Le cancer du côlon en situation adjuvante

Transcription

Le cancer du côlon en situation adjuvante
mise au point
Le cancer du côlon
en situation adjuvante
Adjuvant treatment for colon cancer
Julien Taïeb*
FOLFOX4, XELOX
ou monothérapie
(5FU ou capécitabine)
* Service d’hépato-gastroentérologie
et d’oncologie digestive, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
➤➤ Dans les adénocarcinomes coliques de stade III
opérés, le gold standard demeure le schéma FOLFOX
depuis la publication des résultats de l’étude MOSAIC,
qui a comparé FOLFOX4 (oxaliplatine + leucovorine
[LV]5FU2 versus LV5FU2 seul chez 2 246 patients
atteints d’un cancer du côlon de stade II et III. Cette
étude montre une réduction du risque de 23 % (HR
= 0,77 ; IC95 = 0,65-0,91 ; p = 0,002) sur le critère
principal de l’étude, la survie sans maladie (SSM) à
3 ans, en faveur du FOLFOX 4 (1).
➤➤ Après l’équivalence démontrée entre le XELOX
(capécitabine + oxaliplatine) et le FOLFOX en
situation métastatique, l’étude randomisée de
phase III XELOXA a montré une efficacité supérieure du schéma XELOX versus 5FU + LV en bolus
chez 1 886 patients opérés d’un cancer du côlon de
stade III : réduction du risque de 20 % sur la SSM à
3 ans en faveur du XELOX (HR = 0,80 ; IC95 : 0,690,93 ; p = 0,0045) [2]. Le bénéfice en termes de
SSM à 3 ans est maintenu chez les plus de 70 ans
(absence d’interaction de l’âge sur le traitement ;
p = 0,62). Si les régimes XELOX et FOLFOX n’ont à
proprement parler jamais été comparés en situation
adjuvante, les résultats de l’étude XELOXA étant
très proches de ceux de l’étude MOSAIC, on considère aujourd’hui que le schéma XELOX équivaut au
schéma FOLFOX dans cette situation. L’analyse des
données de survie globale (SG) à 7 ans (critère secondaire) a fait tout récemment l’objet d’une présentation orale à l’ASCO GI 2012 ; la SG est également
significativement supérieure dans le groupe XELOX,
avec un HR de 0,83 (IC95 : 0,70-0,99 ; p = 0,037) [3],
confirmant que le bénéfice de SSM se traduit par un
bénéfice de SG. Enfin, les résultats de tolérance de
l’étude XELOXA portant sur 1 864 patients montrent
un profil de toxicité acceptable, avec 19,4 % de diarrhées, 11,4 % de toxicités neurosensorielles, 8,8 % de
neutropénies et, 5,4 % de syndromes “mains-pieds”
de grade 3-4 observés.
➤➤ La réalisation d’un schéma à base d’oxaliplatine
est aujourd’hui discutée chez les patients de plus de
70 ans, depuis la présentation d’une analyse poolée
des données existantes à travers la base de données
ACCENT (4).
