La maladie de Verneuil: Dossier thematique

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La maladie de Verneuil: Dossier thematique
D o s s i e r
t h é m a t i q u e
F O R M E R
La maladie de Verneuil
Coordinateur : D. Soudan, Paris
✔ Introduction
- D. Soudan
● Épidémiologie - Étiopathogénie - Th. du Puy-Montbrun
● Diagnostic - Formes cliniques - D. Soudan
● Traitements - F. Pigot
Introduction
● D.
Soudan*
a maladie de Verneuil (MV) réalise l’arL
chétype d’une maladie dermatologique,
d’expression proctologique et de traitement
Cliché hôpital Bellan
chirurgical. Il a été proposé de réserver la
dénomination de MV aux localisations périnéo-fessière et inguino-génitale de l’hidradénite suppurative (HS), (photo 1) ce dernier
terme, plus général, concernant également les
lésions des autres territoires, en particulier
axillaire (photo 2).
Il s’agit d’une affection chronique, récidivante,
inflammatoire et suppurative, survenant dans
le territoire des glandes apocrines. Les glandes
apocrines – de même que les glandes sébacées
– sont annexées au follicule pileux. Elles ne
sont pas ubiquitaires. Ces deux caractéristiques les différencient des glandes sudoripares eccrines, qui sont indépendantes du follicule et ubiquitaires.
L’HS n’a pas livré tous ses secrets : le terme
HS est impropre, car le primum movens de la
maladie n’est pas une infection des glandes
apocrines. D’ailleurs, aux yeux des dermatologues, l’HS a quitté le cadre des suppurations
bactériennes (anthrax, furoncle...) pour entrer
dans celui des pathologies d’occlusion folliculaire, au même titre que l’acné.
Sa présentation clinique est stéréotypée, et le
diagnostic n’a pas besoin des examens complémentaires. Il faut cependant connaître les
pièges diagnostiques rencontrés avec les autres
suppurations et en particulier les fistules
anales, savoir que le risque de dégénérescence
existe, penser à dépister une maladie de Crohn
éventuellement associée.
Le traitement reste dominé par la chirurgie,
même dans les formes de début où l’on serait
tenté d’être plus “médical” : cette attitude permet d’éviter des souffrances trop souvent
cachées et des complications rares mais redoutables.
■
Photo 1.
Cliché hôpital Bellan
Photo 2.
* Service de colo-proctologie
et de gastroentérologie,
hôpital Léopold-Bellan, Paris.
9
Le Courrier de colo-proctologie - Volume II - n° 1 - mars 2001
D o s s i e r
t h é m a t i q u e
La maladie de Verneuil
Coordinateur : D. Soudan, Paris
● Introduction
- D. Soudan
✔ Épidémiologie - Étiopathogénie - Th. du Puy-Montbrun
● Diagnostic - Formes cliniques - D. Soudan
● Traitements - F. Pigot
Épidémiologie - Étiopathogénie
● Th.
du Puy-Montbrun*
Points
forts
Points
Points forts
forts
QUELQUES MOTS
D’HISTOIRE (1)
En 1839, Velpeau (2)
décrivit des lésions inflammatoires avec abcès superficiels touchant les régions
axillaire, mammaire et
◆ Son étiologie fait intervenir à des degrés divers des facpérianale. C’est en 1854
teurs génétiques, hormonaux (androgènes) et environneque Verneuil (3) (photo)
mentaux (tabac) dont les rôles respectifs sont encore
en fit une affection des
imprécis.
glandes sudoripares. En
1922,Schiefferdecker classa
◆ Les études histologiques révèlent le rôle primordial de
les glandes sudoripares en
l’occlusion folliculaire.
glandes eccrines et apocrines et fit de la maladie
◆ L’association très fréquente à un terrain acnéique doit
de Verneuil (MV) une
faire rechercher une origine commune à ces différents
affection des glandes
tableaux cliniques.
apocrines, localisée dans
les régions axillaire, aréoMots clés : Maladie de Verneuil - Hidradénite suppurative
laire, inguinale, périnéale
- Épidémiologie - Génétique - Hormones - Histologie.
et ombilicale. En 1939,
Brunsting (4) décrivit
comme non exceptionnelle
l’association chez une même
personne d’une MV, d’une folliculite du cuir
chevelu et du cou et d’une acné conglobata.
C’est à partir de ces observations qu’il fut supposé que l’anomalie primaire à cet ensemble
de troubles pouvait être une hyperkératinisa* Service de colo-proctologie
tion du follicule à laquelle s’associerait un proet de gastroentérologie, hôpital Léopold-Bellan,
cessus infectieux secondaire, ce que confirParis.
Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 1 - mars 2001
10
Photo. Aristide Verneuil de Saint-Martin
(Paris, 28/9/1823 - Paris, 11/6/1895).
mèrent Yu et Cook (5). Ainsi a-t-on pu définir
la triade folliculaire (MV, folliculite du cuir
chevelu, acné) à laquelle s’ajoutera ultérieurement le sinus pilonidal pour former la tétrade
acnéique.
ÉPIDÉMIOLOGIE
La MV reste une affection rare. Dans une série
de 1 255 suppurations opérées, elle n’en représentait que 4,7 % (6). L’incidence réelle de la
MV demeure inconnue. Certains ont estimé
qu’un individu sur 300 pouvait en être atteint
(7). Toutes les régions présentant des glandes
apocrines peuvent être intéressées par la maladie avec toutefois une certaine prédilection
D o s s i e r
pour les régions axillaire et inguino-périnéale.
Les hommes et les femmes peuvent présenter
la maladie, et la plupart des séries soulignent
une prépondérance féminine, avec un ratio
pouvant atteindre 4 pour 1 (8). La localisation
axillaire – encore que, sur ce point, l’accord
ne soit pas fait (9) – serait plus fréquente chez
la femme, alors que la localisation anopérinéale le serait chez l’homme (1). Le pic
d’apparition correspond à l’élévation de la
sécrétion androgénique. C’est dire que la MV
s’observe après la puberté (deuxième, troisième ou quatrième décade de la vie), bien que
d’exceptionnelles formes prépubertaires aient
été décrites (10), faisant discuter un statut
d’hyperandrogénie prépubertaire (1). L’avis
n’est pas unanime quant à l’influence éventuelle de la race, la maladie paraissant plus fréquente chez les Noirs dans quelques séries
(11). L’usage de cosmétique, la contraception
orale, l’index de masse corporelle ne sont pas
apparus comme des facteurs déterminants (9).
Enfin, le tabac est considéré comme favorisant
(12, 13).
ÉTIOPATHOGÉNIE
L’étiopathogénie de la maladie de Verneuil
reste encore incertaine. Elle relève de multiples facteurs, d’influence et d’importance
variables, que nous allons essayer de passer en
revue.
Les facteurs génétiques ont été avancés par
Fitzsimmons et al. qui émirent l’hypothèse
d’une transmission autosomique dominante
(7). Khönig et al. ont supposé une hérédité de
type polygénique (12). Récemment, von der
Werth et al. ont confirmé la possibilité d’une
hérédité autosomique dominante associée à
une pénétrance variable et à une éventuelle
influence hormonale sur l’expressivité du
gène. Ils ont aussi soulevé la question de l’intervention possible de plusieurs gènes (14).
Cela posé, il reste que la question essentielle
autour de laquelle débats et controverses se
sont organisés demeure, à savoir : la MV estelle une affection suppurative des glandes apocrines ?
La mise en cause des glandes apocrines tenait
initialement à la localisation des lésions qui ne
s’observaient que dans le territoire de ces
glandes. Toutefois, cela ne disait rien du primum movens de la maladie. Était-elle une
affection primitive des glandes apocrines ? Si
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tel était le cas, il fallait s’en remettre à l’hypothèse d’une obstruction du canal glandulaire, car Morgan et Hughes avaient montré
que les glandes apocrines des sujets atteints ne
se différenciaient pas de celles des témoins
dans leur forme et leur nombre (15). Une telle
théorie s’appuyait sur les travaux de Shelley
et Cahn (16), qui avaient provoqué une occlusion des canaux apocrines par l’application de
produits dépilatoires au niveau des creux axillaires. Cependant, les lésions ne s’observaient
que dans 26 % des cas et n’évoluaient pas vers
la chronicité comme dans l’hidradénite suppurative (HS) : le tableau réalisé ne pouvait
donc constituer un modèle expérimental de la
maladie. D’ailleurs, la seule maladie connue
où existe une oblitération isolée du canal apocrine – la maladie de Fox Fordyce – ne se présente pas comme une MV. En fait, et Yu et
Cook furent parmi les premiers à l’avancer,
l’obstruction existait bien, mais elle se trouvait en amont, au niveau du follicule pileux
(5). Attanoos et al., par l’étude de biopsies
cutanées de patients atteints de MV, le confirmèrent en montrant que l’occlusion des follicules par de la kératine était l’étape initiale de
la maladie, suivie d’une inflammation folliculaire et d’une destruction secondaire des
annexes (17). Ainsi la MV est-elle plutôt
considérée comme secondaire à une anomalie
de la tige folliculaire de follicules dans lesquels s’abouchent des glandes apocrines (1).
