Dossier de presse - The Fountainhead

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Dossier de presse - The Fountainhead
10 - 17 novembre 2016
Ateliers Berthier - 17e
THE FOUNTAINHEAD
La Source vive
d’Ayn Rand
mise en scène Ivo van Hove
en néerlandais, surtitré
Location 01 44 85 40 40 / www.theatre-odeon.eu
Tarifs de 8€ à 36€ (série unique)
Horaires du mardi au samedi 19h30, dimanche à 15h
relâche le lundi
Odéon-Théâtre de l’Europe
Ateliers Berthier
1 rue André Suarès (angle du boulevard Berthier) - Paris 17e
Métro ligne 13 et RER C Porte de Clichy
Service de presse
Lydie Debièvre, Jeanne Clavel
01 44 85 40 73 / [email protected]
Dossier et photos également disponibles sur www.theatre-odeon.eu
identifiant : presse / mot de passe : podeon82
10 - 17 novembre 2016
Ateliers Berthier - 17e
THE FOUNTAINHEAD
La Source vive
d’Ayn Rand
mise en scène Ivo van Hove
en néerlandais, surtitré
avec
Robert de Hoog, Janni Goslinga, Aus Greidanus jr., Hans Kesting, Hugo Koolschijn,
Ramsey Nasr, Frieda Pittoors, Halina Reijn, Bart Slegers et les musiciens de Bl!ndman [drums]
traduction
Jan van Rheenen, Erica van Rijsewijk
adaptation
Koen Tachelet
dramaturgie
Peter van Kraaij
scénographie, lumière
Jan Versweyveld
musique
Eric Sleichim
costumes
An d’Huys
vidéo
Tal Yarden
production Toneelgroep Amsterdam
avec le soutien de Emmerique Granpré Moliere
Ivo van Hove est directeur du ToneelGroep Amsterdam
durée 4 heures
spectacle créé au ToneelGroep d'Amsterdam le 15 juin 2014
avec le soutien du Cercle Giorgio Strehler
The Fountainhead d’Ayn Rand avec l’autorisation de Curtis Brown Ltd. © 1943.
Tous droits réservés
Extrait
Il s'arrêta brusquement, poussa les dessins de côté, posa sur eux son poing fermé.
- Quand avez-vous décidé de devenir architecte ? demanda-t-il.
- J'avais dix ans.
- L'homme ne sait pas si tôt ce qu'il fera dans la vie, en admettant qu'il le sache jamais. Vous mentez.
- Croyez-vous ?
- Cessez de me regarder ainsi. Pourquoi avez-vous décidé que vous seriez architecte ?
- Je ne le savais pas alors, mais c'est parce que je n'ai jamais cru en Dieu.
- Ne pouvez-vous pas parler sérieusement ?
- Parce que j'aime cette terre. Elle est tout ce que j'aime. Mais je n'aime pas la forme des choses
qu'on construit sur cette terre. J'ai le désir de les changer.
- Pour qui ?
- Pour moi-même.
- Quel âge avez-vous ?
- Vingt-deux ans.
- Qui vous a enseigné tout cela ?
- Personne.
- On ne parle pas ainsi à vingt-deux ans. Vous êtes anormal.
- Probablement.
- Je ne dis pas cela comme un compliment.
- Je ne l'ai pas pris pour un compliment.
- Vous avez de la famille ?
- Non.
- Vous avez travaillé pendant vos études ?
- Oui.
- Dans quelle branche ?
- Dans le bâtiment.
- Combien vous reste-t-il d'argent ?
- Dix-sept dollars et trente cents.
- Quand êtes-vous arrivé à New York ?
- Hier.
Cameron regarda la pile de dessins sur lesquels sa main reposait.
- Le diable vous emporte ! dit-il d'un air suave. Le diable vous emporte, répéta-t-il d'une voix de
stentor. Est-ce que je vous ai demandé de venir chez moi ? Je n'ai pas besoin de dessinateurs ! Il
n'y a rien à dessiner ici ! […] Quel besoin aviez-vous de venir chez moi ? Vous ne ferez que courir à
votre ruine et moi je vous y aiderai. Je ne veux pas vous revoir. Je ne vous aime pas. Je n'aime pas
votre visage. Vous m'avez l'air d'un insupportable égoïste, d'un être impertinent. Vous êtes beaucoup trop sûr de vous-même. Il y a vingt ans j'aurais eu le plus grand plaisir à vous administrer une
bonne correction. Vous commencerez votre travail ici demain matin, à neuf heures exactement.
