De grandes marques chinoises… aux parents étrangers

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De grandes marques chinoises… aux parents étrangers
TOPIC
Octobre 2010
www.hec.fr/eurasia
De grandes marques chinoises… aux parents étrangers
Exit le Japon, le
« nouveau chic » est
désormais chinois !
Elles s’appellent Shang Xia, Denizen, Li Nian, ou encore Qi Chen.
Leur point commun ? Ces marques sont nées en Chine de parents étrangers.
Exit le Japon, le « nouveau chic » est désormais chinois. Les enseignes
internationales sont de plus en plus nombreuses à faire du « made in China».
Synonyme de succès et d’avenir, cette étiquette se décline sous différentes
formes – du vêtement en feutre de cachemire à la petite voiture moderne –
dans des gammes aussi bien de luxe que low-cost. Une manière de surfer sur
l’émergence de la nouvelle classe moyenne chinoise, de tirer parti d’une
expérience et d’un savoir-faire propres aux enseignes occidentales, et de
s’ouvrir à de nouveaux gisements de créativité et de talents chinois. Mais
aussi le pari que l’on peut imposer des marques chinoises au reste du
monde.
En effet, les grandes
enseignes sont de
plus en plus
nombreuses à créer
des labels 100%
chinois – plus
abordables, mais qui
ne ternissent pas
pour autant leur
image brillante.
La nouvelle classe moyenne chinoise est la première visée. On
estime à 400 millions le nombre de clients potentiels en Chine, disposant
d’un revenu supérieur à 25 000 dollars par an (en parité de pouvoir d’achat),
parmi lesquels 80 millions sont déjà dans des segments « riches ». La hausse
des salaires et du niveau de vie a bouleversé les modes de consommation
des ménages et a grandement contribué à l’émergence d’un marché qui
privilégie davantage les produits de marque et de qualité. Afin de répondre à
cette demande, les entreprises étrangères sont de plus en plus nombreuses à
créer des labels 100% chinois – plus abordables, mais qui ne ternissent pas
pour autant leur image brillante. Car si elles proposaient les mêmes gammes
qu’en Occident, leur segment de marché local serait réduit à la portion
congrue. Ce qui différencie ces marques d’autres gammes, c’est leur
autonomie de gestion voulue par la maison mère, qui leur permet non
seulement de se développer selon leur propre talent, mais d’avoir des
ambitions qui leur sont propres.
La première marque
de luxe chinoise a vu
le jour à Hong Kong
il y a maintenant
seize ans…
« Créer un Hermès chinois » – c’est ce qu’a déclaré vouloir faire
Patrick Thomas, directeur général du groupe. Une idée presque
révolutionnaire. Non pas qu’il n’y ait pas de marque de luxe chinoise à
succès. La première a vu le jour à Hong Kong il y a maintenant seize ans :
Shanghai Tang a bâti son succès sur du prêt-à-porter traditionnel revisité
haut de gamme (casquettes brodées d’étoiles rouges, robes et chemisiers de
coupe traditionnelle, mais multicolores, etc.). Après s’être développée en
1
… mais après s’être
développée en
priorité sur les
marchés occidentaux,
elle mise à nouveau
sur la Chine comme
relai de croissance
majeur.
Sans surprise : le
pays devrait devenir
le premier marché
mondial du luxe dès
2015.
La récente
inauguration par le
groupe Hermès du
premier magasin
Shang Xia à
Shanghai est donc
loin d’être un cas
isolé.
priorité sur les marchés occidentaux (elle compte aujourd’hui 42 magasins à
travers le monde) et devenue la filiale du groupe suisse Richemont,
l’enseigne mise à nouveau sur la Chine comme relai de croissance majeur.
C’est le même pari qu’a fait un joailler chinois – Qeelin. Fondée en
2004 par un Sino-britannique de Hong Kong et un Français (ex-LVMH), la
marque fabrique des bijoux de luxe d’inspiration culturelle chinoise. Un
atout qui lui permet d’être rapidement présente dans six pays, et notamment
à Paris place Vendôme, où elle gagne aussi bien en visibilité qu’en
légitimité. Aujourd’hui, l’entreprise revient vers la Chine et recherche des
emplacements de première classe dans cinq grandes villes, car c’est dans ces
dernières que se joue l'avenir du luxe mondial. En effet, ce désir de revenir
au bercail n’est pas un hasard : avec 8,6 milliards de dollars de produits de
luxe achetés en 2009, et une croissance estimée à 30% en 2010, l’empire du
Milieu s’impose comme le moteur du secteur. Selon les analystes, il devrait
devenir le premier marché mondial dès 2015.
Loin d’être un cas isolé, la récente inauguration par le groupe
Hermès du premier magasin Shang Xia (« au-dessus, en-dessous » en
mandarin) à Shanghai ne fait que confirmer la grande tendance 2010. Mais
Hermès reste encore discret quant à ses objectifs de vente et de
développement. Bien qu’il détienne la très grande majorité (environ 90%)
de son capital et qu’il y ait eu une forte transfusion de management et de
savoir-faire, le groupe français a décidé de maintenir les deux entités
distinctes (Hermès compte déjà 19 points de vente en Chine). Il privilégie
pour la marque une croissance organique : si Shang Xia en vient un jour à
concurrencer Hermès, ce sera le résultat de son succès propre. Après
Shanghai, la nouvelle structure devrait ouvrir à Pékin, puis à Paris. La
stratégie à terme est de faire de Shang Xia une marque mondiale, ce qui
serait un cas nouveau et intéressant de « reverse engineering » dans le luxe.
