronique, multimédia et
réseaux) sont particulièrement concernés.
30
Un autre décret du 16 avril 2002 fixe les conditions de validation des études
supérieures accomplies en France ou à l’étranger. La référence européenne
commune est qu’une année universitaire correspond à 60 crédits (un semestre valant
30 crédits) ; il faut donc 180 crédits pour obtenir une licence et 300 pour un master.
79
Toutes les composantes de l'enseignement supérieur ont participé à cet élan : plus
de la moitié des licences professionnelles s'appuient sur les formations
professionnelles courtes (en IUT et en STS de lycée). Au sein des universités, si les
composantes scientifiques et les IUT sont largement présents (60 %), le secteur
droit-économie-gestion et les disciplines littéraires et sociales se sont également
engagés (40 %).
Beaucoup de licences professionnelles se situent à l'interface de plusieurs domaines
de qualification associant des savoirs théoriques, des compétences techniques et
des sciences humaines. Elles correspondent à de nouveaux métiers qui exigent des
capacités plus transversales, favorisant l'adaptabilité. Elles sont fondées sur une
pédagogie innovante basée sur une approche de projet et d'action (enseignements
théoriques et pratiques, stage de 12 à 16 semaines, projets tutorés, formations
alternées, utilisation des TIC) et ont été développées en consultation avec les milieux
professionnels correspondants.
La licence professionnelle s'adresse à des publics très divers (DUT, BTS, DEUG) et
peut s'obtenir par la voie de l'apprentissage ou par celle de la validation des acquis
professionnels. Elle vise l'insertion professionnelle plus que la poursuite immédiate
d'études, mais permet à ceux qui en ont le mérite et le talent de reprendre, ou de
poursuivre, leur parcours de formation. Elle constitue ainsi le premier diplôme du
dispositif français conçu d'emblée pour la professionnalisation durable et la formation
tout au long de la vie.
Un comité national de suivi de la licence professionnelle a été mis en place pour
garantir la reconnaissance nationale des nouvelles qualifications.
1.5 . De la validation des acquis à la professionnalisation durable
Une autre innovation majeure, dans laquelle on peut même voir une véritable
révolution pédagogique, concerne la validation des acquis professionnels (VAP), puis
plus récemment celle des acquis de l’expérience (VAE) dans une perspective de
formation tout au long de la vie. Elle postule que l'expérience professionnelle est une
forme d'acquisition de savoirs, qu'elle constitue ainsi en réalité une science pratique
et doit mener à une qualification reconnue. La VAP et la VAE peuvent être
considérées comme la clé de voûte d'un système éducatif global faisant de la
professionnalisation durable son objectif majeur. Elle est un nouveau droit individuel
de chaque salarié. Elle est aussi un outil essentiel de promotion sociale.
La validation des acquis professionnels a d'abord été introduite en 1985 pour faciliter
l'accès à certaines formations en dispense des titres normalement requis. Depuis
1992, la loi permet à toute personne ayant exercé une activité professionnelle
pendant au moins 5 ans de demander que certains acquis professionnels soient
admis en remplacement d'épreuves ou de modules normalement requis pour
l'obtention d'un diplôme de l'enseignement supérieur ou technologique.
Le bilan de ces initiatives est encore limité. La VAP n'a concerné qu'environ 6000
diplômes par an, et n'a été utilisée de façon régulière que par un petit nombre
d'établissements, en particulier le CNAM. Au total, l'éducation nationale a permis à
80
15 000 personnes de bénéficier de ces deux formes de validation des acquis. Elle a
concerné pour l'essentiel des actifs occupés dans le tertiaire, en milieu de carrière et
ayant une longue expérience dans l'activité considérée (en moyenne entre 6 et 10
ans). Environ 45 % des dispenses demandées ont concerné des BTS, un quart des
diplômes de niveau V, et15 % des baccalauréats professionnels.
La loi de modernisation sociale de 2001 contient une série d'innovations majeures
qui ont relancé ce dispositif en lui donnant une toute autre dimension :
-
-
l'ensemble du diplôme peut être obtenu par la VAP;
la durée d'activité requise passe de cinq à trois ans;
il devient désormais possible de faire valider des compétences acquises dans les
activités sociales ou bénévoles;
tous les diplômes, titres et certificats délivrés au nom de l'Etat sont concernés,
ainsi que les certificats délivrés par des organismes privés, s'ils sont
homologués ; à cet effet est créé un registre national des certifications et une
commission nationale de la certification professionnelle;
la VAP devient un critère de légalité des plans sociaux (le licenciement envisagé
doit être assorti d'un soutien à la VAP pour être légal).
Ce nouveau dispositif de VAP est très important car il concerne potentiellement la
très grande majorité des salariés. De nombreux adultes en activité depuis des
années ont un faible niveau de formation initiale, bénéficient peu d'actions de
formation continue et se retrouvent en première ligne en cas de licenciement. Un
budget de 14 millions de francs a été prévu pour accompagner les candidats à la
validation d'acquis professionnels et assurer ainsi l'égalité de tous devant ces
nouvelles possibilités.
La nouvelle VAP prend toute sa dimension si on considère son potentiel au regard
de l'instauration de la licence professionnelle et du développement de l'éducation tout
au long de la vie dans le sillage du Sommet européen de Lisbonne. Le savoir y est
clairement identifié comme la ressource stratégique essentielle du modèle de
développement que se sont fixé les pays d'Europe, ce qui leur impose d'imaginer et
de mettre en oeuvre une approche d'éducation tout au long de la vie.
L'approche française repose sur le concept clé de professionnalisation durable. Il
affirme que plus est élevée, quant aux contenus, le formation initiale, plus la
formation continue sera accessible, efficace et peu coûteuse à la société. La
professionnalisation durable reconnaît que l'atout d'adaptabilité dépend de
l'acquisition initiale d'un haut niveau de savoirs fondamentaux et de savoirs
technologiques, qui ne constituent aucunement un obstacle à la nécessaire
spécialisation professionnelle.
Un autre aspect très important, par conséquent, est que la formation professionnelle,
dont la VAP est un outil, a pour vocation de s'insérer dans le cadre éducatif existant,
et non de s'y substituer. Il ne serait ni acceptable, ni même rentable, de vouloir
reporter sur l'éducation permanente ce que l'on finance aujourd'hui en formation
initiale.
81
Cela souligne aussi que dans l'approche française de la professionnalisation durable,
il y a la reconnaissance d'une responsabilité collective de la société devant les
conséquences des mutations économiques. La responsabilité de s'adapter à ces
mutations ne doit pas être reportée sur les individus. Elle est une composante d'un
système éducatif global, intégrant formation initiale et continue et comprenant toutes
les formes d'apprentissage et d'expérience de la vie active.
La validation des acquis de l’expérience (VAE) instituée par la loi du 17 janvier 2002
complète ce dispositif dans la perspective globale de l’éducation tout au long de la
vie. Inscrite dans le code du travail et dans le code de l’éducation, la VAE permet à
toute personne engagée dans la vie active de faire reconnaître les compétences
qu’elle a acquise au cours de sa vie professionnelle et personnelle en vue d’obtenir
un diplôme professionnel ou technologique, notamment parmi les 740 diplômes que
délivre l’éducation nationale du CAP au BTS. La VAE succède ainsi à la VAP que
l’éducation nationale avait mise en œuvre à partir de 1994. Elle en étend le champ
d’application, tout en assouplissant ses procédures.
Pour prétendre à cette validation, il faut avoir exercé une activité professionnelle
pendant au moins 3 ans, en tant que salarié, indépendant ou bénévole. La demande
doit être déposée auprès d’un service académique, accompagnée d’un dossier
rassemblant les informations et attestations sur les activités et le parcours de la
personne. Le jury délivre le diplôme au vu du dossier et, si nécessaire, après un
entretien, ou détermine l’évaluation complémentaire à laquelle devra se soumettre le
candidat dans un délai de 5 ans. La procédure associe étroitement les représentants
des professions concernées.
Dans chaque académie, un dispositif académique de validation des acquis (DAVA)
accueille, informe et conseille les candidats dans leurs démarches. Un centre
national de ressources sur la VAE (CNRVAE) assure une animation national des
DAVA, collecte et diffuse les bonnes pratiques et s’efforce d’améliorer méthodes et
outils d’évaluation.
Entre 2000 et 2002, le nombre de candidats à la VAP puis à la VAE a fortement
progressé : 4609 candidats en 2000, 5396 en 2001 et 8040 en 2002.
2. Le pilotage du changement
Le souci de préparer les élèves et les étudiants à vivre et travailler dans un monde
en mutation rapide implique une évolution constante du système éducatif. Celle-ci,
on l’a vu, a conduit à modifier les contenus et les méthodes d’enseignement, mais
aussi l’organisation du système éducatif dans la voie d’une décentralisation accrue.
Cette décentralisation a conféré de nouvelles prérogatives aux collectivités
territoriales dans le domaine de l’éducation et de la formation et s’est accompagnée
d’un transfert de compétences au sein de l’administration vers les recteurs et les
inspecteurs d’académie : c’est le mouvement de déconcentration. Enfin, la
décentralisation a aussi conduit à donner davantage d’autonomie aux établissements
publics locaux d’enseignement (EPLE) en généralisant simultanément les démarches
de projets d’établissement et de contractualisation entre ces EPLE et les autorités
académiques.
82
De surcroît, la recherche de l’égalité des chances et le souci d’une plus grande
efficacité plaident en faveur d’une plus grande marge de manœuvre des écoles et
des EPLE afin de favoriser les innovations sur le terrain et une meilleure adaptation
aux contextes locaux. Il s’agit de diversifier davantage les parcours de réussite et les
approches pédagogiques tout en maintenant un cadre national ferme qui soit garant
d’un respect des grands objectifs nationaux et qui limite les risques d’inégalités
sociales et géographiques (P. Joutard, C.Thélot, 1999). En effet, les Français sont en
grande majorité attachés au principe d’une éducation nationale, à l’école de la
République, et donc hostiles à une régulation de l’éducation selon les lois du marché.
L’éducation n’est pas seulement un bien privé, mais aussi un bien public, au sens de
la théorie économique, car elle est un bien tutélaire créateur d’effets externes positifs
intra et intergénérationnels. En particulier, elle est le principal facteur de cohésion et
de justice sociales.
Le problème est donc de piloter le changement dans un système éducatif dont la
complexité s’accroît avec le processus de décentralisation et l’autonomie croissante
des écoles et établissements scolaires. Il s’agit de substituer à une régulation de type
bureaucratique, fondée sur des décrets, circulaires, instructions et un contrôle a
priori, une régulation de type cybernétique, fondée sur de nouveaux instruments de
pilotage et un contrôle davantage a posteriori (A. Michel, 1993). En effet, le maximum
de complexité que peut atteindre un système sans devenir trop instable est
directement lié à la rapidité de la circulation de l’information pertinente entre toutes
les unités du système. Ce type de régulation ou de gouvernance doit s’appuyer sur
cinq types d’instruments :
-
un bon système d’informations statistiques ;
une évaluation quantitative et qualitative ;
des outils de prévision et une réflexion prospective ;
une communication stratégique ;
une gestion efficace et juste des ressources humaines.
L’évolution actuelle et future de la politique éducative est directement liée à
l’amélioration de ces instruments de pilotage. Parmi les mesures prises qui ont
contribué à améliorer la capacité d’un tel pilotage du système, on peut citer :
-
la création, au sein de l’administration centrale du ministère, d’une direction de
l’évaluation et de la prospective (DEP) en 1987, qui a joué un rôle majeur dans
l’élaboration de nouveaux instruments ;
-
la création au début des années 1990 d’une école supérieure de l’encadrement,
dont le siège a été déplacé de Paris au site du Futuroscope, près de Poitiers ;
-
la nouvelle définition des missions de l’inspection générale de l’éducation
nationale (IGEN) et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation
nationale et de la recherche (IGAENR), appelées à travailler de plus en plus
ensemble dans une fonction d’évaluation et d’audit des établissements, et plus
récemment des académies, mais aussi des innovations et des réformes ;
-
La création d’un comité national d’évaluation des universités ;
83
-
La mise en place de directions des ressources humaines dans les académies ;
-
La création d’un Haut Conseil de l’évaluation de l’école en octobre 2000.
2.1. L’information statistique et la base centrale de pilotage
L’évolution des 15 dernières années se caractérise par un enrichissement et une
fiabilité accrue des statistiques sur l'éducation, ainsi que par une utilisation des
systèmes modernes d’information. Ainsi ont pu être créées une « base centrale de
pilotage » (BCP) accessible par tout gestionnaire ou décideur de l’éducation
nationale, ainsi que des bases académiques au sein des services statistiques des
rectorats.
Parmi les grandes applications informatiques nationales développées au cours des
années 90, on peut citer :
-
la gestion des enseignants du secondaire (emplois, postes, personnels) : base
EPP ;
la gestion des fichiers des élèves : base « scolarité » ;
la gestion des personnels non enseignants : Agora ;
le répertoire national des établissements ;
la gestion des examens et concours ;
le système d’information et de suivi des étudiants de l’enseignement supérieur
(SISE).
