Boudu Blog

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Boudu Blog
Boudu sauvé des eaux
Fiche technique et artistique
France - 1932 - 87mn
Réalisateur: Jean Renoir
Scénario : Jean Renoir, Albert Valentin
d’après la pièce de René Fauchois
Production : Société Sirius (Films Michel Simon)
Producteurs : Michel Simon, Jean Gehret,
Marcel Pelletier
Photographie : Marcel Lucien
Décors : Jean Castanier, Hugues Laurent
Montage : Marguente Houlle, Suzanne de Troye
Musique : Raphael, Johann Strauss,
Chanson “Sur les bord de la Riviera” de Léo
Daniderff
Son : Kalinowski
Interprétation :
Michel SIMON : Boudu
Charles GRANVAL: M.Lestinguois
Max DALBAN : Godin
Jean GEHRET : Vigour
Jean DASTE : L'étudiant
Jacques BECKER : Le poète
Georges DARNOUX : Un invité de la noce
Marcelle HAINIA : Mme Lestinguois
Séverine LERCZINSKA : Anne-Marie
Jane PIERSON : Rose
Résumé
Mr Lestingois, libraire aux idées libérales, mène une vie paisible dans sa boutique sur les
quais de la Seine. Sa collection d’éditions rares, sa liaison avec la petite bonne et la
contemplation de ses contemporains qui déambulent sous ses fenêtres lui font oublier
l’acariâtreté de sa femme. C'est ainsi qu'un jour, observant à la longue-vue le pont des Arts,
il porte secours à un clochard, Boudu, qui, inconsolable de la perte de son chien, vient de se
jeter dans la Seine. Lestingois n’hésite pas : il plonge sous l’œil admiratif de sa bonne et des
voisins et ramène un Boudu ruisselant qu’il installe chez lui. Méprisant les « bonnes
manières » qu’on tente de lui inculquer, Boudu fait voler en éclats l’univers ordonné et les
certitudes du libraire, il séduit sa femme et, pour finir, épouse la jeune bonne Anne-Marie.
Tout semble rentrer dans l’ordre : la moralité est sauvée ; mais la vie étriquée d’un petit
bourgeois qui l’attend désormais n’est pas précisément le rêve de Boudu. Lors de la
promenade en barque, il fait chavirer l'esquif et envoie mariée et témoins à l'eau. Profitant
de la panique générale, il se laisse emporter par le courant puis disparaît, affublé d’un
costume arraché à un épouvantail : Boudu, l’anarchiste recouvre sa liberté. Dans cette
seconde noyade, ce n’est plus Boudu sauvé des eaux mais, plutôt, Boudu sauvé des autres
comme en témoigne cette affiche du film où on le voit braver la bonne société d’un pied de
nez.
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Un an après La Chienne (où il finit clochard après le meurtre de sa femme et de sa maîtresse)
Michel Simon incarne à nouveau un clochard dans Boudu sauvé des Eaux. Ce quatrième film
qu'il interpréta pour Renoir fut un lourd échec commercial qui mit un terme à leurs
nombreux projets en commun. « Je me souviens de réactions de spectatrices très "comme il
faut". Ce qui les choquait, ce n'était pas que Boudu séduise Madame Lestingois... mais bien
qu'il essuie le cirage de ses chaussures dans le couvre-lit en satin. Le voilà bien le crime des
crimes! (rire) L'esprit petit-bourgeois, c'est bien de ne s'intéresser qu'aux détails. » Jean
Renoir Propos inédits (1976).
L’insolence, la vulgarité et l’obscénité de Boudu choquèrent donc le public de l’époque,
mais peut-être moins que la coupable envie de Mr Lestingois qui ne peut, sans déroger à sa
classe, goûter aux plaisirs que s’octroie Boudu : luxure, gourmandise, hypocrisie, et, surtout,
paresse… Coupable envie tout entière résumée dans le cri d’admiration poussé par Mr
Lestingois observant dans sa lorgnette Boudu «Je n'ai jamais vu un clochard aussi réussi» !
