La nouvelle littéraire Guide de rédaction Préambule Je n`aime pas
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La nouvelle littéraire Guide de rédaction Préambule Je n`aime pas
La nouvelle littéraire Guide de rédaction Préambule Je n’aime pas le mot guide. Ça fait recette, marche à suivre, vérité absolue. J’aimerais donc simplement vous dire que ce qui suit n’a pas la prétention d’être une recette gagnante ou un modèle à suivre à la lettre. Ce sont des propositions, des réflexions, des suggestions, des idées, à suivre ou non, pour la suite de votre démarche. Ce sont des façons de faire, des trucs, des tentatives d’inspirer, mais n’ayez pas peur de procéder autrement. La recette magique/gagnante n’existe pas. Il n’y a que vous pour trouver la vôtre et l’épicer à votre manière. Première étape: Stratégie d’écriture potentielle Il y a plusieurs façons d’écrire. Certains auteurs vont privilégier l’écriture automatique, c’est-à-dire écrire tout ce qui leur passe par la tête sans se juger pour ensuite faire un tri. C’est certainement une option qui s’offre à vous quand vous entamerez l’écriture de votre nouvelle. Reste que vous pourriez aussi, comme premier pas vers l’écriture, choisir de faire un plan d’écriture. Personnellement, j’aime beaucoup partir d’une forme de désordre au début de mon processus de création. C’est-à-dire accumuler une tonne d’idées différentes, les bonnes comme les mauvaises, pour ensuite en faire le tri. Cette accumulation est riche et donne une base sur laquelle construire son texte. Il est important de ne pas vous mettre de freins lors de cette étape. Ne pensez pas aux fautes de français, ne pensez pas à être lus ou à être jugés, ne pensez pas encore au concours, ne faites que penser à ce que vous avez envie d’écrire, soit ce qui vous ferait plaisir de mettre sur papier. Vous n’avez toujours pas d’idées? Partez de ce que vous aimez, de ce que vous connaissez, de ce que vous aimez lire, voir, entendre, que ce soit des livres, des films, des séries télévisées, des histoires, etc. Écrivez quelque chose qui vous ressemble, ou encore, si ce qui vous ressemble ne vous intéresse pas, écrivez quelque chose qui ne vous ressemble pas et qui vous intéresse. Assurez-vous d’être fiers de ce que vous écrirez, ça vous permettra de garder un bon moral pour la suite du travail. J’aime beaucoup me rappeler cette citation de Samuel Beckett lorsque vient le temps de commencer un processus d’écriture : « Vous avez essayé? Vous avez échoué? Aucune importance. Réessayez encore. Échouez encore. Échouez mieux.» Voici aussi quelques pistes qui pourraient vous aider à déclencher l’inspiration qui vous manque, ou encore à nourrir la nouvelle que vous allez écrire : un lieu: Réel ou fictif. Une ville, un village, une maison, un appartement, une grange, un lac, un chalet, un train, un avion, une voiture, un dépotoir, un centre commercial. Un endroit qui vous inspire ou qui peut se prêter à l’histoire que vous conterez. un objet: magique ou pas. Un objet mystérieux ou banal. Un objet qui obsède un personnage ou qui revient ici et là. Un détail dans une pièce d’une maison ou dans le coffre à gant d’une voiture, ou encore un objet déterminant dans la résolution de votre nouvelle. Ce peut être une paire de chaussures comme ce peut être un pistolet ou un couteau. L’objet peut être un important moteur de création. À vous de voir comment vous voulez vous en servir. J’ajoute ici une autre citation d’Anton Tchekhov sur l’utilité potentielle d’un objet : « Si dans le premier acte vous indiquez qu’un fusil est accroché au mur, alors il doit absolument être utilisé quelque part dans le deuxième ou le troisième acte. Si personne n’est destiné à s’en servir, il n’a aucune raison d’être placé là. » Cette citation a inspiré le nom du procédé littéraire « le fusil de Tchekhov ». En gros, on vous recommande de vous assurer que tous les éléments ou objets qui peuvent être présents dans votre nouvelle aient leur raison d’être dans la suite des