Enigma = énigme - Région Bretagne

Transcription

Enigma = énigme - Région Bretagne
« Enigma » - du grec « ainigma » « énigme ». C’est ainsi qu’Arthur
Scherbius, ingénieur allemand,
nomma sa machine électromécanique portable de chiffrement
produite à partir de 1918 dans
les ateliers « Scherbius & Ritter », créés en partenariat avec
Richard Ritter. Fabriquée tout
d’abord à des fins commerciales,
elle fut adoptée par les institutions d’état de nombreux pays. La
Première Guerre mondiale a prouvé que les méthodes manuelles
de chiffrement n’étaient plus
adaptées, la machine (contrairement à l’homme) permettant
rapidité d’exécution, infaillibilité et sécurité du chiffrement
et du déchiffrement des télégrammes. C’est pourquoi elle fut
utilisée par la Reichswehr et plus
tard, durant la Seconde Guerre
mondiale, par la Wehrmacht. Le
système des transmissions militaires allemand était alors divisé en plusieurs réseaux, chacun
d’eux utilisant un paramétrage
différent d’Enigma. Capable de
générer un nombre inimaginable de combinaisons, la machine
de Scherbius dépassait tout ce à
quoi les cryptologues avaient eu
à faire jusqu’alors.
Maksymilian ciężki
Marian Rejewski
Arthur Scherbius
Enigma = énigme
Par-delà l’entendement humain
Le sort voulut que la cryptologie dans l’Armée polonaise fut
synonyme de victoire dès ses
débuts. Le décryptage des codes
de l’ennemi a en effet déterminé
l’issue de la guerre russo-polonaise de 1919-1920 et servit ensuite
de base à la mise sur pied d’un Bureau du Chiffre. Les officiers et
les soldats de la nouvelle armée
étaient issus des armées des anciennes puissances occupantes
– ils connaissaient ainsi les mentalités, la langue, les procédures
de transmissions de l’ennemi :
leur succès résulta donc de la
combinaison du talent et de la
Jerzy Różycki
Henryk Zygalski
L’alliance de la cryptologie et des mathématiques
Dans le mille
chance. Dès l’apparition de messages encodés par Enigma, le
lieutenant Maksymilian Ciężki, à
la tête de la section allemande
du Bureau du Chiffre, prit conscience que le glas avait sonné
pour les méthodes de déchiffrement traditionnelles. Il misa sur
la science, en plus du talent et
de la chance : la voie du succès
passait par une connaissance approfondie des mathématiques. Il
invita 26 étudiants de la faculté
de mathématiques de Poznań à
participer à un cours de cryptologie, et les huit meilleurs étudiants commencèrent à travailler
au Bureau du Chiffre de Poznań.
Après trois ans de pratique, au
cours desquels aucun d’entre
eux n’a entendu parler d’Enigma,
il n’en resta que trois : Marian
Rejewski, Jerzy Różycki et Henryk Zygalski. À cette même période, les agences de cryptologie
d’autres pays se tournent vers
les mathématiciens.
Cyclomètre
Bombe de Rejewski Feuille de Zygalski
Les cryptologues en compétition – machine contre machine
À l’attaque du code
En 1932, Ciężki déplace ses émules
à Varsovie et très rapidement,
il dévoile à Rejewski la mission
pour laquelle ils ont été sélectionnés. Rejewski se concentre
dès lors sur les propriétés purement mathématiques du système
de codage d’Enigma, sans perdre
de temps à tenter des méthodes
de cryptologie traditionnelles.
Il découvre tout d’abord les
propriétés cycliques du code, qui
constitueront la base de toutes
les méthodes de décryptage des
machines rotatives. Il développe
ensuite un modèle mathématique
de la machine, pour finalement
reconstruire une Enigma et
déchiffrer un premier message
en reconstituant la clé de chiffrement. Juste à temps, car Hitler
était sur le point de prendre le
pouvoir en Allemagne.
Conscients du risque que la machine tombe tôt ou tard aux mains
de l’ennemi en cas de guerre, les
concepteurs d’Enigma assurent
la sécurité des transmissions par
le changement quotidien de la
clé de chiffrement du code. HansThilo Schmidt, employé à la Chiffierstelle de Berlin, a vendu ces
clés de chiffrement aux Français,
mais ceux-ci, à l’instar des Britanniques avec qui ils partagent
leurs secrets, considérèrent ces
informations comme inutiles
et les transmirent en tant que
telles aux Polonais. Ciężki aurait
pu transmettre ces codes à ses
subordonnés, mais il décide de
les placer dans un coffre tandis
que les mathématiciens développent successivement une série de
méthodes de reconstruction des
clés de chiffrement.