Ayn Rand : La Source vive (trad. Jane Fillion, Plon, 1997, pp. 46-47)
Ivo van Hove est reconnu pour ses versions théâtrales de grands scénarios filmiques signés
Cassavetes, Bergman, Antonioni ou Visconti (entre autres). The Fountainhead aurait pu être l'un de
ces scénarios : l'auteur du roman, Ayn Rand, l'a adapté elle-même pour le cinéma. Cette fois-ci,
van Hove a voulu repartir de l'oeuvre originale, publiée en 1943. Van Hove lut les 700 pages du
texte « presque d'une traite » et prit sa décision aussitôt. Une question essentielle pour lui, posée
et résolue avec une netteté presque didactique par Ayn Rand, avait d'emblée retenu son attention :
« Quelle est l'essence de la création ? »
Selon Ayn Rand, toute entrave imposée à la liberté créatrice du talent individuel est à proscrire. En
conséquence, l'altruisme, sous son masque de générosité, n'est qu'une des formes les plus insidieuses de l'aliénation, par laquelle l'individu créateur se laisse persuader de sacrifier sa force et sa
supériorité sur l'autel d'un prétendu « intérêt collectif ». En revanche, si ce créateur-artiste tient
bon et protège sa singularité en assumant jusqu'au bout son « égoïsme », il peut dès lors accomplir son oeuvre et se montrer du même coup d'une réelle utilité pour ses congénères. L'être humain
qui se porte à la hauteur de son don pour réaliser la tâche qui lui est assignée est ainsi une
« source vive » (fountainhead) dont découlent les seuls éléments d'un progrès réel s'accumulant à
travers les âges, pareils aux gratte-ciel dont l'ensemble a construit peu à peu la beauté inouïe du
skyline new-yorkais.
Howard Roark est un tel héros de la création. Etudiant en architecture, il est confronté à un choix
décisif : soit renoncer à son originalité, soit être expulsé de la faculté. Roark n'hésite pas un instant.
Prophète et martyr de sa vérité, jamais il ne fait de concessions. Son art est à l'image de son intégrité : tout d'un bloc, à prendre ou à laisser. Pas étonnant qu'un homme d'une telle nature soit
montré par Ayn Rand attaquant lui-même le granit à coups de marteau-piqueur dans une carrière.
Peter Keating, son condisciple, croit faire le choix inverse : faire ce qu'on attend de lui, admettre la
négociation, s'intégrer au système et en tirer profit tout en servant la collectivité. A vrai dire, Keating
n'est pas confronté au même choix que Roark – car il est dépourvu de véritable puissance créatrice. Mais plutôt que de l'admettre, par ambition et vanité, il s'aveugle et manoeuvre pour usurper
une position qui ne devrait pas lui revenir...
Tout au long de son énorme best-seller, Ayn Rand détaille les tribulations de l'homme de pierre
qu'est Roark, livré aux attaques et au ressentiment des hommes de papier qui l'entourent : dessinateurs, plumitifs en tous genres, juristes et autres parasites. Ivo van Hove, lui, a voulu rendre leurs
chances à tous les combattants. Plutôt que de condamner Keating d'entrée de jeu, il a choisi de
« réévaluer » la position qu'il adopte. Et tout au long de la démonstration qu'a construite la romancière, l'homme de théâtre a disposé ses propres questions, comme autant de charges explosives
pour ébranler son édifice de certitudes : « l'art doit-il accepter de s'impliquer dans la vie de tous
les jours ? L'artiste doit-il être isolé ? Comment survivre en faisant des productions artistiques à
l'intérieur du système ? » Sa réponse de metteur en scène, créée en juin 2014, fit peu après l'événement au Festival d'Avignon.
« Une sorte de Prométhée »
Entretien avec Ivo van Hove
Jean-François Perrier : Est-ce la première fois que vous adaptez un roman pour le théâtre ?