Aujourd’hui, la base centrale de pilotage (BCP) donne un panorama assez complet
du système éducatif de l’enseignement primaire à l’enseignement supérieur. Elle
permet d’obtenir sur plusieurs années des données sur les effectifs d’élèves et
d’étudiants (par région, établissement, âge, sexe, niveau d’études, discipline, etc.),
les personnels enseignants, les résultats aux examens, etc.
Un « infocentre » ministériel permet l’accès aux données fournies par la DPD :
données de la BCP, mais aussi IPES (cf. infra) et données des services statistiques
des académies, notamment.
Ces outils déjà performants ne cessent d’être améliorés, car ils restent encore
insuffisants, notamment pour assurer un bon pilotage de la politique pédagogique au
niveau académique et infra-académique (bassins d’éducation et de formation par
exemple).
2.2.
-
La prévision et la prospective
Au niveau national, la DEP élabore régulièrement des projections à court terme (1
à 2 ans), ainsi que des scénarios à moyen terme (5 ans), à horizon glissant d’une
année sur l’autre. Ces scénarios permettent notamment de prévoir plusieurs
années en avance les flux d’élèves et d’étudiants, en fonction de diverses
hypothèses de politique éducative et d’autres paramètres, ainsi que les futurs
besoins de recrutement d’enseignants. La prise en compte de ces besoins liés
surtout aux départs à la retraite des professeurs des générations du baby boom
84
de l’après-guerre a conduit à lancer une campagne de recrutement pour valoriser
le métier d’enseignant.
En novembre 2000, a été élaboré un plan pluriannuel de programmation des
emplois et des recrutements. Ce plan doit permettre de faire face aux départs
massifs à la retraite des personnels qui concernent la moitié des effectifs au cours
des 10 prochaines années.
-
Au niveau académique, la plupart des régions élaborent depuis le début des
années 90 des schémas prévisionnels de formation à moyen terme pour les
enseignements professionnels. Ces schémas sont en principe élaborés en
concertation avec les services des rectorats. Par ailleurs, les services statistiques
des rectorats élaborent de nouveaux outils : tableaux de bord, études
prospectives, etc. et chaque recteur élabore un projet académique pluriannuel.
-
Au niveau des établissements, les projets sont également pluriannuels.
D’une manière générale, les instruments de prévision quantitative à court terme ont
été beaucoup améliorés au cours des dernières années ; en revanche, la démarche
prospective à moyen et long terme reste embryonnaire. Néanmoins, la France
participe activement à l’activité pilotée par le CERI de l’OCDE sur « l’école de
demain » (OCDE, 2001), ainsi qu’aux réflexions prospectives de l’Unesco.
2.3. La nouvelle culture de l’évaluation
C’est dans ce domaine qu’ont été enregistrées les avancées les plus significatives au
cours de la période récente. Ce développement d’une nouvelle culture d’évaluation
répond à une triple exigence de transparence démocratique, d’efficacité et d’équité.
Ainsi, l’évaluation a été développée dans plusieurs directions complémentaires.
L’évaluation des établissements d’enseignement supérieur par le Comité national
d’évaluation ayant été déjà mentionnée, il ne sera ici question que du système
scolaire.
L’évaluation des acquis des élèves
Outre les évaluations nationales fondées sur des tests normalisés en début de CE2,
de sixième et de seconde, qui ont une visée diagnostique et formative, des banques
d’items ont été élaborées au niveau national et mises à la disposition des
enseignants. Ce type d’évaluations fondées sur des outils standardisés est
développé progressivement à tous les niveaux, car il est un facteur de réduction des
écarts de niveaux d’exigence et de critères d’évaluation d’un professeur à l’autre ou
d’une école à l’autre.
De plus, l’analyse des résultats à ces tests, à partir d’échantillons significatifs, permet
des comparaisons intéressantes dans l’espace (écarts entre régions et entre
académies) et dans le temps (évolution des compétences des élèves). Un autre
aspect important est la participation aux grandes enquêtes internationales de l’IEA et
aujourd’hui du programme PISA dans le cadre du projet INES de l’OCDE, car elle
permet de situer les principales forces et faiblesses du système éducatif français à
l’aune des résultats des élèves aux tests internationaux.
85
L’évaluation des établissements scolaires
Des indicateurs de résultats ont été conçus dès le début des années 1990, afin de
fournir une information plus pertinente sur la performance des divers établissements
que le taux brut de réussite de leurs élèves aux examens nationaux : il s’agit de trois
indicateurs dits « de valeur ajoutée » permettant de prendre en compte les
caractéristiques des élèves et la politique plus ou moins sélective de l’établissement ;
ils fournissent donc des résultats nets, faisant davantage apparaître la véritable
contribution de chaque établissement à la progression de ses élèves. Ces indicateurs
sont désormais publiés largement par la presse à la place des indicateurs bruts et
permettent donc de mieux informer sur les performances réelles des établissements.
Ont ensuite été construits des indicateurs permettant de mieux gérer ces
établissements : les indicateurs de pilotage des établissements scolaires (IPES). Une
proportion croissante de chefs d’établissement utilisent avec pertinence ces
indicateurs pour élaborer leur projet pédagogique et éducatif.
Mais l’évaluation des établissements ne se limite pas à l’évaluation quantitative par
des indicateurs. Ont été également développées des démarches originales d’audit
des établissements en sus des inspections traditionnelles des corps d’inspection. A
cet égard, la démarche d’audit de tous les établissements de l’académie de Lille, il y
a quelques années, a ouvert la voie à de nouvelles approches de l’évaluation par des
équipes d’inspecteurs et de chefs d’établissement. L’objectif est de fournir un regard
extérieur mais aussi de développer une attitude d'auto-évaluation des partenaires de
la communauté éducative de l’établissement ainsi évalué. L’audit est donc envisagé
comme un outil au service du changement.
L’évaluation des politiques et des réformes
Ont ainsi été évaluées la politique des ZEP, la mise en place de l’enseignement des
langues étrangères à l’école primaire, l’adoption d’un nouveau calendrier scolaire,
etc. De plus en plus, avant de lancer une réforme ou une innovation institutionnelle,
on expérimente à une échelle significative et on évalue, avant de prendre la décision
de généraliser la réforme. L’évaluation peut parfois conduire à modifier le projet
initial. Parmi les exemples récents, on peut citer l’expérimentation des TPE en LEGT
et des projets pluridisciplinaires à caractère professionnel (PPCP) en lycée
professionnel, ou encore les nouveaux dispositifs d’alternance au collège ainsi que
les classes de préparation au bac professionnel en 3 ans.
L’évaluation des innovations
La politique d’accompagnement et de valorisation des innovations, qui se rattache à
la communication stratégique (cf. infra) requiert la mise en place de protocoles
d’auto-évaluation et d’évaluation externe. C’est nécessaire pour apprécier la
pertinence d’une innovation, mais aussi l’intérêt et la possibilité de son transfert à
d’autres lieux. C’est donc un aspect indispensable d’une politique de valorisation et
d’essaimage des innovations. Du reste, le financement des innovations requiert
toujours une clause d’évaluation des résultats.
L’évaluation de l’état du système éducatif
86
Depuis 1992, le ministère publie chaque année « l’état de l’Ecole », ensemble de 30
indicateurs synthétiques sur les ressources, les coûts, l’activité et les résultats du
système éducatif français. Cet état des lieux est à la fois un instrument de pilotage au
niveau national et un instrument de transparence démocratique permettant de rendre
compte du fonctionnement de l’école et de susciter des débats s’appuyant sur des
données objectives dans un domaine où prévalent trop souvent préjugés et idées
reçues31.
L’évaluation des académies
En France, les 30 académies correspondent le plus souvent aux régions et aux
départements d’outre-mer. Le processus de décentralisation et de déconcentration a
conduit à un transfert de responsabilités et donc à la nécessité de décliner les
grandes orientations de la politique éducative nationale à ce niveau. D’où un besoin
croissant d’instruments d’évaluation des politiques académiques. Chaque année, la
DEP publie un document appelé « Géographie de l’école » qui montre les écarts
entre académies en ce qui concerne les divers indicateurs nationaux. Ce constat a
permis aux recteurs d’infléchir en conséquence leur politique afin de réduire les
disparités concernant par exemple les résultats des élèves aux tests nationaux, les
flux d’orientation des élèves selon les filières de formation, les taux de redoublement
ou les résultats au baccalauréat. De surcroît, les services statistiques des rectorats,
en liaison avec les autres services, ont construit de nouveaux tableaux de bord
permettant un réel pilotage académique. La difficulté est d’accroître la compatibilité
des données chiffrées provenant de sources différentes. C’est une tâche constante
des services.
Plus récemment, a été entreprise une démarche nouvelle d’évaluation exhaustive
des académies par des équipes d'inspecteurs généraux (IGEN et IGAENR). Cette
démarche expérimentée en 1999-2000 dans 3 académies, a été étendue les années
suivantes à raison de 4 à 5 académies chaque année, ce qui devrait permettre une
évaluation exhaustive de chaque académie tous les 6 à 7 ans. Ces évaluations ont
permis d’élaborer une panoplie très complète de grilles d’entretien et de divers
indicateurs, qui seront progressivement améliorés avec l’expérience acquise.
Ces évaluations combinent de nombreuses visites sur le terrain dans les écoles,
collèges et lycées, des entretiens avec les responsables à tous les niveaux, avec des
enseignants, des délégués des élèves et des parents, mais aussi avec tous les
partenaires de l’école, y compris les représentants du monde économique, social et
culturel et des autres services publics de l’Etat et des collectivités territoriales. A ces
sources d’information s’ajoutent les rapports d’inspection des dernières années qui
permettent de compléter les observations effectuées en classe par les équipes
d’inspecteurs généraux chargés de l’évaluation.
Un autre aspect original de cette nouvelle démarche évaluative est en effet l’accent
mis sur l’évaluation des enseignements et des apprentissages, même si sont
31
Cf. N. Bottani et alii, Les indicateurs comme outils des politiques éducatives,
Revue POLEF, Paris, IEEPS, n° 3 – 2001 et A. Michel, Evaluer pour piloter, Revue
internationale d’éducation, CIEP, Sèvres, n° 26, juin 2000
87
analysées en profondeur les ressources utilisées, l’organisation et les conditions
dans lesquelles sont dispensés les enseignements ou celles dans lesquelles les
élèves peuvent travailler de manière autonome. Cet accent mis sur les
enseignements et les apprentissages est très important car les approches
évaluatives dans le domaine de l’éducation ont parfois tendance à ne pas se
démarquer suffisamment des démarches d’audit dans le secteur privé et à perdre de
vue la spécificité de ce secteur très particulier qu’est l’éducation, notamment en
raison de la difficulté à mesurer les résultats et donc l’efficacité (C. Thélot, 1993).
L’évaluation des personnels enseignants et non enseignants
C’est le domaine de l’évaluation le moins avancé et donc l’un des principaux
chantiers des années à venir. Compte tenu de la grande diversité des situations
d’enseignement, il est difficile de définir des critères objectifs simples de ce qu’est un
bon enseignant. Du reste, dans tous les pays, c’est le domaine d’évaluation le moins
développé. Il est évident que l’inspection d’un professeur une fois tous les 5 ans,
sans être inutile, est très insuffisante pour permettre une évaluation de ce professeur.
La publication en mai 1997 d’une circulaire précisant la mission du professeur de
l’enseignement secondaire (BOEN n° 22 du 29/5/1997) a constitué une étape
importante dans la voie d’une évaluation des enseignants, car elle définit de manière
exhaustive ce que l’on attend du professeur, notamment sa responsabilité en dehors
de la salle de classe. C’est très important si l’on souhaite que les professeurs
participent activement à l’élaboration des projets d’établissement. Cette description
des missions du professeur est également importante pour enrichir les critères
d’appréciation des candidats aux concours de recrutement et pour constituer un
référentiel général pour les IUFM en ce qui concerne la formation initiale et continue
des enseignants.
La tendance actuelle est de donner davantage d’importance dans l’évaluation des
enseignants au chef d’établissement, car c’est lui qui connaît le mieux leurs qualités
professionnelles dans la durée. Mais, les syndicats d’enseignants y sont hostiles par
crainte d’un risque de jugement arbitraire et préfèrent l’appréciation des inspecteurs
pédagogiques régionaux ou des inspecteurs de l’éducation nationale qui sont
spécialistes de la discipline enseignée, ce qui leur confère une légitimité à évaluer.
Cela montre que, surtout dans l’enseignement secondaire, les professeurs
privilégient hautement dans l’exercice de leur métier leur compétence disciplinaire au
détriment des autres aspects du métier (fonction d’éducation impliquant une
appartenance active à la communauté éducative et participation au projet
d’établissement, travail d’équipe avec les collègues, etc.).
Après négociation avec les syndicats représentatifs des personnels de direction, un
nouveau statut de ces personnels a été adopté. Il prévoit notamment un référentiel
d’emploi et des procédures et des critères plus explicites d’évaluation (B.O. du
3/1/2002, n° spécial sur le « Protocole d’accord relatif aux personnels de direction »).