A propos de Jean Renoir
Fils du peintre Pierre-Auguste Renoir, Jean naît à Paris le 19 septembre 1894. Il grandit dans
un milieu d’artistes, se retrouve à la tête d’une fortune lui permettant de financer ses films,
ce qui explique sans doute les libertés et les tâtonnements de ses premiers films muets,
avant-gardistes produits “à compte d’auteur”. De cette période, Renoir lui-même ne devait
“sauver” que Nana, d’après Zola, où il met en scène Catherine Hessling, son épouse depuis
1921, et l’interprète de la plupart de ses films muets. Dès La Chienne, le grand Renoir
s’annonce. Chez lui, le réalisme presque naturaliste des comportements est imprégné
d’ironie, de fantaisie ou d’insolence. Dans ses intrigues romanesques, il fait la part du rêve,
mais laisse filtrer une critique des hypocrisies, des conservatismes, des injustices. Ses films
“collent” à la société de l’époque. Boudu sauvé des eaux, avec Michel Simon, La Bête
humaine, sont de subtiles variations sur les caractères humains, filmées avec une fluidité
telle que la liberté de chacun semble constamment affirmée et légitime. L’admirable Toni,
où Renoir raconte l’histoire d’amour d’un immigré italien qui tourne à la tragédie, a été
souvent présenté comme l’ancêtre du néoréalisme. Le cinéaste y affirme sa “fibre sociale”,
son art de faire passer les idées par des émotions élémentaires, et ses choix esthétiques.
C’est la vie qu’il capte, qui semble déborder du cadre. Ses constants recadrages font
ressentir la continuité du monde au-delà de l’image. L’intrigue tient du fait divers, son
traitement ouvre des horizons immenses. C’est dans La grande illusion que Jean Renoir
aborde un de ses thèmes favoris : la distance est plus grande entre les officiers français de
classe sociale différente qu’entre ceux qui, ennemis par leur nationalité, ont une même
éducation, l’aristocrate interprété par Pierre Fresnay et celui qu’incarne Erich von Stroheim.
Dans ces autres chefs d’œuvre d’intelligence et de sensibilité que sont Partie de campagne
et La règle du jeu, Renoir met à nu les ressorts de la société française, sous l’apparence
d’une comédie jamais aussi percutante que lorsqu’elle se donne des airs de fantaisie.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, il est en Italie, s’exile aux Etats-Unis, où il tourne
plusieurs films. Il prend la nationalité américaine. Les contraintes d’Hollywood et le peu de
succès de ses films le poussent à partir aux Indes où il réalise, en 1950, Le Fleuve. La beauté
des images donne une exceptionnelle dimension à la nature. Deux ans plus tard, de retour
en Europe, il tourne Le carrosse d’or, puis French-Cancan et Le déjeuner sur l’herbe qui sont
de véritables fêtes visuelles. Avec Le testament du Dr Cordelier, il tente des expériences
nouvelles, proches de celles réalisées pour la télévision. Retiré à Beverly Hills, il meurt le 12
février 1979. La petite encyclopédie du cinéma, Editions du regard, 1998
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A propos de Michel Simon
François-Michel Simon (connu sous le nom de Michel Simon) est né le 9 avril 1895 à Genève
en Suisse. Avec près d'une centaine de films à son actif, Michel Simon a beaucoup marqué le
cinéma français par des rôles très touchants et profonds. Après s'être essayé au théâtre, il
apparaît dans le cinéma muet dans La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Theodor Dreyer
(1928). Il doit ses premiers rôles d'importance (dans le cinéma parlant) à Jean Renoir, avec
La Chienne (1931) puis Boudu sauvé des eaux (1932). Ils enchaînent les rôles, passant de la
peau de Zabel dans Le Quai des brumes de Marcel Carné (1938) au Monsieur Hire de
Panique de Julien Duvivier (1946), du Méphisto de La Beauté du diable de René Clair (1949),
au vieux grincheux d'Austerlitz d'Abel Gance (1960). En 1967, il obtient finalement un prix
d'interprétation pour son rôle dans Le Vieil homme et l'enfant de Claude Berri. Il meurt
d’une embolie le 30 mai 1975 à Bry-sur-Marne.