Cette analyse se trouve confirmée par l’étude
ultrasonographique des follicules pileux qui,
dans la MV, présentent des anomalies caractéristiques de forme dans leur partie profonde
(18). L’association possible avec une maladie
de Dowling-Degos (19) a aussi été avancée
pour démontrer la nature folliculaire de la MV.
Cependant, on ne peut éliminer ici une association fortuite.
Cette hypothèse admise, il reste à essayer de
préciser le rôle éventuel des androgènes car,
nous l’avons vu, la MV est, dans la quasitotalité des cas, une maladie de la postpuberté.
Cette participation androgénique se retrouve
chez les femmes atteintes qui décrivent une
aggravation des lésions lors des règles et une
amélioration pendant la grossesse, suivie
d’une aggravation dans le post-partum (20).
La maladie de Verneuil n’existe d’ailleurs pas
chez les eunuques (21). De plus, les androgènes facilitent la production de kératine, et
les études chez l’animal ont montré que
11
l’occlusion folliculaire pouvait être accrue par
adjonction systémique d’androgènes (1). Toutefois, il est des auteurs qui discutent le rôle
des androgènes dans la MV, arguant de l’absence d’hyperandrogénisme biologique. En
fait, il est probable que chez les sujets porteurs
de MV existe une sensibilité anormale de la
glande apocrine aux androgènes (10). Cependant il n’a pas été montré, entre sujets atteints
et contrôles, de différence d’activité enzymatique vis-à-vis des androgènes au niveau des
glandes apocrines axillaires (22). On le voit,
la relation androgène-maladie de Verneuil
n’est pas encore éclaircie. Cette incertitude se
retrouve dans les effets inconstants des traitements antiandrogéniques de la MV chez la
femme.
Qu’en est-il de l’infection ? On le sait, la MV
est suppurative, mais l’infection n’est ici que
secondaire. Comme dans l’acné, il s’agit d’une
colonisation bactérienne de glandes et de leur
contenu. Une preuve indirecte du caractère
secondaire de l’infection est apportée par l’incapacité des antibiotiques à traiter la MV sur
le fond. Dans une étude de 41 patients porteurs
de MV, seules 50 % des cultures étaient positives avec l’identification de Staphylococcus
aureus, S. epidermidis et S. hominis, Streptococcus milleri, Corynebacterium spp, Acinetobacter, Lactobacillus spp (23). Ce travail n’a
pas confirmé l’hypothèse d’un éventuel rôle
causal de S. milleri qui avait été avancée par
Highet et al. en 1980 (24). Dans une autre
étude (25), la même équipe ne retrouvait pas
d’arguments pour confirmer le travail de
Bendahan et al. (26), faisant de Chlamydozoon
trachomatis un agent causal de MV périanale.
De même, l’association entre MV et maladies
vénériennes s’est avérée fortuite.
TENTATIVE DE SYNTHÈSE
Au terme de cette revue de la littérature, on
peut retenir que la MV n’est pas une maladie
primitivement infectieuse, qu’elle se développe dans le territoire des glandes apocrines,
mais qu’il est probable qu’il n’existe pas à son
origine une atteinte première de ces glandes.
Le primum movens en serait l’obstruction folliculaire d’amont dans un contexte hormonal
d’une éventuelle sensibilité à l’imprégnation
androgénique. À cela il faut ajouter la vraisemblable transmission autosomique
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D o s s i e r
dominante. Voilà pour ce qui est de la
maladie en elle-même.
Un autre aspect de la question concerne son
environnement et ses associations à d’autres
affections. La triade acnéique – plus sans doute
que la tétrade – résume la question de l’environnement. Il s’agit bien d’association puisqu’en particulier tout différencie folliculite,
acné et MV. À ce sujet, il est clairement établi
que, dans la MV, il n’y a pas d’augmentation
de la sécrétion sébacée, contrairement à ce
qu’on observe dans l’acné (27). Il n’empêche
que, d’une part, l’expérience courante – et l’expérience n’est pas sans signification – montre
bien que la MV survient volontiers sur un “terrain” acnéique et que, d’autre part, l’on sait
qu’acné et folliculite sont hormonodépendants. L’embryologie apporte une possibilité
de théorie uniciste permettant de regrouper
MV, acné et folliculite et d’en faire une seule
affection d’expressions différentes. Dans cette
hypothèse, l’anomalie initiale se situerait au
niveau du bourgeon épithélial primaire (BEP)
(tableau) à l’origine des poils, des glandes apocrines et des glandes sébacées. Finalement, la
MV ne serait qu’une expression particulière et
limitée d’une “anomalie” du BEP telle que l’a
définie Pinkus, anomalie qui, dans sa forme
“complète”, donnerait, en association à une
MV, une acné et une folliculite. Resterait à
expliquer ce qui modulerait l’expression de
■
chacun de ces trois éléments.