En particulier, au moment de sa prise de fonctions dans un nouvel établissement, le
proviseur ou principal doit élaborer un projet de lettre de mission à partir d’un
diagnostic de la situation qu’il soumet au cours d’un entretien au recteur. C’est un
pas important vers un meilleur management de l’encadrement supérieur, car
l’efficacité d’un chef d’établissement est un facteur important des disparités
88
constatées dans la performance des établissements. Du reste, on observera que
sans être des critères absolument fiables, ni suffisants, les indicateurs de valeur
ajoutée des établissements et leur évolution sont des éléments relativement objectifs
pouvant constituer un élément d’appréciation, même s’il convient de tenir compte de
divers paramètres indépendants de la compétence du chef d’établissement (contexte
plus ou moins difficile, rotation importante des personnels, etc.). Plus généralement,
l’évaluation des personnels pose la question plus large de l’instauration d’une
nouvelle gestion des ressources humaines au sein de l’éducation nationale (cf. infra).
La création d’un Haut Conseil de l’évaluation de l’école
Placé auprès du ministre de l’éducation nationale, ce Haut Conseil, créé par décret
du 27/10/2000, donne des avis sur le programme annuel des évaluations produites
et diffusées par le ministère, ainsi que sur les méthodologies utilisées et les résultats
obtenus. Disposant de crédits, il peut lui-même commander des évaluations
externes. Il élabore aussi une synthèse des divers travaux d’évaluation du système
éducatif et peut proposer l’élaboration de nouveaux outils d’évaluation. Il est tenu de
rédiger un rapport annuel sur l’état de l’évaluation du système éducatif et sur l’impact
des recommandations de ses précédents rapports. Son rapport est présenté au
Conseil supérieur de l’éducation et est rendu public. Le Haut Conseil comprend 35
membres nommés par le ministre pour une durée de 3 ans. Il est présidé par l’une
des 12 personnalités qualifiées (dont des experts d’autres pays européens) qui
siègent en son sein. Le doyen de l’IGEN, le chef de service de l’IGAENR et le
directeur de la DEP participent aux travaux avec voix consultative.
En octobre 2003, le Hcéé a émis un avis général sur la situation du système scolaire
français, en soulignant ses forces et ses faiblesses, sans complaisance, mais en en
faisant part d’un optimisme raisonné quant à ses possibilités d’amélioration à court et
moyen terme.
2.4. La communication stratégique dans un esprit de dialogue
Dans une organisation de la dimension de l’éducation nationale, caractérisée par une
grande complexité, qui du reste s’accroît avec le mouvement de décentralisation, la
communication est un instrument essentiel de pilotage à même de garantir une
cohérence globale sans étouffer pour autant les initiatives et les innovations sur le
terrain.
Cette communication doit être à la fois interne et externe, étant entendu que dans
une organisation employant plus de 1,3 million de personnes, l’image que véhiculent
celles-ci est un facteur important de la perception externe de l’institution. En d’autres
termes, une bonne communication interne au sein de l’éducation nationale est une
condition nécessaire à toute communication externe performante.
L’importance de l’écoute du terrain et d’une communication efficace
Au sein d’une grande organisation qui doit s’adapter aux changements de son
environnement, ou mieux les anticiper, les modalités de conduite du changement
sont au moins aussi importantes que ses objectifs et son contenu. C’est donc une
véritable « communication stratégique » qui peut permettre de conduire ce
89
changement sans trop de heurts et de résistances. La communication stratégique est
l’ensemble des processus par lesquels sont expliqués les défis à relever et les
objectifs à poursuivre, l’ensemble des procédures par lesquelles tous les personnels
sont associés le plus en amont possible aux processus de prise de décision,
l’ensemble des instruments permettant une communication ascendante et latérale et
pas seulement une communication descendante, mais aussi d’impulser, d’animer, de
coordonner, de faciliter, accompagner et valoriser les innovations sur le terrain. Cette
communication implique une cohérence dans la durée : cohérence entre la
communication interne et externe, cohérence entre le discours rhétorique et les
décisions prises. Elle implique aussi de distinguer, ce qui est difficile, la
communication institutionnelle conçue dans la durée et la communication plus
politique qui ne peut s’abstraire de contraintes à plus court terme, en fonction des
échéances électorales. Cette distinction délicate à mettre en œuvre est garante d’un
minimum de continuité dans une stratégie continue de rénovation au delà du rythme
des réformes scandé davantage par la vie politique.
Cette communication stratégique doit privilégier la fonction d’écoute du terrain, de
remontée des informations sur les conséquences des décisions prises, la perception
par les divers partenaires de la communauté éducative des implications des
réformes, etc. Elle implique l’élaboration d’un véritable baromètre d’opinion et des
attentes des divers acteurs et partenaires impliqués. La création d’un service de
communication à l’administration centrale et la constitution d’un réseau de
responsables de la communication dans chaque académie ont été des innovations
importantes à cet égard. De surcroît, l’usage croissant de l’Internet qui a succédé à
l’utilisation du réseau télématique (service Edutel créé en 1986) permet d’accroître la
facilité d’accès aux informations utiles. Un autre exemple significatif de l’effort du
ministère pour consulter plus largement le terrain est constitué d’une part par les
grandes consultations nationales préalables aux réformes successives du lycée et du
collège, d’autre part par la consultation désormais systématique des enseignants sur
les projets de rénovation des programmes des diverses disciplines.
Favoriser et faire connaître les innovations pertinentes
Un aspect particulièrement important de la communication stratégique est l’ensemble
des actions menées pour impulser, repérer, évaluer, accompagner, soutenir,
valoriser et diffuser les innovations sur le terrain. Plusieurs initiatives importantes ont
été prises à cet égard au cours des dernières années (AFAE, 2000).
La création d’un « bureau de la valorisation des innovations pédagogiques », au sein
de la direction de l’enseignement scolaire du ministère, qui anime un réseau de
correspondants dans chaque académie (les coordonnateurs des missions
« innovations et valorisation des réussites » auprès des recteurs). Ce bureau a lancé
un premier programme national de soutien aux innovations (PNI 1) pour la période
1995-98, suivi de plusieurs programmes du même type.. Chaque programme
privilégie certains axes en fonction des priorités de la politique éducative et des
réformes en cours. Ainsi, le PNI actuel fixe 6 axes prioritaires : 1) Ecoute, suivi et
aide de l’élève ; 2) Ruptures et continuité dans les apprentissages de la maternelle à
l’enseignement supérieur ; 3) Développement d’une culture scientifique et technique ;
4) Langues et langages : outils de communication et voies d’expression des
cultures ; 5) Réponses aux comportements de rupture dans les établissements :
90
démotivation, absentéisme et agressivité (cet axe est étroitement lié au nouveau plan
de lutte contre la violence) ; 6) Apprentissage de la démocratie.
Le réseau a organisé plusieurs colloques académiques et nationaux sur l’innovation,
dont les actes ont été largement diffusés. Chaque académie a créé une « cellule
innovation » chargée de sélectionner les projets présentés par les équipes
pédagogiques des écoles, collèges et lycées et d’assurer un soutien logistique et
pédagogique.
La création d’un « bureau de l’évaluation des pratiques et innovations éducatives »
au sein de la DEP a permis de développer des enquêtes quantitatives et qualitatives
afin d’évaluer la pertinence et l’efficacité des dispositifs innovants. Ainsi, par
exemple, ont été évalués l’utilisation des TICE par les enseignants, les diverses
modalités de travail en équipe des enseignants, les modes d’utilisation des
ressources documentaires dans les enseignements, les dispositifs d’éducation à
l’orientation, le dispositif des classes relais, ou encore la mise en œuvre du contrôle
en cours de formation et des périodes de formation en milieu professionnel et leur
incidences sur les pratiques pédagogiques. Des enquêtes en cours de ce bureau et
de l’IGEN permettent d’évaluer la mise en œuvre des réformes dans le primaire, les
collèges et les lycées.
La création de ces diverses structures et du réseau des responsables chargés de
l’innovation dans les académies montre l’importance attachée au suivi et à la
valorisation des pratiques innovantes, qui s’inscrit dans le cadre plus large d’une
nouvelle forme de pilotage du système éducatif laissant davantage de marge de
manœuvre aux acteurs du terrain.
2.5. La gestion personnalisée des ressources humaines
Un pilotage efficace du changement requiert une politique du personnel et des
ressources humaines. Celle-ci a été facilitée par la politique de déconcentration du
« mouvement » des enseignants du second degré, qui concerne la gestion des
mutations et de l’affectation des professeurs dans les établissements. Il en est de
même de la création d’une direction des ressources humaines dans chaque rectorat.
Enfin, un effort important a été accompli pour améliorer la formation initiale et
continue des personnels et permettre l’intégration dans la fonction publique des
personnels non titulaires : vacataires, auxiliaires et contractuels, grâce à des
concours de recrutement spécifiques. Par ailleurs, les concours internes permettent
des promotions de grades et des progressions de carrière de plus en plus diversifiés.
Le plan de rénovation de la formation des enseignants
Afin de permettre une mise en œuvre effective des réformes engagées, un plan de
rénovation de la formation des enseignants a été lancé en février 2001. On a vu sur
l’exemple de la nouvelle réforme du collège que les priorités de cette formation
étaient étroitement liées aux objectifs de la réforme. Mais, le plan de rénovation de la
formation a des objectifs plus généraux, notamment pour la formation initiale.
Dès leurs études en licence, les étudiants qui se destinent aux métiers de
l’enseignement devront recevoir des compléments de formation dans d’autres
91
disciplines ou sur des aspects nouveaux de leur discipline principale. Les licences
pluridisciplinaires seront développées et les professeurs de disciplines techniques
des LP pourront bénéficier de licences adaptées. Par ailleurs, les futurs enseignants
pourront effectuer un stage dans une école ou un établissement avant même de
passer le concours de recrutement.
En liaison avec la politique de développement de l’enseignement des langues, les
candidats au concours de professeur des écoles doivent être titulaires du certificat de
langues de l’enseignement supérieur (CLES) niveau 2 ou du diplôme de compétence
en langue (DCL) niveau 3, ou encore d’un diplôme équivalent.
Par ailleurs, la 2ème année de formation en IUFM (qui suit la réussite au concours) est
davantage centrée sur l’apprentissage du métier. Parallèlement, une formation
spécifique est prévue pour accompagner l’entrée dans le métier. Dès 2002 – 2003,
les enseignants débutants ont reçu une formation complémentaire d’au moins deux
semaines au cours de leur première année d’exercice et de deux semaines l’année
suivante.
Compte tenu des nombreuses critiques récurrentes sur la formation initiale et
continue des enseignants et de rapports assez sévères des inspections générales, la
question de la réforme de cette formation est une question lancinante qui n’a cessé
d’être à l’ordre du jour de tous les ministres successifs.
Encore récemment, le débat national sur l’école a fait ressortir un ensemble de
critiques qui, pour l’essentiel reprochent aux IUFM l’aspect trop théorique de la
formation et une insuffisante préparation à la réalité des situations professionnelles.
Mais, si une des voies d’amélioration est probablement une meilleure articulation
entre les cours théoriques et les stages, ainsi qu’une meilleure complémentarité
entre universitaires, praticiens et inspecteurs au sein des équipes de formateurs, il
demeure que rien ne peut remplacer l’expérience vécue en situation réelle et les
conseils d’un tuteur compétent et expérimenté pour une véritable préparation
pratique à ‘exercice du métier.
La revalorisation du rôle des chefs d’établissement
Le plan de revalorisation du rôle des principaux de collège et de proviseurs de lycée
prévoit de :
-
clarifier les missions et les responsabilités du chef d’établissement, grâce à un
référentiel du métier établi en termes de missions, d’activités et de compétences ;
faciliter les conditions de pilotage et de gestion des établissements, en allégeant
les tâches administratives des chefs d’établissement et en renforçant leur mission
de pilotage pédagogique ;
mettre en place un dispositif d’évaluation des personnels d’encadrement ;
améliorer la formation professionnelle, qui pourra être validée par un diplôme de
3ème cycle universitaire : le DESS de direction des établissements du second
degré ;
améliorer la progression de carrière en favorisant une certaine mobilité.
92
Vers une gestion plus qualitative des personnels
Un autre aspect de la gestion des ressources humaines (GRH) concerne la prise en
compte des mérites des personnels. En fonction de divers critères, dont la notation
administrative et pédagogique, les enseignants progressent plus ou moins vite dans
leur carrière. De plus, certains enseignants peuvent être promus à un grade plus
élevé par inscription sur liste d’aptitude par des commissions paritaires réunissant
représentants de l’administration et représentants des organisations syndicales
représentatives.
Enfin, les efforts accomplis pour mettre en place une gestion prévisionnelle des
besoins en diverses catégories de personnels constituent également une avancée
dans la voie d’un pilotage plus efficace aux divers niveaux de responsabilité.
