Toutes religions confondues: contre le clonage!

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Toutes religions confondues: contre le clonage!
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M ONTR ÉAL
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Les créateurs
de Dolly
s’y opposent
L’Institut Roslin met
la planète en
garde contre les
dangers du clonage
ACTUALITÉS
Toutes religions confondues:
contre le clonage!
LAURA-JULIE PERREAULT
Hindous, musulmans, disciples de
Krishna, juifs et catholiques ont
trouvé un point d’entente : tous
s’opposent au clonage humain et
dénoncent l’action des raéliens,
une secte bien connue au Québec
qui prétend avoir mis au monde
la copie génétique d’une femme
le lendemain de Noël.
Agence France-Presse
LONDRES — L’Institut Roslin,
d’Édimbourg, en Écosse, où est née
la brebis Dolly, a mis le monde en
garde hier contre les dangers du
clonage d’un être humain, au lendemain de l’annonce par la secte
des raéliens de la naissance d’un
bébé cloné.
« Je trouve cela clairement répréhensible », a commenté sur BBCradio le Dr Harry Griffin, porte-parole de l’Institut Roslin, mondialement connu depuis la naissance en
1996 de la première brebis clonée,
baptisée Dolly.
« Tous les groupes qui ont travaillé sur le clonage des animaux
— bovins, moutons, porcs, souris,
chèvres — ont fait état d’un fort
taux de fausses couches, de mortalité post-natale et de problèmes
avec les clones au cours de leur
vie », a déclaré le chercheur.
« Ce n’est pas une conséquence
inévitable du clonage mais c’est
une conséquence courante », a-t-il
ajouté.
Les recherches du créateur de la
brebis Dolly, Ian Wilmut, responsable de l’Institut Roslin, ont montré que tous les animaux clonés
dans le monde avaient des malformations génétiques et physiques.
Dolly, premier animal cloné au
monde à partir d’une cellule adulte
d’un mammifère, est née avec des
anomalies chromosomiques et
souffre d’une arthrite très prématurée.
Un autre expert britannique, le
Dr Patrick Dixon, spécialiste des
questions éthiques liées au clonage, a estimé que le monde réagirait avec « répugnance et dégoût »
si la nouvelle, annoncée vendredi
aux États-Unis, sans aucune preuve
scientifique, était confirmée par des
experts indépendants.
« Il y a une course à l’échelle
mondiale entre scientifiques marginaux pour produire des clones, motivée par la célébrité, l’argent et des
croyances tordues », a expliqué le
Dr Dixon, auteur d’un ouvrage intitulé La révolution génétique.
« Pouvez-vous imaginer ce qui
se passera lorsqu’une fille de 12
ans regardera sa mère et se rendra
compte qu’elle regarde sa propre
soeur ? », a-t-il demandé. « Comment cela affectera-t-il le sentiment
de sa propre identité, lorsqu’elle
saura qu’elle n’est qu’une copie de
quelqu’un de beaucoup plus vieux
qu’elle ? »
Hier, le porte-parole du Vatican,
le rabbi en chef de Jérusalem et les
leaders de l’islam ont tour à tour
qualifié le clonage d’immoral et
d’inhumain. À Montréal, les leaders des communautés spirituelles
se sont aussi insurgés contre cette
pratique jusqu’à maintenant réservée aux animaux.
Les raéliens, de leur côté, voient
dans la controversée méthode de
reproduction humaine une manière
d’accéder à la vie éternelle. Les
adeptes de cette secte, qui compte
entre 20 000 et 60 000 membres
dans le monde, ont la conviction
que les êtres humains ont eux-mêmes été créés en laboratoire par des
extraterrestres.
Vendredi, les raéliens, dont le
chef spirituel est le Québécois
d’adoption Claude Vorilhon, alias
Raël, ont choqué les leaders politiques et religieux du monde en annonçant qu’une petite fille clonée à
partir des cellules de sa mère est
née par césarienne dans un endroit
gardé secret.
« Apprentis sorciers »
Tout comme le Vatican, l’archevêché de Montréal croit que le clonage est condamnable mais veut
d’abord s’assurer qu’un clone est
bel est bien venu au monde avant
de lancer les premières pierres.
« Pour l’instant, j’éprouve un
vertige important face à cette question en attendant que la vérité soit
faite. Mais nous voyons que la tentation de jouer les apprentis sorciers pour remplacer à la fois Dieu
et la nature est forte », dit Mgr
Louis Dicaire, qui remplace le chef
de l’Église du Québec, Mgr Turcotte, pendant ses vacances.
Photo Associated Press ©
Les adeptes de Claude Vorilhon, dit Raël, ont secoué la communauté
scientifique en cette fin d’année.
Mgr Dicaire ne croit pas qu’il revienne à l’Église de demander des
sanctions contre les scientifiques
qui pratiquent le clonage. « Nous
pouvons seulement continuer d’af-
firmer et d’afficher fièrement notre
respect de la vie », a-t-il ajouté.
Pour l’Église catholique, la vie
commence dès la conception, et
toutes les manipulations d’embryons sont prohibées.
Péché, péché !
Parmi le leadership musulman,
hier, on rappelait que le clonage
humain peut mettre en péril la loi
naturelle.