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Couche germinative embryonnaire
Bourgeon épithélial
primaire
Cellules basales
follicules
glandes apocrines
Épiderme
Tableau. Embryologie des éléments cutanés.
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B I B L I O G R A P H I Q U E S
glandes eccrines
Annexes
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R É F É R E N C E S
glandes sébacées
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Points
forts
Points
Points forts
forts
◆ La clinique suffit au diagnostic de la maladie de Verneuil.
◆ La coexistence de lésions d’âges différents, leur caractère récidivant et la formation
de cicatrices chéloïdes rétractiles sont les éléments majeurs du diagnostic.
◆ L’association à une maladie de Crohn et à un tableau de spondylarthropathie est
possible.
◆ Les complications locales, générales et la cancérisation sont le fait de formes vues
tard et négligées.
Mots clés : Maladie de Verneuil - Hidradénite suppurative - Périnée - Clinique Maladie de Crohn - Cancer.
e diagnostic de la maladie de Verneuil
L
(MV) est clinique. Il nécessite le
constat de lésions typiques, dans des localisations typiques et une évolution récidivante (1).
LÉSIONS
La lésion initiale de la MV (photo 1) à sa phase
de début est l’apparition insidieuse d’un
nodule dermo-hypodermique de forme ronde
ou oblongue, peu sensible, mesurant 5 à
15 mm, parfois inflammatoire. Il semble
enchâssé dans le derme et reste mobile sur les
plans profonds. Après un délai variable, au
Photo 1.
stade d’abcès, il laisse sourdre une faible quantité de pus ou de liquide séropurulent qui ne
permet pas de le vider complètement, et son
induration persiste (2), prenant une coloration
violacée. Un traitement antibiotique est souvent prescrit en première intention : il est en
règle inefficace.
C’est à ce stade initial que le diagnostic peut
ne pas être évident. Les critères cliniques suivants ont été retenus pour étayer le diagnostic
(3), à partir d’une série de 70 MV à leur début :
abcès récidivants depuis plus de 6 mois dans
des zones de glandes apocrines, début après la
puberté, non-réponse aux antibiotiques, tendance marquée à la récidive, existence de
comédons doubles dans les territoires des
glandes apocrines (régions inguino-périnéofessières, axillaires et périaréolaires), absence
* Hôpital Léopold-Bellan, Paris.
13
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D o s s i e r
de germe pathogène en cas de culture,
antécédents personnels ou familiaux d’acné
ou de sinus pilonidal et recrudescence en
période prémenstruelle.
La récidive est la règle. Elle se fait par extension du processus inflammatoire et suppuratif
à partir d’une lésion initiale ou par l’apparition d’une nouvelle lésion, le plus souvent
dans le même territoire, aboutissant à un
tableau où coexistent des éléments d’âges différents (2) (photo 2).
Cliché hôpital Bellan
Photo 2.
Cette évolution se poursuit pendant plusieurs
dizaines d’années. Tôt ou tard, des trajets fistuleux se forment qui restent dans le tissu souscutané. L’évolution cicatricielle de ces lésions,
après évacuation spontanée ou incision, prend
un aspect chéloïde, en pince de crabe quasi
pathognomonique (photo 3).
t h é m a t i q u e
Histologie
L’histologie, au stade de lésion précoce,
constate une périfolliculite avec infiltrat de
polynucléaires neutrophiles, de lymphocytes,
d’histiocytes, aboutissant à l’abcédation et à
la destruction première des structures pilosébacées et des autres annexes cutanées (4).
Cette folliculite est la conséquence d’une
occlusion folliculaire par de la kératine (5).
Les fistules se présentent comme des cavités
irrégulières, dermo-hypodermiques, entourées
d’un tissu de granulation riche en plasmocytes,
en macrophages et en granulomes à corps
étrangers. Certaines cavités ont un revêtement
kératinisé malpighien, dont il est difficile de
dire s’il s’agit de restes annexiels, de l’épithélialisation secondaire d’un trajet fistuleux
ou d’inclusions épithéliales dysembryoplasiques (6). L’histologie “classique”, où la
glande apocrine est dilatée et prend un aspect
pseudo-kystique, est de constatation rare et
correspond à des lésions très précoces (2). À
l’opposé, dans une série de 46 examens de MV,
l’appareil des glandes apocrines était normal
chez 40 % des patients (5). L’examen histologique n’est donc pas spécifique et doit être
confronté au tableau clinique pour étayer le
diagnostic.
FORMES CLINIQUES
Formes associées à d’autres
maladies cutanées
La MV peut être associée à d’autres maladies
affectant primitivement le follicule pilaire.