A propos du film
« Quintessence de l'utopie libertaire et antibourgeoise que constitue le cinéma de Renoir
dans les années 30. Renoir a de la tendresse pour Lestingois, tolérant (à condition de ne pas
cracher dans La physiologie du mariage de Balzac), jouisseur (sauf lorsqu'il s'endort avant
d'aller rejoindre Anne-Marie) plutôt un vrai brave type, et le film n'est pas tant
l'affrontement de l'ordre et de l'anarchie que la tentation du premier pour la seconde. »
Extrait de l’Analyse du film http://www.cineclubdecaen.com/index.html
Effectivement un film qui fleure bon l'anarchie et l'impolitesse. Ce qui est très fort, c'est que
Renoir construire un vaudeville traditionnel : décors d'intérieurs bourgeois, le mari, la
femme et la maîtresse, des dialogues pleins d'esprit… Mais le Michel Simon, en venant
dézinguer la petite vie de ce libraire poussiéreux, va en profiter pour faire également
exploser les codes du boulevard. Le film sort alors avec force des clichés de ce genre de
productions : en guise de dialogues, on aura plutôt droit à des borborygmes hilarants du
clochard, plus porté sur les sardines à l'huile que sur Les Fleurs du Mal ; en guise de décors,
la caméra de Renoir va aller traîner sur les trottoirs parisiens, les bords de Marne, les prés ;
en guise d'archétypes amoureux, on terminera sur un ménage à quatre validée par la
société, dans un éclat de rire trash qui clôt le film de manière tout à fait jouissive. Deux
séquences avaient causé des émeutes lors de la sortie du film au point d'en suspendre la
projection : Boudu, mangeant avec ses doigts des sardines dégoulinantes et Boudu, essuyant
le cirage encore frais de ses chaussures avec les draps en satin de la bourgeoise. En fait, tout
le film est une immense tarte à la crème lancée à la figure de la bonne société. Finalement,
Boudu sauvé des Eaux, c'est aussi une sorte de transition entre le cinéma de Renoir encore
figé dans les codes (On purge bébé) et son cinéma d'extérieur, entre les habituels studios de
cinoche périmés (Carné a dû être vert) et la minéralité de La Partie de Campagne.
Ce sont d'ailleurs les plus jolies scènes que celles où il ne se passe strictement rien, où Renoir
ne raconte plus d'histoire mais se laisse simplement aller au plaisir de regarder la vie battre
"sans lui" : c'est un festival Michel Simon, comme le remarque mon camarade, et quand la
caméra se pose devant lui et le laisse faire ses pitreries sans frein, c'est un bonheur, le
bonheur d'admirer un numéro de génie en roue libre. Mais il y a aussi ces minuscules
moments de quotidien, où Renoir saisit ici une petite expression (la bonne est également
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excellente, petits roulements d'yeux et gouaille infaillible), là un simple cadre de fenêtre
donnant sur un Paris ensoleillé et populeux. Car Renoir, malgré la contrainte de l'intérieur,
est toujours aussi amoureux de ce qui se passe à l'extérieur, et on le sent souvent trépigner
comme un gosse qui a envie d'aller jouer dehors. Son clochard, même crasseux, même
insupportable, a pour lui d'appartenir à la vraie classe qui concerne Renoir, celle des gens, du
peuple. Les séquences finales, où Boudu devenu riche décide de tout laisser tomber et de
retourner à la nature, sont renoiriennes en diable, naïves et insolentes à la fois. Quant au
tout dernier plan, il étonne par sa déconnexion d'avec le reste : on voit en contre-plongée un
groupe de clodos qui passe devant la caméra en braillant la chanson du titre ; quelques
prolos, le ciel de Paris, et on comprend le message : mieux vaut être pauvre et dehors que
riche et enfermé. La lutte des classes, ici exprimée dans son plus simple appareil, sert encore
une fois à Renoir de manifeste anti-bourgeois, et on applaudit. Avec Michel Simon, il trouve
son "gremlin" à lui, et livre un film en totale liberté, qui déborde dans tous les sens, qui traite
les rythmes et la cohésion du montage comme de la crotte de bique. Grand film.
http://shangols.canalblog.com/
Boudu et le cinéma de Jean Renoir par Dominique Noguez
[…] D’un côté donc les partisans du « montage-roi » : Griffith, Eisenstein, Koulechov, Vertov
ou Abel Gance, dont la manière déteindra peu ou prou sur la plupart des cinéastes du
parlant jusqu’à se figer, entre 1930 et 1940, en véritable rhétorique. De l’autre, ceux qui, dès
1925, tel Stroheim, Murnau, Flaherty ou Dreyer, vont servir de modèle pour l’élaboration
d’un « récit cinématographique capable de tout exprimer sans morceler le monde, de
révéler le sens caché des êtres et des choses sans en briser l’unité naturelle » (Bazin).