➤➤ Chez les patients présentant une contre-indication à l’oxaliplatine ou un âge supérieur à 70 ans
et plusieurs comorbidités, il est aujourd’hui recommandé (TNCD) d’effectuer une chimiothérapie à
base de fluoropyrimidine orale (capécitabine) ou
intraveineuse (i.v.). L’étude X-ACT (5) réalisée chez
1 987 patients a en effet montré que la capécitabine
constituait une alternative à la chimiothérapie standard (5FU + LV i.v.), avec une efficacité au moins
équivalente en termes de SSM (critère principal : HR :
0,87 ; IC95 : 0,75-1,00 ; p < 0,0001) – maintenue chez
les patients âgés de plus de 70 ans. Un bénéfice était
également observé en faveur de la capécitabine sur
les effets indésirables (p < 0,001) dans cette étude,
mais le schéma de 5FU i.v. du bras contrôle (Mayo
Clinic) est aujourd’hui abandonné en raison de son
mauvais profil de tolérance au profit du LV5FU2
➤➤ Dans les cancers du côlon de stade II, il existe
une importante hétérogénéité, et les tests d’inter­
action sur les essais NSABP C01-04 ont montré
qu’avec une chimiothérapie adjuvante, les stades II
bénéficiaient d’une diminution relative de mortalité
identique à celle des stades III avec un test d’inter­
action négatif (6). Les résultats des différentes
méta-analyses sont en revanche contradictoires et
ne permettent pas de conclure. L’étude QUASAR 2
(n = 3 239) a comparé une chimiothérapie adjuvante
5FU + LV ± lévamisole à un bras sans chimiothérapie
148 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XV - n° 3 - mai-juin 2012
HGE 3(XV) MAI JUIN 2012.indd 148
26/06/12 13:56
Résumé
Avec plus de 200 000 cas chaque année en Europe, le cancer du côlon représente un important problème de
santé publique. L’efficacité de la chimiothérapie adjuvante a été établie à travers les résultats de nombreux
grands essais, avec une amélioration de l’ordre de 20 % de la survie pour les patients opérés d’une tumeur de
stade III. Le XELOX constitue une alternative thérapeutique intéressante au FOLFOX, compte tenu de son mode
d’administration (perfusion d’oxaliplatine tous les 21 jours associée à une chimiothérapie par voie orale). Pour
les stades II à haut risque de récidive, la chimiothérapie adjuvante est réservée aux patients opérés d’une tumeur
MSS, le bénéfice d’une chimiothérapie chez les patients MSI étant peu probable, compte tenu de l’excellent
pronostic naturel de cette population et de sa résistance supposée au 5FU. Enfin, une chimiothérapie par 5FU
ou par capécitabine par voie orale est une option de traitement en particulier chez les patients ayant une
contre-indication à l’oxaliplatine ou chez ceux de plus de 70 ans présentant plus d’une comorbidité.
chez des patients atteints de cancers colorectaux très
majoritairement de stade II (91 %) [7]. En analyse
de sous-groupe pour ces stades II, le risque relatif
de récidive à 2 ans est réduit de 29 % (HR = 0,71 ;
IC95 : 0,54-0,92 ; p = 0,01), avec une tendance non
significative à l’amélioration de la survie globale
(HR = 0,83 ; IC95 : 0,65-1,07). Dans le sous-groupe
de patients en stade II de l’étude MOSAIC, il n’a
pas été observé de bénéfice en termes de survie à
6 ans, avec un traitement par FOLFOX 4 (86,9 versus
86,8 % ; RR = 1,00 ; IC95 : 0,70-1,41) [8]. Pour le sousgroupe des patients atteints d’un cancer du côlon
de stade II à haut risque (T4, perforation, tumeur
peu différenciée, embols vasculaires, ou nombre de
ganglions examinés inférieur à 12), il est constaté
une amélioration – non significative – de la SSM à
5 ans dans le bras FOLFOX 4 versus LV5FU2 (RR =
0,72 ; IC95 : 0,50-1,02 ; p = ns), et de la survie globale
à 6 ans (RR = 0,81 ; IC95 : 0,52-1,26 ; p = ns) [8].
➤➤ Les essais évaluant une thérapie adjuvante
associant irinotécan + 5FU se sont, quant à eux,
avérés négatifs. Après les résultats de l’essai du
CALGB arrêté pour toxicité (chimiothérapie adjuvante à base d’irinotécan associé à du 5FU en
bolus selon le schéma IFL), ceux de 2 études européennes ayant évalué une chimiothérapie adjuvante par irinotécan associé à du 5FU infusionnel
ne montrent pas non plus de bénéfice à ce type
de stratégie thérapeutique. L’étude PETACC3 a
comparé une chimiothérapie adjuvante par 5FU
infusionnel (LV5FU2 ou AIO) à la même chimiothérapie associée à de l’irinotécan pendant 6 mois
après exérèse à visée curative d’un adénocarcinome
colique de stade II ou III (2 014 patients inclus) [9].