L’association la plus fréquente est celle d’une
MV et d’une acné conglobata (AC) qui provoque une atteinte inflammatoire des glandes
sébacées et siège au niveau du tronc, de la
nuque et du visage (association présente dans
70 % des cas dans certaines séries). L’association d’une MV, d’une AC et de lésions du
cuir chevelu réalise la triade acnéique, l’existence d’un sinus pilonidal réalise la tétrade
acnéique (tableau I, page suivante). L’association à la maladie de Dowling Degos (7) ou
à la pachyonychie congénitale (8) a été décrite
mais reste exceptionnelle.
Formes compliquées
L’extension en superficie se faisant vers la
région rétrosacrée, les creux inguinaux et le
scrotum (photo 4) ou la région vulvaire, ce
tableau s’accompagne toujours d’un retentissement significatif sur la qualité de vie.
Cliché hôpital Bellan
Photo 3.
En l’absence de traitement curatif se constitue, au terme de poussées successives, un
tableau de suppuration périnéale extensive à
multiples galeries. L’extension en superficie
se faisant vers la région rétro-sacrée, les creux
inguinaux et le scrotum ou la région vulvaire :
le diagnostic est alors évident dès l’inspection.
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Aucun examen complémentaire n’apporte
d’argument spécifique au diagnostic de MV.
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DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
En règle générale, il n’offre pas de difficultés :
• Dans la forme initiale se discutent essentiellement les suppurations d’origine cutanée :
furoncle, anthrax, kyste sébacé.
• Le vrai problème est de ne pas confondre une
MV avec les deux autres suppurations les plus
fréquentes : la fistule anale et le sinus pilonidal (qui peuvent parfois coexister avec la MV).
C’est dire l’importance d’une exploration soigneuse au bleu de méthylène de tous les trajets au moment du traitement chirurgical.
• La MV partage avec la maladie de Crohn
(MC) son caractère pluriorificiel extensif et
récidivant. Exceptionnellement, on discutera
les autres causes plus rares de suppuration
chronique : tuberculose, actinomycose, etc.
14
Cliché hôpital Bellan
Bactériologie
L’étude bactériologique dans la MV n’est pas
d’un apport significatif et reste sans intérêt en
pratique quotidienne.
Photo 4.
C’est dans ces formes évoluées que peuvent
survenir de façon exceptionnelle des complications locales par extension en profondeur
des processus fistulisants : fistules urétrales
(9), atteintes osseuses ou rectales (9, 10).
Les complications générales sévères sont la
conséquence de formes majeures négligées :
anémie, amylose, dénutrition (11).
MV et cancer
La survenue d’un carcinome épidermoïde dans
l’évolution d’une MV est une complication
redoutable (il est à noter que la MV ne dégénère pas sur le mode de l’adénocarcinome
glandulaire apocrine). Depuis la première
D o s s i e r
t h é m a t i q u e
Tableau I. Éléments de la tétrade acnéique (23).
Acné vulgaris Acné conglobata Cellulite dissécante Hidradénite
Site (glandes)
Sébacées
Sébacées
Sexe
M=F
M
Âge
Adolescence Postadolescence
Kystes sébacés
+
+
Comédons
simples
+
+
doubles
–
+
Abcès
discret
+
+
fistulisant
–
+
Cicatrices en pont
–
+
MV et arthropathie
Il s’agit d’une association clinique rare dont
la première description fut faite en 1982 (16).
Les données de la littérature ne permettent pas
de différencier les atteintes concernant les
manifestations rhumatologiques de la MV
avec ou sans AC. Quarante-deux cas sont
analysés dans une récente revue de la littérature (17). Les anomalies radiologiques concer-
–
+
–
+
±
+
+
+
+
+
nent le rachis (22 sur 25) isolément (12 sur 25)
ou associé (10 sur 15) à des manifestations
périphériques. Les anomalies périphériques
isolées sont rares (3 sur 25). L’atteinte rachidienne est une fois sur deux une sacro-iléite
bilatérale. L’atteinte périphérique domine sur
les métatarso-phalangiennes et les interphalangiennes proximales. Ce tableau rhumatologique associé à la MV ± AC est un rhumatisme inflammatoire et pose des problèmes
diagnostiques essentiellement avec la polyarthrite rhumatoïde et les spondylarthrites
séronégatives, en particulier la spondylarthrite
ankylosante. La spondylarthrite associée à la
MV ± AC est HLA-B27– et HLA-DR4+, ce
qui la rapproche de la polyarthrite rhumatoïde
ou du rhumatisme psoriasique et pourrait correspondre pour certains (18) à une forme particulière du syndrome SAPHO (synovite,
acné, pustulose, hyperostose, ostéite). Ce syndrome, décrit en 1987 (19), inclut les manifestations articulaires associées à l’acné
sévère, à la pustulose palmo-plantaire, au psoriasis pustuleux palmo-plantaire et à la maladie de Verneuil.
