PNR et No-flight-list des Etats-Unis: au nom de

Transcription

PNR et No-flight-list des Etats-Unis: au nom de
PNR et No-flight-list des
Etats-Unis: au nom de la
lutte
anti-terroriste,
l’arbitraire s’étend à tout
l’Atlantique Nord
Par Paul-Emile Dupret *
Le samedi 19 mars dernier, comme conseiller politique du
groupe GUE/NGL, j’aurais dû accompagner Lola Sanchez, députée
européenne pour PODEMOS, au sein la délégation officielle du
Parlement européen (Commission INTA) au Canada pour y traiter
des négociations de l’accord commercial CETA, cet accord
dévastateur, le grand frère du TTIP.
Le début du voyage, en TGV de Bruxelles à Paris, s’est déroulé
normalement, mais à l’aéroport Charles de Gaulle, après avoir
imprimé le bordereau de mon bagage à la borne d’Air France, je
ne suis pas parvenu à imprimer ma carte d’embarquement pour le
vol AF 344 Paris-Montréal. Les préposés d’Air France m’ont
alors demandé de me soumettre à un interrogatoire d’un agent
de sécurité américain qui rôde dans l’aéroport. Je m’y suis
opposé, puisque j’allais au Canada, sans survoler les EtatsUnis, comme me l’avait assuré par écrit l’agence de voyage du
Parlement européen. Une employée d’Air France a alors affirmé
que l’avion allait survoler les Etats-Unis, ce qui s’est avéré
faux comme le prouve le parcours de l’avion:
d
d
Finalement après une heure d’attente, puisque le policier
n’apparaissait pas, ils l’ont contacté par téléphone, et m’ont
signifié qu’ils ne pouvaient pas émettre ma carte
d’embarquement, en application de l’accord PNR (Passenger Name
Record) parce que j’apparaissais sur la No-Fly-List des EtatsUnis.
Mes ennuis avec les autorités américaines ont commencés en
Juillet 2004, cinq mois après avoir coordonné à Bruxelles et
en séance plénière du Parlement européen à Strasbourg, des
actions d’opposition à la présence d’Alvaro Uribe, alors
président de Colombie. Aujourd’hui, il est plus que démontré
que nous avions raison, puisque plus personne ne conteste que
le président Uribe, -alors grand allié des Etats-Unis mais en
disgrâce aujourd’hui-, s’est largement appuyé sur les
escadrons de la mort pour être élu, puis pour chasser de leurs
terres les paysans et indiens colombiens au profit de grands
propriétaires et de multinationales.
Selon les chiffres officiels, il y a en Colombie, grand allié
de l’Union européenne dans la région, plus de 6 millions de
personnes chassées de leurs terres, 69.000 personnes victimes
de disparitions forcées et plus de 200.000 assassinats. Même
si l’impunité est la règle, nombre des ministres et des
députés du parti de l’ancien président Uribe ont été
poursuivis et emprisonnés pour avoir utilisé les services de
ces groupes assassins. Son frère, Santiago Uribe, a finalement
été capturé et emprisonné fin février 2016 parce qu’il faisait
partie d’un groupe de propriétaires terriens appelé « Les
douze apôtres » qui commanditaient les assassinats et les
massacres de syndicalistes ou de paysans qui tentaient de
défendre leurs droits. Sept personnes qui ont témoigné contre
lui ont été assassinées.
A son retour de sa tournée politique ratée en Europe, le
président Uribe a ordonné à la police politique DAS, -dont on
sait aujourd’hui qu’elle hébergeait des policiers américains,
de lancer l’opération Europa- qui selon les documents saisis
depuis lors, visait (ou vise encore…) à discréditer les
défenseurs et les organisations de défense des Droits Humains,
y compris la sous-commission des Droits de l’Homme du
Parlement européen et le Conseil des Droits de l’Homme des
Nations-Unies. Cette opération a reçu un commencement
d’exécution dans diverses capitales européennes, et notamment
à Bruxelles, contre des organisations et des défenseurs des
Droits Humains. La presse a révélé il y a quelques mois que le
juge d’instruction belge Olivier Leroux, saisi à ce sujet en
Octobre 2010 par les victimes et la Ligue Belge des Droits de
l’Homme, a établi que deux personnes, Madame Lucia Patricia
Betancourt, compagne d’un fonctionnaire espagnol de la
Commission européenne, et Monsieur Victor Hugo Torres,
fonctionnaire belge, étaient payées par le DAS pour exécuter
ces basses besognes à Bruxelles.
En juillet 2004 donc, accompagnant une délégation du groupe
GUE/NGL à Caracas et à Managua, j’étais arrêté lors d’un
transit à Miami, interrogé et placé dans un avion pour
l’Europe, menottes aux poings, 24 heures plus tard. Au cours
de l’interrogatoire auquel j’ai été soumis, les questions ont
porté le nombre de mes déplacements en Amérique latine, en
Afrique, en Asie, dont les traces apparaissaient sur mon
passeport (la plupart des délégations officielles), les
contacts personnels que j’aurais eu ou non avec Hugo Chavez ou
Fidel Castro et sur des articles que j’avais écrit, sur
l’alignement des politiques européennes sur celles des EtatsUnis. Pas un mot sur d’éventuelles relations avec des groupes
armés ou terroristes. En 2007, le consulat américain à
Bruxelles a refusé de me donner un visa 2007 malgré une
demande verbale (illustration 2) du Parlement européen pour
motif d’ « activités terroristes » (illustration ). Répondant
à mes questions, la consul m’a précisé que l’administration
américaine ne dit pas pourquoi un nom est inclu sur la No-FlyList, qu’aucun recours judiciaire n’est ouvert aux nonaméricains, et qu’il n’y a aucune limite de temps. Peu importe
si, comme c’est mon cas, on ne fait l’objet d’aucune
condamnation, de poursuite, ou même d’accusation dans quelque
pays que ce soit.
En 2009, l’Union européenne a approuvé l’accord PNR (Passenger
Name Record) proposé par les Etats-Unis. Celui-ci a été violé
quelques mois plus tard par ce pays qui a adopté un programme
extraterritorial appelé « Secure Flight Programme » qui impose
aux compagnies aériennes de signaler le nom des passagers même
pour les vols qui n’ont pas pour destination les Etats-Unis,
mais ne font que survoler ce pays ou son espace maritime.
C’est ainsi que le 19 Août 2009 l’avion dans lequel je m’étais
embarqué de Paris à Mexico était dévié durant 3 heures, suite
à ma présence à bord, parce qu’il n’était pas autorisé à
survoler l’espace maritime américain au large de la Floride.
Les Etats-Unis savent parfaitement que je n’ai en rien un
profil terroriste. J’ai assisté à des débats en huis-clos à 7
ou 8 personnes avec l’ambassadeur des Etats-Unis auprès de
l’Union européenne. En 2013, j’ai été invité par deux fois à
déjeuner à l’Ambassade des Etats-Unis avec mes collègues
conseillers politique d’autres tendances politiques , -sans
obligation de passer le portail de sécurité-, pour un déjeuner
cordial pour discuter du lancement du TTIP, et alors même que
j’avais informé que j’étais sur leur No-Fly-List. En même
temps ils n’ont pas donné suite à ma demande de visa pour
accompagner la délégation du Parlement européen à Washington
sur le même thème.
Face au silence européen, les Etats-Unis ont franchi une
nouvelle étape. Ils imposent maintenant aux compagnies
aériennes d’envoyer les noms des passagers de vols qui vont au
Mexique, au Canada, ou à Cuba, sans même survoler les eaux
territoriales des Etats-Unis. Il semble que seule Cubana de
Aviación résiste à cette imposition.
Face à cela, la Commission européenne, -et son tsar
antiterroriste, le belge Gilles de Kerchove-, pourtant
interpellés de façon répétée par les parlementaires européens,
n’ont même pas exigé dans les négociations continues qu’ils
mènent avec l’administration américaine, qu’au moins un
recours judiciaire soit ouvert aux victimes de ces inclusions
arbitraires sur la No-Fly-List, comme pour les citoyens
américains, ou que le programme PNR (Passenger Name Record) ne
soit pas violé par l’adoption de programmes unilatéraux et
extraterritoriaux.
Voici donc le bel espace de libre-échange, d’arbitraire et de
soumission, que l’on nous prépare avec les accords de libreéchange TTIP et CETA, sous prétexte que l’Union européenne,
les États-Unis et le Canada « partagent les même valeurs ».
Le Forum Social Mondial va se tenir du 9 au 14 Août 2016 à
Montréal. Si je ne pourrai m’y rendre, qu’en sera-t-il du
militant indien qui s’oppose aux cultures transgéniques de la
Monsanto en Inde, ou du syndicaliste colombien qui s’oppose
aux abus de l’entreprise Coca-Cola en Colombie…
Suite à ce laisser-faire, quelle est la prochaine étape ?
Après le Canada, les meilleurs alliés des Etats-Unis (Turquie,
Israël, l’Arabie Saoudite, l’Ukraine, la Colombie, l’Union
européenne, ) vont-ils endosser les uns après les autres, à
l’aveugle, la No-Fly-List des Etats-Unis sans savoir pourquoi
ces 50.000 noms y figurent, et malgré l’absence de recours ?