L’objectif principal de l’étude n’a pas été atteint,
puisque la SSM à 3 ans après LV5FU2 + irinotécan
n’était pas significativement améliorée par rapport
au bras LV5FU2 (HR = 0,90 ; p = 0,106). L’étude de
phase III ACCORD02/FFCD9802 avait également
pour objectif de comparer la SSM à 3 ans après
chimiothérapie adjuvante par LV5FU2 ou LV5FU2
+ irinotécan pendant 6 mois après exérèse d’une
tumeur colique de stade III à haut risque de récidive (N2, N1-2 perforé ou en occlusion) [10]. Les
objectifs de l’étude, qui a inclus 400 patients, ne
sont pas atteints sur le critère principal (SSM : HR =
1,11 ; p = 0,42). Au total, ces résultats ne permettent
pas à l’heure actuelle de recommander ce schéma
dans le traitement adjuvant des cancers coliques.
Impact du phénotype MSI sur
l’efficacité de la chimiothérapie
adjuvante
Mots-clés
Cancer du côlon
Microsatellites
Chimiothérapie
adjuvante
Survie
Fluoropyrimidine
Keywords
Colon cancer
Microsatelites
Adjuvant chemotherapy
Survey
Fluoropyrimidin
➤➤ Le phénotype microsatellites instables (MSI)
constitue une voie de cancérogenèse colique
importante et représente environ 15 % des cancers
colorectaux opérables. Il peut être d’origine sporadique ou héréditaire (syndrome HNPCC – Hereditary
Non-Polyposis Colorectal Cancer). Dans les tumeurs
MSI sporadiques, l’altération du système MMR
(ou système de réparation de mésappariements –
Mismatch Repair) est due dans environ 90 % des cas à
une méthylation épigénétique du promoteur du gène
MLH1, avec pour conséquence l’absence d’expression de cette protéine. Dans les formes héréditaires,
le phénotype MSI est secondaire à une mutation
constitutionnelle d’un gène du système MMR. Dans
la majorité des cas, ces mutations concernent les
gènes MLH1 ou MSH2, et plus rarement les gènes
MSH6 ou PMS2 (11). La caractérisation du statut
MSI repose sur l’analyse comparative des produits
d’amplification par PCR, obtenus à partir de l’ADN
tumoral et de l’ADN normal du patient. Le phénotype
des tumeurs coliques est un marqueur moléculaire
pronostique, et l’amélioration du pronostic conféré
par le statut MSI a été évoquée dès les premières
descriptions de ce type d’instabilité génétique. Par
la suite, de nombreuses études, pour la plupart
L’étude IDEA (International Duration Evaluation of Adjuvant chemotherapy) est une étude randomisée de phase III
évaluant la durée d’une chimiothérapie adjuvante par
FOLFOX6 ou XELOX modifié (3 versus 6 mois) chez des
patients atteints d’un cancer du côlon de stade III. Il s’agit
d’une étude internationale multicentrique, coordonnée pour
la France par le Pr Thierry André (Pitié-Salpêtrière, Paris) et
par le Pr Julien Taïeb (HEGP, Paris), et qui a prévu d’inclure
10 500 patients (7 500 patients d’ores et déjà inclus, dont
1 200 en France).
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XV - n° 3 - mai-juin 2012 | 149
HGE 3(XV) MAI JUIN 2012.indd 149
26/06/12 13:56
mise au point
Références
bibliographiques
1. André T, Boni C, Mounedji-Boudiaf
L et al. Oxaliplatin, fluorouracil,
and leucovorin as adjuvant treatment for colon cancer. N Engl J Med
2004;350:2343-51.
2. Haller DG, Cassidy J, Tabernero J et
al. Efficacy findings from a randomized
phase III trial of capecitabine plus oxaliplatin versus bolus 5-FU/LV for stage
III colon cancer (NO16968): Impact
of age on disease-free survival (DFS). J
Clin Oncol 2010;28(15S):3521.
