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ENQUÊTE
Des Français au secours
de l’écologie chinoise
C’est un cabinet d’architectes comme on l’imagine.
Un beau hangar aménagé en loft parisien, à un jet de
pavé du pittoresque bassin de l’Arsenal. Partout, des
poutres métalliques immaculées, du béton laminé.
Sur un écran d’ordinateur, l’esquisse d’un centre
culturel à Saint-Malo. Sur un autre, un hôpital à Pointeà-Pitre. Scotché à un mur, le croquis d’un campus à
Ningbo, dans la province méridionale du Zhejiang.
Depuis bientôt dix ans, Architecture Studio dispose
d’une filiale en Chine. Quarante-cinq architectes,
français et chinois, naviguent entre ses bureaux shanghaien et pékinois. L’Empire du Milieu représente
un tiers du chiffre d’affaires. Créneau de la filiale
chinoise : la construction durable. « À Ningbo, nous
concevons une université à énergie positive, qui produit
plus d’énergie qu’elle n’en consomme, énonce RenéHenri Arnaud, l’un des associés
du cabinet. Concrètement, nous
avons ajouté une toiture de
verre. Elle s’ouvre la nuit pour
laisser entrer l’air frais qui sera
diffusé toute la journée. Nous
avons compris que dans certaines régions les Chinois préfèrent s’habiller chaud et ouvrir les fenêtres. Nous en
tenons compte. »
derniers jours, 30 000 Shanghaiens en
LCes
colère sont descendus dans la rue pour s’oppo-
ser au projet de déménagement d’une usine pétrochimique d’un quartier devenu centre d’affaires (Pudong)
vers une zone industrielle aujourd’hui fortement résidentielle (Jinshan). Les médias officiels ont eu pour
ordre de ne pas relater l’événement, les bus et métros
ont été contraints de ne plus desservir la zone et
Internet y a été coupé pour empêcher la propagation
des photos et vidéos de la manifestation sur les réseaux
sociaux. Mais la mobilisation n’a pas fléchi. Après six
jours d’esclandres, la municipalité de Shanghai, s’est
fendue d’un communiqué laconique, afin de repousser son projet aux calendes grecques.
RÉALISÉ par le cabinet
français
Architecture
Studio,
ce bâtiment
est couvert
d’une toiture
végétale.
Il est situé
à Jinqiao,
un quartier
de Shanghai.
« DANS CETTE PHASE DE
RÉNOVATION, LA FRANCE A UNE
CARTE À JOUER » NICOLAS PAPIER, ARCHITECTE
écocités, sans usines ni voitures,
sont souvent des éléphants
blancs, érigés pour les besoins
de la propagande. Ces villes
nouvelles ne répondent pas forcément aux besoins de la population ou des entrepreneurs, et font souvent les frais
d’une concurrence féroce entre les officiels des ministères impliqués », analyse René-Henri Arnaud.
Depuis le 1er janvier, les cadres du Parti unique sont
notés sur la base des performances énergétiques des
territoires qu’ils administrent. Ceux qui espéraient
une ascension fulgurante grâce à un PIB sous amphétamines – permis par des chantiers à tous crins – sont
à présent jugés sur leur capacité à ne pas dépasser des
quotas de production d’électricité, dont on sait qu’elle
provient essentiellement du charbon, principal responsable de la pollution de l’air en Chine. « Il faut
reconnaître à la Chine une gestion politique parfois très
efficace. Quand le régime veut du changement, il s’en
donne les moyens. C’est ce qui va permettre de lutter
contre la pollution, car les promoteurs privés, la société
civile, ne sont pas encore coutumiers de l’économie
d’énergie. » René-Henri Arnaud est optimiste, mais
lucide. Le gain énergétique de ses bâtiments novateurs
est insignifiant par rapport à la perte engendrée par
LA VOLONTÉ POLITIQUE CHINOISE
L’un des premiers faits d’armes du cabinet français
a été un immeuble de bureaux à Jinqiao, un quartier
shanghaien, sur les berges du Huangpu. « Nous l’avons
protégé par une toiture végétale avec un côté ouest
dressé en bouclier contre les nuisances de la route. Nous
avons appris beaucoup en termes d’isolation acoustique,
d’imperméabilité. Les conditions chinoises sont différentes de chez nous… parfois extrêmes. » Chaque projet
débouche sur un autre, fort de l’expérience acquise.
« Révolution verte », « Guerre contre la pollution ».
À grands coups de formules dont il a le secret, le Parti
communiste chinois affirme, presque chaque
semestre, amorcer un virage écologique. Les premières
grandes tentatives ont échoué. À Dongtan et dans les
banlieues de Tianjin, Shenyang, Chengdu, la réalisation de cités écologiques s’est révélée un échec. « Les
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l’essentiel du parc immobilier actuel. En 1979, au commencement des grandes réformes économiques, huit
Chinois sur dix travaillaient la terre. Aujourd’hui, la
majorité de la population est citadine. « Pendant 30 ans,
ce pays a bâti des passoires, du simple vitrage partout
et des murs poreux. Nous entrons dans une phase de
rénovation indispensable, où la France, là aussi, a une
carte à jouer » estime Nicolas Papier, chef du bureau
d’Architecture Studio à Shanghai.
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ENSEIGNER LA DÉPOLLUTION
Cette expertise verte s’applique à d’autres domaines
méconnus. Née près de Sète, aux abords de l’étang de
Thau, l’entreprise Biotope s’est spécialisée dans l’étude
d’impact environnemental. Elle a décroché dans le
Liaoning, province de la Chine du nord-est, un contrat
de réhabilitation de marécages malmenés par l’extraction pétrolière et l’aquaculture intensive. Avec l’espoir
de n’y cultiver que le roseau, pour faire tourner une
usine à papier et préserver le revenu des paysans. « Nous
travaillons aussi sur des zones humides de la côte. Les
terrains sont menacés par des plantes invasives, le développement urbain et industriel, et mettent en péril les
oiseaux migrateurs. Nous allons former les acteurs
locaux à des méthodes de protection et de suivi », explique
Léa Bao, en charge du bureau pékinois. JORDAN POUILLE
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