évènements. Comme quoi rien n’est banal, et tout peut annoncer quelque chose à venir. la/une peur: La peur est un sentiment que plusieurs humains ont en commun. C’est également un moteur important de création. L’écrivain Eugène Ionesco disait d’ailleurs que la peur était souvent sa première inspiration. La peur peut à la fois créer un effet dramatique ou encore comique (lorsqu’exagérée). À vous de voir comment vous jouerez avec elle ou non. une situation: Un accident, une rupture amoureuse, une chicane, un meurtre, une guerre, une bataille héroïque. Ce peut être le début d’une aventure. une action: Un voyage, une promenade, une opération (médicale ou secrète), une compétition sportive. 2 état: Un état psychologique ou physique. Une blessure ou un grand bonheur, la peur, la dépression, le doute, la colère. Un état qui peut bouger et se transformer vers quelque chose de mieux. climat/température: Pourquoi pas parler de météo? Fait-il beau, le ciel est-il ennuagé, est-ce le soir, le jour, la nuit, y a-t-il de la brume, fait-il chaud, froid, pleut-il, neige-t-il, vente-t-il? Ici encore, voyez comment le tout peut influencer votre récit. un personnage: Un trait de caractère, un trait physique, une façon de penser, de marcher, d’agir, de réagir, un passé, un présent, un futur. Qu’est-ce qui le différencie des autres, qu’est-ce qui fait que c’est intéressant qu’on raconte son histoire? D’où vient-il, comment est-il, où va-t-il? Stratégie d’écriture potentielle #2 Dans plusieurs textes que j’ai écrits, j’ai inséré un lieu ou des traits de caractère à des personnages qui s’inspirent de gens, d’anecdotes ou de lieux que j’ai rencontrés dans mon quotidien. C’est ce que j’appelle « mon ancrage de réalité ». Comme la base de ce que j’écris est inspirée de faits réels, je me dis que la fondation de ce que j’écris acquiert à la fois une solidité et une humanité parce qu’elle se peut. Là où ça devient, à mon sens, intéressant, c’est là où je déforme cette réalité que je connais pour la meubler de fiction, ou encore que je brouille les cartes en m’amusant à mélanger les histoires et les réalités, au point où ce n’est plus important de savoir si oui ou non je m’inspire de quelque chose de vrai. C’est une méthode parmi d’autres. À vous de voir si ça vous convient. Stratégie d’écriture potentielle #3 L’inspiration par la recherche. C’est une autre façon de procéder. Lisez des journaux, de l’actualité, des ouvrages historiques, des récits de voyages, et amassez une banque de données avec laquelle vous composerez votre récit. La section des faits divers à la radio, à la télévision ou dans les journaux peut souvent être inspirante et vous donner le début d’une histoire tout aussi surprenante qu’intéressante. Attention par contre, l’idée ici n’est pas de reproduire les faits réels, mais de s’en servir comme base pour créer votre propre histoire. Parce que c’est souvent là que ça devient le plus intéressant… Deuxième étape : l’écriture Une stratégie, c’est bien. Ensuite, il faut bien la mettre en pratique. Après le désordre que permet un premier plan, il faut maintenant passer à l’étape de l’organisation des idées. Trouver le trajet qui prendra l’histoire d’un point A pour l’emmener au point B avec tous les détours nécessaires pour y arriver. Voici quelques indications qui pourraient aider à l’écriture du récit : 3 2.1 Les personnages Il faut un personnage principal. On peut le faire parler à la première personne du singulier (« je »), à la deuxième personne du singulier (« tu ») ou à la troisième personne (« il/elle/on »). Tout dépendant de l’angle abordé, ça déterminera le point de vue du personnage principal sur l’action racontée dans le récit. Le tout peut aussi influencer votre façon d’écrire la nouvelle. Par exemple, dans un roman d’Agatha Christie, on se rend compte que le narrateur (qui parle au « je ») est en réalité le meurtrier qu’on recherche. Je ne vous donne pas le titre, histoire de ne pas vous ruiner la surprise. Un personnage n’a pas forcément besoin d’être un humain non plus. Ce peut être un animal, un objet, une figure imaginaire. À vous d’y voir. Le tout peut aussi faire partie de l’élément surprise de votre nouvelle et nourrir la chute. Il est important de limiter le nombre de personnages dans la nouvelle, puisqu’elle doit rester relativement courte. Le temps de rencontrer des gens est limité et peut nuire à l’action de la nouvelle plutôt que de la nourrir. 