3. Hans-Joachim Schmoll. Capecitabine
plus oxaliplatin (XELOX) versus bolus
5-fluorouracil/leucovorin (5-FU/LV)
as adjuvant therapy for stage III colon
cancer: Survival follow-up of study
NO16968 (XELOXA). J Clin Oncol
2012;30(4). Abstr 388.
4. Jackson Mc Cleary NA, Meyerhardt J,
Green E et al. Impact of older age on the
efficacy of newer adjuvant therapies
in >12,500 patients (pts) with stage
II/III colon cancer: Findings from the
ACCENT Database. J Clin Oncol
2009;27(15S):4010.
5. Twelves C, Wong A, Nowacki MP et
al. Capecitabine as adjuvant treatment
for stage III colon cancer. N Engl J Med
2005;352:2696-704.
6. Mamounas E, Wieand S, Wolmark N
et al. Comparative efficacy of adjuvant
chemotherapy in patients with Dukes’
B versus Dukes’ C colon cancer: Results
from four National Surgical Adjuvant
Breast and Bowel Project adjuvant
studies (C-01, C-02, C-03, and C-04).
J Clin Oncol 1999;17:1349-55.
7. Quasar Collaborative Group, Gray
R, Barnwell J, McConkey C, Hills RK,
Williams NS, Kerr DJ. Adjuvant chemotherapy versus observation in patients
with colorectal cancer: a randomised
study. Lancet 2007;370(9604):2020-9.
8. Teixeira L, Hickish T, Tournigand L et
al, Efficacy of FOLFOX4 As Adjuvant
Therapy In Stage II Colon Cancer (CC):
A New Analysis Of The MOSAIC Trial
According To Risk Factors. J Clin Oncol
2010;28 (15S):3524.
9. Saltz LB, Niedzwiecki D, Hollis D et
al. Irinotecan fluorouracil plus leucovorin is not superior to fluorouracil
plus leucovorin alone as adjuvant
treatment for stage III colon cancer:
results of CALGB 89803. J Clin Oncol
2007;25(23):3456-61.
10. Ychou M, Raoul JL, Douillard JY et al.
A phase III randomized trial of LV5FU2
+ irinotecan versus LV5FU2 alone in
adjuvant high-risk colon cancer. Ann
Oncol 2009;20(4):674-80.
11. Boland CR, Goel A. Microsatellite
instability in colorectal cancer. Gastroenterology 2010;138(6):2073-87.
12. Halling KC, French AJ, McDonnell
SK et al. Microsatellite instability and
8p allelic imbalance in stage B2 and C
Le cancer du côlon en situation adjuvante
rétrospectives, incluant des patients avec un CCR
de stade II ou III (12-14), ou incluant des CCR tous
stades confondus (15, 16), ont également rapporté
des survies prolongées en rapport avec le statut
MSI des tumeurs.
➤➤ Concernant la valeur prédictive du statut MMR, la
majorité des études menées en situation adjuvante
suggèrent que le phénotype MSI serait un facteur
de résistance au 5FU (13, 14). Une étude publiée en
2010, avec une analyse poolée portant sur un effectif
total de 1 027 patients atteints d’un CCR de stade II
(n = 530) ou III (n = 497), dont 165 (16,1 %) étaient
de phénotype MSI, montre que :
➤➤ les tumeurs MSI sont liées à un pronostic meilleur
que celui des tumeurs microsatellite stable (MSS)
chez les patients traités par chirurgie seule (SSM à
5 ans : HR = 0,51 ; p = 0,009) et non chez les patients
traités par 5FU adjuvant (SSM microsatellite stable)
à 5 ans : HR = 0,79 ; p = 0,30) ;
➤➤ la chimiothérapie adjuvante par 5FU ne semble
efficace que chez les patients ayant une tumeur MSS.