Ayed bin Ahmad al-Qurani, un
religieux d’Arabie saoudite, a soulevé la possibilité de la reproduction unisexe grâce au clonage. « Et
c’est péché, péché, péché », a dit le
chef musulman.
Il ne s’oppose cependant pas
aussi catégoriquement au clonage
des plantes et des animaux, qui
pourrait rendre de grands services
aux hommes, selon lui.
Les autorités juives de Jérusalem
ont pour leur part rappelé que le
judaïsme est en faveur des progrès
de la science qui peuvent régler le
problème de l’infertilité, mais qu’il
rejette la création artificielle de la
vie.
Les disciples de Krishna notent
que les raéliens font fausse route en
« se prenant pour Dieu ».
« Nous émanons de Dieu, donc
nous voulons faire comme lui, c’est
compréhensible, mais c’est une erreur. Les raéliens se trompent en
essayant de réincarner leur corps
pour atteindre la vie éternelle. Ce
qui compte, c’est la réincarnation
de l’âme, et elle se fait par une vie
d’abnégation, sans promiscuité ni
intoxication. Les raéliens font le
contraire », a expliqué Gaura Dasa,
un des présidents du temple Hare
Krishna de Montréal.
À la mission hindoue du Canada, on préférait prendre un peu
de recul face aux nouvelles technologies de reproduction. « Le clonage nous semble contre nature.
Cependant, rappelons-nous que les
religions ont tendance à dénoncer
les grandes avancées technologiques. Tous étaient contre le premier voyage de l’Homme sur la
lune. Il faut peut-être prendre le
temps de regarder les conséquences
du clonage avant de tout condamner », a prévenu Sharma, qui travaille dans le temple hindou de la
rue de Bellechasse, à Montréal.
— Avec la collaboration
de l’Associated Press
CLONAGE : QU’EN PENSENT LES CITOYENS
Photo BERNARD BRAULT, La Presse ©
Photo BERNARD BRAULT, La Presse ©
L’homme ne doit pas se prendre
pour Dieu, déclare Thérèse Lebel.
Selon Denis Roy, Raël devrait être
enfermé, rien de moins.
Photo BERNARD BRAULT, La Presse ©
Croisé par hasard, le coroner Paul
Dionne croit que l’on doit faire
preuve de prudence.
Photo BERNARD BRAULT, La Presse ©
Pensons aux conséquences de nos
actes, avertit pour sa part Thomas Panos.
Photo BERNARD BRAULT, La Presse ©
Une technique intéressante, croit
Michael Johnston, mais la science
n’est pas encore au point.
Pas de clones, surtout pas de politiciens!
RAYMOND GERVAIS
Photo BERNARD BRAULT, La Presse ©
Il est irresponsable de cloner des
humains, de l’avis de Geneviève
Daigneault.
LES OPINIONS des gens de la rue
sont partagées relativement au clonage d’un être humain tel que celui
que les raéliens prétendent avoir
réalisé. Certains croient que Raël et
sa suite devraient être enfermés,
tandis que d’autres trouvent le
phénomène intéressant du point de
vue scientifique.
Toutefois, tous sont d’accord
pour que le clonage soit réalisé
d’abord avec succès sur des animaux. Il ne faut pas brûler les étapes.
Le Dr Paul Dionne estime qu’il
faut être prudent lorsqu’on manipule des gènes et que, jusqu’à
maintenant, le clonage des animaux n’a connu qu’un succès relatif. « En agissant trop vite avec des
humains, on risque de créer des
monstres. Cependant, le phéno-
mène est intéressant au chapitre de
la bioéthique. Si la science médicale avance dans ce domaine, on
doit s’assurer de bien maîtriser la
situation. Comme scientifique, je
trouve ça intéressant, mais en
science, il n’y a rien de plus dangereux que de cacher des données. Il
vaut mieux poursuivre les recherches avec des animaux avant de
tenter de cloner un humain. »
Thérèse Lebel est contre. Pour
elle, c’est tout simplement se prendre pour Dieu en jouant avec la nature humaine. Denis Roy pense
pour sa part que Raël devrait être
enfermé. « On joue avec quelque
chose qu’on ne connaît pas et dont
on ignore les conséquences. »
Michael Johnston estime que le
clonage pourrait avoir un avenir
mais que la science dans ce domaine n’est pas encore suffisamment avancée. Il croit que la re-
cherche doit se poursuivre avant
d’aller plus loin et que cela ne doit
pas être laissé entre les mains de
sectes religieuses. « Surtout, il ne
faudrait pas tenter de cloner des
politiciens ! »
Thomas Panos croit avant tout
qu’il s’agit d’une question morale.
« On ne peut procéder au clonage
d’humains sans penser aux conséquences. »
Serge Wong est contre le clonage
afin de respecter l’esprit et la personnalité de chaque humain. Si le
clonage devenait une réalité, il devrait être réservé pour cloner des
génies et des médecins spécialistes.
Pour Simon Couture et Geneviève Daigneault, il est ridicule et
irresponsable de vouloir cloner des
humains et l’on doit d’abord poursuivre la recherche sur des animaux. Pour eux aussi, pas question
de cloner des politiciens.
Photo BERNARD BRAULT, La Presse ©
Au pire, croit Serge Wong, on ne
devrait cloner que des scientifiques et des médecins spécialistes.

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