Supply Chain Magazine 99

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Supply Chain Magazine 99
QUESTION D’ACTUALITÉ
©C.CALAIS
L’homme est responsable face à la Nature.
Les glaciers de la Meije, dans le massif
des Ecrins, reculent chaque année.
Mobilisation générale
en faveur de la Cop21
« Nous comptons sur vous » :
ce slogan de la Cop21,
qui se tiendra du
30 novembre au
11 décembre à Paris,
montre que lutter contre
le réchauffement climatique
passe par la mobilisation
de tous les acteurs.
Des responsables d’entreprise
nous livrent leurs attentes
et initiatives pour limiter
le réchauffement à moins
de 2°C d’ici 2100.
©COP21-F.CHEVALIER
Secteurs émetteurs de gaz
à effet de serre
E
n 2012, la température planétaire moyenne a augmenté de 0,89°C par rapport à la moyenne du XXe siècle, engendrant de graves conséquences.
C’est pourquoi la 21e Conférence des parties de la Convention-cadre des
Nations unies sur les changements climatiques de 2015 (dite Cop21/
CMP11), aussi appelée « Paris 2015 », est une échéance cruciale. Elle se
tient au Bourget du 30 novembre au 11 décembre 2015, sous la présidence de la
France. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
(CCNUCC), qui a vu le jour en 1992 afin de réduire le réchauffement global de la
planète, rassemble aujourd’hui 195 parties. Elle doit aboutir à un nouvel accord
international sur le climat, applicable à tous les pays, en vue de maintenir le
réchauffement mondial en deçà de 2°C d’ici 2100. Elle veut aussi faire mobiliser
100 Md$ (92 Md€) par an par les Etats, les organisations internationales et le secteur privé à partir de 2020. Elle aidera de plus les pays en voie de développement
à lutter contre le dérèglement climatique.
Une démarche collaborative
Selon les contributions de 146 Etats publiées fin octobre, la trajectoire mondiale des
émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) nous situerait en 2030 vers un réchauffement compris entre 2,7 et 3,5°C en 2100. Le pire scénario, avec un réchauffement
proche des 4,5°C voire 6°C correspondant aux trajectoires actuelles d’émissions et
considéré jusqu’ici par les scientifiques comme le plus
probable, s’éloigne. L’objectif des 2°C d’ici 2100 pourra
être atteint à condition d’accélérer la dynamique. Lors
de la Cop21, les organisations de la société civile pourront présenter leurs projets, leurs initiatives et leurs
solutions contre les bouleversements climatiques dans
des espa-ces Générations climat, une 1ère dans l’histoire
des Cop. L’Agenda des solutions, héritage du Sommet
sur le climat organisé en septembre 2014 à New-York,
recouvre des initiatives coopératives à long terme, portées par les Etats et de la société civile, dont les entreprises. Ces solutions se fondent sur une démarche
collaborative, une logique de transformation en profondeur et une approche scientifique des objectifs de
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N°99 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - NOVEMBRE 2015
Réduire
la consommation
énergétique des SI
Le refuge du col du palet dans le parc de la Vanoise est équipé
d’une station énergétique autonome de Powidian depuis juin 2015.
A gauche, Gérald Karsenti,
PDG de Hewlett Packard Enterprise
France et à droite, Jean-Paul Alibert,
Président France T-Systems
Pour faire tourner les systèmes d’informations logistiques, il faut des serveurs et des datacenters énergivores.