Pour le sous-groupe des patients opérés d’un CCR de
stade II, la chimiothérapie adjuvante par 5FU n’a pas
apporté de bénéfice aux patients avec une tumeur
MSS, et pourrait même s’avérer délétère pour ceux
présentant une tumeur MSI (SSM à 5 ans : HR =
2,30 ; p = 0,09 ; survie globale : HR = 2,95 ; p = 0,04).
Une étude réalisée chez 344 patients opérés d’un
CCR de stade II (n = 164) ou III (n = 180), publiée en
2011, s’est intéressée à l’impact prédictif du phénotype MSI selon l’origine sporadique ou héréditaire
(HNPCC) [17]. Elle ne montre un bénéfice du 5FU
versus chirurgie seule que pour les patients avec un
phénotype MSI de type HNPCC (p = 0,006 pour la
survie sans récidive à 5 ans).
Ces données suggèrent qu’il faudrait, à l’avenir,
distinguer les MSI sporadiques des HNPCC pour
décider de l’intérêt du 5FU adjuvant pour les patients
opérés d’un cancer de stade II ou III.
L’impact du statut MSI sur l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante combinant 5FU et oxaliplatine
a été peu étudié. Les premières données cliniques
suggèrent que l’adjonction d’oxaliplatine à un
traitement par 5FU pourrait rétablir la valeur
pronostique du statut MSI, et donc, possiblement,
le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante pour
les patients avec un cancer du côlon MSI (19-21).
une étude rétrospective menée sur une cohorte
de 105 patients (19 MSI) traités par FOLFOX après
résection d’un CCR de stade III ou II à haut risque
a montré un taux de récidive tumorale plus faible
chez les patients MSI versus MSS (10,5 versus 35 % ;
p = 0,04), avec une SSM non significativement
différente (p = 0,1) [19]. Une étude rétrospective
multicentrique plus récente et incluant une plus
grande série de patients de stade III traités par
FOLFOX (n = 303) a évalué l’impact pronostique
du statut MMR sur la SSM (21). Le taux de SSM à
3 ans pour les patients MSI (n = 34, 11 %) était meilleur (90,5 %) que celui des patients MSS (73,8 %)
[p = 0,027]. En analyse multivariée, le statut MMR
restait le seul facteur pronostique significatif de
survie. Le relativement faible nombre de patients
MSI et la faible proportion d’événements tumoraux
n’a pas permis l’évaluation pronostique du phénotype MSI en fonction du mécanisme à l’origine de la
déficience du système MMR (hyperméthylation du
promoteur de MLH1 ou mutation germinale d’un
gène MMR) [21]. Cependant, en raison de l’absence
de récidive dans le groupe de patients MSI traités
par FOLFOX, l’analyse multivariée, pour déterminer
si le statut MMR était un facteur prédictif indépendant, n’a pas pu être réalisée. Ainsi, FOLFOX
pourrait être efficace chez les patients opérés
d’un cancer du côlon de stade II MSI. Toutefois,
ces résultats préliminaires devront être confirmés
par l’analyse en cours des échantillons tumoraux
provenant des essais randomisés publiés antérieurement et comparant le 5FU au FOLFOX (études
MOSAIC et NSABP C07).
