palourde japonaise

Transcription

palourde japonaise
Approche écophysiologique de la Maladie de l’Anneau
Brun chez la palourde japonaise, Ruditapes
philippinarum : expérimentations et modélisation
J ONATHAN FLYE SAINTE MARIE
Résumé
La Maladie de l’Anneau Brun est une maladie qui affecte la palourde japonaise,
Ruditapes philippinarum, induite par le pathogène bactérien Vibrio tapetis. Cette pathologie a été observée pour la première fois dans le Finistère Nord (France) en 1987.
L’agent pathogène entre dans les sinus extrapalléaux de la palourde (espace situé entre
le manteau et la coquille), perturbe la production normale de périostracum et induit une
déposition anomale de conchioline sur la face interne de la coquille. Les palourdes infectées présentent de ce fait un dépôt brun sur la face interne des valves, qui a donné
son nom à la maladie. Des mortalités massives peuvent être associées à cette maladie
qui a ainsi un impact sur l’aquaculture. L’objectif de cette thèse, basée à la fois sur des
démarches de modélisation et expérimentales, est de mieux comprendre les liens entre
l’environnement, la physiologie de l’hôte et le développement de la maladie, la relation
entre l’énergétique de l’hôte et la maladie ; à été fait l’objet d’une attention particulière.
La première partie de ce manuscrit décrit la construction d’un modèle d’interactions
entre l’environnement, l’hôte et le pathogène. En premier lieu, le chapitre 2 décrit le
développement d’un modèle de croissance de la palourde japonaise basé sur le concept
du Scope For Growth. Ce modèle a permis de simuler la croissance, la reproduction et
l’indice de condition de la palourde sous le forçage de la disponibilité trophique et de
la température. Ce travail montre la difficulté d’estimer la disponibilité trophique pour
une espèce endogée telle que la palourde pour qui le microphytobenthos et la matière
détritique doit représenter une part non négligeable du régime alimentaire. Ainsi, la
chlorophylle a dans la colonne d’eau n’est pas un bon estimateur de la ressource trophique de la palourde japonaise. Par ailleurs, ce modèle met en évidence la difficulté
pour valider un modèle individuel lorsque des phénomènes asynchrones tels que les
pontes ont lieu au sein de la population.
Le modèle d’interactions entre l’environnement l’hôte et le pathogène présenté dans
le chapitre 3 tente de lier le développement de la maladie au bilan énergétique de la
palourde. La partie hôte du modèle est basée sur le modèle développé dans le chapitre
2 : le système de défense est lui sous la dépendance de l’indice de condition et de la
température. Des individus différents d’un point de vue phénotypique ont été simulés
en faisant varier des valeurs de paramètres du modèle impliqués dans des fonctions
supposée critiques dans le développement de la maladie. Cette variabilité phénotypique
permet de fournir une explication potentielle à la variabilité inter–individuelle observée
dans le développement de la maladie.
La seconde partie de ce manuscrit est basée sur des observations de terrain. Le
chapitre 4 présente les résultats d’un suivi conjoint des paramètres hémocytaires, des
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facteurs environnementaux (température, ressource trophique et salinité), des maladies
(MAB et perkinsose) dans le Golfe du Morbihan. Les résultats montrent la forte variabilité des paramètres hémocytaires et indiquent que parmi les facteurs mesurés, la
température et la taille des palourdes sont les plus influents sur cette variabilité. Au
cours de ce suivi, la prévalence et l’intensité de la MAB étaient faibles et il n’a pas été
possible de mettre en évidence de relation significative entre la présence de la maladie
et les paramètres hémocytaires. Sur la base de ces résultats le chapitre 6 compare et
discute les hypothèses posées lors de la construction du modèle. Ces résultats ne permettent pas de confirmer que le développement de la maladie puisse être contrôlé par le
bilan énergétique de l’hôte.
À partir de données de originales et d’autres jeux de données, le chapitre 5 présente
une hypothèse simple concernant l’initiation de la maladie. Dans ce chapitre nous montrons que la prévalence est corrélé à la longueur des palourdes, qu’il existe un lien entre
la granulométrie du sédiment et la prévalence et qu’une rupture de la coquille est une
entrée potentielle pour le pathogène. À partir de ces observations, cette étude suggère
que le mécanisme principal contrôlant l’initiation de la maladie est une rupture de la
lame périostracale ou du bord de la coquille par les particules de sédiment de grande
taille ouvrant de ce fait une voie d’entrée pour V. tapetis. Cette hypothèse suggère que
les manipulation en milieu aquacole pourraient favoriser le développement de la maladie. D’autre part les variations d’intensité de la blessure initiale pourraient expliquer la
variabilité entre individus observée dans le développement de la MAB.
La troisième partie de ce manuscrit examine l’impact de la maladie sur le bilan énergétique de la palourde japonaise. Les résultats expérimentaux présentés dans le chapitre
7 montrent que les palourdes très infectées sont sujettes à une perte de poids supérieure à
celles non infectées suggérant que la MAB affecte le bilan énergétique. Les mesures ont
permis de montrer que le taux de filtration des palourdes les plus infectées était diminué
à la fois par une baise de la capacité de filtration et une baisse du temps passé en activité
de filtration. Par conséquent une première voie de dégradation du bilan énergétique due
à la maladie est une diminution des acquisitions d’énergie. Des données de la littérature
ont aussi suggéré qu’une seconde voie de dégradation pouvait être une augmentation
des coûts de maintenance due à la réponse immunitaire et à la réparation des lésions
induites par la maladie.
La théorie DEB offre une trame conceptuelle pour l’étude des bilans de masse et
d’énergie dans les organismes vivants. Cette théorie décrit les flux d’énergie au travers
des organismes, de l’assimilation à l’allocation à la croissance, au développement, à la
reproduction et à la maintenance. Un modèle basé sur cette théorie a été développé afin
d’étudier l’effet de la maladie sur les coûts de maintenance. En parallèle une expérience
d’amaigrissement par le jeûne a permis de monter que les individus lourdement infectés
étaient affectés par une perte de poids supérieure aux individus non infectés, montrant
de ce fait que la maladie affecte le bilan énergétique indépendamment de la baisse du
taux de filtration. Il est donc possible de confirmer qu’une augmentation des coûts de
maintenance peut être associée au développement de la maladie. Le couplage entre des
mesures et le modèle a permis d’évaluer de façon quantitative et dynamique cette augmentation des coûts de maintenance. La présente étude montre que cette théorie est un
outil puissant pour étudier l’effet des maladies et parasites sur le bilan énergétique de
l’hôte. Un développement plus poussé du modèle devrait permettre de déterminer la
contribution relative des deux voies de dégradation du bilan énergétique et l’effet de
l’environnement sur le système d’interactions étudié.
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