Ce jeudi 14 Avril le Parlement européen a adopté le PNR
européen, la réplique du programme américain. Le groupe
GUE/NGL s’y est opposé, parce qu’il s’agit d’une mesure
disproportionnée et inefficace pour lutter contre le
terrorisme. Sous la houlette des Etats-Unis, -pays érigé de
manière absurde en leader de la lutte antiterroriste par nos
dirigeants politiques alors que ce pays a appuyé des groupes
comme Al Quaeda et l’Etat Islamique, et qu’il continue
d’appuyer l’Arabie saoudite et la Turquie, Israël, le
gouvernement ukrainien-, on nous enfonce dans une forêt de
mesures sécuritaires et liberticides adoptées sous prétexte de
lutter contre le terrorisme. Ces mesures servent avant tout à
tenter de paralyser et de museler les personnes et les
organisations qui défendent les libertés, les droits sociaux,
l’environnement, et à éviter l’adoption de décisions
politiques internes et internationales qui pourraient vraiment
nous éloigner du danger terroriste de façon durable.
* Juriste, conseiller politique du groupe parlementaire
GUE/NGL (Gauche Unie Européenne/Nordic Green Left) pour les
questions de commerce international. Militant des droits de
l’Homme et altermondialiste engagé.
Échec
à
la
reine
:
L’échiquier brésilien en 2016
Une opinion de Thierry Thomas (que vous retrouverez également
sur son blog) mise à jour au regard de l’actualité récente.
L’actualité brésilienne est terriblement complexe à
comprendre, surtout pour qui ne suit les événements que de
loin et via les médias traditionnels européens. Il est
difficile de vous donner toutes les sources dont je me suis
servi pour rédiger les notes qui suivent. Cependant, vous
pouvez en retrouver l’essentiel sur les sites repris en note
de bas de page, outre, pour ce qui concerne les éléments
institutionnels, Wikipedia (qui n’est pas une source en soi,
mais une base de faits à vérifier)[1].
Le Brésil est-il au bord d’une dictature du prolétariat ?
Non. Je n’irai pas jusqu’à dire « malheureusement, non ». Cela
dit, il est bon de renverser un certain nombre de certitudes
locales. Certains canards méritent qu’on leur casse quelques
pattes.
A l’écoute de la RTBF[2], à la lecture de quotidiens belges en
ligne, le gouvernement de Dilma Rousseff tendrait
dangereusement vers une forme autoritaire et corrompue, alors
que des millions de courageux citoyens seraient descendus dans
la rue pour défendre l’action d’un juge fédéral, auquel
certains vont jusqu’à s’associer sous le slogan « Nous sommes
tous Sergio Moro ».
Or, si cela ressemble à la réalité, ça n’en a que l’apparence.
S’il
est
vrai
que
le
gouvernement
Dilma
Rousseff
est
actuellement secoué par une série de scandales, il faut savoir
que la présidente elle-même n’est pas soupçonnée de quoi que
ce soit, sinon de chercher à défendre son prédécesseur[3].
Par contre, on ne parle pas beaucoup des membres des
différents partis qui composent sa majorité actuelle et qui
eux sont pleinement éclaboussés par des accusations
de corruption, concernant notamment l’entreprise semi-privée,
semi-publique Petrobras ; parmi les personnes concernées, en
tête figure l’actuel président de la chambre des députés,
Eduardo Cunha, ennemi intime de la présidente, et qui barre
systématiquement toute possibilité de changements de
législation vers la gauche.
Le plus « cocasse », c’est que nombre de ces personnages,
députés, éclaboussés par l’opération judiciaire nommée « LavaJato »[4], se trouvent en première ligne pour demander
l’impeachment de la présidente (autrement dit, sa destitution
« légale »).
Comment cela est-il possible ? Le gouvernement brésilien
n’est-il pas de gauche.
Non. Il ne l’est pas. Il faut d’abord savoir que la présidente
a beau avoir été élue au second tour avec plus de 50 pour-cent
des voix exprimées, elle a dû, tout comme lors de son premier
mandat, et tout comme son prédécesseur, Luis Inácio Lula da
Silva, s’allier avec plusieurs partis de droite dure, le
premier desquels étant le parti du vice-président, Michel
Temer, mais aussi d’Eduardo Cunha, le PMDB[5].
Sur 23 ministres, le PT et le PMDB en comptent 5 chacun. Mais
ils n’auraient pas encore la majorité à eux seuls. A gauche,
seul le PCdoB compte un ministre, celui de la défense. Mais
plusieurs autres partis sont également représentés dans le
gouvernement : le PSD, le PDT, le PTB, le PROS et le PR,
chacun comptant un ministre. Tous les autres ministres sont
considérés « indépendants »[6].
Cette alliance entre le PT et ces partis qui se considèrent
tous au centre, ou peu s’en faut, montre déjà que, tant Lula
(qui eut jusqu’à 8 partis alliés dans son gouvernement lors de
son premier mandat, le sien propre n’atteignant guère plus de
18 % des députés au parlement), que Dilma Rousseff, ou même
leur parti ne peuvent guère être totalement responsabilisés
pour la politique dans son ensemble, ni pour ses bons, ni pour
ses mauvais côtés.
D’autant qu’il faut encore se rappeler deux choses :
-D’une part, le Brésil est une fédération de 26 Etats, plus le
District Fédéral de Brasilia, la capitale. Les Etats disposent
d’une vaste autonomie, d’un pouvoir qui réduit fortement celui
de la République Fédérale. Nombre d’entre eux sont éclaboussés
de scandales également.
Au sein des Etats, les mêmes partis actuellement au pouvoir au
niveau fédéral sont parfois alliés, mais aussi souvent
adversaires. Et, parmi les alliés du PT, certains d’entre eux
sont alliés avec le principal parti de l’opposition : le PSDB.
Ainsi, dans l’État d’Espírito Santo, le PMDB et le PSDB se
partagent le gouvernement ; au Maranhão, le PCdoB, de gauche,
est allié avec le PSDB, de droite ; dans le Mato Grosso, le
gouvernement se partage entre le PSDB et le PSD. Toutes ces
alliances au sein des Etats créent fatalement des tensions
avec le gouvernement fédéral. Mais il est également vrai que
l’appartenance à un parti, au Brésil, ne signifie pas que l’on
suive une ligne politique déterminée nationalement. Et cela
sera éclairé par le point suivant.
-Car, d’autre part, les députés et sénateurs, quoique membres
de partis, se distinguent surtout par leur appartenance à
divers groupes d’intérêts. Outre qu’ils sont en moyenne des
hommes blancs d’une cinquantaine d’années et détenteurs d’un
patrimoine d’un millions de reais[7], ils se caractérisent
avant tout par leurs organes de financement, leur appartenance
entrepreneuriale ou même leur religion.
Ainsi, les députés représentant le lobby agroalimentaire sont
153, sur 513 ; les entrepreneurs 207. Sachant que seuls 69
députés sont du PT, on peut évaluer les difficultés qu’ils
doivent avoir d’imaginer même proposer une réforme agraire ou
une meilleure défense de l’environnement -si tant est
d’ailleurs qu’ils le désirent, ce qui n’est pas souvent le
cas[8].
« Golpe » ?
Il ne s’agit pas ici de défendre Dilma Rousseff ou son
prédécesseur, mais de se rappeler que la démocratie
brésilienne est très jeune[9].Les réflexes autoritaires sont
très fréquents dans la société brésilienne.
Une certaine nostalgie de l’époque où l’on ne remettait pas en
question l’autorité des « colonels » locaux (chefs de réseaux
de clientélisme) se reflète dans l’impunité dont jouissent
encore les assassins des militants de gauche des régions
rurales, par exemple, dans la découverte régulière de
situations d’esclavages sur des latifundias ou dans le fait
que la Police Militaire, principale force publique de l’État,
est la police qui tue le plus au monde.
La gauche brésilienne n’est pas satisfaite de l’action des
gouvernements Lula et Dilma, mais elle est consciente de la
menace qui pèse sur le pays, et c’est elle notamment qui a
appelé, le 18 mars, à un ensemble de manifestations, non pas
tant pour « défendre le gouvernement Dilma » que pour appeler
au respect des formes démocratiques[10].
En effet, lors des manifestations « jaunes et vertes »,
culminant le 13 mars, les slogans allaient parfois jusqu’à
l’appel à l’intervention militaire (notons, par ailleurs, que
jusqu’ici les forces militaires sont restées loyales au
gouvernement, bien que la Police Militaire ait montré des
signes de partialité dans son comportement vis-à-vis des
manifestants, agissant aux ordres du Gouverneur de l’État, et
à São Paulo il s’agit de Geraldo Alckmin, sur lequel nous
reviendrons plus loin ; la Police Civile, elle, répond aux
ordre du Gouvernement Fédéral).
Mais que se passe-t-il alors ?
Depuis que le PT est au gouvernement, plusieurs groupes
d’influence ont manifesté leur insatisfaction, voire leur
frustration.
Les premiers de ces groupes sont les médias traditionnellement
de droite, à commencer par la chaîne de télévision Globo, qui
participa largement au maintien de la dictature et fut très
longtemps l’obstacle principal à l’élection de Lula,
contribuant entre deux feuilletons à le ridiculiser au cours
des campagnes électorales de 1988 à 2002.
Mais la Globo n’est pas seule : les journaux O Globo, A Folha
de
São
Paulo,
O
Estado
de
São
Paulo,
les
revues Veja, Época et Istoé se démarquent aussi par leur
militantisme anti-PT[11].
Les rares médias « de gauche » ou indépendants sont peu
diffusés et sous-financés. Ainsi le CartaCapital de l’éternel
opposant démocrate Mino Carta ou le Brasil de Fato,
ouvertement marxiste, par exemple. Peu diffusés, ils ne
peuvent de toute façon pas lutter contre des chaînes de
télévision privées conservatrices. Les chaînes de radio ne
sont guère plus diversifiées[12].