Indications de la chimiothérapie
selon les stades et place
des fluoropyrimidines orales
dans la prise en charge
des patients en adjuvant
➤➤ Les dernières Recommandations du Thésaurus
national de cancérologie digestive de la SNFGE
(juillet 2011) [22] préconisent, pour le traitement
adjuvant du cancer colique de stade III, une chimiothérapie postopératoire par FOLFOX4 ou XELOX
pendant 6 mois et commencée si possible avant le
42e jour postopératoire (niveau de recommandation :
grade A) ou par FOLFOX4 simplifié (accord d’experts). L’arrêt de l’administration de l’oxaliplatine
est recommandé dès l’apparition d’une neuropathie
de grade 2 persistante et obligatoire en cas de gêne
fonctionnelle (grade 3), de réaction allergique ou de
toute autre toxicité de grade égal ou supérieur à 2
(respiratoire, notamment). Chez les sujets de plus
de 70 ans, une monochimiothérapie par fluoropyrimidine seule est recommandée (grade B). Chez
les patients n’acceptant pas la probabilité d’une
150 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XV - n° 3 - mai-juin 2012
HGE 3(XV) MAI JUIN 2012.indd 150
26/06/12 13:56
mise au point
toxicité majorée liée à l’oxaliplatine, ou non candidats à cette chimiothérapie, peuvent être proposées
une association 5FU + AF (grade A) selon le schéma
LV5FU2 standard ou simplifié (accord d’experts)
ou une fluoropyrimidine orale (capécitabine ou
UFT ; grade A). Enfin, chez certains sujets de plus
de 70 ans, une chimiothérapie associant fluoropyrimidines et oxaliplatine (FOLFOX4, FOLFOX4
simplifié ou XELOX) peut être une alternative aux
fluoropyrimidines seules – à discuter au cas par cas
(accord d’experts).
➤➤ Dans le cancer du côlon de stade II (T3-T4-N0
= sous-séreuse atteinte, [T3] ou dépassée, [T4]),
il n’est pas proposé de chimiothérapie adjuvante
en cas de statut MSI (grade B) ou en l’absence de
facteurs de mauvais pronostic reconnus (22). En
cas de facteurs de mauvais pronostic reconnus (T4,
nombre de ganglions examinés < 12, tumeur peu
différenciée, invasion veineuse lymphatique ou périnerveuse, perforation et, pour certains, occlusion),
une chimiothérapie peut être proposée aux patients
n’ayant pas de comorbidité, en bon état général, avec
une tumeur MSS. En l’absence de preuve de niveau A
d’efficacité et de consensus dans cette situation, la
prudence est souhaitable, ainsi que l’explication
aux patients de la balance bénéfice/risque dans
leur cas (décision médicale partagée). Les schémas
proposés doivent avoir peu de risques toxiques : fluoropyrimidines orales, LV5FU2 simplifié. Le schéma
FOLFOX4 peut se discuter principalement chez des
patients de moins de 70 ans avec une tumeur T4 et/
ou moins de 12 ganglions analysés. En cas d’utilisation du protocole FOLFOX4, l’oxaliplatine devra
être interrompu dès l’apparition d’une neurotoxicité
de grade 2 (accord d’experts).
➤➤ Dans les stades I (T1-T2-N0 = sous-séreuse
intacte), la chirurgie seule est recommandée (22).
➤➤ Pour les chimiothérapies orales, l’équivalence
démontrée entre le schéma de la Mayo Clinic et
la capécitabine pour les stades III (2), et celle de
l’UFT comparé au schéma hebdomadaire de 5FU +
AF i.v. du Roswell Park pour les stades II et III (23)
constituent des arguments en faveur de l’utilisation
d’une fluoropyrimidine orale en remplacement de
l’association 5FU + AF lorsque celle-ci est choisie,
avec un confort d’administration et une qualité de
vie des patients améliorés. Cet allègement de la
chimiothérapie par la capécitabine permet d’éviter
les possibles complications infectieuses et thromboemboliques liées à la voie centrale et permet chez
certains patients une adhésion plus facile au projet
de chimiothérapie.