Mais le point le plus faible de la GRH reste la gestion qualitative des personnels,
notamment au niveau des affectations. Contrairement à d’autres pays, en France, un
chef d’établissement ne peut pas choisir ses collaborateurs (adjoints, gestionnaire,
conseillers principaux d’éducation, etc.) ni les enseignants. Les personnels sont
affectés en fonction d’un barème de points pour lequel l’ancienneté, le grade et les
diplômes jouent le rôle le plus important. Or, la diversité des contextes et des
établissements peut justifier que soient pris en compte d’autres critères, notamment
l’adéquation entre les qualités de l’enseignant et les exigences de tel ou tel poste.
Malgré l’hostilité, plus ou moins marquée, des syndicats à l’égard des affectations sur
des critères autres que le barème, la tendance récente est d’accroître le nombre de
postes à profil particulier au motif que ces postes exigent des compétences
spécifiques. En sus des postes des classes post-baccalauréat (CPGE et STS) et des
sections internationales des établissements, sont désormais concernés des postes
en ZEP ou dans des établissements expérimentaux par exemple, qui ont un statut
dérogatoire du droit commun. Un effort particulier a été accompli pour accompagner
et aider les enseignants durant leurs deux premières années d’exercice.
Cette gestion qualitative des personnels se développe aussi grâce à l’action menée
par les DRH pour aider les enseignants en difficulté ou encore pour faciliter une
reconversion professionnelle. Mais beaucoup reste à faire dans ce domaine. C’est
l’une des priorités actuelles que de mieux prendre en compte les compétences et les
difficultés des enseignants, à la fois pour des raisons humaines, mais aussi pour
améliorer le service éducatif.
Le plan de prévention et de lutte contre la violence en milieu scolaire
Un autre aspect important concerne l’amélioration des conditions de travail des
personnels, notamment dans les établissements les plus difficiles. Un « plan de
prévention et de lutte contre la violence en milieu scolaire » a été lancé en 1998 à
titre expérimental dans 10 sites répartis sur 6 académies, concernant 411
établissements secondaires et 1742 écoles primaires. Ce plan a conduit à arrêter la
montée de la violence constatée au cours des années récentes, mais des disparités
importantes persistaient. En 2000, a donc été lancée la 2ème phase de ce plan. Un
Comité national anti violence a été créé auprès du ministre ; présidé par une
93
inspectrice générale de l’éducation nationale et composé d’un magistrat, d’un
commissaire de police, de représentants des professeurs et des parents d’élèves, il
anime et coordonne les actions dans ce domaine. Une cellule d’animation et de suivi
a été créée auprès de chaque recteur et auprès de chaque inspecteur d’académie.
Enfin, chaque site est piloté par un animateur. Le plan a étendu les dispositifs à
d’autres académies : désormais, 10 académies et 20 sites sont concernés, soit 539
établissements secondaires et 2354 écoles.
Ce plan s’est manifesté notamment par des recrutements de personnels permettant
de renforcer la présence d’adultes dans les établissements ; pour la seule année
2000, ont été créés de nombreux emplois : 306 infirmières, assistantes sociales et
médecins, 100 conseillers principaux d’éducation, 400 surveillants, plus de 2000
aides éducateurs et plus de 1000 aides au cadre de vie (recrutés au niveau
CAP/BEP). A ces emplois, il faut ajouter 1000 adultes relais recrutés dans le cadre
de la « politique de la ville ». Ces personnes ont suivi des formations adaptées dans
le domaine de la prévention de la violence. Au total, sur les 3 dernières années,
environ 10 000 emplois ont été créés dans le cadre du plan de lutte contre la
violence.
Une université d’été et un colloque national de l’Association française des
administrateurs de l’éducation (AFAE) ont été organisés sur le thème de l’exercice de
l’autorité en milieu scolaire, compte tenu des nouveaux contextes, thème sur lequel
le ministre de l’éducation nationale s’est exprimé à l’Unesco en mars 2001. Cette
mobilisation s’inscrit dans la politique globale d’éducation à la citoyenneté et l’effort
pour repenser la question de la discipline au sein de l’école (circulaires du 11 juillet
2000).
Cette politique s’inscrit aussi dans le renforcement des partenariats entre l’éducation
nationale et les divers acteurs concernés : collectivités territoriales, associations de
parents et associations périscolaires, autres services administratifs, entreprises, etc.
Enfin un site Internet « Plan violence » précise les divers aspects politiques,
juridiques et réglementaires du plan, comporte des références bibliographiques, les
sessions de formation organisées pour les personnels, ainsi que des fiches
descriptives d’actions exemplaires.
Le développement d’une médiation institutionnelle
La création en décembre 1998 d’un médiateur national et d’un réseau de médiateurs
académiques bénévoles participe à la fois d’une meilleure communication, d’une
démarche d’évaluation et surtout d’une gestion plus efficace et plus humaine du
service public.
Le rapport du médiateur remis chaque année au ministre permet de faire des
suggestions pour améliorer le fonctionnement du système éducatif à partir des
réclamations (environ 5000 par an) des usagers (parents d’élèves, étudiants) et des
personnels de l’éducation. Ce rapport qui est public dresse aussi un bilan des suites
qui sont réservées aux recommandations des années antérieures.
3. La dimension européenne et internationale
94
La plupart des grands débats relatifs à l’évolution du système éducatif comportent
une composante internationale d’importance croissante. En particulier, les avancées
de l’intégration européenne rendent désormais impossible de mesurer la portée des
réformes à la seule aune des perspectives internes au système éducatif national.
Inversement, il n’est pas une prise de position dans le domaine international qui, à
terme, n’ait pas de répercussion sur le système national.
Le programme de travail sur « les objectifs concrets futurs des systèmes d’éducation
et de formation », adopté au Conseil européen de Barcelone en mars 2002, constitue
le document de référence de l’éducation dans la construction européenne. Il s’inscrit
dans le cadre de la méthode de coordination, s’appliquant antérieurement au
domaine de l’emploi, qui permet au Conseil, sans porter atteinte au principe de
subsidiarité et sans étendre les compétences de l’Union européenne, d’adopter des
instruments (indicateurs, critères de référence, échanges de bonnes pratiques,
examen par des pairs) destinés à coordonner les politiques d’éducation et à faire
évoluer les systèmes nationaux en vue d’objectifs définis en commun.
Tous les aspects des systèmes éducatifs sont concernés, dans une logique
d’éducation et de formation tout au long de la vie, et les indicateurs adoptés ainsi que
les échanges de bonnes pratiques au sein des groupes d’experts enrichissent la
réflexion et contribuent à réorienter l’action au niveau national.
3.1. Une réorganisation de la gestion et du pilotage des relations
internationales
Pour répondre aux exigences issues de ces évolutions, la France a modernisé ses
procédures et ses instruments administratifs et créé de nouvelles structures. Ainsi,
pour l’élaboration des contrats quadriennaux, par lesquels le ministère de l’éducation
nationale règle ses relations avec les rectorats et avec les établissements
d’enseignement supérieur, la dimension internationale joue-t-elle un rôle important.
Celle-ci est prise en compte dans l’appréciation du projet global des rectorats et des
établissements pour l’attribution des crédits qu’ils demandent.
Au sein de l’administration centrale du ministère de l’éducation nationale, la direction
des relations internationales et de la coopération (DRIC) est chargée de la
coordination des nombreuses relations qu’entretiennent les divers services avec des
partenaires étrangers. La DRIC anime aussi le réseau des conseillers techniques
chargés des relations internationales auprès des recteurs : les délégués
académiques aux relations internationales et à la coopération (DARIC). Elle
entretient des relations étroites avec les services des relations internationales des
organismes de recherche et des établissements d’enseignement supérieur. La DRIC
est aussi l’interface entre le ministère de l’éducation nationale et le ministère des
affaires étrangères et elle travaille en étroite relation avec les divers organismes
intervenant dans le champ de la coopération internationale, tels que le Centre
international d’études pédagogiques (CIEP) de Sèvres. Elle travaille également en
étroite coordination avec le ministère en charge de l’emploi sur toutes les questions
relatives à la formation professionnelle soulevées au niveau communautaire.
95
Pour accroître encore sa capacité d’expertise et de pilotage d’une politique
internationale plus ambitieuse, le ministère chargé de l’éducation nationale s’est par
ailleurs fortement impliqué dans la création de deux organismes spécifiques :
EDUFRANCE, créé en novembre 1998, et l’agence SOCRATES-LEONARDO DA
VINCI, créée en août 2000 et installée à Bordeaux..
L’agence EDUFRANCE, qui fédère actuellement 182 établissements d’enseignement
supérieur adhérents, a pour mission d’assurer la promotion de l’enseignement
supérieur français. A ce titre, elle favorise la représentation des établissements dans
les salons de l’éducation organisés à l’étranger et, d’une façon générale, la diffusion
de l’information sur l’enseignement supérieur français. Grâce à son réseau de 80
bureaux implantés dans 35 pays, elle facilite l’accès à ces établissements des
étudiants étrangers, notamment d’Amérique latine et d’Asie. Ce rôle est d’autant
plus important que l’on avait assisté au cours des années récentes à un
fléchissement des effectifs d’étudiants étrangers, la France n’ayant pas accompli
dans ce domaine un effort de promotion comparable à celui d’autres grands pays
industrialisés. Aujourd’hui, grâce à sa nouvelle politique d’accueil, avec 240 000
étudiants étrangers, la France se situe au troisième rang mondial derrière les EtatsUnis et le Royaume-Uni.
L’agence SOCRATES-LEONARDO DA VINCI a été créée pour faire face à
l’accroissement et à la diversification des tâches engendrées par la gestion des
programmes de mobilité européens dans les domaines de l’éducation et de la
formation professionnelle, qui sont, depuis janvier 2000, déconcentrés à 80% sur les
Etats membres. La création d’une agence unique pour l’éducation et la formation
professionnelle doit permettre en outre de rationaliser la gestion au niveau national
des actions des programmes communautaires. C’est dans cette logique que l’agence
s’est également vu confier en 2004 la mise en œuvre en France du programme
Union européenne- pays tiers dans le domaine de l’enseignement supérieur
« Erasmus Mundus », et se verra confier la coordination des divers documents du
portfolio Europass sur la transparence des qualifications, dès l’adoption du
programme.
Il convient aussi de signaler les travaux d’instances interministérielles, telles que la
Commission nationale de coopération décentralisée (CNCD), qui traite des actions
des collectivités territoriales, ou le Haut conseil de la coopération internationale
(HCCI), qui a compétence dans le domaine de l’action de la société civile,
notamment des organisations non gouvernementales, et son articulation avec celle
des pouvoirs publics. Enfin, le Comité interministériel de la coopération internationale
et du développement (CICID), présidé par le Premier ministre, connaît de l’ensemble
de la coopération française et détermine la zone de solidarité prioritaire sur laquelle
est plus particulièrement concentrée l’aide bilatérale au développement.
Les travaux de ces divers organismes contribuent à faire évoluer la pratique des
relations internationales, dont ils ouvrent le champ à de nouvelles méthodes et de
nouveaux acteurs.
3.2. L’ouverture internationale croissante du dispositif éducatif
96
Dans le secteur scolaire, certains types d’action sont spécialement encouragés. C’est
le cas notamment des coopérations entre des établissements et leurs homologues
étrangers sur des centres d’intérêt communs, des actions de soutien à des
établissements étrangers en difficulté, des échanges d’élèves individuels ou
collectifs, ou des initiatives de formation ou de perfectionnement d’enseignants.
L’ouverture se traduit également par un effort sans précédent en faveur d’un
enseignement diversifié des langues dès l’école élémentaire et plus particulièrement
par le développement des dispositifs d’enseignement bilingue. Dans ce contexte, ont
été créés davantage de postes d’assistant de langue, proposés à des étudiants
étrangers, pour aider les enseignants dans leur tâche.
S’agissant de l’enseignement bilingue, les sections européennes et les sections de
langue orientale créées par une circulaire ministérielle d’août 1992 ont pour vocation
d’offrir aux élèves qui le souhaitent une formation renforcée dans une langue vivante,
visant à leur en donner une maîtrise aussi proche que possible du bilinguisme et à
les familiariser avec la culture du ou des pays concernés. La formule de ces sections
emprunte à celle des sections internationales (plus anciennes) la pratique de
l’enseignement partiel ou total d’une ou plusieurs disciplines non linguistiques dans
la langue de la section, en général à partir du lycée. Ce dispositif a connu un essor
considérable qui a porté le nombre de ces sections à plus de 2000. Aujourd’hui,
l’implantation des sections européennes dans les lycées professionnels est
particulièrement encouragée. Ces derniers s’en trouvent valorisés dans la mesure où
ils offrent ainsi à leurs élèves un avantage supplémentaire dans la recherche d’un
emploi.
Les sections internationales, installées le plus souvent dans des lycées
internationaux, et qui reposent sur une coopération avec les autorités éducatives du
pays dont la langue est étudiée dans la section et intègrent tant des élèves et des
enseignants que des éléments de programmes étrangers, connaissent une
progression plus modeste, mais diversifient le choix possible des langues et des
cultures étudiées en direction de l’arabe, du japonais et du polonais. Le ministère
travaille à améliorer la synergie des sections internationales et des établissements
internationaux avec les sections européennes et de langue orientale, de telle sorte
que l’ensemble du dispositif bilingue puisse rayonner plus efficacement sur le reste
du système éducatif.