Leur consommation d’énergie doit
être réduite. Jean-Paul Alibert, Président France de l’Allemand T-Systems,
qui possède des datacenters en
Europe et en Asie, explique : « Tous les
2 ans, pour fournir la même puissance,
nous divisons la consommation énergétique par 2. Notre PUE (Power
Usage Effectiveness) se situe en
moyenne entre 2,1 et 2,3, jusqu’à 1,7
pour le plus performant, ce qui signifie
que pour 1 Watt consommé par l’informatique, il en faut 1,7 Watt à l’entrée
du datacenter quand le PUE des centres chez nos clients varie de 3 à 5. Il
faut fermer les vieux datacenters ». « A
notre niveau, nous offrons des solutions
d’optimisation de consommation énergétique des datacenters », met en
avant Gérald Karsenti, PDG de Hewlett Packard Enterprise France, qui propose des capacités de stockage de
données et des serveurs. ■ CC
TK’Blue Agency, le cercle vertueux de la valorisation
©C.POLGE
©C.CALAIS
©C.CALAIS
Solutions Cop21 du 4 au 10 décembre au Grand Palais à Paris
et la galerie des Solutions du 2 au 9 décembre au Bourget
valorisent les solutions pour le climat développées par la société
civile et les entreprises. 3 entreprises présentes exposent leurs
solutions et attentes. Pierre Langer, Fondateur de Powidian,
propose des stations énergétiques autonomes à hydrogène
pour remplacer les générateurs diesel : « On n’avance pas sans
des initiatives telles que les Cop. Les pays doivent investir pour
accélérer la transition énergétique. Et les achats publics doivent donner l’exemple en acquérant les solutions innovantes
développées par des start-up, ce qui crée un effet d’entraînement sur le marché ». Algo Paint-Felor offre une peinture à
Pierre Langer,
Fondateur de Powidian base d’algues qui contribue à la qualité de l’air intérieur du
logement. Les algues sont récoltées à moins d’1h de l’usine, privilégiant une filière
amont courte, et la peinture utilise la partie minérale de l’algue, jusqu’ici déchet
ultime. « La Cop21 est nécessaire pour montrer au consommateur final qu’il est lui
aussi acteur à travers ses achats, que des alternatives dans la façon de consommer
existent », souligne Lionel Bouillon, son PDG. Marlène Gallien, Directrice Générale
de Rondino, fabricant de mobilier urbain en bois engagé dans une démarche globale de développement durable, présente au Grand Palais l’e-banc Armor, banc
doté d’un mât avec un panneau solaire alimentant une sortie connectique USB :
« Il faut que les gouvernements imposent des actions fortes, sans quoi nous mettons en péril l’avenir de nos enfants ». ■ CC
©C.CALAIS
Des entreprises engagées à la Cop21
Philippe
Mangeard,
Président
de TK’Blue
Agency
Créée en 2012, TK’Blue Agency est une
agence de notation extra-financière de l’empreinte environnementale du transport
organisée en plate-forme collaborative. Son
but : valoriser les engagements et les efforts
écoresponsables des acteurs de la chaîne
transport et améliorer la performance de la
Supply Chain, tout en répondant aux nouvelles obligations réglementaires européennes.
« 700 Md€ par an, c’est le coût des externalités négatives [NDLR : conséquences de la pollution de l’air, des congestions, accidents, du
bruit, du changement climatique…] payées par
la collectivité européenne ! », met en avant Phi-
lippe Mangeard, Président de TK’Blue Agency,
tout en rappelant la pression réglementaire
accrue et la responsabilité du transport en
matière d’émission de GES (1/4 des émissions).
Ainsi, sur la base d’une méthode de calcul et de
transmission de données ETKBA certifiée par
Veritas et Afnor et d’un référentiel complet,
TK’Blue labellise les transporteurs impliqués
dans des démarches écoresponsables et note les
chargeurs en fonction de leur degré de recours
à ces transporteurs. Une manière d’encourager
les comportements vertueux dans une démarché objective et simplifiée par un outil de
« Notation as a Service ». ■ CP
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QUESTION D’ACTUALITÉ
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réduction des GES. Elles doivent rechercher et favoriser les co-bénéfices de l’action
climat, en matière de lutte contre la pauvreté et d’objectifs de développement durable. Un plan d’action concret et crédible, assorti d’objectifs clairs, chiffrés, à horizon 2020, 2030 et 2050 doit être bâti.
©DR
Gabriel Gillet,
Consultant,
Axoma.