Renoir, ici, est précurseur. Voyez la scène du sauvetage dans Boudu sauvé des eaux. Plan de
M. Lestingois qui plonge, plan des badauds, plan de la petite bonne qui observe. Et plan
d’ensemble, très long plan d’ensemble fixe du repêchage : nous voyons tout de loin, du quai,
comme le voient et le vivent les curieux : la Seine, deux têtes à peine discernables à la
surface, l’une se rapprochant de l’autre, quelques éclaboussures. Que se passe-t-il ? Que vat-il se passer ? Un bateau-mouche s’approche, lentement, puis une barque de sauvetage qui
n’en finit pas d’arriver, et nous n’en finissons pas de voir, ou plutôt de deviner, car, d’où
nous sommes, nous voyons mal, et nous n’en verrons pas plus, et nous sommes anxieux de
l’anxiété même des badauds puisque la durée du plan équivaut exactement à la durée de
l’événement filmé. Voici, au cinéma, trois minutes de vie pure.
Dominique Noguez, Le cinéma autrement, Les Editions du Cerf, Paris (1987), pp. 291-292.
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La critique d’Eric Rohmer
Boudu est un clochard réussi, l'archétype absolu après lequel courent les quatre-vingt-dixneuf pour cent des clochards vrais, fous qui se croient clochards. Si le clochard n'existait pas,
Boudu l'aurait inventé. Il est parfait dans son espèce. Nous ne pouvons en l'apercevant, que
pousser le même cri d'admiration que le libraire Lestingois, le voyant entrer dans le champ
de sa lorgnette. Cet être absolument naturel est absolument comédien - puisque cette
comédie est chose naturelle - et ne pouvait être campé que par un grand comédien. Renoir
lâche la bride à Michel Simon : libre et heureux du côté de l'acteur, il place et fait bouger sa
caméra avec une infaillible sûreté, qu'il s'agisse des cadrages en profondeur de
l'appartement du quai de Conti, ou de la promenade en barque sur la Marne. Et le
raffinement des liaisons (la trompette), bien qu'il appartienne à ce genre de choses qui ont
pas mal passé de mode, n'a rien perdu de sa forme comique. Si Renoir laisse Boudu et Simon
vagabonder en liberté, c'est qu'il n'attend d'eux que de bonnes surprises. Il répugne à
tyranniser tant l'acteur que le personnage. Et puis, il découvre en Boudu trop de sa propre
philosophie pour ne pas aimer à s'écouter parler par la bouche d'un autre. Si philosophie est
trop dire, constatons au moins que le clochard commet tous les péchés charmants, et
capitaux, énumérés dans l'Album de famille : luxure, gourmandise, hypocrisie, et, surtout,
paresse, la fameuse paresse chantée sur de tout autres cordes, dans Le Fleuve ou dans
Elena. Seules sont exclues l'envie et l'avarice, réservées au Journal d'une femme de chambre.
Avec Boudu, Renoir nous a révélé une bonne moitié de lui-même d'un trait net, sans bavure,
définitif. L'autre part, timide et souterraine, aura plus de mal, et mettra plus de temps à
sourdre. Eric Rohmer, Cahier du cinéma, n° 78, Noël 1957, « Spécial Jean Renoir », p. 69.
Boudu sauvé des eaux vu par André Bazin
1. Fonction de la musique dans Boudu. Essentiellement un indicatif érotique, soit
annonciateur (par exemple l'orgue de barbarie dans la rue), soit signalisateur (quand AnneMarie chantonne, quand Lestingois pianote Les fleurs du jardin), soit encore triomphant et
symbolique (le clairon du zouave reproduit en gravure musicale)
2. Le charme de Boudu, c'est la glorification de la vulgarité. C'est la mise en forme civilisée et
nonchalante de la plus franche lubricité. Boudu est un film magnifiquement obscène. Tout ce
que peut faire un acteur dans un film, Michel Simon le fait dans Boudu, tout, même les pieds
au mur ! Notes manuscrites d'André Bazin de 1947
Une analyse de Daniel Serceau
Renoir fait le procès de l'imaginaire en tant que force de dénégation du réel et instrument
de conquête d'une identité mensongère. Tout le malentendu autour de l'insuccès puis du
succès de ce film vient de là. A travers le personnage de Michel Simon, le spectateur
n'accède-t-il pas lui aussi à une illusion de liberté sur fond de dénégation de ses propres
contradictions ? Mais Boudu peut être pris au premier degré. La recherche du bonheur dans
le dénuement, la rupture avec les derniers ponts de la société, ne se retrouvent-ils pas, tout
au long de l'oeuvre, du moins en tant que tentations ? Pepel dans Les Basfonds, Bomier dans
La Marseillaise, Félipe dans Le Carrosse d'or n'expriment-ils pas eux aussi cette tendance ?