Le ministère chargé de l’éducation exerce par ailleurs une tutelle pédagogique sur le
dispositif des établissements français à l’étranger, lesquels dispensent une formation
de premier et second degré conforme aux programmes français à quelque 200 000
élèves. Ces établissements sont, depuis 2000, rattachés selon leur aire
d’implantation, à un rectorat. Ils ont vocation à s’ouvrir plus largement à la culture des
pays hôtes et, par l’intermédiaire notamment des enseignants français qui vont y
exercer, à être les vecteurs en France des langues et cultures concernées.
La même volonté d’ouverture se retrouve dans l’attention portée à l’éducation au
développement et à la solidarité internationale, qui est organisée tant dans les
établissements scolaires que d’enseignement supérieur, dans le cadre notamment
de la semaine de la solidarité internationale à l’école et à l’université, autour de
97
thèmes fondamentaux, portant notamment sur le droit à l’éducation pour tous, la
promotion du développement durable et le respect de la diversité culturelle32.
Les nouvelles technologies constituent un puissant facteur d’ouverture qui exerce
son influence à tous les niveaux d’enseignement. Dans l’enseignement scolaire, elles
permettent en particulier de mieux ouvrir les réseaux pédagogiques à l’international
en favorisant la mutualisation des ressources, les appariements et les expérience
innovantes, telles que les échanges en ligne entre classes ou des projets plus
ambitieux comme le magazine électronique « Le Méditerranéen », conçu et réalisé
par les élèves d’un établissement français en liaison avec les élèves
d’établissements étrangers de l’aire méditerranéenne. Dans l’enseignement
supérieur, le ministère encourage et soutient notamment la mise en place par des
consortiums d’établissements de « campus numériques », qui ouvrent l’accès à des
formations qualifiantes et diplômantes dans un nombre croissant de filières.
3.3. Le développement de la coopération
Bien qu’il devienne de plus en plus difficile de tracer une frontière nette entre les
coopérations bilatérales et multilatérales, le ministère chargé de l’éducation a
conforté les relations bilatérales traditionnelles qu’il entretient avec ses partenaires
étrangers, en portant une attention croissante aux pays émergents.
La coopération administrative et institutionnelle connaît des développements féconds
et mobilise tous les échelons d’intervention, de l’administration centrale jusqu’aux
experts. Elle s’exerce notamment avec les Etats d’Europe centrale et orientale, en
relation pour certains d’entre eux avec leur adhésion à l’Union européenne, et avec
des pays en développement. Elle touche à des thèmes très variés d’intérêt commun,
tels que l’aide aux publics scolaires en difficulté, l’évaluation des systèmes éducatifs
et la mise en place d’outils statistiques, le pilotage des systèmes éducatifs en cours
de déconcentration et décentralisation, la formation des enseignants et des chefs
d’établissement, ou dans l’enseignement supérieur, la rénovation des cursus, ou la
relation entre les formations et l’emploi.
Les coopérations institutionnelles se poursuivent et se diversifient. Dans le domaine
scolaire, des initiatives franco-britanniques de relance de la coopération en matière
de formation linguistique et professionnelle ont, par exemple, été prises (accord du
Touquet en février 2003).Autre exemple, l’expertise française en matière d’éducation
prioritaire fait l’objet d’une coopération éducative avec l’Afrique du sud. Plusieurs
pays utilisent la méthode pédagogique « la main à la pâte » pour enseigner les
sciences à l’école primaire. Autre exemple encore, dans le cadre de la réforme
administrative et pédagogique en cours au Maroc, des partenariats entre académies
françaises et marocaines se sont noués dans le cadre du projet de décentralisation
formulé par les autorités marocaines.
Dans le domaine universitaire, la coopération tend au rapprochement des systèmes
d’enseignement et de recherche, dans le cadre de projets tels que l’université francoallemande et l’université franco-italienne sans murs. Sans recourir nécessairement à
32
cf. la note de service sur l’éducation au développement et à la solidarité
internationale du 24 juin 2004.
98
des formes aussi élaborées de coopération, le dispositif universitaire français
développe de plus en plus ses liens avec les établissements étrangers par la mise en
place de programmes de formations co-diplômantes, ou de co-tutelles de thèses
(Grande-Bretagne, Grèce, Pays-Bas, Portugal, par exemple) ; ou encore par la
création de dispositifs tels que le collège doctoral franco-japonais ou la cyberuniversité franco-indienne ; enfin, par des accords de reconnaissance de diplômes
(Russie, Ukraine). Dans l’enseignement scolaire comme dans l’enseignement
supérieur, la mise en place de filières bilingues au sein d’établissements étrangers
partenaires, ouvre fréquemment la voie à des coopérations institutionnelles
approfondies.
Les formations professionnelles et technologiques constituent un autre axe majeur
des actions de coopération, dans diverses aires géographiques. En Amérique latine,
par exemple, les programmes de formation intégrés d’étudiants mexicains dans les
écoles d’ingénieurs françaises et de licences professionnelles dans les IUT créés en
2002 sont consolidés. Ce type de programme de formation intégrée existe depuis
plusieurs années avec le Brésil. Un autre type d’opération associe des entreprises à
des actions de formation, avec mise en place de plateaux techniques, au Brésil ou
en Chine notamment.
L’accueil d’étudiants étrangers dans les établissements français, soit dans le cadre
des filières existantes, soit dans le cadre de formations adaptées à leurs besoins
spécifiques, est une préoccupation majeure de l’Etat français. A ce titre, un Conseil
national pour le développement de la mobilité internationale des étudiants a été créé
par un arrêté du 9 octobre 2003. Il a pour mission de proposer des améliorations à
l’information sur la mobilité entrante et sortante et aux dispositifs d’appui à la mobilité
internationale des étudiants.
Cette mobilité étudiante est également organisée par des accords sur la
reconnaissance réciproque des études et des diplômes qui permettent aux
établissements d’enseignement supérieur français et étrangers de disposer de
comparaisons officielles entre les systèmes éducatifs. Un accord de ce type a été
signé le 30 septembre 2003 entre les ministres de l’éducation français et chinois.
3.4. Les initiatives françaises au niveau européen
A l’échelle de l’Europe, le ministère de l’éducation a lancé en 1998, à la Sorbonne,
un mouvement qui s’est amplifié dans le cadre du processus de Bologne. Celui-ci
vise à mettre en place un espace européen de l’enseignement supérieur. Les 18 et
19 mai 2001, la France a pris une part très active à la conférence de Prague, qui
réunissait notamment les ministres de l’éducation des Etats intéressés à ce
processus. Elle a concouru à l’élaboration des conclusions communes qui
préconisent, pour favoriser la mobilité des étudiants, des enseignants et des
chercheurs, l’adoption d’un certain nombre de dispositions : mise en place de
diplômes aisément lisibles et comparables, de systèmes d’études fondés sur deux
cursus et sur le concept des « crédits » du type ECTS.
A la conférence de Berlin, les 18 et 19 septembre 2003, la France a notamment
réaffirmé le caractère de bien public de l’enseignement supérieur et soutenu
99
l’extension de l’espace européen de l’enseignement supérieur aux cycles doctoral et
post-doctoral.
Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne au cours du second
semestre de l’an 2000, le ministère a, dans son domaine de compétence, fait de la
mobilité des étudiants et enseignants une priorité pour les Etats membres et poussé
à l’élaboration d’une stratégie européenne à cette fin. Il en est résulté un Plan
d’action pour la mobilité en 42 mesures, validé par le Conseil européen de Nice du 8
décembre 2000. Pour favoriser la mobilité et, par là, l’émergence d’une Europe de la
connaissance, les Etats membres se sont accordés pour reconnaître l’utilité qui
s’attache à la réalisation de quatre grands objectifs : favoriser la mobilité en formant
les personnes et en développant le plurilinguisme, mobiliser les moyens disponibles
pour financer la mobilité, multiplier les formes de la mobilité et améliorer l’accueil,
valoriser les périodes de mobilité. Avec les universités européennes d’été organisées
dès l’été 2000, comme à travers d’autres mesures et incitations, la mise en
application du plan est d’ores et déjà bien engagée.
Dans le domaine de la formation professionnelle, la France a été, en septembre
2001, à l’origine d’un projet de construction de référentiels professionnels communs
à plusieurs pays pour répondre aux besoins de mobilité des travailleurs à l’échelle
européenne. Cette approche est de nature à faire progresser les travaux
communautaires sur la transparence et la qualité des qualifications. Ces référentiels
sont achevés pour deux secteurs professionnels et en cours d’élaboration dans trois
autres secteurs.
3.5. Un engagement croissant dans les échanges multilatéraux
La même conception de l’éducation comme bien public inspire les positions prises
par la France dans le cadre des négociations sur la libéralisation du commerce des
services ouvertes à l’Organisation mondiale du commerce depuis le début de l’année
2000.
Au sein de l’OCDE, La France participe activement depuis son origine au projet INES
(indicateurs de l’enseignement) et s’est largement investie dans d’autres activités du
comité de l’éducation (dont elle assure actuellement la vice-présidence), ainsi que
dans celles du Centre pour la recherche et l’innovation dans l’enseignement (CERI),
notamment le projet sur « L’école de demain ». En ce qui concerne les indicateurs,
notamment ceux relatifs aux acquis des élèves ou aux compétences des adultes, la
France soutient la thèse que les indicateurs pour être pertinents, doivent
impérativement prendre en compte les spécificités culturelles et sociales de chaque
pays
Au Conseil de l’Europe, le ministère chargé de l’éducation participe régulièrement à
des programmes tels que l’éducation à la citoyenneté démocratique, l’apprentissage
des langues vivantes, l’enseignement de l’histoire comparée, le dialogue interculturel
ou la lutte contre les stéréotypes culturels.
A l’UNESCO, qui regroupe 190 pays depuis sa conférence générale d’octobre 2003,
la France contribue à de nombreux débats et programmes, axés notamment sur la
100
mondialisation et l’enseignement supérieur, la diversité culturelle, la bioéthique et
l’éducation pour tous.
A cet égard, le forum mondial de Dakar d’avril 2000 a été une occasion de faire
valoir les conceptions françaises et de souscrire au plan d’action qui a été adopté au
terme des travaux. Le ministère est donc pleinement déterminé à agir dans son
domaine de compétence pour aider les pays en développement qui le souhaitent à
se doter des plans nationaux préconisés par le plan d’action et à les réaliser, pour
atteindre l’objectif d’une éducation pour tous.
Le MENESR est évidemment un partenaire actif des instances de la francophonie :
Conférence des ministres de l’éducation des pays ayant le français en partage,
Agence universitaire de la francophonie, Agence intergouvernementale de la
francophonie, Association internationale des maires et responsables des capitales et
métropoles partiellement ou entièrement francophones.
Tant au sein de son propre système éducatif qu’à l’extérieur, au sein de l’Union
européenne, de la francophonie institutionnelle, du Conseil de l’Europe, de l’Unesco
et d’autres enceintes, la France défend partout le principe de la diversité culturelle et
l’idée que l’éducation doit être conçue comme un bien commun accessible à tous, un
droit fondamental, un facteur essentiel de l’épanouissement personnel et d’accès à la
citoyenneté, ainsi que la condition d’un développement durable.
Conclusion du chapitre II
Le grand débat national sur l’Ecole et la préparation d’une nouvelle
loi d’orientation sur l’éducation
Aujourd’hui, la France poursuit résolument la modernisation de son système éducatif
pour le rendre plus juste, plus efficace et davantage ouvert à la réalité européenne et
internationale. Outre les nouvelles priorités concernant les divers niveaux et filières
d'enseignement, des réformes transversales ont été engagées, notamment pour
lutter contre l’illettrisme, réduire l’échec scolaire et le nombre de jeunes sortant du
système éducatif sans qualification, développer l’éducation à la citoyenneté, lutter
contre la violence scolaire, les incivilités et l’intolérance, consolider l’application des
principes fondateurs de l’école républicaine, notamment le principe de la laïcité,
valoriser la voie professionnelle des métiers, accroître l’autonomie des
établissements d’enseignement, développer une culture d’évaluation et une gestion
plus humaine des personnels.
La recherche d’un mode de pilotage conciliant unité et diversité
Tout en décentralisant et déconcentrant progressivement les responsabilités, mais
aussi en favorisant les nouveaux partenariats à tous les niveaux, le ministère de
l’éducation nationale s’est doté de nouveaux outils de pilotage, avec le souci de
maintenir une cohérence globale dans un système éducatif de plus en plus diversifié.
Cette volonté de maintenir une unité dans la diversité et de piloter le changement
avec une vision systémique permettant d’éclairer les choix de tous les acteurs et
101
partenaires de l’école est liée à la conception française d’une école républicaine qui
reste le creuset essentiel de l’intégration sociale.