©C.CALAIS
Jérôme Douy Directeur
Délégué pôle développement durable et
Anne Sandretto, Déléguée Générale
Overseas, TLF
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Des impacts majeurs sur la Supply Chain
« La Cop21 permettra de mesurer la capacité de mise en œuvre d’une politique
concertée à un niveau mondial, et non celle de vœux pieux. A la Cop21, si les intentions de diminution des aides aux énergies fossiles, et de report des coûts liés au
réchauffement climatique sur leurs responsables devenaient réalité (ce qui est déjà le cas pour les entreprises
éligibles au marché carbone, issu du protocole de Kyoto),
le choc de coût à supporter par les Supply Chains serait
majeur, estime Gabriel Gillet, Consultant chez Axoma:
Que cela soit au niveau du transport amont et aval, ou
des schémas productifs, les stratégies d’optimisation
seraient à repenser et des investissements en faveur de
solutions alternatives à envisager. La Cop21 pourrait aussi
être l’occasion d’établir une feuille de route mondiale qui
oriente les financements vers les projets limitant le
réchauffement climatique ou permettant de s’y adapter.
Aussi les attentes en termes d’accompagnement et d’incitations à une échelle transnationale à la mise en œuvre de plans de transition énergétique seront grandes. »
Une part des 100 Md$ d’aide aux pays en voie de développement pourrait servir à
financer des infrastructures optimisées en termes d’émission de GES, donc contribuer indirectement à des Supply Chains plus « vertes ». C’est aussi l’opportunité de
transferts technologiques « Nord- Sud » en faveur de modes de production ou de
conception de produits plus respectueux de l’environnement. Et Gabriel Gillet de
poursuivre : « On ne peut plus penser nos Supply Chains sans prendre en compte
leur coût énergétique, et bien que nombre d’acteurs innovent, trop peu d’entreprises
ont pris conscience des défis à relever. Des leviers d’actions sont identifiés tout le
long de la chaîne, de la conception produit à la gestion de déchets. Sur le terrain,
les décideurs, guidés par l’optimisation des coûts ou la construction d’une position
stratégique, ont encore du mal à prendre en compte dans leurs choix l’optimisation
environnementale, perçue comme dissociée des enjeux économiques. Il faut l’intégrer dans les modèles décisionnels. Axoma aimerait proposer un modèle de « monétisation des gains écologiques », inspiré des calculs de SROI (ROI Social) valorisant
les investissements socio-responsables. On pourrait imaginer une rétribution économique, sous la forme de crédit d’impôt par exemple, des gains ainsi monétisés ».
Des mesures incitatives attendues par les professionnels
Les approches Supply Chain des entreprises fondées sur l’optimisation des coûts
(Lean Manufacturing, recherche opérationnelle, éco-packaging, Reverse Logistics)
sont porteuses de synergies en réduisant les émissions de GES. Des initiatives innovantes, comme les éco-parcs, pensés comme des écosystèmes industriels, cherchent
aussi à optimiser l’impact écologique global. Edouard Barreiro, Directeur des affaires publiques Europe de l’Ouest
d’UPS, qui teste en 2016 la livraison à vélo et à pied depuis
une remorque de 3,5 t à Paris appelle à « des solutions
simples et éco-réalistes ». « La Cop21 doit relancer la
dynamique de la feuille de route de la transition écologique issue de la conférence environnementale de novembre 2014 », espère Anne Sandretto, Déléguée Générale
Overseas de l’Union des Entreprises de Transport et de
Logistique de France (TLF). Représentée par le Medef à la
Cop21, TLF explique les différents niveaux d’attentes des
professionnels du secteur :
■ la réelle mise en place de réseaux de distribution d’éner-
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©C.CALAIS
22 innovations au banc d’essai à Paris
La Mairie de Paris, qui permet en ce moment à 22 entrepreneurs innovants d’expérimenter leurs solutions de
logistique durable dans la capitale, se félicite : « La Cop21
est l’occasion de démontrer que la ville œuvre dans le bon
sens. Nous allons faire des démonstrations d’initiatives
privées, notamment de nouveaux véhicules », annonce
Hervé Levifve, Conseiller technique qualité de l’air, circulation, transport de marchandises, stationnement. « Il n’y
a qu’une Terre !, s’exclame Marc Lanciaux, Green Logistic, un des 22 entrepreneurs sélectionnés par Paris, qui
teste sa palette éco-conçue et très légère. Le virage doit se
faire rapidement. Il faut des moteurs qui soient de vrais modèles et que tout le
monde se mobilise dans une charte responsable. Le développement durable est avant
tout une philosophie. » ■ CHRISTINE CALAIS
Principaux impacts
des changements climatiques.