Renoir portait-il réellement cette potentialité en lui ? N'était-elle, à son tour, qu'une
référence imaginaire, une ultime protection contre la société, ses méfaits et ses tares, une
dernière forme de contestation d'un monde fondé sur la possession et le rendement ?
Daniel Serceau, Jean Renoir, Filmo 12, Editions Edilig (1985), p. 54.
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Pistes pédagogiques
Bâtir le résumé et revenir sur les points essentiels, en particulier :
- Montrer l’aspect cyclique de l’histoire : le « non-civilisé » réintègre la société puis
retourne à la rue (état initial).
- Expliciter le titre du film et sa référence à l’histoire de Moïse.
- Montrer comment la construction du film rappelle le théâtre dès la première
séquence avec ce prologue où les acteurs déguisés en Bacchus, Priape et Chloé
dévoilent leur personnalité et illustrent dans cette allégorie les thématiques qui
seront développées dans le film. Dans la suite, les scènes intérieures font
indéniablement penser à un vaudeville, huis-clos théâtral dont s’échappera Boudu
pour retourner dans sa réalité.
- Renoir est un cinéaste engagé. Dans le film, il dénonce le conformisme petitbourgeois et les contradictions d’une société qui, se trouve en décalage, dans la
réalité, avec les valeurs qu’elle porte. Faire lister les faits qui montrent la moralité est
surtout dans les paroles mais beaucoup moins dans les actes :
• L’adultère (le libraire, sa femme)
• La relation malsaine à l’argent : l’attitude d’Anne-Marie
• La fausse charité : des badauds qui cherchent à offrir une médaille au
sauveur mais qui ne l’aident pas à trouver une solution pour Boudu.
• Le manque de respect pour les exclus : l’attitude de la police par rapport au
chien.
• L’hypocrisie dans les actes : Tout l’univers de Lestingois est construit sur des
livres, sur des idées qu’il n’applique pas vraiment dans la réalité.
-
La fin du film : Boudu, malgré son argent, son mariage, n’est pas heureux (voir son
visage fermé à l’opposé de celui de sa femme lorsqu’ils sont sur la barque). C’est lui
qui fait renverser la barque. Boudu ne sera pas sauvé des eaux deux fois. Analyser la
construction de la dernière séquence, sa durée (très longue), le rôle de la musique.
Faire comprendre la symbolique de l’épouvantail.
Les personnages
1. Histoire : la société française de l’entre deux –guerres
Renoir offre un miroir de la société de ce début du XXe siècle, illustrant les différentes
classes sociales à travers les personnages du film :
- Boudu incarne le prolétariat non intégré, les exclus et les rebelles. Boudu chevrote « Sur
les bords de la Riviera » : chanson que les Poilus de la Grande Guerre chantaient quand ils
montaient au front. Boudu fait partie de cette génération sacrifiée qui ne se relèvera pas
véritablement du traumatisme vécu. Son passé explique le rejet de la société qu’il manifeste
dans ses actes tout au long du film.
- La bonne représente le prolétariat intégré. Elle cherche à s’attirer les faveurs des nantis :
Lestingois puis Boudu, gagnant de la loterie.
- Le libraire Lestingois représente la bourgeoisie « éclairée » défendant des valeurs de justice
et d’égalité mais son « libéralisme » montre assez vite ses limites dans les actes.
- La femme de Lestingois incarne la petite bourgeoisie conservatrice et conformiste.
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2. Etude de la langue : le portrait
On pourra étudier les personnages sur les 4 moments distincts du film :
- Boudu avant « la noyade »
- Boudu « recueilli »
- Boudu « civilisé »
- Boudu « marié »
Boudu
Faire lister les actions, les paroles de Boudu afin de procéder à une interprétation (les traits
de caractère) qui permettra de dresser le portrait de Boudu sur les 4 moments du film. La
recherche pourra être présentée sous forme de tableau :
Les actions, les paroles
Son caractère
de Boudu
Boudu avant « la noyade »
Boudu « recueilli »
Boudu « civilisé »
Boudu « marié »
Un travail similaire peut-être conduit pour les différents personnages du film.
3. Instruction civique et morale au cycle 3 (Compétence 6 du deuxième palier pour la
maîtrise du socle commun) : l’exclusion
Le personnage de Boudu permettra d’engager un débat sur le thème de l'exclusion : on
veillera à bien faire comprendre que la situation de Boudu, qui, à la fin du film, fait le choix
de retourner dans la rue, ne reflète pas la situation actuelle des SDF qui ne choisissent
évidemment pas la grande précarité dans laquelle ils se trouvent et la désocialisation
qu’elle entraîne.