2.2 Le temps des verbes Habituellement, deux options priment: le passé ou le présent. Le passé : Si vous écrivez votre récit au passé, vous utiliserez surtout le passé simple et l’imparfait. L’écriture au passé donne l’impression au lecteur que le voyage est terminé ou qu’il est écrit antérieurement aux faits racontés. Le lecteur a moins l’impression d’être dans l’action. Au présent : Si vous écrivez votre récit au présent, vous utiliserez surtout le présent et le passé composé. L’écriture au présent donne l’impression au lecteur de vivre l’action en même temps que l’auteur-narrateur. Cela ajoute au dynamisme du texte et à l’attachement du lecteur pour le personnage principal. Jouez aussi sur les modes de verbes. Ça peut jouer sur l’impression d’être dans l’action. Un exemple parmi d’autres: Infinitif présent Être ou ne pas être, telle est la question Indicatif présent Je suis ou je ne suis pas, telle est la question. 4 Impératif présent Sois ou ne sois pas, telle est la question. Indicatif imparfait Étais-je ou n’étais-je pas, telle était la question. Ça ne veut pas tout à fait dire la même chose. À vous de voir ce qui vous semble le plus efficace! 2.3 Le trio gagnant : la narration, la description et le commentaire La nouvelle littéraire est souvent un mélange de trois éléments : la narration, la description et le commentaire. Pour qu’un récit soit agréable à lire, il faut que ces éléments soient savamment intercalés et à petite dose. Ils ne doivent surtout pas être abordés l’un à la suite de l’autre dans l’ordre mentionné ci-dessus. 2.3.1 La narration J’ai abordé la narration dans le document sur la nouvelle littéraire, mais voici l’exemple du schéma narratif typique de ce genre littéraire : Situation initiale : la présentation du personnage principal, du lieu, de l’époque, du décor, etc. Élément déclencheur ou perturbateur : la modification de la situation initiale, l’événement duquel découle la suite de la nouvelle (surtout écrite au passé simple). Péripéties : les actions faites par le personnage principal et par les personnages secondaires qui vont permettre l’évolution psychologique du personnage principal. Dénouement, résolution ou chute : partie du schéma qui met un terme aux actions et surprend généralement le lecteur. Situation finale : le résultat, la fin du récit. 5 2.3.2 La description Dans la nouvelle littéraire, la description aide généralement à faire part d’un état, que ce soit l’état d’un personnage, d’un lieu, d’une situation. Cela permet de créer une atmosphère et une tension dramatique qui nourrissent ensuite votre parcours. Cela peut aussi créer une bulle à part dans votre récit. Tout cela aide à situer le lecteur. Il ne faut pas en abuser, mais cela peut certainement enrichir votre texte. Lorsque vous entrez dans une description, prêtez une attention particulière à tout ce qui interpelle les sens (vue, odorat, toucher, goût, ouïe) en cours de voyage, afin de permettre au lecteur de s’immerger dans votre récit. Le fait de jouer sur un sens auquel on s’attend peu, comme le fait l’auteur Patrick Suskind dans son roman Le parfum, peut aussi être un incitatif à la création. À vous de voir si cela peut vous stimuler. La perte d’un sens (l’ouïe, le goût, l’odorat) d’un de vos personnages peut aussi être une autre façon de bonifier votre écriture et votre récit. 