Sur le plan thérapeutique, à côté des AINS,
de la cortisone, du méthotrexate, de la
D-pénicillamine classiquement utilisés, l’isotrétinoïne s’est montrée efficace dans la guérison des manifestations rhumatismales (dans
un cas de tétrade acnéique) (18).
MV et maladie de Crohn (MC) (photo 5)
Cette association a été décrite pour la première fois en 1991 (20). Les manifestations
cutanées des maladies inflammatoires de l’in-
15
Cliché hôpital Bellan
description en 1958 (12), une quarantaine de
cas ont été publiés. La fréquence du carcinome
épidermoïde est estimée de 1,7 % (5) à 3,2 %
dans une série rétrospective de 1959 (4 cas sur
125) (13). Cette complication survient en règle
après une longue évolution de la maladie
(moyenne 20 ans), mais deux cas sont survenus après trois et huit ans d’évolution (14).
L’irritation chronique en est la cause.
Elle survient à un âge moyen de 47 ans et
3 patients sur 4 sont des hommes. Le territoire
de survenue est toujours le périnée même si
d’autres territoires sont atteints par la MV.
Le diagnostic n’est pas aisé et peut parfois
nécessiter plusieurs biopsies (15).
Le type épidermoïde de ce carcinome s’explique par la chronicité du processus inflammatoire. La chimiothérapie et la radiothérapie
sont cependant soit inefficaces, soit irréalisables devant des lésions très étendues. Le traitement curatif reste donc chirurgical : excision
large sans suture avec 30 % de survie à un an
(14). Le traitement préventif est, de fait, réalisé par l’excision précoce et répétée des
lésions de MV, suivie de l’analyse histologique
orientée (15).
Sébacées
Apocrines
M
F>M
Postadolescence Postadolescence
–
–
testin sont connues, en particulier les manifestations périanales de la maladie de Crohn,
qui peuvent d’ailleurs être inaugurales. Plus
rare et de diagnostic difficile est l’atteinte
métastatique caractérisée par une réaction
cutanée granulomateuse à distance de l’anus.
Ces deux manifestations peuvent poser de difficiles problèmes diagnostiques avec la MV.
Une étude rétrospective (21) fait état de l’existence d’une MC chez 24 sur 61 des MV traitées durant une période de 8 ans (38 %) :
4 fois seulement, les signes de MV ont précédé le diagnostic de MC.
Photo 5.
Histologiquement, le diagnostic peut également être difficile à établir. Dans une étude
prospective (5) concernant 101 cas de MV, et
avec un recul de trois ans, des granulomes épithélioïdes ont été retrouvés dans 8 % (soit
10 cas) des pièces histologiques de MV
(2 patients sur 8 avaient l’un une MC et l’autre
une sarcoïdose). Deux patients sans granulome
se sont révélés porteurs de MC ultérieurement.
Vingt-cinq pour cent des MV présentaient des
granulomes à corps étranger au contact des
foyers inflammatoires. Ces similitudes cliniques et histologiques confrontées à la
constatation de formes familiales de 3 MV
dans 2 familles de MC font rechercher l’hypothèse d’une prédisposition génétique commune (22).
Les données de la littérature ne font pas apparaître de différences dans l’évolution de la MV,
qu’elle soit associée ou non à la MC.
CONCLUSION
Le diagnostic de la MV est clinique. Les examens
complémentaires sont moins utiles pour faire le
diagnostic que pour dépister une éventuelle
dégénérescence, voire une MC associée.
■
Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 1 - mars 2001
D o s s i e r
t h é m a t i q u e
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Proctologie : Nouveau
Une nouvelle “Mégabanque”, ouvrage de bibliographie dont le contenu est
issu de la littérature internationale, c’est-à-dire de l’ensemble des articles scientifiques médicaux publiés dans diverses revues de médecine d’audiences
nationale et internationale, est mise au point par un groupe d’experts en
proctologie (M.A. Bigard, J. Denis, R. Ganansia, F. Pigot, Th. Puy-Montbrun,
L. Siproudhis, P. Suduca) et éditée par les Laboratoires Martin–Johnson &
Johnson–MSD. Le thème de cet ouvrage est “Maladie hémorroïdaire”. Comme
l’indique ce groupe d’experts dans l’éditorial : des milliers d’articles, de livres
ont été écrits sur le sujet et pourtant la physiopathologie est mal connue, l’épidémiologie incertaine puisqu’on est incapable de préciser la prévalence et
moins encore l’incidence, par manque d’étude méthodologiquement satisfaisante. Le traitement semble bien codifié sur le plan des techniques instrumentales ou chirurgicales. Des études méthodologiquement correctes font
défaut dans le traitement médical, bien que 75% des patients soient traités et
soulagés per os ou par topiques qui ne sont validés que par le temps et l’expérience quotidienne des prescripteurs et des utilisateurs. De l’abondante littérature consacrée à cette maladie hémorroïdaire il n’a été possible de retenir
selon la méthodologie adoptée, que 42 articles, ce qui laisse de superbes perspectives de recherche !