Ivo van Hove : Oui, parce que je suis un grand amateur de cinéma et que je lis peu de romans. À
part de vraies pièces de théâtre, j’ai surtout adapté des films : ceux d’Ingmar Bergman, John
Cassavetes, Marguerite Duras. Il se peut que j’aie été un peu précurseur en la matière.
J-F. P. : Mais vos premiers travaux dans les années 1980 n’étaient-ils pas des montages de
textes ?
I. v. H. : Oui et non, c’était plutôt des improvisations, parfois basées sur des thèmes. Je donnais un
texte à un acteur, il élaborait quelque chose. Parfois je donnais juste une idée. C’est plutôt comme
si j’éditais des choses produites par les acteurs. Un peu comme certaines oeuvres chorégraphiques. Des mouvements combinés jusqu’à en faire une histoire.
J-F. P. : Pourquoi avoir choisi The Fountainhead – traduit en français La Source vive –, roman
d’Ayn Rand écrit en 1943 et qui se situe dans les années 1920 ? Comment avez-vous choisi
d’adapter le roman ?
I. v. H. : C’est grâce au Festival d’Avignon. Le livre m’a été offert par mon assistant après les représentations des Tragédies romaines que nous avions présentées en 2008. Je l’ai lu presque d’une
traite. Il a fallu du temps pour obtenir les droits d’adaptation et commencer le travail. J’ai aimé ce
livre parce que c’est un livre qui parle de création en posant la question : quelle est l’essence de la
création ? C’est un roman d’idées comme j’envisage de faire un théâtre d’idées, mais en m’intéressant à ce que les choses signifient aujourd’hui. Nous avons un désir de fidélité et suivons donc la
structure du roman en quatre parties. Si la version originale fait 687 pages, notre texte en fait 150.
Globalement, nous avons été loyaux en privilégiant le thème de la création artistique et nous
n’avons ajouté aucun texte.
J-F. P. : Le roman est imposant. Il comporte plusieurs histoires – rivalités entre architectes,
histoires d’amour, regard acerbe sur le journalisme et les critiques… On y trouve six personnages : quatre hommes et deux femmes. Qui sont-ils ?
I. v. H. : Les personnages sont comme dans Caligula de Camus : des types sociaux et des caractères individuels. Par exemple, dans ce livre, il y a le personnage d’Howard Roark, architecte moderniste – on pourrait dire qu’il veut un bâtiment fonctionnel, unique, destiné à quelqu’un, avec un respect de la matière. Il croit à la création solitaire, celle que l’on fait sans personne. Il pense qu’il ne
faut jamais abandonner et n’écouter que soi-même. En opposition, Peter Keating, qui est aussi
architecte et qui représente l’architecture sociale, est très entouré et pense qu’il faut écouter ses
clients, son public. Un bon exemple serait le passage où Howard Roark s’oppose à Peter Keating
qui veut enlever un rocher, alors que lui préconise de construire sur le rocher. Ayn Rand prend de
haut la position de Peter Keating, méprise cette tendance. Moi, je veux la réévaluer. Ce qui m’intéresse, c’est de placer les deux perspectives à un niveau équivalent et de traiter du dilemme : l’art
doit-il accepter de s’impliquer dans la vie de tous les jours ? L’artiste doit-il être isolé ? Ne doit-il
écouter personne ? Peut-il aller contre l’air du temps ? Van Gogh n’a eu aucun succès de son
vivant, il est mort pauvre. Maintenant ses tableaux font partie des choses les plus chères au
monde. Le roman pose la question essentielle du rapport entre argent et art. Comment survivre en
faisant des productions artistiques à l’intérieur du système ? Moi, j’ai des sponsors, mais j’ai dû
engager mon propre argent il y a un an et demi. Et si aucun des sponsors n’est jamais intervenu
dans mes productions, cet équilibre est fragile.
J-F. P. : Ce livre peut sembler être un manifeste économico-politico-social, une glorification
du capitalisme et de l’individualisme. Comment traitez-vous cet aspect du texte ?