En réalité, le code d’Enigma n’a
pas été décrypté qu’une seule
fois : il s’agissait bien plus d’un
processus de décryptage constant. Tandis que l’ennemi apportait continuellement des
améliorations et des modifications, le travail de décryptage se
poursuivait en parallèle. En 1935,
les Polonais furent les premiers à
faire usage d’une machine d’aide
au décryptage dans la lutte contre une machine de cryptage. Ils
l’appelèrent cyclomètre, et en
1938 fut mise au point la « bombe de
Rejewski ». Une autre invention
à mettre à leur crédit furent les
Feuilles de Zygalski. Il s’agit de
feuilles de papier perforées aux
endroits où le code d’Enigma
présentait des propriétés particulières. L’empilement de plusieurs feuilles permet alors de
déchiffrer le code du jour de la
machine. Alors que les cryptologues s’affairent à déchiffrer
ces codes, les stratèges militaires
développent les principes de la
future guerre. Selon le concept
du général Guderian, la radio
devait être utilisée à une échelle
encore inconnue jusque-là et
le cryptage des transmissions
par Enigma devait être la clé de
voûte de la Blitzkrieg.
Le siècle des conflits, de la radio et de la cryptologie
Le temps des secrets
Gwido Langer
Maksymilian ciężki
Dillwyn Knox
Alastair Denniston
Les premiers contacts entre alliés
L’espoir sous perfusion
Les Polonais luttaient seuls contre les codes d’Enigma. En janvier
1939 se tint à Paris une réunion
des cryptologues britanniques,
français et polonais. Cependant,
le colonel Gwido Langer, chef
du Bureau du Chiffre polonais
et son adjoint, le lieutenant
Ciężki, vinrent en France avec
pour consigne de ne révéler les
succès polonais que dans le cas
où les avancés de leurs partenaires en matière de décryptage
d’Enigma auraient été similaires.
Il s’est avéré que les Britanniques
et les Français ne savaient alors
presque rien sur cette machine et
les officiers polonais gardèrent
le silence. Dillwyn Knox, le cryptologue en chef britannique,
les traita avec dédain. Quand le
spectre de la guerre se fit plus
menaçant, Langer et Ciężki obtinrent de leur état-major l’accord
de révéler leurs avancées aux
alliés. Au cours d’une réunion
en juillet à Pyry près de Varsovie,
dans une installation secrète de
radio-renseignements, l’émotion
fut à son comble. Les Français se
montrèrent vexés, tandis que les
Britanniques marquèrent une
indifférence ostentatoire. Rejewski et ses collègues gardèrent
Les derniers instants. La guerre. La fuite.
Le secret sauvegardé
la tête froide et présentèrent
systématiquement les modèles
mathématiques de la reconstruction de la machine et du
décryptage des codes, ainsi que
les détails de la construction de
leur machine à décrypter. Pour
finir, ils décryptèrent en direct
les transmissions qu’ils venaient
de recevoir. Les deux délégations
repartirent avec une documentation complète et une copie de la
machine.
La majeure partie des cryptologues polonais se réfugièrent
en France après l’invasion de
la Pologne. C’est là que, le 17
janvier 1940, pour la première
fois en situation de guerre, les
Polonais décryptèrent le code
d’Enigma. Le centre névralgique
des travaux entourant Enigma
se déplaça progressivement au
Royaume-Uni, au centre de cryptologie de Bletchley Park. Les
auteurs du décryptage furent
abandonnés. En 1943, une partie
de l’équipe polonaise, trahie
par ses supérieurs français, fut
capturée par les Allemands. Leur
destin fut de connaître les affres des camps de prisonniers et
de concentration.
Marek Woźniak, le Président de la Région de Wielkopolska et le gouvernement régional travaille depuis des années à faire connaître les
travaux des scientifiques et employés du Bureau militaire du Chiffre
polonais qui ont contribué au décryptage des codes de la machine de
cryptage allemande Enigma.