Conclusion : les perspectives
d’avenir en adjuvant
En adjuvant, la prise en compte du rapport bénéfice/
risque est indispensable, de même que la définition
de profils patients distinguant facteurs pronostiques
et facteurs prédictifs. Plusieurs biomarqueurs prédictifs de réponse à la chimiothérapie ont été proposés
ou sont en cours d’évaluation : MSI, absence de délétion de certains chromosomes (LOH 18q), présence
d’un infiltrat par des lymphocytes mémoire, signatures génétiques tumorales pronostiques… Afin de
rendre possibles ces études de biologie moléculaire,
un prélèvement tissulaire idéalement congelé ou au
moins fixé dans du formol est souhaitable. Globalement, le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante
par FOLFOX ou XELOX est établi pour les patients
opérés d’un cancer du côlon de stade III, quel que
soit le statut MMR de leur tumeur. Pour les patients
avec un cancer du côlon de stade II présentant des
facteurs de haut risque de récidive, ceux dont la
tumeur est MSS peuvent être traités par 5FU seul (ou
capécitabine), FOLFOX ou XELOX, mais il n’existe en
revanche pas de consensus pour ceux dont la tumeur
est MSI de stade II, avec des facteurs de haut risque
de récidive. Pour les tumeurs T4 (stade IIB) MSI,
certaines équipes proposent l’étude de l’expression
de certains gènes qui pourraient s’avérer prédictifs
de la récidive. L’indication d’une chimiothérapie
adjuvante n’est, quant à elle, pas justifiée pour les
tumeurs T3 (stade IIA) MSI ou MSS, dont le pronostic
postchirurgie est excellent. ■
colorectal cancers. J Natl Cancer Inst
1999;91(15):1295-303.
13. Ribic CM, Sargent DJ, Moore MJ
et al. Tumor microsatellite-instability
status as a predictor of benefit from
fluorouracil-based adjuvant chemotherapy for colon cancer. N Engl J Med
2003;349(3):247-57.
14. Sargent DJ, Marsoni S, Monges G
et al. Defective mismatch repair as
a predictive marker for lack of efficacy of fluorouracil-based adjuvant
therapy in colon cancer. J Clin Oncol
2010;28(20):3219-26.
15. Gryfe R, Kim H, Hsieh ET et al.
Tumor microsatellite instability and
clinical outcome in young patients
with colorectal cancer. N Engl J Med
2000;342(2):69-77.
16. Samowitz WS, Curtin K, Ma KN et
al. Microsatellite instability in sporadic
colon cancer is associated with an
improved prognosis at the population
level. Cancer Epidemiol Biomarkers
Prev 2001;10(9):917-23.
17. Sinicrope FA, Foster NR, Thibodeau
SN et al. DNA mismatch repair status
and colon cancer recurrence and
survival in clinical trials of 5-fluorouracil-based adjuvant therapy. J Natl
Cancer Inst 2011;103(11):863-75.
18. Kerr D, Gray R, Quirke P et al. A
quantitative multi-gene RT-PCR assay
for prediction of recurrence in stage II
colon cancer: Selection of the genes
in 4 large studies and results of the
independent, prospectively-designed
QUASAR validation study. J Clin Oncol
2009;27(15S):4000.
19. Des Guetz G, Lecaille C, Mariani P et
al. Prognostic impact of microsatellite
instability in colorectal cancer patients
treated with adjuvant FOLFOX. Anticancer Res 2010;30(10):4297-301.
20. Zaanan A, Fléjou JF, Emile JF et
al. Defective mismatch repair status
as a prognostic biomarker of diseasefree survival in stage III colon cancer
patients treated with adjuvant FOLFOX
chemotherapy. Clin Cancer Res
2011;17(23):7470-8.
21. Zaanan A, Cuilliere-Dartigues P, Guilloux A et al. Impact of p53 expression
and microsatellite instability on stage
III colon cancer disease-free survival in
patients treated by 5-fluorouracil and
leucovorin with or without oxaliplatin.
Ann Oncol 2010;21(4):772-80.
22. Thésaurus de cancérologie digestive
de la SNFGE. Cancers du côlon. Mise à
jour 20 juillet 2011. www.tncd.org
23. Zaniboni A, Labianca R, Marsoni S et
al. GIVIO-SITAC 01: a randomized trial
of adjuvant 5-fluorouracil and folinic
acid administered to patients with
colon carcinoma - Long term results
and evaluation of the indicators of
health-related quality of life. Cancer
1998;82:2135-44.
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XV - n° 3 - mai-juin 2012 | 151
HGE 3(XV) MAI JUIN 2012.indd 151
26/06/12 13:56