S’il n’y avait que les médias… Mais les gros entrepreneurs,
quoique choyés sous les gouvernements Lula-Dilma, se sont
également ligués contre les « affreux gauchistes » (pour
rappel, Lula est un ancien syndicaliste et Dilma une ancienne
militante communiste)[13]. Ainsi, en réaction à la nomination,
certes discutable, de Lula comme ministre, des fédérations
d’entrepreneurs se sont liguées pour lancer un… appel à ne pas
payer l’impôt fédéral. Ceci n’est rien d’autre qu’une
incitation à commettre un délit grave. Sachant que la justice
s’occupe activement du cas de Lula, ces syndicats patronaux
tentent d’influer de manière totalement illégale sur la
situation politique.
Et pourtant, ce n’est pas parce que Lula est devenu ministre
qu’il échappera à la justice. Certes, il ne sera plus
poursuivi par le même juge fédéral, Sergio Moro, lequel
travaille avec la Police Fédérale, mais il existe au Brésil un
tribunal spécial autorisé à juger des situations impliquant
des ministres en exercice. Et ces juges du Tribunal Suprême
Fédéral, bien que parfois nommés par Lula lui-même, ne lui
sont pas spécialement favorables, contrairement à une série de
rumeurs à ce sujet[14].
Le plus emblématique d’entre eux, Gilmar Mendes, nommé par
l’alors président Fernando Henrique Cardoso en 2002, lui-même
entaché de nombreuses irrégularités et soupçonné de
« gentillesse » à l’égard de personnalités douteuses, a promis
un traitement sans concession à Lula. Or il a été chargé de la
plupart des dossiers “Lula”. Il n’y a donc aucune raison de
penser que Lula échapperait à une éventuelle condamnation s’il
devait être reconnu coupable.
Les médias, les entrepreneurs… C’est tout ? Non.
Au sein du Congrès, de nombreux députés, y compris de sa
majorité théorique, menacent la présidente d’une procédure
d’impeachment. Ce qui signifie qu’elle risque la destitution
si la procédure aboutit. Et pourtant, si l’on considère les
causes juridiques de cette procédure, force est de reconnaître
que le dossier ne la concerne… jamais[15]. Mais cela ne gène
pas ses opposants, dont nous avons déjà parlé, parmi lesquels
beaucoup lui reprochent d’avoir empêché la privatisation du
Pre-Sal, ces champs pétrolifères récemment découverts et pour
lesquels Dilma comptent bien que le Brésil, dans son ensemble,
puisse profiter, à l’instar du Vénézuéla ou de la Norvège.
L’opposition du PSDB, José Serra[16] en tête, a déposé un
contre-projet en 2015 pour renverser cette logique et compte
bien l’appliquer si elle revient au pouvoir. On reproche aussi
à Dilma dans les milieux financiers d’avoir réduit les
possibilités de bénéfices dans les banques en jouant avec les
taux d’intérêt jusque là hyper favorables aux « monnayeurs ».
Les médias conservateurs, les députés nostalgiques du
« colonélisme », les grands entrepreneurs fatigués de devoir
négocier leurs marchés privilégiés, et même les banques, cela
fait déjà beaucoup… Mais on ne peut s’empêcher de se demander
s’il n’y a pas aussi derrière tout ça une petite influence
extérieure. Ce ne serait pas la première fois, sans même
remonter jusqu’au coup d’État de 1964. Le gouvernement
brésilien a déjà été bousculé pour sa « mauvaise gestion » de
la forêt amazonienne, mais aussi pour son intrusion dans les
dossiers iranien, syrien ou libyen, par exemple.
En effet, depuis Lula et notamment son excellent ministre des
affaires étrangères, l’indépendant Celso Amorim, le Brésil a
cessé de figurer dans le « jardin » des USA. Conscients de la
force potentielle du Brésil en Amérique Latine, et de
l’importance de l’Amérique Latine dans le monde, Lula et Celso
Amorim ont initié une nouvelle manière de considérer la
politique internationale, impliquant notamment le pays dans le
mouvement des BRICS, avec la Russie, l’Inde, la Chine et
l’Afrique du Sud. Dilma, bien que plus modérément, a suivi la
même ligne. Le PSDB, dans l’opposition depuis 2003, lui,
s’était distingué pour son suivisme étatsunien durant la
présidence de Fernando Henrique Cardoso.
Et ces manifestations, alors ?
Le
13
mars,
nous
avons
pu
assister
à
de
nombreuses
manifestations, impliquant en effet des centaines de milliers
de personnes, peut-être trois millions de Brésiliens dans de
nombreuses villes du pays[17]. Ces manifestants, généralement,
apparaissaient sur les images, bien blancs, équipés de
lunettes de soleils et habillés de jaune et de vert. Peu
représentative de la société brésilienne, plus métissée dans
son ensemble, faut-il le rappeler[18].
Rappelons que deux « manifestants » du 13 mars, Aécio Neves,
sénateur du Minas Gerais, et Geraldo Alckmin, gouverneur de
l’État de São Paulo, se faisaient l’écho du sentiment de
dégoût pour la corruption… Or, l’un comme l’autre sont sujets
à scandales. Alckmin est impliqué dans un honteux détournement
de repas scolaires dans les écoles publiques, de prévarication
dans le cadre du creusement du métro et de rapports peu
avouables avec des chefs de gangs. Quant à Aécio Neves, il est
soupçonné de détenir des fonds illégaux dans un paradis
fiscal, de tremper dans des trafics d’influence à Minas
Gerais, sans compter que l’un de ses proches amis se trouve
empêtré dans une sombre affaire de drogue retrouvée dans… son
hélicoptère personnel. Inutile de dire que de tous ces
scandales touchant le PSDB, mais aussi le PMDB, les médias
traditionnels parlent peu ces derniers temps[19].
Le héros de cette manifestation, le juge Sergio Moro, connu
pour son action de « nettoyage » de corruption dans les
entreprises de construction, venait de divulguer par voie de
presse des « éléments de preuve » à charge contre Dilma et
Lula, principalement un enregistrement de conversation
téléphonique qui s’avéra, par lui-même, totalement illégal,
car relevé hors de tout mandat. Non seulement il était
illégal, mais en plus sa divulgation ne respectait pas le
secret de l’instruction. Mais il y a plus : les éléments
incriminant Lula et Dilma ne relevaient que de
l’interprétation erronée de quelques mots lancés par Dilma.
Moro l’a lui-même reconnu : il n’y a pas grand-chose dans ces
enregistrements. Autrement dit, le juge fédéral a jeté de
l’huile sur le feu de manière illégale et illégitime. Mais,
une fois l’huile versée, évidemment, le feu est difficile à
éteindre. D’autant que les médias ne contribuent pas à
remettre ces éléments dans l’ordre et le contexte adéquats.
Alors, pourquoi le juge fédéral a-t-il fait cela ? (23 mars
2016)
Note supplémentaire du 11 avril
n’a perdu de sa pertinence. Les
judiciaire de Sergio Moro sont
grands pontes du PMDB négocient
2016: Rien de ce qui précède
doutes à l’égard de l’action
de plus en plus étayers. Les
avec le PSDB la possibilité -
et surtout les suites- de l’impeachment possible de Dilma
Rousseff, qui n’est pourtant pas plus justifié en faits.
Cette procédure suit actuellement son cours, dans un contexte
tumultueux, où le Congrès ne parvient pas à redorer son
image[20]…
Les grands médias traditionnels, de la Globo aux revues
nostalgiques de l’époque de l’esclavage, ne parviennent guère
à se dépêtrer. Ils se disputent les appuis des figures
politiques de l’opposition, accusent à tour de bras au fur et
à mesure des rumeurs et des faits plus ou moins avérés, ne
s’entendant que sur une chose: la promotion de l’impeachment
et le discrédit du mouvement social qui s’y oppose.
De leur côté, les mouvements sociaux et les médias “dominés”
sont nombreux et vivants au Brésil. Paradoxalement, donc, ce
sont ces derniers, déçus par le PT, qui pourraient participer
au sauvetage du gouvernement de Dilma Rousseff, même privée
(de manière ambiguë) de son principal partenaire, le PMDB.
A suivre… de près!
Note du 12 avril : la Commission de l’Assemblée a voté la
poursuite de la procédure d’Impeachment, dans une ambiance
fiévreuse et dramatique. La plupart des députés ayant voté en
ce sens sont eux-mêmes visés par la fameuse « Opération LavaJato », dont ils espèrent la fin en cas de destitution de la
présidente.
[1]
–epoca.globo.com
–CartaCapital.com.br
–le Monde Diplomatique et sa version brésilienne : le Monde
Diplomatique Brasil
–noticias.uol.com.br
–folha.uol.com.br
–globo.com
-des éléments de sites du parti PcdoB : pcdob.com.br.
–vermelho.com.br et opovo.com.br
–https://theintercept.com/2016/03/18/o-brasil-esta-sendo-engolido-pela-corrupcao-da-classe-dominante-e-por-uma-perigosa-subversao-da-democracia/
–brasildefato.com.br
-plusieurs amis brésiliens, témoins directs, acteurs et
observateurs raisonnables et consciencieux, et effrayés de la
perspective actuelle
-mes propres connaissances du Brésil, où j’ai vécu quatre ans
et demi, et mon propre blog thitho.allmansland.net, bien que
peu actualisé ces derniers temps.