Albums, romans pour une mise en réseaux sur le thème de l’exclusion
(Sélection réalisée à partir de la base de données du site Ricochet http://www.ricochetjeunes.org/sommaire.asp)
• Madame t’es vieille de Francis Jacoby et de Jean-Pierre Orban soulève la question de
la barrière sociale à travers la rencontre d’une vieille dame SDF et d’un jeune garçon.
Comment leurs différences d’âges et de situations sociales vont-elles les rapprocher ?
• Crève-la-faim de Thierry Lenain : Thomas rencontre Merlin, un clochard, un "crève-lafaim". Tous deux unissent leur solitude. Thomas trouve en Merlin un confident, pour
son chagrin, pour l'accident de son père.
• C’était mon oncle ! d’Yves Grevet : le narrateur est un petit garçon prénommé Noé.
Seul à la maison, faisant ses devoirs, le téléphone sonne. Le commissariat lui apprend
le décès d’un certain Armand Petit. Qui est donc cet Armand Petit ? Et Noé apprend
que son père avait un frère aîné qui vivait depuis quinze ans comme un clochard.
• Le clochard de la rue Vivaldi de Vonicke Ditisheim : A chaque récréation, les enfants
s'empressent de rejoindre la grille pour voir passer le vieil homme. Tous les jours,
Barberouge passe d'un pas lent rue Vivaldi. Ce clochard crée le questionnement des
enfants qui l'interpellent sans que ce dernier ne rende un mot. Alors qu'ils tirent à la
courte paille, c'est Emeric qui est désigné pour le suivre en filature. Mais Théo, c'est
le nom du vieil homme, attend la visite de ce petit garçon. Une relation attachante de
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complicité va se nouer et de fil en aiguille, Emeric va en apprendre un peu plus sur le
mystère qui entoure la vie de Théo et la sienne.
Tolstoï, un conte de fées de Hanno : La narratrice rencontre tous les jours dans sa rue
un SDF d’origine polonaise. Prise de pitié, elle demande à son père de l’inviter, puis
de le loger dans leur maison de campagne. Celui qu’on a rebaptisé Tolstoï s’adapte
parfaitement et retape même un vieux four. Le succès de ses pains auprès de la
population ne tarde pas. Mais la police aussi est intéressée par Tolstoï…
Le conte La Belle et le Clochard inspiré d’une bande dessinée de Ward Greene est
une illustration de la différence sociale. Le clochard est une métaphore de l’immigré
italien, et de la précarité sociale, puisque contrairement à Lady, il vit dans la rue. Ces
différences n’entraveront pas leur idylle.
Les armoires vides d’Annie Erneaux décrit le sentiment d’exclusion. Denise arrive en
retard à l’école, cet évènement engendre une série d’humiliations qui va lui faire
prendre conscience de sa différence sociale.
Le Type : pages arrachées au journal intime de Philippe Barbeau de Philippe Barbeau :
l’album relate les confessions d’un narrateur animé de pulsions de violence à l’égard
d’un homme de la rue. Ce « type » ne lui a rien fait de spécial. Juste, il ne sait pas
sourire, ni rêver, ni aimer. Le narrateur lui jette la pierre, au sens propre. C’est une
vieille dame qui la reçoit. Une dame qui raconte des histoires et saura, par son
sourire et son regard, transformer la haine en tolérance.
Les sucettes à la menthe de Robert Sabatier : Olivier le héros du roman Les sucettes à
la menthe de Robert Sabatier quitte un univers modeste pour s’installer à Paris chez
son oncle qui a un train de vie plutôt bourgeois. Olivier s’étonne à maintes reprises
des habitudes de son oncle et s’intègre difficilement aux mondanités.
Salle des pas perdus de Julia Billet raconte la rencontre de deux destins perdus,
marginalisés, une vieille femme SDF et une adolescente en fugue.
Le jobard de Michel Piquemal : comment un personnage exclu, marginal et rejeté par
des enfants devient leur « raison de vivre.... »
Un père pour la vie de Thierry Lenain : le père de Thomas est mort lors d'un accident
et le jeune adolescent culpabilise. Cela l'empêche de se défendre contre Jérémy et sa
bande. Il rencontre un clochard, Merlin. L'aidera-t-il à surmonter ses angoisses ?