I. v. H. : Le capitalisme n’est pas véritablement le coeur du sujet de La Source vive, mais d’un autre
roman d’Ayn Rand, Atlas Shrugged (La Grève). Évidemment, je suis bien conscient que le roman se
situe dans le système capitaliste et qu’il y a un enjeu politique autour d’Ayn Rand. Quand j’étais aux
États-Unis et que j’évoquais ce projet d’adaptation, les gens me regardaient de façon circonspecte.
En Europe, c’est assez différent, le livre est moins connu. Sauf parmi les architectes pour qui il est
une sorte de Bible. Sans forcer la comparaison, nous pourrions penser à Wagner qu’on ne peut pas
produire à cause de l’admiration qu’en avait Hitler. De mon côté, j’ai voulu traiter le roman sans
m’encombrer du contexte politique.
J-F. P. : Les oeuvres d’Ayn Rand n’ont été traduites en français que très tardivement alors
qu’elle a été un maître à penser aux Etats-Unis et en Angleterre. Elle est à l’origine du mouvement de l’objectivisme dans les années 1950, avec Alan Greenspan, le futur directeur de la
Réserve fédérale américaine (la banque centrale). Comment expliquez-vous le fait que son
oeuvre n’ait pas circulé en Europe ?
I. v. H. : Je n’ai connu Ayn Rand qu’en 2007 et pourtant on trouve ses livres partout ! Mais je pense
que cet hymne au capitalisme très libéral n’était pas vraiment audible en Europe jusqu’aux récentes
années de crise. Le monde d’aujourd’hui a beaucoup de liens avec le monde des années 1920. On
peut penser que nous vivons dans une période dangereuse, terrible même, et que nous nous tournons vers un nouveau système à l’échelle mondiale. Lequel, je ne sais pas. Mais face à ces dilemmes qui nous remuent, nous sommes obligés de prendre position. C’est pour cela que Vargas
Llosa, Clinton, Poutine, peuvent occasionnellement se référer à Ayn Rand, même si aujourd’hui elle
a été réduite à une position de la droite dure, notamment par le Tea Party qui l’a phagocytée. Ce
sont des sujets dont le théâtre peut s’occuper, et en tant que metteur en scène, je prends ce risque. Et si Ayn Rand considère que Howard Roark est le bon et que Peter Keating est le mauvais, je
préfère montrer que Macbeth tue des enfants, que c’est horrible mais qu’il faut savoir que cela
existe. Regardez Macbeth, regardez Médée ! Aujourd’hui ce sont des histoires auxquelles nous
sommes habitués. Mais s’il l’on revient au sens original de la pièce, une femme qui tue parce
qu’elle ne se sent plus aimée, c’est un sujet qui questionne profondément la morale et l’éthique.
Ayn Rand explore cet extrême moral et éthique, c’est pour cela qu’elle m’intéresse. La Source vive
engage très fortement la réflexion sur des positions contradictoires et la beauté de la chose est
que, si le roman est politique, il parle aussi d’amour, avec une passion extrême, presque sadomasochiste.
J-F. P. : Le travail que vous faites est toujours scénographiquement très riche et signifiant.
Dans le cas de ce roman, la scénographie aura-t-elle un lien avec l’architecture, qui est centrale dans le roman ?
I. v. H. : Oui, bien sûr. Nous avons considéré que les architectes pensent d’abord en termes de
forme et non en rapport à une technicité. Nous sommes donc partis d’idées simples, de dessins,
de projections. Le rapport avec le public est conventionnel : public dans la salle, acteurs sur scène.
Je travaille depuis longtemps avec le même scénographe, Jan Versweyveld, et sa scénographie,
elle, n’est pas conventionnelle. Les techniciens sont sur scène, visibles, de façon à ce que l’on
puisse voir ce qui se passe, voir la production en cours, sous les yeux du public. L’idée de la création est centrale. Nous créons ce roman sur scène. L’architecture, la musique, la vidéo, la technique, le jeu : toutes ces formes artistiques font partie de la création. Des références sont faites à
l’architecture contemporaine. C’est pour moi un point très important. Comme l’est la musique –
composée par Eric Sleichim. Il y a de la musique de l’époque, des années 1920, mais aussi du
Steve Reich, du minimalisme américain, etc. Des percussions, surtout. Des instruments qui ne sont
pas vraiment des instruments d’orchestre. Des instruments de verre, de pierre. Très brut. C’est en
lien avec la beauté du travail d’architecte tel que le conçoit l’artiste Howard Roark : il va vers la
matière, il la touche, il l’envisage vraiment. Peter Keating ne fait pas cela, il dessine, il projette.