[2]
Une petite exception : cette « Opinion » de Laurent
Delcourt: https://www.rtbf.be/info/opinions/detail_bresil-les-ressorts-d-une-crise-politico-judiciaire?id=9256565.
Mais
l’article ne rentre guère dans le détail des circonstances
telles que vous les trouverez ici.
[3]
Or, même cette hypothèse, nous le verrons plus bas,
n’est pas nécessairement correcte. Je pense personnellement
que l’entrée de Lula dans le gouvernement est plus un coup
tactique pour affaiblir le partenaire principal de la
coalition, le PMDB, afin de le forcer à rester au
gouvernement. Mais cette note en bas de page est l’élément le
plus conjecturel de cet article. Note du 11 avril 2016 : le
coup tactique a en partie réussi, puisque la plupart des
ministres PMDB sont restés au gouvernement jusqu’à ce jour.
[4]
Note du 11 avril 2016: entre-temps Cunha a été
éclaboussé, parmi bien d’autres, dans le scandale des Panama
Papers.
[5]
Il faut savoir qu’au cas où l’impeachment contre Dilma
aboutirait, le président en exercice au Brésil serait Michel
Temer et son vice-président Eduardo Cunha. Ca fait réfléchir.
Note du 11 avril 2016: entre-temps, le PMDB a rompu
officiellement avec le gouvernement, mais la plupart des
ministres issus de ce parti, eux, par contre, sont restés au
gouvernement. Par goût du pouvoir? Difficile à dire, surtout
au vu de la position du PMDB devant le vote en commission
chargée de lancer ou d’arrêter la procédure d’Impeachment.
[6]
Quelques indépendants sont considérés plus ou moins
proches de certains partis.
[7]
Cf. L. OUALALOU, Au Brésil, « trois cents voleurs avec
des titres de docteurs », Monde Diplomatique, nov. 2015, p.
10-11. Très bon article, mais écrit il y a plus de cinq mois,
et donc déjà obsolète face à l’actualité, malheureusement.
[8]
Ajoutons encore une petite précision : le Congrès est
dominé par des personnalités établies depuis des décennies
dans la politique brésilienne. Eduardo Cunha était déjà
impliqué politiquement en 1982 auprès du PDS ; Renan
Calheiros, l’actuel président du sénat, député d’État en 1978,
à l’époque de la dictature. Rappelons que la démocratie n’est
rétablie au Brésil qu’en 1988. Le PMDB, dont sont membres ces
deux personnalités, était le seul parti d’opposition autorisé
sous le régime de la dictature, jusqu’en 1985. Il est
pratiquement incontournable encore dans la plupart des régions
du Brésil. Son clientélisme ferait passer celui des partis
socialistes européens pour de l’amateurisme pur.
[9]
1988.
La constitution la plus récente a été promulguée en
[10]
Soyons justes: nombre des manifestants, tout de rouge
vêtus, appuyaient et appuient toujours le PT, Dilma et Lula.
Note du 11 avril 2016: les partis de gauche, y compris ceux
qui ne sont pas au pouvoir, continuent, en compagnie de
nombreux bloggeurs, activistes, groupes sociaux divers, de
participer aux mouvements de refus d’impeachment. Une lecture
superficielle de la politique mettrait Marina Silva et son
parti Rede dans les exceptions à ce phénomène, mais il faut
bien se rendre compte que Marina Silva n’est pas de gauche.
“Candidate écologiste”, elle est surtout favorable à un
rapprochement avec les USA et se positionne farouchement en
évangéliste sur le plan sociétal. Par contre, on trouvera avec
un certain étonnement une figure très modérée, Ciro Gomes,
parmi les opposants à l’Impeachment.
[11]
Je ne cache pas qu’une des motivations de l’existence
de cet article est de tenter d’enjoindre les médias européens
d’utiliser d’autres médias que ceux-ci pour informer leurs
auditoires. Note du 11 avril 2016: le mouvement anti-Globo
populaire au Brésil atteint actuellement des sommets qui
m’impressionnent personnellement. Il a toujours été réel, mais
il pourrait pour la première fois remettre en question la
prédominance de cette famille médiatique brésilienne.
[12]
Pour se faire une idée des médias de gauche au Brésil,
voir mon article remontant déjà à 2010 : http://thitho.allmansland.net/?p=1440 qui ne recouvre pas les publications
récentes ni les blogs militants, dont certains sont de hautes
qualités.
[13]
Je n’insisterai pas ici, quoiqu’il le faudrait, sur le
racisme social latent au Brésil, où les classes les plus
élevées ne supportent guère l’idée que les classes les plus
pauvres puissent imaginer avoir des droits… Je ne dis même pas
des droits égaux, mais simplement des droits à l’expression, à
des services…
[14]
Note d’actualisation: entre-temps, Lula a été empêché
de devenir ministre sur décision du Tribunal Suprême Fédéral.
La situation n’est cependant pas tout à fait clarifiée à son
sujet.
[15]
Note du 11 avril 2016 : les raisons politiques se sont
multipliées: on accuse notamment Dilma Rousseff d’avoir
manipulé des chiffres pour assurer sa réélection en 2014, mais
aussi d’avoir opéré des changements sur le budget de l’État
suite à l’aggravation de la crise. Aucune de ces raisons ne
semble pourtant justifier, si elles étaient avérées, de
procédure d’impeachment. C’est cependant sur celles-ci qu’une
Commission du Congrès devait trancher ce 11 avril pour savoir
si la procédure va de l’avant ou s’arrête.
[16]
Qui fut candidat malheureux contre Dilma aux élections
présidentielles en 2014.
[17]
Si l’on en croit le décompte de la Police Militaire,
curieusement très généreuse.
[18]
Les enquêtes ont révélé que les manifestants étaient en
moyenne largement plus diplômés que la moyenne des Brésiliens.
[19]
Il faut aussi reconnaître que l’apparition de Aécio
Neves et Geraldo Alckmin ne fut pas accueillie que par des
applaudissements : certains manifestants lancèrent des
« voleurs » et des « opportunistes » aux deux représentants du
parti d’opposition.
[20]
Ce 11 avril, un vote important va avoir lieu pour
déterminer si la procédure se poursuit en assemblée plénière
du Congrès… ou non. Même si le vote est en faveur de
l’impeachment, la procédure n’en est qu’à son début: elle
rejoindra la plénière de l’Assemblée avant, le cas échéant, de
se retrouver au sénat.
Attentats terroristes : Le
gouvernement devant ses choix
Entre la solidarité contre le terrorisme et les
pactes politico-commerciaux avec les puissances qui
l’alimentent, le gouvernement va devoir choisir
Les attentats terroristes survenus le 13 novembre
placent la France – mais aussi la Belgique – face
connue, mais néanmoins nouvelle dans la période
fait du caractère indifférencié de ses cibles
nombre de ses victimes assassinées ou blessées.
2015 à Paris
à une menace
récente, du
et du grand
VEGA s’incline devant ces victimes, parmi lesquelles
on compte certainement des citoyens de confession
musulmane – à Paris comme dans les autres pays où
frappe Daech.
La réponse des gouvernements européens ne passe pas,
pour VEGA, par des gadgets technologiques du type
des alertes par SMS qui ont permis cette semaine à
M. JAMBON, ministre de l’Intérieur, de se faire
mousser à peu de frais, tout en instillant l’idée
qu’au nom de la sécurité, des milliers de personnes
puissent être géolocalisées en temps réel par le
gouvernement.
Ce que les terroristes veulent, c’est notamment
créer une fracture entre les citoyens de confession
musulmane et les autres. Il faut réaffirmer les
valeurs de démocratie et de laïcité et réserver la prévention,
la lutte idéologique, voire la répression pénale aux zélateurs
des lectures de l’islam ultra-minoritaires, qui prônent la
haine et la violence au service d’un projet de société
fasciste.
Sur France 2, M. Marc TREVIDIC, l’ancien juge antiterroriste français, a souligné avec lucidité (et
courage) que « les Américains aiment les
fondamentalistes lorsqu’ils sont libéraux sur le
plan économique et commercial ». L’aveuglement
qu’ils feignent à l’égard d es monarchies du Golfe
propagatrices du salafisme cache en effet très mal une forme
intégriste du libre-échange.
Sous le régime capitalo-productiviste, le profit financier de
quelques-uns prime sur l’intérêt démocratique de la majorité,
à l’échelle de notre planète comme à l’intérieur de nombreux
Etats. C’est là le principal problème qui mine la démocratie
et c’est notamment de sa persistance que les terroristes
tirent leur capacité de nuisance croissante.
Les alliances commerciales (mais aussi, inévitablement,
politiques) nouées avec des puissances nourricières du
terrorisme sont souvent scellées au nom de l’intérêt pétrolier
supérieur : l’intérêt général écologique passe aussi après
celui de quelques grands groupes industriels actifs dans le
secteur de l’énergie, même si leur activité est la cause
principale du basculement climatique en cours.
Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à pactiser avec
les protecteurs et promoteurs du terrorisme. Du
pétrole de contrebande acheminé en quantités
importantes en Europe par des réseaux opaques
provient de puits contrôlés par Daech, qui en tire
une importante source de financement. Se fondant
notamment sur le site Irak Oil report, Mme Jana
Hybaskova, ambassadrice de l’UE en Irak, a tenté de
sonner l’alerte à ce sujet en septembre 2014 . L es
gouvernements européens et la Commission n’ont pourtant
répondu que par des prises de positions relativisant ses
déclarations et l’annonce d’une meilleure « coordination »
entre eux en ce qui concerne leurs approvisionnements (1).