Petit carton de Jérôme Ruillier, Petit carton vit dans la rue. Pour passer le temps, il
fait des pliages, devient bateau ou chapeau de Napoléon. Parfois, il est fatigué. La
plupart du temps, les gens ne le voient pas : une dame lui marche dessus, un
monsieur lui roule dessus. Alors, Petit carton est triste. Un jour, heureusement, il
rencontre Léon…Un album pour les plus petits qui aborde avec délicatesse le thème
de l'exclusion. A présenter à des élèves de cycle 3 pour expliciter le procédé littéraire
de la métaphore.
Les goûters philo : le respect et le mépris de Brigitte Labbé
Les petits bonshommes sur le carreau d’Olivier Douzou : il faut prendre le titre à la
fois au sens propre et au sens figuré. Un enfant regarde par la fenêtre dans la rue,
d’un côté de la vitre, il y a un petit bonhomme dessiné dans la buée. De l’autre côté
de la fenêtre, il y a « des petits bonshommes sur le carreau », des miséreux, des sansabri.
http://www5.aclille.fr/~immigration/documents/textes/fiches_pedagogiques/LITT_BONSH_CARREAU.pdf
http://pedagogie.ia84.ac-aix-marseille.fr/litt/docs-litt/bonshom.pdf
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Le film de Renoir et ses liens avec la peinture impressionniste
Certains plans du film ne sont pas sans rappeler des tableaux célèbres de la peinture
impressionniste dans les thèmes ou dans la composition :
Les thèmes
• On présentera aux élèves quelques tableaux célèbres représentant
Des vues de la Seine à Paris : Le Pont Neuf, Paris - Le Pont des Arts, Pierre - Auguste
Renoir Le Pont-neuf à Paris, Albert Lebourg - Quai de Seine à Paris, Maximilien Luce Les Quais de la Seine à Paris, Armand Guillaumin
Des scènes de canotage : Les canotiers à Chatou, Pierre - Auguste Renoir
Les guinguettes : Le Déjeuner des canotiers, Pierre - Auguste Renoir - Les Canotiers,
Gustave Caillebotte
Les nénuphars et nymphéas : Lumière bleutée, Claude Monet – Nymphéas, Claude
Monet
Les jeux de lumière et d’ombre sur l’eau, la végétation, les robes … : Les bains de La
Grenouillère, Pierre - Auguste Renoir – Les baigneuses à Pierrefonds, Henri
Lebasque
La maison bourgeoise : Femme à sa toilette, Gustave Caillebotte – Jeunes filles au
piano, Pierre - Auguste Renoir - Eugène Manet à l'île de Wight, Berthe Morisot Jeune Homme jouant au piano, Gustave Caillebotte – Le déjeuner, Gustave
Caillebotte – Intérieur, Gustave Caillebotte – Portrait d’Henri Cordier, Gustave
Caillebotte - Le Déjeuner, Gustave Caillebotte – Intérieur, Degas
Des personnages pouvant faire penser à Boudu : La sieste, Gustave Caillebotte - Le
Père Magloire sur le chemin de Saint-Clair à Étretat, Gustave Caillebotte - Dans un
café, Edgar Degas
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•
Ces tableaux seront à associer aux photogrammes du film qu’on trouvera à l’adresse
suivante : http://www.cine-studies.net/r5a0_1932_03p1/index.html
Ce travail sera l’occasion d’aborder le film dans une perspective historique : les
vêtements, la maison, la cuisine, les véhicules, Paris, les magasins, la librairie, la
Seine… à comparer avec aujourd'hui.
Pratiques artistiques en lien avec certaines œuvres proposées ci-dessus :
A. Le Déjeuner des canotiers, Pierre - Auguste Renoir, 1880-1881
La technique :
Le feuillage : travailler sur les camaïeux et dégradés de couleur. Fabriquer un
nuancier de verts par collecte de papiers, d’images, par expérimentions de matériaux
(encre, peinture, pastel…). Recomposer le feuillage dans des camaïeux de verts par
collage, peinture…
Les sujets :
La nature morte : isoler les éléments de la nature morte (éléments découpés dans la
photocopie et/ou reproduction dessinée) puis recomposer une nouvelle nature
morte.
Les portraits : découper un des personnages (au besoin, l’agrandir à la
photocopieuse), le coller sur une feuille et reconstituer un portrait en dessinant les
parties manquantes, travailler le décor à l’arrière-plan.