Fédérée autour du concept de thé, sa première collection – des
porcelaines aux bijoux, en passant par le mobilier et les vêtements –
conjugue tradition chinoise et modernité occidentale, et puise son originalité
dans des matières d’origine asiatique, comme le bambou ou le cachemire de
Mongolie. En revanche, le style épuré et chic de la nouvelle marque n’est
Shang Xia est
pas sans rappeler l’artisanat haut de gamme d’Hermès. Plus accessible en
indépendant de sa
termes de prix (quoique !), elle conserve en effet la qualité irréprochable à
maison mère et, à
l’origine du succès du groupe. Tous les produits Shang Xia sont faits à la
terme, a pour objectif
main par des maîtres artisans chinois dont le savoir-faire et l’expertise
de devenir une
remontent aux époques lointaines de la Chine impériale.
marque mondiale.
Une autre stratégie est celle qui a inspiré les produits de la nouvelle
marque Denizen. Denizen, c’est la combinaison des mots « denim » et
« zen », de vêtements à la fois abordables et « à la mode », de Levi’s et du
monde asiatique. Résultat : un style qui correspond davantage aux goûts
locaux, et des prix jusqu’à 40% moins chers en moyenne que ceux de la
Une autre stratégie
maison mère. Jusqu’à présent, Levi’s n’avait pas eu de réel succès en Chine.
est celle qui a inspiré
Alors pour conquérir les jeunes consommateurs du continent sans sacrifier
les produits de la
son image, le géant du jean a lancé Denizen l’été dernier. Depuis, l’enseigne
nouvelle marque de
a ouvert plus de 20 magasins, et a l’intention d’en inaugurer 1000 d’ici à
Levi’s, Denizen.
2015. La nouvelle marque a également prévu de monter jusqu’à 50 points de
vente hors Chine continentale, et notamment à Singapour, en Corée du Sud
2
Mais les secteurs du
luxe et de
l’habillement ne sont
pas les seuls à être
concernés.
Avec la création des
marques Li Nian par
Honda et Qi Chen
par Nissan, les
constructeurs
japonais s’imposent
sur un segment
encore inexploité du
marché automobile
chinois.
et en Inde.
A l’instar de la stratégie de Renault avec sa filiale roumaine Dacia, la
création des marques Li Nian par Honda et Qi Chen (prononcer « tchi
chène ») par Nissan répond à une exigence similaire : s’imposer sur un
segment encore inexploité du marché automobile chinois, sans déprécier
leur image. En proposant des modèles dont la qualité et les prix seront
supérieurs aux voitures bas de gamme (marché sur lequel les constructeurs
100% chinois ont déjà un quasi-monopole), mais inférieurs aux voitures de
luxe (en majorité des BMW et autres marques allemandes), le créneau ciblé
par les constructeurs japonais est à la fois plus restreint et très porteur. En
effet, « l’entrée de gamme » est en plein essor : il a crû de plus de 50% sur
la seule année 2009. Mais avec une croissance moyenne estimée entre 13 et
15% par an (et jusqu’à 35% dans certaines villes), la vente de véhicules en
Chine explose – tous segments confondus. Premier marché mondial de
l’automobile (12 millions vendues en 2010), le pays a de quoi occuper les
producteurs étrangers pour les prochaines années.
Pour les grandes enseignes internationales à la conquête du marché
chinois, trois stratégies se complètent. La première : vendre ses mêmes
produits, au même prix. La deuxième : développer – sous sa marque – une
gamme moins chère et adaptée aux goûts locaux. C’est ce que propose
Nestlé avec ses « produits à positionnement populaires » (PPP), ainsi que les
constructeurs automobiles qui lancent régulièrement de nouveaux modèles
conçus pour le marché chinois (on pense notamment à la Tiger de BMW).
Et la troisième : construire une marque chinoise à part entière. Aujourd’hui,
c’est cette dernière qui prend de l’ampleur. La lancer s’apparente toutefois à
Ces marques serontun travail d’équilibriste : se distancer de sa maison mère, « mais pas trop ».
elles les grandes
C’est le défi que relèvent les marques Shang Xia, Li Nian et autres. Serontmarques mondiales
de demain ? Réponse elles les grandes marques mondiales de demain ? Réponse au prochain
au prochain numéro. numéro.
E.L.
A NOTER SUR VOTRE AGENDA
La sortie de notre étude: UNIQLO, une success story japonaise
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« Partners’ Roundtable » du 25 novembre: L’ « économie socialiste de marché » revisitée
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Nos prochaines formations:
• Travailler avec les Chinois – le 14 décembre 2010
• Décoder le Japon – le 18 novembre 2010
Pour plus de renseignements, merci de consulter notre site: www.hec.fr/eurasia
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L’émergence d’une classe moyenne chinoise
Part des ménages urbains, selon leur revenu – en %
100
90
Emergence d’une classe
moyenne inférieure
80
70
Emergence d’une classe
moyenne supérieure
60
Classe moyenne supérieure
(40,001-100,000 ¥)
50
40
30
20
Classe moyenne inférieure
(25,001-40,000 ¥)
10
Pauvres (≤ 25,000 ¥)
0
1985
1990
1995
2000
2005
2010
2015
2020
2025
Source : National Bureau of Statistics of China ; McKinsey Global Institute
Que consommeront les chinois demain ?
Dépenses en milliards de yuans (1 yuan = $0,12), selon les catégories de produits
1 223
Alimentaire
Divertissements
507
Transports
452
Habillement
369
Logement
321
Santé
257
Produits ménagers
223
Produits personels
119
2004
4 786
3 415
2 920
1 322
+6,7%
+9,5%
+9,3%
+6,3%
3 313
2 582
857
771
+11,8
+11,6%
+6,6%
+9,3%
2025
Source : National Bureau of Statistics of China ; McKinsey Global Institute
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