Face au drame de ce vendredi noir, Monsieur
REYNDERS, ministre des Affaires étrangères, se
souvient-il de ses courbettes lors de missions
commerciales récentes en Arabie saoudite – en
décembre 2012 (2) et, avec Monsieur MARCOURT,
ministre wallon du Commerce extérieur en mars 2014
(3) ? Et Monsieur MICHEL, Premier ministre, se
souvient-il d’avoir couvert la participation du roi
aux funérailles du roi ABDALLAH de ce pays en
janvier 2015 (4) ?
Pour VEGA, le terrorisme est effectivement un défi à
la démocratie et aux valeurs humanistes, mais des
incohérences politiques aussi graves et persistantes
les fragilisent tragiquement aussi.
(1) Mediapart, 24/9/2014, Du pétrole de l’Etat islamique
acheté par des Européens ? Bruxelles sous pression (Ludovic
LAMANT) (http://www.mediapart.fr/journal/international/260914/du-petrole-de-letat-islamique-achete-par-des-europeens-bruxelles-sous-pression)
(2) Site de M. Reynders, 18/12/2012, Rencontres officielles et
visites
–
Riyadh
–
Arabie
Saoudite
(http://www.didierreynders.be/2012/12/18/rencontres-officielles-et-visites-riyadh-arabie-saoudite/)
(3) La libre, 16/3/2014, Reynders veut créer un réseau entre
femmes d’entreprises d’Arabie et du Benelux (Belga)
(http://www.lalibre.be/economie/actualite/reynders-veut-creer-un-reseau-entre-femmes-d-entreprises-d-arabie-etdu-benelux-5325d32b357058dcaadae770)
(4) 7 sur 7, 29/1/2015, Entre « Je suis Charlie » et « Je suis
Abdallah », il faut choisir (http://www.7sur7.be/7s7/fr/16662/Le-roi-abdique-Vive-le-roi/article/detail/2199205/2015/01/29/Entre-Je-suis-Charlie-et-Je-suis-Abdallah-il-fautchoisir.dhtml)
«
Bons
»
réfugiés
« mauvais » migrants,
distinction mensongère
dangereuse…
et
la
et
Une opinion de Serge Noël
Depuis plus d’un an, les sans-papiers, qui sont plus de
150.000 en Belgique, rassemblés dans différents collectifs et
la Coordination des sans-papiers, multiplient les actions de
protestation et de pression sur le gouvernement : marches sur
Anvers et Wavre, manifestations bihebdomadaires rue de la Loi,
et plus récemment manifestations des femmes sur le piétonnier
de Bruxelles… Tout ceci en vain, sans le moindre début d’une
ouverture ou d’un dialogue avec le gouvernement. Tout ceci
dans l’indifférence des médias et de l’opinion, apparemment
peu sensibles au drame vécu par ces milliers d’hommes, de
femmes et d’enfants à qui l’Etat belge a refusé sa protection,
les privant des droits les plus élémentaires, le travail, le
logement, l’éducation, les soins de santé, les menaçant
d’expulsions forcées et d’incarcération dans les centres
fermés. Les réduisant à l’état d’esclaves corvéables à merci
dans d’importants secteurs économiques, comme l’HORECA, le
nettoyage industriel et domestique, le bâtiment, la cueillette
des fruits…
Il y a quelques semaines, la publication d’une photo, celle
d’Aylan, enfant syrien mort noyé au large des côtes
méditerranéennes, et l’arrivée de nombreux réfugiés syriens en
Belgique, ont déclenché une vague d’émotion et de sympathie
dans l’opinion publique. Ainsi, alors que le ministre NVA de
la migration entendait continuer à restreindre le dispositif
d’accueil (il fermait encore des places d’accueil et parlait
d’ « économiser » 20 millions d’euros dans son administration
il y a six mois ; il prétend continuer à limiter le traitement
des dossiers à 250 par jour), cet afflux a provoqué un
engorgement des demandeurs d’asile devant l’Office des
étrangers, et, en réponse, l’organisation spontanée d’un camp
d’accueil devant l’Office, ainsi que la création d’un
mouvement nouveau et puissant : la plate-forme citoyenne.
Qu’est-ce qui avait changé ? Sur la question des réfugiés, un
basculement de l’opinion : de larges secteurs ont été touchés
par l’aspect dramatique et humain de l’exode syrien et
irakien, des centaines de citoyens ont vu dans le parc
Maximilien une occasion d’enfin exprimer concrètement leur
soif d’engagement humanitaire et dans l’urgence. Et la
situation belge justifie un tel sursaut: la Commission
européenne vient en effet de pointer du doigt, parmi 18 autres
pays, la Belgique, parce qu’elle ne respecte pas le droit
d’asile. Mais les gouvernements et la droite n’en ont par
démordu : il fallait faire la distinction entre ces réfugiés
de guerre, les « bons » réfugiés, et les migrants
« économiques », les mauvais migrants, qui assiègent selon eux
l’Europe depuis des mois, voire des années.
La Hongrie construit un mur de barbelés tout autour de ses
frontières, arguant de la nécessité de se défendre, et de
défendre l’Europe, contre une nouvelle « invasion musulmane »,
feignant d’ignorer que les réfugiés fuient précisément une
guerre et un régime extrémiste islamiste ; elle fait voter des
lois permettant à sa police et à son armée de tirer sur les
réfugiés ; Bart de Wever nie, contre toute évidence, que ces
réfugiés fuient un pays en guerre, et les accuse de vouloir
« une vie meilleure » – la belle accusation ! Enfin,
l’Allemagne, qui annonçait, pressée par ses patrons sur de
bons vieux calculs économiques, son intention d’accueillir
plus de réfugiés, décidait d’en loger dans l’ancien camp, de
sinistre mémoire, de Dachau !
L’Europe, qui est pour beaucoup à l’origine des guerres et des
drames humanitaires frappant le Moyen-Orient et le Sud, ne
trouve d’autre réponse que dans son vieux réflexe
d’externalisation de ses frontières, décidant ainsi ce 23
septembre, au dernier sommet, de consacrer un milliard d’euros
à l’aide aux pays de « première ligne »,
la Turquie, la
Jordanie, le Liban, qui déjà accueillent l’immense majorité
des réfugiés des guerres en Syrie et en Irak. Face à la
réalité massive de l’accueil des réfugiés du Sud par le Sud,
l’Europe propose d’accueillir et de répartir sur l’ensemble de
son territoire 120.000 personnes. Chiffre dérisoire, et déjà
jugé trop important par les gouvernements de certains Etats,
qui entendent se claquemurer dans leurs frontières tout en
bénéficiant des fonds structurels européens. La vérité, c’est
que les gouvernements européens sont traqués et tenaillés par
les partis populistes et d’extrême-droite, qui leurs dictent
leurs discours et leur politique. Et alors que les besoins
réels de l’Europe en termes d’emploi, et démographiques,
exigent une vraie ouverture, alors que les migrations
rapportent en fait aux Etats plus qu’elles ne leur coûtent,
selon diverses études de l’OCDE notamment, l’Europe, pour
l’essentiel, veut maintenir à l’extérieur de ses frontières
les réfugiés qui s’y pressent. Prolongeant de la sorte une
politique qui, au Maroc par exemple, justifie depuis des
années des mesures de protection policière, de racisme
institutionnel, de répression des migrants présents. Les
leaders de la droite le savent : les termes des relations
entre le Nord et le Sud sont basés sur l’exploitation et la
domination ; ce sont eux qui provoquent et entretiennent les
motivations profondes des flux migratoires. Ils savent que ces
flux, loin de se tarir, vont s’amplifier dans les années à
venir. En effet, la « crise » migratoire vécue aujourd’hui
n’est que la continuation des situations vécues ces dernières
années, et qui ont culminé cet été avec la noyade de centaines
de réfugiés en mer Méditerranée, ce qui nous a valu les
« minutes de silence » hypocrites servies par les dirigeants
européens. Ce n’est aussi que le prélude d’afflux encore plus
importants, notamment provoqués par les dérèglements
climatiques largement causés par le mode de production et de
consommation imposé par le Nord. Comment y répondre ? En
fermant toujours plus les frontières, allant jusqu’à remettre
en cause des textes fondateurs tels que la Convention de
Genève, comme l’a fait récemment le président de la NVA,
talonné dans les sondages par le Vlams Belang. Une telle
politique de fermeture et ultra-sécuritaire s’inscrit dans la
logique néolibérale d’austérité et de contrôle des sociétés.
Les réfugiés, qui aujourd’hui en sont victimes, le sont au
même titre que les sans-papiers, les chômeurs, les pensionnés,
toutes les personnes affaiblies par les politiques menées
depuis des années par les droites et les tenants d’une socialdémocratie pervertie.
Il convient aujourd’hui, pour la gauche, de mettre en lumière
ces logiques sécuritaires et austéritaires : ce sont elles qui
fragilisent des pans entiers de la société, qui rejettent les
réfugiés dans les affres de l’attente, qui précipitent depuis
des années ces anciens réfugiés que sont les sans-papiers dans
les abîmes de la clandestinité… Réfugiés, sans-papiers, sont
victimes de la même politique de rejet des plus faibles, de
restrictions tous azimuts des moyens de l’Etat, de
construction d’une peur et d’une haine de l’autre, de
l’étranger.