J-F. P. : Il existe une adaptation cinématographique du roman, réalisée par King Vidor sous le
titre Le Rebelle. Avez-vous vu ce film ?
I. v. H. : Je n’ai pas voulu voir ce film. On m’a dit que l’histoire amoureuse y est placée au centre.
Mais pour moi, l’histoire de la création est aussi importante, sinon plus, que l’histoire amoureuse
entre l’héroïne et les trois hommes.
J-F. P. : A la fin du roman, on trouve un très long monologue de Howard Roark, qu’Ayn Rand
avait imposé intégralement à King Vidor, qui voulait le couper. C’est, je crois, le plus long
monologue d’un acteur dans l’histoire du cinéma : sept minutes ! C’est un véritable manifeste
artistique. L’avez-vous gardé ?
I. v. H. : Oui, il a été gardé dans le spectacle. En fait, je voudrais faire plus tard une petite production avec ce monologue, séparément. Ce qui est intéressant, c’est que Howard Roark parle assez
peu dans le roman. Et ce monologue soudain fait l’effet d’un volcan. Comme s’il était une sorte de
Prométhée.
Propos recueillis par Jean-François Perrier pour le Festival d'Avignon (2014)
[ Le ] thème central de la création, Ivo van Hove l’interroge dans son mode de production. Il le met
en abyme en exposant la fabrique du spectacle [ The Fountainhead ]. Des régisseurs s’affairent à
jardin derrière de grandes baies vitrées, des techniciens modulent à vue le décor, des machines
d’une grande diversité donnent concrètement corps au propos, depuis une presse rotative jusqu’à
des caméras infrarouges pour capter les rapports sexuels, en passant par une puissante soufflerie.
Et les acteurs de moduler des maquettes en argile (le temple Stoddard) ou d’élaborer et de raturer
des croquis d’immeubles, de dessiner des plans de maisons, filmés en gros plan. Une recherche
considérable a été effectuée pour que les projets de Howard Toark s’inspirent le plus souvent d’authentiques réalisations. Avec ses grandes saillies horizontales, la maison d’Austin Heller ressemble
à une variation sur Fallingwater House (1936-1939) de Frank Lloyd Wright, lequel a servi de modèle
à Ayn Rand ; mais sont aussi convoqués, plus ou moins explicitement, d’autres architectes comme
Richard Neutra, dont la célèbre maison qu’il a conçue en 1935 pour Josef von Sternberg prête ses
lignes épurées, son isolement en plein désert industriel à la maison que Howard Roark dessine pour
Gail Wynand et Dominique Francon*. Voire : certaines sources sont parfois postérieures à la parution du roman (1943), tels que le Jewish Community Center (1954-1959) de Louis Kahn, à l’origine
du temple Stoddard, ou le Shard (2009-2012) de Renzo Piano, dont est repris le plan au sol pour
figurer les fondations de l’immeuble Enright. Cette constellation subjective de références, cette
superposition de filigranes, dans tous les sens du terme, contribuent à déborder le contexte historique de l’écriture du roman pour élargir le débat entre néoclassicisme et fonctionnalisme à la dialectique de la continuité et de la rupture, de la convention et de la radicalité. Sur fond de projections
de longues avenues et de gratte-ciel vertigineux, le spectacle s’inscrit dans une urbanité qui cristallise les aspirations de l’homme épris de modernité et soucieux de se dépasser. Devant ces vastes
panoramas, les acteurs paraissent aussi fragiles que combatifs, éprouvés d’un sentiment intranquille d’abandon dans la ville qui s’offre à perte de vue, grouillante le jour, faussement calme la nuit.