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La perspective :
Reproduire les silhouettes des personnages (en décalquant par exemple), puis
recomposer par collage ; mettre en évidence le 1er plan, le 2ème plan et l’arrière
plan par un traitement particulier des surfaces ; intégrer ces personnages dans des
univers incongrus.
Un objet : le canotier
Décalquer les chapeaux des personnages et réaliser une nouvelle composition en
dessinant les personnages qui les portent.
Composer une série à la manière d’Andy Warhol.
La thématique :
Mettre en scène une table de déjeuner (dessin, photo, collage).
Prendre les postures des personnages identifiés dans l’œuvre, et se faire
photographier (appareil numérique) autour d’une table, une fois la photo imprimée,
recontextualiser la scène en dessinant par exemple un environnement
contemporain.
Intervenir (peinture) sur un tirage noir et blanc de cette scène, ex : changer la saison,
l’arrière-plan…Introduire des éléments en complet décalage par rapport à l’époque
donné des objets qui relèvent des univers de la technologie, du design, du mobilier,
de pratiques culinaires, de moyens de locomotion…
B. Les bains de La Grenouillère, Pierre - Auguste Renoir
On fera rechercher aux élèves comment le peintre a restitué les reflets dans l’eau :
-Travail de la touche qu’on comparera à d’autres tableaux impressionnistes et en
particulier avec celui de Monet qui a peint le même lieu (Les bains de La Grenouillère,
Claude Monet).
- Travail de la couleur
Après ce travail d’analyse, on leur demandera aux élèves de proposer une
interprétation plastique du reflet comme dans les œuvres présentées en
expérimentant différentes techniques : peinture, pastels, encres, collages de papiers
de soie froissés et teints…
Avec la peinture et les encres, on privilégiera les teintes pâles, transparentes,
fortement délayées juxtaposées à des couleurs épaisses, opaques et les contrastes
obtenus en alternant les couleurs, par des aplats, des touches, des empâtements.
Favoriser les différents graphismes : lignes courbes, ronds, lignes verticales, points,
touches plus larges.
Pastel gras
Papier de soie froissé, teint et marouflé
La composition
Renoir se délecte à filmer le Paris de 1931 et certains passages du film peuvent apparaître
comme « documentaires » ; témoin cette séquence où l'on voit Michel Simon, en clochard,
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déambuler sur les quais de la Seine, complètement noyé dans la foule et filmé à l'aide d'une
longue focale, à 30 mètres de là. Cette préoccupation pour l’extérieur (= la liberté pour
Boudu) est présente tout au long du film, y compris dans les scènes se déroulant à
l’intérieur où l’espace filmé de l’appartement n’est jamais complètement clos. Renoir
s’applique à construire ses images à la manière des peintres impressionnistes qui délaissent
les compositions fermées au profit des compositions ouvertes : le monde, le vrai, existe audelà des limites de l’appartement, ce qui est suggéré par des fenêtres et des portes toujours
ouvertes. De même, comme dans la peinture impressionniste où les sujets sont souvent
saisis selon des angles de vues insolites, Renoir joue des encadrements de fenêtres et des
chambranles de portes pour mettre en scène ses personnages.
On associera photogrammes du film et tableaux impressionnistes présentant des cadrages
similaires :
On montrera aux élèves comment Renoir et Gustave Caillebotte (Jeune homme à la fenêtre,
Intérieur et Portrait d'un homme à sa fenêtre) jouent habilement d'une composition sur
plusieurs plans qui s'imbriquent les uns les autres offrant une multiplicité de parallélismes
(fenêtre, balcon, bâtiments et architecture en vis-à-vis ...) ainsi que des différents contrastes
de lumière qui permettent d’ opposer intérieur / extérieur.
Activités plastiques : on demandera aux élèves de produire ce type de composition
(intérieur/extérieur dans l’encadrement d’une porte ou d’une fenêtre). On fera apparaître à
l’extérieur une des scènes du film (dessin et/ou collage d’un photogramme du film).
Quelques sites utiles : Résumés, analyse, affiches et photos du film :
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=2143.html
http://www.cndp.fr/tice/teledoc/plans/plans_boudu.htm
http://www.abc-lefrance.com/fiches/Boudu.pdf
http://www.ac-nancymetz.
www.abc-lefrance.com/fiches/Boudu.pdf
http://www.cinestore.com/fiche_produit_film_gen_idproduit=23309&codeorigine=1063AE.html
Isabelle Ganon – CP arts visuels /IA76
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