La volonté des associations solidaires des migrants, réfugiés
ou sans-papiers, est aujourd’hui de mettre en évidence
l’aspect mensonger et dangereux de cette distinction entre
bons et mauvais réfugiés, et d’interpeller les nombreux
citoyens qui ont apporté leur solidarité aux réfugiés, pour
qu’ils étendent cette solidarité aux sans-papiers, victimes de
la même politique de fermeture et d’austérité. Nous devons
participer à cet effort, et contribuer à la convergence des
luttes, réfugiés, sans-papiers, chômeurs, travailleurs, comme
la manifestation du 7 octobre prochain le montrera, où
travailleurs avec et sans papiers se retrouveront dans le même
cortège.
Prochains rendez-vous :
-le 27 septembre, à la marche citoyenne de solidarité avec les
réfugiés, 14h, Gard du Nord, rendez-vous au pied des marches à
l’entrée de la gare ;
-le 7 octobre, à la manif syndicale, avec les sans-papiers;
-le 10 octobre, au premier anniversaire de « Voix des sanspapiers », à partir de 13h, à Toestand, 53 avenue du Port (en
face de Tours et Taxis) ;
-le 23 octobre, à la fête du 10 è m e anniversaire de « SOS
Migrants », à partir de 19h à l’Espace Magh, 17 rue du Poinçon
à 1000 Bruxelles ;
-le 25 octobre, à la manifestation de la Coordination des
sans-papiers.
Monsieur Francken, la réalité
est de notre côté !
Une opinion de Serge Noël-SOS Migrants
D’après les chiffres fournis par Théo Francken, les demandes
d’asile explosent depuis janvier. Francken invoque la
situation internationale pour l’expliquer, avec près de la
moitié des demandes (43%) issues de pays en guerre (Syrie,
Irak, Afghanistan, Somalie). Ceci après deux ans d’une
politique anti-asile forcenée. On nous rabâche les oreilles
avec le fameux « appel d’air » à la moindre évocation d’une
politique plus humaine. Nous disons que ce sont les conditions
de (sur)vie dans les pays d’origine qui expliquent les
tentations migratoires, et rien d’autre. Francken est bien
forcé de ne pas dire autre chose. Annonçant aussi que les
économies de plus de 20 millions d’euros prévues par le
Secrétariat à l’asile et la migration il y a quelques mois ne
seront pas possibles! Dans l’univers de Francken, fait de
peur, de haine, d’égoïsme, les migrants sont des criminels
venus en Belgique pour piller les comptes en banque et prendre
les boulots. La seule réaction à leur opposer est de vider le
pays de ses migrants, de dégoûter les autres d’y venir. Ces 20
millions d’économie, qui inquiétaient au premier chef les
travailleurs de FEDASIL, signifiaient moins de moyens humains
et matériels pour écouter, entendre, garantir ce qui reste de
droits élémentaires et de procédure équitable aux futurs
demandeurs d’asile. Or, après deux années de déclarations
hostiles, de chasse aux migrants, de criminalisation de gens
venus chercher la sécurité et la paix, de durcissement des
conditions d’accès au territoire, l’échec de cette politique
est cinglant. Et le ministre, à la fois champion du
néolibéralisme et du flamingantisme d’extrême-droite, doit
renoncer à « économiser » ces 20 millions sur le dos de l’Etat
fédéral et des réfugiés.
Les hommes et les femmes qui, depuis des mois, manifestent
deux fois par semaine, marchent sur Anvers et Wavre,
organisent de grandes démonstrations avec les syndicats, le 6
novembre passé comme le 7 octobre prochain, aux côtés des
dizaines de milliers d’autres travailleurs; ou avec leurs
seuls moyens, comme le 3 mai passé, appartiennent à cette
réalité qui met en échec le ministre et toute son armée de
fonctionnaires glacés, de flics et de médias aux ordres. Ces
hommes et ces femmes qui sont considérés comme des moins que
rien, qui vivent dans des conditions de précarité extrême,
logeant dans des gourbis, se nourrissant au petit bonheur, se
battent contre des adversaires puissants, qui détiennent le
pouvoir politique, policier, médiatique, et défendent les
intérêts de gens qui monopolisent les richesses. Ils et elles
luttent pourtant, criant leur dégoût de l’injustice et leur
foi en eux-mêmes. Depuis des mois de mobilisation, de
proposition de dialogue… rien n’a été obtenu. Pourtant ils
continuent. D’abord parce qu’ils n’ont pas le choix : c’est la
lutte ou le désespoir, et parfois le suicide. Mais surtout,
parce qu’ils sont dans le camp de la réalité. Réalité des
chiffres : après deux ans de dissuasion et de répression, les
chiffres des demandes d’asile démontrent que les vraies
motivations des migrants c’est de fuir la guerre, la misère,
et non d’être «attirés » par un pays aussi « sexy » que la
Belgique made in NVA et MR ! Que le principal représentant de
cette politique soit amené à le reconnaître, et à renoncer à
ses projets criminels d’affaiblissement des moyens d’accueil,
est en soi une victoire pour nous. Une raison majeure de
continuer à se battre. Même si les conditions de la lutte
doivent nous amener, tous, sans-papiers organisés dans les
collectifs et la Coordination, soutiens rassemblés avec eux
dans le Front d’actions et la plateforme de concertation, à
réévaluer notre action, pour ne pas permettre le
découragement. Pour cela, il importe de renforcer parmi
nous la conscience que nous sommes du côté de la réalité, du
bon sens, en même temps que du bon droit, comme le montrent
aussi de nombreuses études sur l’apport y compris économique
des migrants. Non, les migrants ne sont pas un fardeau ! Oui,
la migration est une chance économique, humaine, culturelle !
Une réflexion s’amorce dans les rangs des migrants et de leurs
amis. Après plusieurs mois de mobilisation, qui ont permis le
mûrissement des organisations de migrants et de leurs amis, il
faut aujourd’hui définir de nouveaux horizons de combat,
surmontant les impasses où l’obstination aveugle du pouvoir
veut nous enfermer, de manière à remporter des succès
accessibles par nous-mêmes et ne dépendant que de nous-mêmes.
Et nous permettant d’envisager la lutte à moyen terme : départ
de ce gouvernement, aux côtés des millions de travailleurs qui
lui sont opposés ; et à court terme : former les militants, à
tous les niveaux, aller à la rencontre de l’opinion publique
et de ces milliers de sans-papiers qui rasent les murs, et
ainsi élargir chaque jour un peu plus la base d’un rapport de
forces transformé… Consolider nos liens avec les travailleurs,
non comme un « soutien » aux sans-papiers, mais comme une
solidarité mutuelle contre un adversaire commun, porter notre
discours réaliste et humaniste vers les citoyens, qui ne nous
connaissent pas assez, qui sont gavés des mensonges du
pouvoir. Il nous faut apprendre à mieux connaître les réalités
d’une société travaillée par la question centrale de la
migration, apprendre à parler à tous ces gens, jeunes,
travailleurs, habitants des quartiers, sans-papiers
« invisibles », avec nos arguments, nos valeurs, et les
simples faits…
La
situation
des
forces
écosocialistes en Espagne
Une analyse de Pedro González de Molina Soler
Pour comprendre la situation de l’écosocialisme dans la
politique espagnole, il est nécessaire de faire quelques
considérations préalables. En Espagne, l’écologisme se divise
en trois facettes : l’écologisme comme mouvement social,
l’écologisme comme parti politique strictement écologiste et
les forces politiques écosocialistes.
L’écologisme comme mouvement social a beaucoup de poids en
Espagne non à cause de son nombre d’activistes (qui reste peu
important) sinon pour la capacité d’influence qu’il exerce sur
la société. Il a été la figure de proue dans la lutte contre
le nucléaire comme contre l’activité spéculative centrée sur
le secteur de l’immobilier (par exemple dans l’affaire de
l’hôtel à El Algarrobico, menacé de destruction), celle contre
les activités spéculatives centrées sur les ressources
naturelles et leur gestion (ex : la lutte contre la
privatisation du Canal Isabel II à Madrid, qui approvisionne
la capitale en eau) ou la lutte contre les activités
polluantes en général (comme les manifestations de la « bicicritica » ou la lutte contre le projet de mine à ciel ouvert
en Galice). Ces luttes diverses ont permis de donner une voix
au mouvement écologiste dans les médias, ainsi qu’une capacité
de mobilisation et de légitimité au sein de la population.
Depuis les années de crise, l’évidence du réchauffement
climatique et les diverses actions des mouvements sociaux, une
conscience s’est formée progressivement parmi les citoyens
concernant la nécessité d’appliquer en Espagne une politique
écologique, surtout en matière énergétique ou sur des
questions comme le recyclage même si il reste beaucoup de
chemin à parcourir. En Espagne, opèrent d’autres mouvements
importants comme « Ecologistas en Acción », « Greenpeace », «
La Plateforme pour un nouveau modèle énergétique » ceux
initiés par quelques membres d’ATTAC, etc ; ils ont développés
quelques villages de transition et des groupes de
consommation, des potagers urbains et des groupes politiques
décroissants revêtant une certaine importance depuis quelques
années. Il faut aussi noter la présence en Espagne de
chercheurs de renom national et international comme Jorge
Reichman, Manuel González de Molina, José Manuel Naredo ou
Martínez Alier.
L’écologisme comme parti strictement écologiste est passé par
de nombreux avatars étant donné son implantation assez inégale
au sein du pays, où il a eu peu de succès dans une époque de
consumérisme démesuré et de présence d’une bulle immobilière.