Pour cette raison fondamentale et pour des raisons de justice sociale, l’Etat se doit
de conserver certaines prérogatives et ne saurait confier la régulation du système
éducatif aux mécanismes du marché. Dans le contexte de l’internationalisation
croissante et de l’émergence d’un vaste marché mondial de l’éducation et de la
formation, facilitée par l’essor des TICE, le système éducatif public est soumis à une
concurrence de plus en plus vive qui requiert une modernisation de son organisation
et une évolution des mentalités et des pratiques. Celles-ci impliquent la recherche
incessante d’un nouvel équilibre dans le partage des responsabilités aux divers
échelons de décision et de concilier, d’une part, impulsion et soutien des innovations
sur le terrain, d’autre part, respect des grands objectifs assignés à l’école de la
République.
Dans la conduite du changement, le pilotage systémique se traduit par la prise en
compte simultanée de la rénovation des contenus à enseigner, des pratiques et des
méthodes pédagogiques, de l’organisation du temps et de l’espace scolaire et, bien
sûr, de l’évolution des compétences des personnels d’éducation. Ce pilotage se
manifeste aussi par le développement d’une nouvelle culture de l’évaluation et la
généralisation des relations contractuelles et des démarches de projets partagés.
Dans le cadre de cette contractualisation, a été notamment relancée la politique des
bassins d’éducation et de formation. Le bassin n’est pas un niveau administratif ou
hiérarchique supplémentaire mais un cadre d’animation au niveau local permettant
un pilotage pédagogique de proximité et de créer des liens entre écoles et
établissements scolaires d’une même zone géographique. La mission des bassins
est aussi de permettre une gestion rapprochée des ressources humaines et de
développer les partenariats locaux, notamment avec le milieu économique et les
associations. La mise en place de réseaux intranets facilite les échanges
d’information et une mutualisation des moyens et des innovations sur le terrain.
L’impact de la réforme du fonctionnement de l’Etat induite par la loi organique
relative aux lois de finances (LOLF)
Cette révolution tranquille trouve aujourd’hui une nouvelle impulsion avec la mise en
œuvre progressive de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001,
qui modifie en profondeur le fonctionnement de l’Etat et des services publics.
L’objectif est d’accroître l’efficience, l’efficacité et la transparence des actions
publiques, en permettant notamment un contrôle beaucoup plus effectif de
l’utilisation des deniers publics par le Parlement.
Le principe de cette nouvelle approche de la gestion publique est celui d’une
budgétisation non plus par nature des dépenses mais orientée et conçue en fonction
des résultats attendus à partir d’objectifs clairement définis, dans une perspective
pluri-annuelle. Le budget sera conçu comme un ensemble de programmes
regroupant les crédits liés à la mise en œuvre d’une action ou d’un ensemble
d’actions auxquels sont associés des objectifs précis, définis eux-mêmes en fonction
de finalités d’intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l’objet d’une
évaluation (article 7 de la LOLF). Ces programmes (de l’ordre de 150 à 200) seront
regroupés en une cinquantaine de missions.
102
Dans ce nouveau cadre, pourrait être ainsi créée une mission interministérielle
« éducation » regroupant 7 programmes : enseignement primaire public,
enseignement secondaire public, enseignement scolaire privé, enseignement
supérieur, vie étudiante, jeunesse et vie associative et fonctions support33. Ces
programmes seront divisés en actions. Il ne s’agit là que d’hypothèses de travail dont
il convient de tester la faisabilité, le caractère opérationnel, les avantages et les
inconvénients eu égard aux intentions du législateur. Pour cette raison, une
expérimentation a été mise en place sur l’année scolaire 2003-2004 dans deux
académies (Bordeaux et Rennes).
L’application progressive de la LOLF (qui s’inspire partiellement de travaux antérieurs
sur les fonctions collectives et la rationalité des choix budgétaires) aura
nécessairement des répercussions importantes sur le fonctionnement du système
éducatif français et ses modalités de pilotage aux divers niveaux de responsabilité.
L’enjeu de la construction européenne et de l’internationalisation de
l’éducation
La France s’est fermement engagée dans une ouverture internationale accrue,
notamment pour favoriser un espace européen de la connaissance. Une priorité est
de favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants et de mieux utiliser les
programmes communautaires Socrates et Leonardo. Mais, plus largement, des
initiatives ont été prises pour élargir et développer les relations internationales tant
dans le domaine de la coopération bilatérale que multilatérale, notamment dans le
cadre du Conseil de l’Europe, de l’espace de la francophonie et de l’UNESCO. Cette
ouverture internationale s’effectue certes au bénéfice du système éducatif français,
mais aussi de celui de ses partenaires, car la France offre une expérience originale
dans le champ de l’éducation, par ses domaines d’excellence, mais aussi par son
souci constant de lutte contre les inégalités sociales, d’éducation à la citoyenneté et
de promotion d’une conception de l’éducation respectant la diversité culturelle et
facilitant la compréhension entre les diverses cultures.
La perspective de l’espace européen de l’enseignement supérieur et la mise en
œuvre progressive d’outils et d’indicateurs permettant de mieux comparer les
performances des systèmes éducatifs nationaux ou régionaux induisent aussi une
évolution nécessaire du fonctionnement du système éducatif français.
D’où, le souhait du Gouvernement de proposer un projet de nouvelle loi d’orientation sur
l’éducation prenant en compte à la fois le bilan de l’accomplissement de la loi de juillet 1989,
le nouveau contexte national et international et les attentes des Français, d’où l’organisation
d’une vaste consultation nationale sur les missions et le fonctionnement de l’Ecole, de
septembre 2003 à mars 2004. De fait, malgré tous les efforts accomplis, beaucoup reste à faire
pour répondre à toutes les attentes parfois contradictoires, comme l’ont montré ou confirmé
les nombreuses doléances présentées au cours de ce débat.
33
Par fonctions support, il faut entendre les fonctions transversales ou services
polyvalents non directement ventilables dans des programmes spécifiques.
103
Le débat national sur l’avenir de l’Ecole
Pour une présentation exhaustive de ce débat qui a concerné plus d‘un million de
personnes et des principales conclusions que l’on peut en tirer, on pourra se reporter
à l’ouvrage déjà cité : « Les Français et leur école – le miroir du débat », publié en
mai 2004. On se limitera ici à quelques observations présentées par la Commission
du débat national et son président Claude Thélot34, lors de la présentation du « miroir
du débat » à François Fillon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement
supérieur et de la recherche, en présence de la presse (6 avril 2004).
La diversité des attitudes et attentes vis-à-vis de l’école est telle qu’elle permet
d’éclairer les choix politiques sans les contraindre. Néanmoins quelques idées forces
ont pu émerger des quelque 13 000 débats publics, auxquels il convient d’ajouter les
forums sur l’internet, les nombreux courriers adressés à la Commission ou encore les
enquêtes auprès de publics particuliers.
Les préoccupations sont davantage d’ordre pratique que philosophique. Parmi les
thèmes discutés, celui qui l’a été le plus souvent concerne les façons de motiver et
faire travailler efficacement les élèves. Ce thème arrive largement en tête. Les autres
thèmes de discussion les plus fréquemment abordés sont par ordre décroissant :
comment lutter efficacement contre la violence et les incivilités, comment s’adapter à
la diversité des élèves, comment prendre en charge les élèves en grande difficulté,
comment faire davantage participer les parents et quel socle commun de
connaissances, de compétences et de règles comportementales les élèves doivent
maîtriser au terme de la scolarité obligatoire ?
Les questions relatives aux finalités et aux missions de l’école ou sur les valeurs ont
eu beaucoup moins de succès. Est également significative l’absence de thèmes
relatifs à la formation tout au long de la vie ou aux enjeux de la construction
européenne. L’approche dominante relève d’un pragmatisme obéissant à une
conception plutôt traditionnelle de l’école. Un paradoxe intéressant à souligner
toutefois : alors qu’est nettement apparu le sentiment d’une difficulté à comprendre le
fonctionnement de l’école et les arcanes des distinctions entre voies, filières et
séries, le thème relatif à l’aide à l’orientation des élèves a été rarement discuté.
En résumé, conscients de l’importance de l’éducation pour l’avenir de nos sociétés et
de celle du diplôme pour l’insertion professionnelle et sociale, les Français attendent
beaucoup de l’école, et de plus en plus, à la fois en termes d’efficacité et d’équité, en
souhaitant davantage de transparence et de participation.
Une première réponses aux préoccupations ainsi exprimées est l’annonce, le 30 juin
2004, des mesures prises par le Gouvernement dans le cadre du « Plan de cohésion
sociale » : rénovation de l’éducation prioritaire, création de 750 équipes de réussite
éducative au sein des 900 ZEP/REP et « d’internats de réussite éducative ».
34
Actuellement conseiller-maître à la Cour des Comptes, Claude Thélot, auteur de
nombreux ouvrages, notamment sur l’éducation et sur le travail, a une grande
expérience de l’évaluation dans le domaine de l’éducation, ayant été durant plusieurs
années directeur de l’évaluation et de la prospective du ministère, puis président du
Hcéé.
104
Ces mesures renforcent les actions menées en partenariat avec les divers acteurs
concernés, notamment les collectivités territoriales, les parents et le milieu associatif.
105
106
Conclusion générale
En France, on reproche parfois à l’Ecole de ne pas évoluer assez vite, compte tenu
des mutations rapides de son environnement économique, technologique, social et
culturel. C’est d’une part oublier que l’on attend de l’école à la fois qu’elle prépare
l’avenir mais aussi qu’elle soit un lieu de mémoire et de transmission de la culture
des générations précédentes. C’est oublier d’autre part que l’école évolue beaucoup
plus qu’on ne le pense généralement en dépit de certaines apparences.
En effet, les attentes à l’égard de l’école sont de nature paradoxale. On souhaite, à
juste titre, une éducation préparant les jeunes et les moins jeunes à vivre et travailler
dans un monde de plus en plus complexe qui requiert de nouvelles compétences et
des comportements inédits. Mais, en même temps, on attend de l’école qu’elle
prenne du recul par rapport à l’écume des vagues et au tumulte de l’actualité. La
spécificité de l’école est de faire découvrir patiemment notre héritage culturel et les
grands auteurs, d’initier à des méthodes de raisonnement et de travail intellectuel, de
développer une conscience citoyenne et de faire réfléchir aux grands enjeux d’ordre
éthique, essentiels pour l’avenir de l’humanité. A ce titre, l’école est un lieu bien
spécifique et irremplaçable de socialisation et d’initiation à des valeurs universelles
fondamentales, celles qui sont explicitées par la Déclaration universelle des droits de
l’homme de 1948 et dans les textes postérieurs de l’UNESCO, telle la Déclaration
mondiale sur l’éducation pour tous de 1990, par exemple. Ces missions de
l’éducation justifient le respect de certaines traditions et le respect de certaines
règles au sein de l’école qui peuvent paraître à certains égards anachroniques, mais
qui sont nécessaires.
Pour autant, l’école ne saurait être un sanctuaire immuable dans un monde en
mutation rapide. Elle doit donc inventer sans cesse une juste osmose avec son
environnement de manière à stabiliser les déséquilibres résultant des nouvelles
attentes, souvent contradictoires, à son égard. De fait, une analyse approfondie de
l’évolution de l’école en France montre qu’elle a beaucoup changé, notamment
depuis le début des années 1990. Ce changement ne marque pas de rupture
fondamentale avec l’évolution constatée depuis le début des années 1960.
Il reste que la loi d’orientation de 1989 - qui devrait être reformulée en 2005 - marque
une étape importante dans la voie d’une approche globale et systémique. Elle vise à
rendre le système éducatif mieux intégré, plus juste et plus efficace, étant donné le
large consensus qui règne en France sur la nature républicaine de l’école et sur ses
missions fondamentales, notamment celle d’être un creuset social.
L’école a modernisé ses programmes, ses méthodes d’enseignement, notamment en
utilisant de plus en plus les TICE et en développant des activités interdisciplinaires
favorisant un apprentissage plus actif des élèves. Un effort particulier a été accompli
pour l’éducation à l’orientation et à la citoyenneté, ainsi que pour améliorer
l’articulation entre les activités éducatives au sein de la vie scolaire et les
apprentissages au sein des disciplines d’enseignement. Le système éducatif s’est
décentralisé, favorisant ainsi les innovations sur le terrain et une certaine diversité
des approches permettant de mieux prendre en compte le contexte régional et local.
Mais le souci de maintenir l’unité de l’Ecole de la République a conduit à maintenir
107
des programmes et des examens nationaux et à inventer de nouvelles modalités de
régulation et de gouvernance, à même de limiter les risques d’accroissement des
inégalités pouvant résulter de la décentralisation, et mieux, a conduit les
gouvernements à mettre en place et développer des politiques de discrimination
positive en faveur des élèves issus de milieux défavorisés.
Cette priorité accordée à une réelle égalité des chances et à la réduction des sorties
sans qualification est un trait marquant de la politique éducative de la France.
Pourtant, en dépit de la multitude de dispositifs mis en place, l’objectif 100% d’une
génération sortant de l’école avec une qualification reconnue reste difficile à
atteindre. La minorité (environ 8%) d’une génération sortant encore sans diplôme a
conduit le Gouvernement actuel à proposer une série d’innovations, notamment dans
l’enseignement primaire, au collège et dans l’enseignement professionnel, de
manière à accroître encore la qualité de la « voie des métiers » et à revaloriser son
image dans la société française.