Le 10 novembre 2007 à Poznań, le Président de la Région a participé
à l’inauguration d’un monument consacré aux trois grands cryptologues de Poznań.
Alan Turing
Les concepts polonais à Bletchley Park
Des Polonais inutiles
Cependant, dès l’automne 1939,
les connaissances transmises
avant la guerre par les Polonais
furent utilisées en Grande
Bretagne.
Les
Britanniques
reconnurent au final le bien
fondé de l’emploi de mathématiciens. Le 4 septembre 1939,
Alan Turing, franchit le portail
de Bletchley Park et sa « bombe »
devint le principal instrument
de décryptage d’Enigma. Les
Polonais, qui avaient partagé
leur secret sans aucune contrepartie, devinrent inutiles.
Bien que les travaux de Rejewski
et Zygalski furent plus tard
parfaitement résumés par le professeur John Irving Good, qui a
décrit l’un des théorèmes formulés par Rejewski de « théorème
qui a gagné la Seconde Guerre
mondiale », ceux-ci n’apprirent
que trente ans plus tard ce qui
s’était passé à Bletchley Park.
L’accueil à Londres de Langer
et Ciężki, après leur libération
d’un camp de prisonniers en
mai 1945, fut plutôt froid et ils
moururent peu de temps après,
amères, misérables et seuls.
Le décryptage des codes d’Enigma,
tout comme la machine ellemême, fut une véritable énigme
et un secret. Cette exposition a
pour but de dévoiler ce secret
et de restituer la vérité. Nous
souhaitons vous montrer le
rôle important pour l’Europe
des Polonais dans le décryptage
d’Enigma, et combien ils furent
mal récompensés alors qu’ils
ont rendu l’impossible possible.
Ils ont déchiffré la victoire.
Hier, la victoire dans le conflit
le plus terrible du vingtième
siècle ; aujourd’hui, dans un
monde en paix, la victoire sur la
toute-puissance des technologies de l’information car c’est
le mariage de la cryptologie
et des mathématiques opéré par
Rejewski qui permet de sécuriser
les transactions sur Internet,
la confidentialité des correspondances, l’accès sécurisé
à votre argent partout dans
le monde et de protéger notre
intimité. Il permet de protéger
nos nouveaux secrets, et leur
permet de rester à l’abri.
Les trois grands cryptologues polonais
WIELKOPOLSKA
REGION
WIELKOPOLSKA
REGION
De l’initiative du Président de la Région de Wielkopolska, du maire de
Szamotuly et de la famille de Maksymilian Ciężki est né le projet de
ramener en Pologne les cendres de ce lieutenant-colonel qui dirigea
la cellule du Bureau du Chiffre en charge du décryptage des transmissions allemandes durant la Seconde Guerre mondiale. Ciężki se
retrouva en Grande Bretagne pendant la guerre, et fut inhumé après
sa mort au cimetière Tywardreath à Par. En novembre 2008, le cercueil
contenant les restes de Ciężki atterrissait en Pologne.
Le 19 juillet 2009, à l’occasion de la Journée de la Pologne, fut inaugurée une exposition consacrée à Ciężki au musée de Bletchley Park situé
au siège de l’ancien centre secret de cryptologie. Le 1er septembre 2009,
cette exposition fut l’un des principaux pôles d’attraction lors des
cérémonies du 70e anniversaire du début de la Seconde Guerre mondiale organisées par l’Ambassade de la République de Pologne à Londres.
Durant les cérémonies, le Docteur Marek Grajek, l’un des plus grands
spécialistes polonais de la question, prit la parole à la conférence sur
Enigma.
Enigma. La victoire déchiffrée
En novembre 2009, dans le grand hall de l’hôtel de la Région de
Wielkopolska à Poznań se tint une exposition consacré au lieutenantcolonel Ciężki et à sa famille. 17 reproductions présentaient au public
des photos de la vie de Ciężki, de sa famille et des cryptologues polonais.
Le public put ainsi découvrir de ses propres yeux l’histoire d’Enigma
sur fond d’entre-deux-guerres et de Seconde Guerre mondiale.
L’arrivée des restes de Maksymilian Ciężki en Pologne
Inauguration du monument Enigma à Poznań
Les Polonais au service de l’Europe
Jeux municipaux en mémoire de Maksymilian Ciężki
Le savoir. L’espoir. La victoire
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