Le mouvement a dû faire face à un problème de fragmentation
très fort après les premières tentatives, ou à des unions
difficiles avec d’autres forces qui aboutirent à des ruptures
plus au moins traumatisantes (comme avec le PSOE ou IU
notamment en Andalousie où ils formèrent un gouvernement qui
conserva son nom après la première scission). Le dernier essai
de formation d’un parti écologiste pur fut en 2011 quand fut
créé EQUO, avec l’appui des verts allemands, qui ne sont pas
arrivés à décrocher d’élu(e)s. Les raisons de cet échec sont
multiples : le fait que des partis verts ne fusionnèrent pas
avec lui, parce qu’il n’a pas réussi à créer un espace dans le
pays car « la question sociale » (inégalité, chômage et
pauvreté) a empêché la possibilité qu’un parti politique
seulement vert arrive à occuper un espace suffisant pour
devenir influent. C’est pour cela qu’EQUO fit alliance avec
COMPROMÍS (une force nationaliste de gauche avec une
composante écosocialiste en son sein). À cela il faut ajouter
le fait qu’en Espagne l’écologisme est un phénomène
transversal du point de vue programmatique : presque toutes
les forces politiques (excepté certaines de droite) reprennent
l’écologisme ou des politiques plus ou moins vertes dans leurs
programmes (du capitalisme vert jusqu’à la décroissance), ce
qui affaiblit la possibilité d’existence d’un parti
strictement vert.
L’écosocialisme a eu plus de chance. Beaucoup de forces
politiques se revendiquant de cette idéologie ont réussi à se
consolider en Espagne, en tuant le cliché que l’écologisme
n’avait de futur que dans les régions industrielles (le Pays
Basque ou la Catalogne surtout), puisqu’il a réussi à
s’étendre dans des régions où règne une tradition de lutte
paysanne (comme l’Andalousie, Murcie ou la Galice) et où il
n’y a presque pas d’industries. L’alliance entre l’écologisme
et le socialisme paraît avoir un futur en Espagne grâce à son
engagement concernant la résolution de « la question sociale »
ou de la transformation du monde en un lieu soutenable.
Les forces écologistes et écosocialistes en Espagne et leur
situation actuelle
EQUO fait partie du parti vert européen, est soutenu par les
verts allemands et maintient son alliance avec COMPROMÍS, ce
qui lui permettra d’avoir un eurodéputé lors de la seconde
moitié de la législature du Parlement Européen (Florent
Marcellesi). Il a à peu près 1858 militants, avec une certaine
force à Madrid et une implantation inégale en Espagne (sans
affiliés en Catalogne à cause d’un accord avec ICV).
Actuellement, ils travaillent dans les « GANEMOS »
(plateformes citoyennes qui ont comme projet de se présenter
aux élections locales avec des partis politiques et mouvements
sociaux), même si il est possible qu’ils n’aient pas d’espace
politique pour gagner des élu(e)s depuis l’apparition de
PODEMOS.
Iniciativa Per Cataluña les Verts (ICV), est un parti
politique écosocialiste implanté en Catalogne qui est
fédéraliste et catalaniste. Il est allié à Izquierda Unida
(EUIA en Catalogne) issu du vieux PSUC (Parti Socialiste
Unifié de Catalogne, parti frère du PCE), et qui, après une
débâcle électorale devint écosocialiste. C’est un parti
politique qui dispose d’une large représentation
institutionnelle, tant au Parlement espagnol qu’au Parlement
Européen, au Parlement catalan, dans les mairies et les
conseils provinciaux. Il fait partie du Parti Vert Européen et
a des très bonnes relations avec SYRIZA et la GUE. Cependant,
il se trouve aujourd’hui dans une situation critique étant
donné qu’il s’est vu piégé par la situation créée par le
mouvement indépendantiste en Catalogne. Cette situation a
relégué la « question sociale » au second plan au profit de la
« question nationale ». Sur cette question, ICV a joué un jeu
d’équilibriste entre ses postures fédéralistes et la défense
du « droit à décider » (qui a été utilisé habilement par les
indépendantistes pour faire passer l’idée de l’indépendance).
Ceci aura comme conséquence une perte d’influence au niveau
électoral, si les enquêtes d’opinion ne se trompent pas et
surtout depuis l’apparition de PODEMOS (une force politique
qui se dit fédérale). Ils disposent de plus ou moins 8000
militant(e)s, participent au Réseau Écosocialiste Européen et
au « GUAYEM » à Barcelone, une plateforme à laquelle
appartient Ada Colau, une activiste contre les expulsions
locatives.
Espazo Ecosocialista est un parti implanté en Galice, il est
écosocialiste, féministe, galicien et radicalement démocrate.
Il provient d’une scission du PSOE gallois qui constitua le
parti avec d’autres forces politiques. Il participe
actuellement à la Coalition Alternativa Galega de Esquerdas
(AGE), formation comptant 9 députés dans le Parlement galicien
et une eurodéputée d’ANOVA (un parti nationaliste de gauche
qui participe à la coalition). Espazo est en train de
travailler avec les forces politiques constituant l’AGE dans
les « GAÑEMOS » (Ganemos en galicien) et dans les « MAREES »
(une autre plateforme citoyenne). Il a plus ou moins 300
militant(e)s.
Les Ecosocialistes de la Région de Murcie, qui fait partie de
la coalition de la Gauche Unie (IU), participe au Réseau
Écosocialiste Européen et a quelques conseillers municipaux
dans la région. Ils participent au « GANEMOS MURCIA » qui a
pour ambition de détruire le poids du PP dans la région avec
l’aide d’autres forces de gauche. Ils comptent au sein de
leurs membres José Coy, un des fondateurs de la Plateforme des
Affectés par l’Hypothèque (PAH), des Marches de la Dignité et
du Front Civique de Julio Anguita. Il est également membre du
Conseil Fédéral d’ Izquierda Unida et est en train d’initier
un projet de récupération de terres pour les chômeurs.
Initiativa por Andalucía, parti politique fondé récemment,
fédéré avec Izquierda Abierta (qui fait partie d’IU), fédéral,
féministe, écosocialiste, andalou, etc… se constitua il y a
quelques années à partir de l’alliance de gauche Izquierda
Abierta Andalucia et
Primavera Andaluza »
quelques
membres
de
l’ancienne
«
Il existe plusieurs petits partis écosocialistes participant à
des coalitions ou indépendants, qui se déclarent en grande
partie autonomistes ou nationalistes (de la Communauté
Autonome à laquelle ils appartiennent) comme « Alternativa Sí
se Puede » (Tenerife), Iniciativa del Poble Valenciá (qui
participe à la coalition Compromís), Construyendo la
Izquierda-Alternativa Socialista (CLI-AS),etc.
Il y a aussi d’autres petits partis verts moins importants
comme « Gira los Verdes-Madrid », Confederación de los Verdes,
Los Verdes de Valencia, etc… avec plus ou moins de force qui
sont pour la plupart alliés avec IU.
La majorité de ces partis participent à Espacio Plural, une
plateforme à laquelle appartiennent aussi des formations
politiques qui ne sont pas nécessairement écologistes comme la
Chunta Aragonesista, el Partido Andalucista ou Nueva Canarias.
Espacio Plural est une initiative d’ICV pour construire un
front de gauche fédéraliste et écologiste face à la crise mais
ne prétend pas être un projet politique mais un espace de
rencontre.
La Gauche Unie (IU), coalition de partis de gauche appartient
à la GUE et participe au Réseau Écosocialiste Européen. IU a
une petite section d’écosocialistes en son sein, sans compter
les Ecosocialistes de la Région de Murcia, et quelques groupes
programmatiques et de débat en Andalousie et dans d’autres
Communautés Autonomes. Cependant le poids important du PCE au
sein de la coalition fait que la défense du productivisme y
reste prédominante même si leur programme contient quelques
éléments écosocialistes.
militants.
Ils
ont
plus
au
moins
30000
PODEMOS, nouvelle formation politique, qui appartient aussi à
la GUE et au Réseau Écosocialiste Européen, dit défendre un
programme « vert » même si la première version de leur
programme économique fut élaborée par deux spécialistes
considérés keynésiens : Juan Torres, économiste d’ATTAC et
Vincence Navarro, professeur de Politiques Publiques.
Izquierda Anticapitalista (IA) participe à PODEMOS qui même si
elle compte en son sein plusieurs intellectuels écosocialistes
comme Jorge Reichman ou Esther Vivas, entre autres, ne peut
avoir une influence réelle à cause du poids du secteur dirigé
par Pablo Iglesias. Podemos a plus au moins 318000 inscrits
sur sa page web (ils ne payent pas de cotisation et ne sont
pas nécessairement actifs et ne se donc pas des militants au
sens propre du terme) tandis que IA peut compter sur quelques
800 militants.
La survie, disparition ou ascension de ces partis dépendra des
résultats des différents scrutins de cette année 2015.
Élections au Royaume-Uni:
l’arbre des élus cache la
forêt des électeurs
Une analyse de Thierry Bingen
La plupart des commentateurs ont paresseusement qualifié le
résultat des dernières élections britanniques de triomphe
conservateur et de lourde défaite travailliste. Ce n’est vrai
que lorsqu’on traduit la volonté populaire en sièges à la
Chambre des Communes. Cependant, en termes démocratiques, le
système électoral britannique (uninominal à un tour) est le
pire qui soit, à part l’états-unien (qui, lui, a atteint
l’objectif final, c’est à dire empêcher qu’il n’y ait
pratiquement jamais plus que deux partis ou candidats en
lice); ce système crée une distorsion énorme entre
l’expression de la volonté des électeurs et leur
représentation.