Cette “Mégabanque” va permettre aux praticiens de disposer, en un seul ouvrage, d’un point actuel sur la maladie
hémorroïdaire, fondé sur les meilleurs travaux internationaux et cautionné, rédigé et présenté par des experts.
Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 1 - mars 2001
16
D o s s i e r
t h é m a t i q u e
La maladie de Verneuil
Coordinateur : D. Soudan, Paris
● Introduction
- D. Soudan
● Épidémiologie - Étiopathogénie - Th. du Puy-Montbrun
● Diagnostic - Formes cliniques - D. Soudan
✔ Traitements - F. Pigot
Traitement de la maladie de Verneuil
● F.
Pigot*
Points
forts
Points
Points forts
forts
◆ Les antibiotiques, l’hormonothérapie, l’acide rétinoïque, l’hormonothérapie
et les immunosuppresseurs n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.
◆ Le traitement le plus efficace reste l’exérèse chirurgicale des lésions suppuratives
de la maladie de Verneuil.
Mots clés : Maladie de Verneuil - Hidradénite suppurative - Périnée - Chirurgie.
évolution chronique émaillée de pousL
’
sées inflammatoires, la tendance
extensive des lésions, l’inconfort secondaire à
la douleur, au suintement, à l’odeur et le préjudice esthétique expliquent la demande des
malades pour un traitement efficace. Malheureusement, les solutions médicales conservatrices sont peu ou pas efficaces, et un traitement chirurgical sera souvent proposé.
Celui-ci doit assurer une guérison de la maladie sans provoquer une immobilisation trop
importante ni des séquelles locales. Comme
nous le verrons, seule l’exérèse large met à
l’abri de la récidive, mais au prix d’une cicatrisation longue car, au moins pour la région
périanale, l’utilisation des greffes est peu
répandue.
TRAITEMENT MÉDICAL
* Service de colo-proctologie,
hôpital Bagatelle, Talence.
Sevrage du tabac
Un tabagisme important est souvent associé à
la maladie de Verneuil (MV) (1). De cette
17
simple constatation épidémiologique, il est
impossible de déduire le rôle réel du tabac :
facteur étiologique ou phénomène compensatoire (psychique, leurre odoriférant...). L’influence du sevrage sur l’évolution de la maladie n’a jamais été étudiée mais, au moins pour
des raisons de santé générale, on le recommandera.
Antibiotiques
Ils n’ont pas réussi à faire la preuve de leur
efficacité sur cette maladie. Les arguments
pour leur utilisation dans la MV étaient la lutte
contre une éventuelle surinfection des lésions
favorisant la formation des abcès et leur diffusion, l’éradication d’un éventuel germe spécifique de cette maladie et l’activité antiinflammatoire de certains antibiotiques. En
fait, la surinfection des lésions est peu fréquente (moins de la moitié des cas), et aucun
germe spécifique n’a été rendu responsable de
cette maladie (2).
Un seul essai clinique a montré l’efficacité
de la clindamycine en application locale
comparée à un placebo (3). Dans un second
travail randomisé, la clindamycine n’a pas
été supérieure aux tétracyclines per os prescrites durant 3 mois. Le degré de significativité de l’amélioration rapportée dans ce travail n’est pas précisé (4). Il faut noter que
Le Courrier de colo-proctologie - Volume II - n° 1 - mars 2001
D o s s i e r
pour les équipes ayant la plus grande expérience de cette maladie, aucun effet des antibiotiques sur l’évolution à long terme n’est
à attendre (5).
Traitement hormonal
Le succès modeste de ce type de traitement,
les contraintes qu’il entraîne, sa non-application à l’homme et surtout l’absence de série
bien documentée ne permettent pas de le
recommander. Le principe reposait sur la
constatation d’une hyperandrogénie générale
ou locale au cours de la MV.
Il existe des petites séries ouvertes optimistes,
comme celle relatant la guérison de 4 femmes
sous antiandrogènes à forte dose associés à
un estrogène (8). Malheureusement, les séries
plus importantes ont de moins bons résultats
avec une amélioration plus qu’une guérison,
souvent limitée aux formes peu sévères. Dans
une étude contrôlée, le traitement antiandrogène a ainsi été aussi efficace qu’un traitement estroprogestatif séquentiel, avec 7
femmes guéries sur 24 en 18 mois de traitement (9).