Christophe Candoni & Frédéric Maurin,
“The Fountainhead” : l’art, “unique domaine où se rencontre l’intégrité”,
in Ivo van Hove, La fureur de créer, sous la direction de Frédéric Maurin,
éd. Les Solitaires Intempestifs, 2016, pp. 240-241
* Ce choix est loin d’être fortuit puisque la maison de Sternberg a été acquise par Ayn Rand et son mari
Frank O’Connor, peu après la parution du roman.
Repères biographiques
Ayn Rand
Alissa Zinovievna Rosenbaum est née à Saint-Pétersbourg en 1905. À l’arrivée au pouvoir des
bolchéviques en 1917, sa famille se réfugie en Crimée puis revient à Saint-Pétersbourg. Elle émigre
en 1926, pour les États-Unis, où elle change de nom pour devenir Ayn Rand. Installée à Hollywood,
elle y écrit des scénarios, des pièces de théâtre et des romans. Son premier grand succès est The
Fountainhead (La Source vive) en 1943, suivi en 1957 de Atlas Shrugged (La Grève) qui deviendra la
bible des libéraux américains, puisqu’il raconte les malheurs d’un groupe d’entrepreneurs dans une
société socialiste pré-totalitaire. A partir des années 50, Ayn Rand (qui habite désormais New York)
délaisse cependant le roman pour se consacrer à l’écriture d’essais et d’articles. Elle meurt à New
York le 6 mars 1982. Son légataire universel, Leonard Peikoff, fonde l’Ayn Rand Institute trois ans
plus tard.
Ivo van Hove
Né en 1958 à Heist-op-den-Berg (Belgique), Ivo van Hove a commencé sa carrière en 1981-82 en
créant ses propres pièces : Geruchten (Rumeurs) et Ziektekiemen (Germes).
De 1990 à 2000 il a dirigé le Zuidelijk Toneel d’Eindhoven, ainsi que le Holland Festival entre 1998
et 2004. Il prend la tête du Toneelgroep Amsterdam en 2001.
Il y met en scène, entre autres, Angels in America de Tony Kushner, Opening Night et Husbands de
John Cassavetes, Rocco et ses frères de Luchino Visconti, Théorème de Pier Paolo Pasolini,
Antonioni-project d’après Michelangelo Antonioni, Cris et chuchotements d’Ingmar Bergman, La
voix humaine de Jean Cocteau, La trilogie de la villégiature de Carlo Goldoni, Les enfants du Soleil
de Maxime Gorki.
Ivo van Hove a présenté des productions au Festival d’Édimbourg, à la Biennale de Venise, au
Festival de Hollande, au Theater der Welt (Allemagne), aux Wiener Festwochen (Autriche), mais a
aussi travaillé à Londres, au Canada, à Lisbonne, Paris, Vérone, Hanovre, Porto, au Caire, en
Pologne, à New York... Il a également monté de nombreux opéras.
En 2010, il crée Le Misanthrope (Der Menschenfeind) de Molière à la Schaubühne de Berlin,
spectacle présenté aux Ateliers Berthier de l’Odéon-Théâtre de l’Europe en mars 2012.
A View from the Bridge (Vu du pont) d’Arthur Miller, monté au Young Vic Theater de Londres le 4
avril 2014, lui a valu le Critics’ Circle Award 2015.
En 2015, Paris accueille Antigone de Sophocle avec Juliette Binoche (Théâtre de la Ville), puis la
création aux Ateliers Berthier de Vu du pont. Il en reprend la version anglaise à Broadway, puis crée
en novembre 2015 l’ultime projet de David Bowie : Lazarus, et revient en janvier 2016 au Théâtre de
Chaillot avec Kings of War, d’après Shakespeare. Avec la troupe de la Comédie-Française, Ivo van
Hove a été invité par le Festival d’Avignon à créer Les Damnés, d’après Visconti, à l’été 2016 dans
la Cour d’honneur du Palais des Papes.
The Fountainhead / Tournée 2016-2017 :
25 au 27 novembre, puis 30 novembre au 3 décembre 2016 - Stadsschouwburg Amsterdam
5 au 8 janvier, puis 11 au 15 janvier 2017 - Stadsschouwburg Amsterdam
31 mars au 2 avril 2017 - LG Arts Center de Séoul
26 au 28 mai 2017 - National Theater & Concert Hall de Taipei

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