2.3.3 Les commentaires Votre récit sera teinté à la fois de votre parcours et de celui de votre personnage. En ce sens, il y a une frontière entre l’objectivité et la subjectivité avec laquelle jouer. C’est pourquoi vous pouvez vous permettre des commentaires à la fois personnels ou encore inventer un point de vue commenté par le personnage principal sur l’environnement ou les gens qui l’entourent tout au long de votre nouvelle. On peut décrire des impressions, des émotions que provoquent les évènements ou les lieux ou les actions auxquelles sont confrontées les personnages. Au fur et à mesure que le récit progresse, il est important que le lecteur suive bien l’auteur-narrateur. Le lecteur devient témoin de sa transformation ou de son apprentissage. Ce faisant, le lecteur se transforme et apprend en même temps. Finalement, il est pertinent de mentionner les raisons qui poussent votre personnage à agir ou encore à rester passif. Par exemple, de nombreuses motivations peuvent soustendre une action ou inaction dans un récit: raisons professionnelles, nécessité (exode, fuite, guerre), goût de l’aventure, dépassement de soi, tourisme, curiosité personnelle ou spirituelle, exploration photographique, obligation familiale, exploit sportif, etc. 2.4 Le nombre de mots En théorie, une nouvelle commence et se termine quand elle a besoin de commencer et de se terminer. Dans les faits, dans le cadre du concours « Mordus des mots », vous devez considérer la contrainte importante du nombre de mots : 1 500. Mille cinq cent mots, ça passe vite! Je vous suggère donc de bien sélectionner l’intervalle de temps dont vous parlerez. Une nouvelle qui s’étend sur plusieurs années pourrait devoir comporter de nombreuses ellipses dans le temps pour arriver à s’achever dans les limites du 6 concours. C’est peut-être mieux d’envisager un nombre de temps réduit entre le début et la fin de l’histoire. 2.5 Interpeler le lecteur Il est toujours possible, lorsque vous écrivez une nouvelle, d’interpeler directement le lecteur dans le texte. Vous pouvez, par l’exemple, l’inviter à vous suivre ou lui donner des conseils. Ceci n’est absolument pas obligatoire, et il ne faut pas en abuser, mais si cela se prête à votre style d’écriture, sachez que c’est une possibilité. Une citation avant de conclure cette deuxième étape, celle-ci du poète et romancier Gérald Leblanc, dans son roman Moncton Mantra: « Un écrivain, ça écrit. » Troisième étape : la révision À la citation précédente arrive cette nuance qu’un ami m’a déjà mentionnée. « Un écrivain, ça écrit. Un écrivain professionnel, ça réécrit. » Il n’est pas rare qu’un auteur révise son texte, le réécrive, le retravaille cinq, même six fois! Ne vous contentez surtout pas d’une seule révision à la suite de votre premier jet. Prenez du recul, laissez votre récit mûrir, lisez-le à voix haute, offrez-le en lecture à des gens en qui vous avez confiance, apprenez à être autocritique et à prendre la critique pour vous améliorer. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est toujours formateur. Je vous suggère d’utiliser la grille de vérification que vous trouverez en annexe afin de vous guider tout au long de l’étape de la révision. Pour certains, le processus peut sembler laborieux, voire casse-gueule ou casse-tête. Certains auteurs, comme Jean-Marc Dalpé, suggèrent des procédés comme celui d’éliminer ce qui vous est le plus cher dans votre récit. On appelle le tout la partie « kill your darlings ». Cette idée vient du fait que l’attachement envers certaines sections nous enlèverait la distance nécessaire à discerner la pertinence (ou pas) de ces éléments, potentiellement les plus faibles de notre récit. Méfiez-vous aussi de votre talent. Jacques Brel disait d’ailleurs que « Le talent ça n’existe pas. Le talent, c’est d’avoir envie de faire quelque chose. Le reste, c’est de la sueur. » En espérant que la sueur soit bonne! 7 Quatrième étape : La soumission Votre texte est prêt à être soumis? Alors allez-y! Si ensuite vous êtes choisi(e), poursuivez. Si vous ne l’avez pas été, poursuivez. C’est à la fois le risque et la beauté de partager ses écrits. Bonne écriture! Gabriel Robichaud Auteur-conseil Concours « Mordus des mots » 8