Après avoir fait face au défi quantitatif de l’enseignement de masse au collège, puis
au lycée et enfin à l’université, les autorités publiques ont tiré parti du contexte
démographique pour mettre davantage l’accent sur l’amélioration de la qualité et de
l’équité du système éducatif français, à tous les niveaux, en portant une attention
particulière à l’enseignement préélémentaire et élémentaire, afin que tous les élèves
puissent acquérir les compétences et savoirs fondamentaux, requis par la société
contemporaine et des prochaines années. Plus généralement, on a assisté au cours
de ces dernières années à une évolution des mentalités parmi les enseignants qui
acceptent davantage de prendre en compte la perspective de la préparation des
élèves et des étudiants à une vie professionnelle. Les initiatives récentes de
rénovation et de création des diplômes professionnels, y compris au sein des
universités, attestent de cette évolution importante.
Une autre caractéristique importante de la politique éducative en France depuis 1990
est l’importance attachée au devenir des élèves après leur sortie du système éducatif
et, plus généralement, à l’éducation tout au long de la vie, pour laquelle le secteur
public d’éducation et de formation joue un rôle moteur. De nombreuses innovations
ont été mises en place pour faciliter l’insertion des jeunes dans la vie active
(notamment les jeunes non qualifiés) et pour relancer la tradition française de
l’éducation récurrente. Les initiatives en cours pour moderniser et faciliter les
dispositifs de validation des acquis de l’expérience sont un exemple probant de cet
effort pour faire de l’éducation tout au long de la vie une réalité concrète pour tous.
Une autre dimension importante de la politique éducative en France est le souci de
l’égalité filles/garçons et de faire disparaître le paradoxe qui résulte du fait que les
filles, tout en ayant de meilleurs résultats scolaires, ont une insertion professionnelle
moins avantageuse que celle des garçons. En particulier, dans le domaine de
l’orientation, un effort est accompli pour combattre les préjugés et élargir les choix
professionnels des filles, notamment dans les domaines scientifique, technologique
et industriel.
Le souci de piloter le changement d’un système devenant plus complexe, au fur et à
mesure de la décentralisation des responsabilités et d’une plus grande autonomie
des acteurs, a conduit à développer des outils performants dans le domaine de
108
l’information statistique, de l’évaluation, de la prévision et de la communication.
Parallèlement, à tous les niveaux de décision la démarche de projets partagés a été
généralisée, la gestion des ressources humaines a été modernisée, avec un effort
particulier dans le domaine de la formation initiale et continue des enseignants, et les
relations contractuelles, depuis le niveau de la classe (relation maître/élève)
jusqu’aux relations entre l’administration centrale du ministère et les académies, sont
devenues la règle. Le souci d’une approche cohérente et systémique du
changement, conçu comme un processus global et soutenable, a également conduit
à multiplier les partenariats à tous les niveaux, tant avec les autres partenaires
publics qu’avec le milieu associatif et le secteur économique ou culturel. En
particulier, les parents d’élèves, les enseignants et les élèves sont de plus en plus
étroitement associés à l’élaboration des projets d’école ou d’établissement,
conformément à la notion de « communauté éducative » prévue par la loi
d’orientation de 1989.
Enfin, l’un des traits les plus marquants de la période récente et de la politique
actuelle est sans doute l’ouverture croissante du système éducatif français sur
l’Europe et sur le monde. Cette ouverture se manifeste par les contenus des
programmes scolaires et universitaires, les nombreuses activités destinées à
sensibiliser les jeunes aux grands problèmes internationaux (notamment l’éducation
au développement et à la solidarité internationale), le développement des sections
internationales et européennes, les échanges de plus en plus nombreux
d’enseignants, d’élèves et étudiants, la volonté d’accueillir davantage d’étudiants
étrangers, la coopération internationale dans le domaine des technologies
éducatives et du management éducatif, le maintien et la rénovation d’un réseau
important d’établissements français à l’étranger (écoles, lycées, instituts, etc.), la
participation aux activités des grandes organisations internationales et à des
séminaires d’experts sur les problèmes de l’éducation, etc. Cette ouverture
croissante a beaucoup apporté au système éducatif français, mais en contrepartie la
France a pu témoigner auprès des autres pays de son expérience et de ses choix
originaux.
En effet, si l’analyse des résultats de la politique éducative depuis 1990 ne laisse pas
apparaître que des succès, notamment dans la lutte contre l’échec scolaire ou contre
la hiérarchie de fait des voies de formation, le bilan est globalement positif : le niveau
général de formation de la population s’est considérablement élevé, de même que la
part d’une génération accédant à un diplôme, notamment de l’enseignement
supérieur. En outre, la France a développé un modèle original d’enseignement
professionnel en alternance, d’enseignement technologique court et de formations
supérieures de haut niveau, selon les normes internationales.
Toutefois, les résultats aux enquêtes internationales sur les acquis des élèves ont
montré certains aspects positifs, mais aussi des aspects plus inquiétants. En effet, si
la dernière enquête PISA en 2000 (auprès des jeunes de 15 ans) a confirmé la
relativement faible inégalité des résultats entre régions, écoles et élèves selon leur
origine sociale, en revanche, les scores obtenus par les élèves français sont en
moyenne moins bons que lors de l’enquête TIMSS de 1995 sur les mathématiques et
les sciences ou l’enquête IEA de 1990 sur les compétences linguistiques. Or,
l’évaluation dans le cadre de PISA vise à tester la capacité des élèves à appliquer
dans des situations concrètes les connaissances acquises à l’école. Il n’est donc
109
guère surprenant que les élèves français réussissent moins bien ce type de test que
des tests traditionnels de connaissances scolaires. Sans doute, convient-il de
réfléchir aux pratiques pédagogiques et aux critères d’évaluation au sein du système
éducatif français. L’approche de « La main à la pâte » dans l’enseignement
scientifique pourrait inspirer d’autres domaines disciplinaires.
Enfin, par son attachement au caractère de « bien public » de l’éducation et au rôle
d’intégration sociale de l’école, la France promeut une éducation au service des
individus et d’une société humaniste qui ne saurait la réduire à une conception
purement utilitaire, uniquement liée aux besoins d’une économie marchande. De
surcroît, la France, face au risque d’uniformisation des modes de vie et d’expression,
s’efforce au sein de son propre système éducatif, notamment dans les programmes
d’enseignement, mais aussi à l’extérieur, de promouvoir la légitime et nécessaire
diversité culturelle et linguistique. La fidélité aux principes fondateurs de l’école
républicaine n’a pas empêché la prise en compte des grandes transformations en
cours dans les domaines scientifique, technologique, économique, culturel et social,
mais elle a conduit à inventer un mode original de gouvernance du système éducatif
et de pilotage du changement permettant de maintenir l’unité et la cohérence globale
du système national d’éducation tout en favorisant une diversité qui ne remette pas
en cause la recherche de l’égalité des chances.
La politique actuelle du gouvernement français s’inscrit ainsi dans la continuité de
cette recherche d’un juste équilibre entre le respect des principes fondateurs de
l’école de la République et la nécessaire adaptation aux nouvelles exigences d’un
monde en mutation rapide.
110
BIBLIOGRAPHIE
Association française des administrateurs de l’éducation (AFAE) (2000), Quelle
Ecole républicaine pour le 21ème siècle ?, Administration et Education, n° 1 et n° 3,
Paris
AFAE (2001), Gérer, évaluer, innover, Administration et Education n°2
AFAE (2001) et (2002), Collèges et collégiens, Administration et Education n° 4 –
2001 et n° 1 – 2003
AFAE (2002), Regards sur l’enseignement professionnel, Administration et Education
n° 4 – 2002
AFAE (2003), Piloter par les résultats ?, Administration et Education n° 2 – 2003
AFAE (2003), Mixité(s), Administration et Education n° 3 – 2003
AFAE (2003), Le système éducatif français et son administration, Paris, 268 p.
Aghion Ph, Cohen E (2004), Education et croissance, Rapport du Conseil d’analyse
économique, Paris, La Documentation Française, 142 p.
Audigier F (2000), L’éducation à la citoyenneté, Paris, INRP
Ballion R (1998), La démocratie au lycée, Paris, ESF
Ballion R (2000), Les conduites déviantes des lycéens, Paris, Hachette, 238 p.
Bautier E, Rochex J-Y (1998), L’expérience scolaire des nouveaux lycéens, Paris, A.
Colin
Belloubet-Frier N (2001), Trente propositions pour l’avenir du lycée, Paris, La
Documentation Française
Best F (1997), L’échec scolaire, Paris, Puf , 128 p.
Bindé J. (2000), L’éducation au 21è siècle, Paris, Futuribles, n° 250
Boissinot M-M (2003), Pilotage pédagogique et autonomie des établissements
scolaires, CRDP Clermont-Ferrand
Bottin Y (2002), Enseigner en école, un métier pour demain, Paris, La
Documentation Française
Boudon, Bulle et Cherkaoui (éd.) (2001), Ecole et société, Paris, Puf
Brunsvick Y, Danzin A (1998), Naissance d’une civilisation, Paris, Unesco, 111 p.
Cacouault M, Oeuvrard F (2003), Sociologie de l’éducation, Paris, La Découverte,
123 p.
Charlot B, Emin J-C (1997), Violences à l’école. Etat des savoirs, Paris, A. Colin
Charlot B, (1997), Du rapport au savoir, Paris, Anthropos
Charpak G (1998),Enfants, chercheurs et citoyens, Paris, O. Jacob, 278 p.
Cohen E (2001), Un plan d’action pour améliorer l’accueil des étudiants étrangers en
France, Rapport au ministre de l’éducation nationale et au ministre des affaires
étrangères, Paris
Colardyn D (2000), Reconnaissance des compétences et apprentissage tout au long
de la vie, Administration et Education n°4
Commission du débat sur l’avenir de l’Ecole (2004), Les Français et leur Ecole- Le
miroir du débat, Paris, Dunod, 575 p.
Commission nationale française pour l'Unesco (1999), Regards sur l'éducation des
adultes en France, Paris, Documentation française
Commission nationale française pour l'Unesco (2000), Le nouveau métier
d'enseignant (dir. B. Cornu), Paris, Documentation française
Commission nationale française pour l'Unesco (1999 et 2000), Le droit à l'éducation :
vers de nouveaux contenus pour le XXIème siècle, Sèvres, CIEP, 2 tomes
111
Cousin O (1998), L’efficacité des collèges, Paris, Puf
Cros F (dir.) (1998), Dynamique du changement en éducation, Paris, INRP, 345 p.
Cros F, Obin J-P (2003), Attirer, former et retenir des enseignants de qualité, rapport
de base pour la France, Paris, OCDE
Darcos X, Meirieu Ph (2003), Deux voix pour une école, de Brouwer, 303 p.
Debarbieux E (1996), La violence en milieu scolaire, Paris, ESF
Decomps B (2001), Une nouvelle ambition pour la voie technologique au lycée,
Rapport au ministre de l’éducation nationale et au ministre délégué, Paris
Delors J (dir.) (1996), L’éducation, un trésor est caché dedans, rapport pour
l’Unesco, Paris, O. Jacob et Unesco, 311 p.
Demailly L (2000), Evaluer les politiques éducatives, Bruxelles/Paris, De Boeck
Université
Derouet J-L, Dutercq (1997), L’établissement scolaire, autonomie locale et service
public, Paris, ESF
Derouet J-L (dir.) (2003), Le collège en questions, Paris, Puf, 410 p.
Dubet F (dir.) (1997), Ecole, familles : le malentendu, Paris, Textuel
Dubet F (1999), Pourquoi changer l’école ?, Paris, Textuel
Dubet F et al. (1999), Le collège de l’an 2000, Rapport à la ministre, Paris, La
Documentation Française
Dubet F, Duru-Bellat M (2000), L’hypocrisie scolaire. Pour un collège enfin
démocratique, Paris, Seuil
Durand-Prinborgne C, Legrand A (2002), Code de l’éducation, Paris, LITEC, 2002
Duru-Bellat M, Mingat A (1993), Pour une approche analytique du fonctionnement du
système éducatif, Paris, Puf
Duru-Bellat M, Van Zanten A (1999), Sociologie de l’école, Paris, A. Colin, 252 p.
Duru-Bellat M (2002), Les inégalités sociales à l’école, Paris, Puf
Dutercq Y (2000), Politiques éducatives et évaluation, Paris, Puf, 194 p.
Guillot G (2000) Quelles valeurs pour l’école du XXIè siècle ?, Paris, L’Harmattan
Gonnet J (1997), Education et médias, Paris, Puf, 128 p.
Goux D, Maurin E (1997), Démocratisation de l’école et persistance des inégalités,
Economie et Statistique 306, Paris
Goux D, Maurin E (1997), Destinées sociales : le rôle de l’école et du milieu d’origine,
Economie et Statistique 306, Paris
Haug G, Tauch C (2001), Vers l'espace européen de l'enseignement supérieur :
étude des principales réformes de Bologne à Prague, Helsinki, Office national
finlandais pour l'éducation et Commission européenne
Haut Conseil de l’évaluation de l’école (octobre 2003), Eléments de diagnostic sur le
système scolaire français, Avis n° 9
Inspection générale de l’administration de l’éducation et de la recherche (IGAENR) et
Inspection générale de l’éducation nationale (IGEN) : rapports annuels
IGEN (1997), Le collège, 7 ans d’observations et d’analyses, Paris : CNDP/Hachette
Education, 373 p.