Le Courrier de colo-proctologie (II) - n° 1 - mars 2001
Le risque de récidive est plus important
après un geste limité qu’après excision
large : 6 récidives sur 6 drainages, 6 sur
14 exérèses limitées et 3 sur 11 excisions
larges (17). Le même résultat est constaté dans
la série de la clinique Lahey (5).
Il faut noter que le risque de récidive est bas
pour les localisations périanales, alors qu’il est
élevé pour les localisations inguino-génitales
ou mammaires (17, 18) (photo 2).
L’échec des traitements médicaux et les bons
résultats de la chirurgie d’exérèse font qu’elle
est largement employée. Le problème est de
proposer un geste garantissant un taux de récidive bas avec une durée de cicatrisation raisonnable, un résultat fonctionnel et esthétique
acceptable.
Marsupialisation
Pour raccourcir la durée de cicatrisation, certains ont proposé une simple marsupialisation des trajets, éventuellement pratiquée en
plusieurs temps. Quatre cas traités de cette
façon pour une localisation périanale sont
rapportés (12).
Excision
L’excision incomplète et, pire encore, le
simple drainage des lésions abcédées n’apportent qu’un répit très fugace au malade. Il
faut donc privilégier l’exérèse de tous les tissus pathologiques. Le risque de récidive des
lésions périanales ainsi traitées est très bas. Le
prix à payer est une cicatrisation longue ou la
confection d’une greffe, pas toujours facile
dans cette région anatomique.
Certains limitent au plus près le geste de destruction en employant le laser CO2 en une ou
plusieurs sessions avec moins de 4 % de récidive à plus de 2 ans dans deux petites séries
de 4 et 24 malades (13, 14).
Pour d’autres, une exérèse large, avec une
marge de sécurité de 1 cm après repérage des
trajets par injection de colorant, donne un taux
de récidive inférieur à 4 % à 3 et 5 ans dans
deux grandes séries de 106 et 104 malades
(15, 16) (photo 1).
Photo 2.
L’importance de la surface cruentée explique
la lenteur de cicatrisation : entre 7 et
17 semaines (16, 18), mais avec des maximums
à 30 semaines (18), voire 12 mois (5). Malgré
ce handicap, la cicatrisation de seconde intention est l’option préférée de la plupart des
auteurs concernant les localisations périanales
(5, 16, 18). Seules quelques équipes proposent
une couverture de la plaie par un lambeau (15)
sans augmenter le risque de récidive. C’est dire
l’importance des soins postopératoires et l’intérêt de certains pansements favorisant la granulation des plans dénudés (19).
La colostomie de protection n’est quasiment
jamais employée.
Il ne faut pas oublier l’examen histologique
des lésions enlevées afin de ne pas méconnaître une dégénérescence maligne (20).
CONCLUSION
Cliché hôpital Bellan
Immunosuppresseurs
Nous ne disposons pas de données suffisantes
pour leur attribuer une efficacité dans cette
pathologie.
La ciclosporine a amélioré un malade dans un
cas clinique (10) ainsi que quelques cas rapportés issus d’une série de pathologies cutanées diverses (11).
TRAITEMENT CHIRURGICAL
Cliché hôpital Bellan
Acide rétinoïque
L’utilisation des dérivés de la vitamine
A est limitée par leur efficacité très
modeste ainsi que par une morbidité et
un risque tératogène élevés. Les arguments pour leur utilisation reposaient
sur le parallèle avec l’acné. Or, la physiopathologie de ces deux maladies est différente avec notamment l’absence de rôle
reconnu pour l’hyperséborrhée dans la MV
(6).
Une étude rétrospective de 68 malades traités
4 à 6 mois par de l’acide rétinoïque per os a
montré une guérison de moins d’un quart
d’entre eux sous traitement et une rémission
maintenue chez seulement 16 % 5 ans après
arrêt (7). Les autres séries disponibles comptent moins de 10 malades, ce qui en limite fortement la portée.
t h é m a t i q u e
Photo 1.
18
Le traitement de la MV est encore chirurgical
avec une exérèse de toutes les lésions visibles.
Ainsi le risque de récidive est-il bas (inférieur
à 5 % à 5 ans). La cicatrisation de seconde
intention est la plus fréquemment choisie dans
cette localisation ; elle nécessite des soins prolongés et attentifs. On peut proposer un fractionnement des temps opératoires en cas de
lésions très étendues.
■
D o s s i e r
R É F É R E N C E S
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