Yannick Buisson
Directeur
Général
de FM Logistic
©C.CALAIS
Les entreprises veulent du concret
Les entreprises sont pragmatiques et espèrent que la Cop21 aura des effets induits
positifs. Philippe Bottrie, Directeur des affaires publiques d’Airbus, qui augmente la
capacité de ses avions pour en restreindre le nombre en circulation, souhaite une
meilleure maîtrise des flux autour des aéroports. Elle limiterait ainsi le nombre
d’avions et le temps de vol et d’attente. Euro Cargo Rail, filiale de Deutsche Bahn,
attend des trains mieux chargés et plus longs, les trains en France étant limités
aujourd’hui à 750 m. Marc Bazenet, Directeur du Cluster logistique urbaine durable espère une sensibilisation des collectivités locales afin qu’elles conservent des
zones portuaires pour la logistique. Pour Yannick Buisson, Directeur Général de
FM Logistic, « Il faut démocratiser et faciliter l’accès au GNL, en densifiant le réseau
de stations, un système vertueux pour les entreprises qui investissent dans des dispositifs verts. Nous-mêmes sommes engagés depuis 2012 dans un plan à 10 ans de
réduction de la consommation d’énergie de 3 % par an. Les audits énergétiques que
nous faisons réaliser en France vont être déployés dans nos filiales étrangères. Nous
travaillons avec TK Blue pour accompagner nos transporteurs dans la mesure de leur
empreinte carbone. Notre petite flotte de 50 moteurs est aux normes Euro V. Nous
testons les véhicules à gaz dans le Nord et réfléchissons au passage à Euro VI. »
Carole Gallien, Dirigeante de Loire Palettes, qui fabrique 3,5 M de palettes par an,
dont le bois provient de forêts à moins de 200 km, analyse : « Après le bilan carbone, la Cop21 va jouer encore plus sur nos clients qui veulent communiquer et
avoir une bonne image. Ce sont d’ailleurs eux, comme LPR ou Danone, qui nous ont
amenés vers une Supply Chain durable ».
©COP21-F.CHEVALIER
gie alternative dédiés au transport (électricité, gaz, GNV,
hydrogène) ;
■ des incitations financières opérationnelles, notamment pour le déploiement des véhicules à énergie propre ;
■ la prise en compte des problématiques concurrentielles
et économiques qui rendent difficile pour certaines
entreprises la mise en œuvre de la transition écologique ;
■ la simplification de la réglementation et des outils et
indicateurs de développement durable.
« Affichage CO2, charge CO2, bilan GES, audits énergétiques, c’est un mille-feuille, souligne Jérôme Douy,
Directeur Délégué de TLF au pôle développement durable. Nous attendons néanmoins avec impatience le label CO2 car il va valoriser les
entreprises les plus vertueuses sur le marché. Il est présenté à l’occasion de la
CopP21 puis sera lancé en janvier 2016 : délivré par les services de l’Etat, il certifiera le niveau de performance environnementale.»
A gauche,
Hervé Levifve,
Conseiller technique
qualité de l’air,
circulation, transport
de marchandises,
stationnement de
la Mairie de Paris
et à droite
Marc Lanciaux,
Green Logistic
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