IGEN (1997), Exclusion et pauvreté en milieu scolaire, Paris : CNDP/Hachette
Education, 112 p.
IGEN (1998), L’absentéisme des lycéens, Paris : CNDP/hachette Education
IGAEN/ IGEN (2003), La formation initiale et continue des maîtres, Rapport au
Ministre de l’éducation nationale, Paris
112
Institut Européen d’Education et de Politiques Sociales (IEEPS) (2001), Les
indicateurs comme outils des politiques éducatives (coord. N . Bottani), Revue
Politiques d’éducation et de formation (POLEF) n° 3, Paris/Bruxelles, IEEPS/de
Boeck Université
IEEPS/EPICE (2003), Former les enseignants, revue POLEF n° 8 Paris / Bruxelles,
de Boeck Université
IEEPS/EPICE (2004), Gouvernance de l’enseignement supérieur, revue POLEF n°10
Kambouchner D (2000), Une école contre l’autre, Paris, Puf, 316 p.
Joutard P, Thélot C (1999), Réussir l’Ecole, Paris, Seuil, 291 p.
Lelièvre C (1996), L’école à la française en danger ?, Paris, Nathan
Louis F (1997), Décentralisation et autonomie des établissements, Paris, Hachette
Mallet D, Balme P, Richard P (2002), Réglementation et management des
universités françaises, Paris, Berger-Levrault
Mayor F., Bindé J (1999), Un monde nouveau, Paris, O. Jacob
Meige-Courteix M-C (1999), Les aides spécialisées au bénéfice des élèves, Paris,
ESF
Meirieu P, Guiraud M (1997), L’école ou la guerre civile, Paris, Plon
Meirieu P (2000), L’école et les parents. La grande explication, Paris, Plon
Merle P (1998), Sociologie de l’évaluation scolaire, Paris, Puf, 123 p.
Meuret D (dir.) (1999), La justice du système éducatif, Paris/ Bruxelles, de Boeck U.,
249 p.
Michel A (1993), Le pilotage d’un système complexe : l’éducation nationale,
Administration et Education n° 2
Michel A.(1996), Les compétences de base pour le 21è siècle, Futuribles, n° 210
Michel A (1999), L’école en quête d’équité, Administration et Education, n°1
Michel A (2000), Une école pour un monde nouveau, Futuribles, n° 252
Michel A (2000), Evaluer pour piloter, Revue internationale d’éducation n°26, CIEP
Ministère de l’éducation nationale (2000), L’état de l’Ecole, Paris, DPD, publication
annuelle
Ministère de l'éducation nationale (2000), Repères et références statistiques sur les
enseignements, la formation et la recherche, Paris, DPD, publication annuelle
Ministère de l’éducation nationale, ministère des affaires étrangères (2000),
Education pour tous, bilan à l’an 2000, rapport de la France pour la Conférence
mondiale de l’éducation à Dakar, Paris
Ministère de l’éducation nationale (2000), Les enseignants et les TICE, Education et
formations, n° 56, Paris : DPD/MEN, 176 p.
Ministère de l’éducation nationale, Rapports annuels du médiateur, La
Documentation Française
Moisan C, Simon J (1997), Les déterminants de la réussite scolaire en ZEP, INRP
Morin E (2000), Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Paris, Seuil
Musselin C (2001), La longue marche des universités françaises, Paris, Puf
Obin J-P (1996), Les établissements scolaires entre l’éthique et la loi, Paris, Hachette
Obin J-P (dir.) (2000), Questions pour l’éducation civique, Paris, Hachette, 288 p
Obin J-P (2003), Enseigner, un métier pour demain, La Documentation Française
OCDE (2001), Quel avenir pour nos écoles ?, Paris, CERI, 278 p.
Pair C (1998), Faut-il réorganiser l’Education nationale ?, Paris, Hachette, 144 p.
Peretti H (2002), Code de l’éducation commenté, Paris, Berger-Levrault
113
(de) Peretti A (2000), Pour l’honneur de l’école, Paris, Hachette
Prost A (1997), Education, société et politiques, Paris, Seuil
Schnapper D (2000), L’école du citoyen, Administration et Education, n°1, 11 p.
Schnapper D (2000), Qu’est-ce que la citoyenneté ?, Paris, Gallimard, 320 p.
Thélot C (1993), L’évaluation du système éducatif, Paris, Nathan,160 p.
Toulemonde B (dir.) (2003), Le système éducatif en France, Paris, La Documentation
Française, 191 p.
Thélot C (1999), Les inégalités devant l’école, Administration et Education n°1, 13 p.
Van Zanten A et al. (2000), L’école, l’état des savoirs, Paris, La Découverte
Vaniscotte F, Laderrière P (dir.) (2002), L’Ecole : horizon 2020, L’Harmattan, 209 p.
Van Zanten A (2004), Les politiques d’éducation, Paris, Puf, 126 p.
Wievorka M (dir.) (1997), Une société fragmentée ?, Paris, La Découverte, 319 p.
114
Sigles et abréviations
AEFE
AFPA
ANPE
BCD
BEP
BO
BTS
CAP
CAVL
CDI
CE1
CE2
CEFISEM
Agence pour l’enseignement français à l’étranger
Association pour la formation professionnelle des adultes
Agence nationale pour l’emploi
Bibliothèque - centre documentaire (enseignement primaire)
Brevet d’études professionnelles
Bulletin officiel de l’éducation nationale
Brevet de technicien supérieur (diplôme de niveau bac+2)
Certificat d’aptitude professionnelle
Conseil académique de la vie lycéenne
Centre d’information et de documentation (dans les collèges et les lycées)
Cours élémentaire première année
Cours élémentaire deuxième année
Centre pour la formation, l’information et la scolarisation des enfants
migrants
CEREQ Centre d’études et de recherches sur l’emploi et les qualifications
CFA
Centre de formation d’apprentis
CFI
Crédit formation individualisé
CIEP
Centre international d’études pédagogiques (situé à Sèvres)
CIF
Congé individuel de formation
CIO
Centre d’information et d’orientation
CITE
Classification internationale type de l’enseignement (ISCED en anglais)
CLEMI
Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information
CLIPA
Classe d’initiation pré-professionnelle par alternance
CLIS
Classe d’intégration scolaire
CM1
Cours moyen première année
CM2
Cours moyen deuxième année (5ème année de l’école élémentaire)
CNAM
Conservatoire national des arts et métiers
CNDP
Centre national de documentation pédagogique
CNE
Comité national d’évaluation (des universités)
CNED
Centre national d’enseignement à distance
CNESER Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche
CNP
Conseil national des programmes
CNVL
Conseil national de la vie lycéenne
COP
Conseiller d’orientation psychologue
CRDP
Centre régional de documentation pédagogique
CP
Cours préparatoire (1ère année de l’enseignement élémentaire)
CPC
Commission professionnelle consultative
CPE
Conseiller principal d’éducation
CPGE
Classe préparatoire aux grandes écoles
CSEN
Conseil supérieur de l’éducation nationale
CVL
Conseil des délégués pour la vie lycéenne
DEA
Diplôme d’études approfondies (diplôme de 3ème cycle en vue du doctorat)
DESS
Diplôme d’études supérieures spécialisées (bac +5)
DEUG
Diplôme d’études universitaires générales (bac+2)
DEUP
Diplôme d’études universitaires professionnalisées (bac+2)
DEUST Diplôme d’études universitaires en sciences et techniques (bac+2)
DIE
Dépense intérieure d’éducation
DIIJ
Délégation interministérielle à l’insertion des jeunes
115
DOM
DRH
DUT
ECJS
EPLE
EPS
EREA
GRETA
Hcéé
IEA
IEEPS
IGAENR
Département d’outre-mer
Direction des ressources humaines (une dans chaque académie)
Diplôme universitaire de technologie (bac+2)
Education civique, juridique et sociale
Etablissement public local d’enseignement
Education physique et sportive
Etablissement régional d’enseignement adapté
Groupement d’établissements scolaires (pour la formation continue)
Haut Comité d’évaluation de l’école
Association internationale pour l’évaluation des performances des élèves
Institut européen d’éducation et de politiques sociales
Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la
recherche
IGEN
Inspection générale de l’éducation nationale
INRP
Institut national de recherche pédagogique
IPES
Indicateurs de pilotage des établissements scolaires
IREDU Institut de recherche en économie de l’éducation (Université de Bourgogne)
IUFM
Institut universitaire de formation des maîtres
IUP
Institut universitaire professionnel
IUT
Institut universitaire de technologie
LEGT
Lycée d’enseignement général et technologique
LP
Lycée professionnel
MEN ESR Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la
Recherche
MGI
Mission générale d’insertion
MIAGE Maîtrise d’informatique appliquée à la gestion (diplôme universitaire)
MSG
Maîtrise des sciences de gestion (diplôme universitaire)
MST
Maîtrise de sciences et techniques (diplôme universitaire)
PISA
Programme international de suivi des acquis des élèves (OCDE)
PIB
Produit intérieur brut (agrégat de la comptabilité nationale)
PNI
Programme national d’innovation
PPCP
Projet pluridisciplinaire à caractère professionnel
RASED Réseau d’aides spécialisées aux enfants en difficulté
REP
Réseau d’éducation prioritaire
SEGPA Section d’enseignement général et professionnel adapté
SMS
Sciences médico-sociales
STI
Sciences et technologies industrielles
STL
Sciences et technologies de laboratoire
STS Section de technicien supérieur (classe post-bac de lycée préparant au BTS)
STT
Sciences et technologies tertiaires (économie et gestion)
SVT
Sciences de la vie et de la Terre
TIMSS Troisième enquête internationale en mathématiques et en sciences
TOM
Territoire d’outre-mer
TPE
Travaux personnels encadrés
TICE
Technologies de l’information et de la communication dans l’éducation
TRACE Trajet d’accès à l’emploi
U3M
Plan de développement de « l’université du troisième millénaire »
VAE
Validation des acquis de l’expérience
VAP
Validation des acquis professionnels
ZEP
Zone d’éducation prioritaire
116
Nomenclature française des niveaux de formation
Ce document utilise pour désigner les niveaux de formation la nomenclature fixée par
la Commission statistique nationale de la formation professionnelle et de la
promotion sociale, qui distingue les niveaux suivants :
Niveau VI : sorties du premier cycle du second degré (6ème, 5ème, 4ème) et des
formations pré-professionnelles en un an (notamment des classes préparatoires à
l’apprentissage).
Niveau V bis : sorties de 3ème générale, de 4ème et de 3ème technologiques et
des classes du second cycle court avant l’année terminale.
Niveau V : sorties de l’année terminale des cycles courts professionnels et abandons
de la scolarité du second cycle long avant la classe terminale.
Niveau IV : sorties des classes terminales du second cycle long et abandon des
scolarisations post-baccalauréat avant d’atteindre le niveau III.
Niveau III : sorties avec un diplôme de niveau bac + 2 (DUT, BTS, DEUG, écoles
des formations sanitaires et sociales, etc.).
Niveaux II et I : sorties avec un diplôme de second ou troisième cycle universitaire,
ou un diplôme de grande école.
117
Quelques données chiffrées sur le système éducatif français
En 2003, 14,33 millions d’élèves et étudiants (enseignement public et privé)
6, 53 millions d’élèves dans l’enseignement primaire (préélémentaire et élémentaire)
(57 790 écoles)
3, 27 millions d’élèves en collège (4 premières années de l’enseignement
secondaire)
(6970 collèges)
1,51 million d’élèves en lycée d’enseignement général et technologique (LEGT)
(2610 LEGT)
698 000 d’élèves en lycée professionnel (LP)
(1730 LP)
119 000 d’élèves dans l’enseignement spécialisé
2, 21 millions d’étudiants dans l’enseignement supérieur
dont : 1, 52 million d’étudiants à l’université (y compris 114 000 en IUT) (87
universités)
378 000 élèves de diverses écoles
72 000 élèves en classes préparatoires aux grandes écoles
240 000 élèves en sections de techniciens supérieurs (STS) des lycées
Environ 160 000 étudiants étrangers, dont 82 000 originaires de l’Afrique, 26 200
de l’Union européenne (des 15), 23 750 d’Asie, 15 700 d’Europe hors U. E. et 11 400
d’Amérique.
Environ 1,3 million de personnels, dont plus de 1 million d’enseignants (public +
privé sous contrat)
318 000 enseignants dans l’enseignement primaire public (78,5 % de femmes)
429 000 enseignants dans l’enseignement secondaire public (57 % de femmes)
74 000 enseignants dans l’enseignement supérieur public (34 % de femmes)
43 000 enseignants et enseignants stagiaires dans les IUFM (66 % de femmes)
300 000 personnels administratifs, techniques, d’éducation et d’encadrement
118
119