Intéressons-nous donc au vote populaire, le seul qui vaille la
peine pour les petites formations; d’abord une vue globale:
En termes absolus, mais surtout en termes d’évolution, on voit
que, hormis les falots Lib Dems qui se sont pris une casquette
après leur lamentable collaboration au gouvernement Cameron,
les mouvements de voix sont fort différents des rodomontades
des Conservateurs. La « victoire » à droite va clairement à la
droite la plus rétrograde (UKIP). Les conservateurs ne
progressent que de 0,8%, MOINS BIEN que les travaillistes
(+1,4). Les verts, qui font mieux avec +2,8%, ne sont devancés
que par les nationalistes écossais (+3,1%). Ceux-ci ont
clairement profité de l’attitude déplorable des travaillistes
lors du référendum d’indépendance mais de nouveau durant cette
campagne-ci (notamment à propos du caractère inaliénable de la
base de missiles balistiques du programme Triton, comme si les
chômeurs de Leeds ou Sheffield en avaient à cirer de la
puissance nucléaire militaire de la Grande-Bretagne); les
travaillistes ont perdu de nombreuses voix et la quasitotalité de leurs sièges en Écosse (ce qui explique leur -48
en sièges); ils mettront du temps avant de pouvoir refaire
surface à Glasgow et Edimbourg, probablement pas avant
l’indépendance de l’Écosse (qui, sauf deus ex machina, est
inéluctable; juste une question de temps…) On voit aussi que
la débâcle travailliste en Écosse masque leurs petits progrès
en Angleterre. Est-ce que l’autre fils Milliband aura plus de
sens politique?
Voyons les détails, classés par vote populaire décroissant:
On voit clairement la montée inquiétante des proto-fascistes
UKIP. On voit aussi que les Greens (dont pas mal de membres se
sentiraient bien chez VEGA…) sont le sixième (et dernier…)
parti à récolter des voix qui se comptent en million(s).
Après, on tombe dans le folklore…
Si l’on regarde les mouvements massifs de voix, on n’en voit
donc que depuis les Lib Dems et vers l’UKIP; il est cependant
peu vraisemblable que ce transfert soit direct, notamment vu
leurs divergences irréconciliables quant à l’Europe. Une
analyse plus fine permettra sans doute de mieux mesurer ces
transferts via les conservateurs et les travaillistes. Un
glissement, puisqu’il n’y a pas d’accroissement significatif
des voix pour les conservateurs, du centre-droit Lib Dem vers
la droite conservatrice puis de celle-ci vers la droite
xénophobe est « normal ». Un glissement semblable du centredroit vers le centre travailliste compensé par un transfert de
ce centre vers l’UKIP est vraisemblable et inquiétant; c’est
une situation semblable à la désertion des électeurs ouvriers
et chômeurs depuis le PS et le PCF vers le FN en France.
Pour être complet, il faut ajouter que, vu ce système
électoral inique, nombre d’électeurs se sentent obligés de
voter « utile » dès le premier et seul tour: espérant bloquer
les conservateurs, ils votent Labour, alors qu’ils voudraient
vraiment voter Green. Il faut être courageux pour se rendre au
bureau de vote en étant absolument certain que son bulletin
terminera sa carrière dans les poubelles de l’Histoire.
f
Déclaration d’Alexis Tsipras
suite
aux
événements
tragiques survenus hier en
Méditerranée
La dernière tragédie humanitaire qui compte des centaines de
victimes au large des côtes de Lampedusa nous remplit de
tristesse et d’inquiétude. Aucun de nous ne peut rester
impassible lorsque des centaines d’âmes se perdent dans la
Méditerranée, dans leurs efforts pour échapper à la guerre et
à la pauvreté.
L’Europe ne peut invoquer la valeur suprême de la vie humaine
si elle ne se mobilise pas pour arrêter la tragédie en cours.
La Méditerranée doit cesser d’être une mer cimetière et les
pays européens du sud de la Méditerranée doivent cesser d’être
des zones de stockage des âmes humaines. La Méditerranée a été
et doit redevenir le berceau de la civilisation, de la
communication, du commerce et de l’humanité.
Je lance un appel pressant aux gouvernements des Etats membres
de l’UE pour la formulation immédiate d’un plan cohérent
pour faire face à la crise humanitaire à laquelle nous sommes
confrontés.
Un plan en trois volets doit être mis en place qui
comprendrait:
a) La mise à niveau des mécanismes de gestion de la migration
et de recherche et de sauvetage en Méditerranée,
b) Le soutien des pays méditerranéens européens qui reçoivent
un plus grand nombre de migrants et de réfugiés que leur
capacité permet, avec une juste répartition de l’aide pour les
charges financières et d’accueil,
c) Le développement d’initiatives diplomatiques de résolution
pacifique des conflits en Syrie, en Irak et également en
Libye afin de lutter efficacement contre le djihadisme.
J’ai eu une conversation téléphonique avec le Premier ministre
italien, M. Renzi, afin d’exprimer mes condoléances pour les
victimes de ce tragique incident et mon soutien à sa
proposition de convocation immédiate d’une réunion
extraordinaire du Conseil européen sur la gestion de la
question des migrations en Méditerranée.
En outre, je lui ai rappelé la proposition que j’avais
présenté concernant l’organisation d’une Conférence des
dirigeants des pays méditerranéens de l’UE qui permettrait aux
pays les plus directement touchés par ce phénomène de mieux se
coordonner et de porter cette question importante à l’avantgarde de la politique européenne.
Il n’y a pas de temps à perdre. Plus on attend, plus il y aura
de morts.
Allocution d’Alexis Tsipras
suite à la dernière réunion
de l’Eurogroupe
La Grèce a obtenu hier dans le cadre de ses négociations un
succès considérable en Europe. Au cours d’une négociation dure
et difficile, – et peut-être première véritable négociation –
nous avons fixé des objectifs, nous avons tenu un discours
cohérent, nous avons fait preuve de détermination mais aussi
de flexibilité, pour atteindre enfin notre objectif principal.
Je souhaite tout d’abord remercier de tout mon cœur chacun
d’entre vous, grecques et grecs, pour votre grand soutien au
gouvernement. Ce [soutien] était l’aide la plus décisive, la
plus puissante arme de négociation.
Avec cet appui inégalable, nous avons remporté hier une
bataille, mais pas la guerre. Les difficultés, les vraies
difficultés, et non seulement celles qui s’attachent à la
négociation et aux relations avec nos partenaires, se trouvent
devant nous.
Il y a une vingtaine de jours, nous avons reçu un pays au bord
du gouffre, avec des caisses vides et une pénurie de
liquidités. Avec en outre, le piège d’un calendrier serré
tendu par certains milieux, qui planifiaient une parenthèse
anti-mémorandaire en méprisant l’impact de leurs plans sur
l’économie réelle déjà en difficulté, et sur notre pays
exsangue par les mémorandums.
Hier, nous avons annulé leurs plans. Nous avons évité
l’asphyxie économique de la Grèce planifiée pour le 28 Février
par les forces conservatrices et myopes de l’intérieur et de
l’extérieur du pays. Nous avons maintenu la Grèce débout et
digne.
Et nous avons prouvé que l’Europe constitue un lieu de
négociations et de compromis réciproques possibles et non pas
un espace d’écrasement, de soumission et de répression
aveugle. Et dans ce sens, peut-être la journée d’ hier est
plus importante pour l’Europe que pour la Grèce elle-même.
La déclaration commune de l’Eurogroupe d’hier, est
essentiellement un accord-cadre qui crée un pont entre la
période mémorandaire et notre propre plan de croissance. C’est
un accord qui annule en fait les engagements du gouvernement
précédent concernant la baisse des salaires et des pensions,
les licenciements dans le public, l’augmentation de la TVA sur
les produits alimentaires, les produits pharmaceutiques et les
infrastructures touristiques.
Il annule dans la pratique l’austérité et les mécanismes de
son application, tels que les excédents primaires irréalistes
et déflationnistes. Il crée le cadre institutionnel pour la
mise en œuvre des réformes progressistes nécessaires
concernant la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale,
la réforme de l’État, mais aussi la fin de la crise
humanitaire, qui est notre devoir primordial.
Grecques et Grecs, En si peu de temps, nous avons réalisé
beaucoup de choses. Mais nous avons encore un chemin long et
difficile à parcourir. Le peuple grec le sait. Il a, par
ailleurs, un gouvernement qui lui dira toujours la vérité.
Parce que notre seule force est son soutien et sa confiance.
Hier donc, nous avons franchi une étape décisive, laissant
derrière nous l’austérité, les mémorandums et la troïka. Une
étape décisive pour changer l’orientation de l’euro zone.
La négociation, cependant, ne s’est pas terminée hier. La
négociation entre maintenant dans une nouvelle phase, plus
essentielle, qui va durer jusqu’à l’accord définitif de
passage de la politique désastreuse des mémorandums à celle de
la politique de la croissance, de l’emploi et la cohésion
sociale.
Dans cette bataille longue et difficile, dans cette
négociation cruciale qui va durer jusqu’au mois de Juin, le
gouvernement grec ira de l’avant toujours plus déterminé,
ayant comme objectif la restauration de la souveraineté
nationale et populaire. Et avec le peuple grec allié et
soutien unique mais aussi juge exigeant et strict.
Avec le peuple protagoniste dans le grand effort pour le
changement politique et le salut social. Notre lutte commune
continue.
Source: syriza-fr.org
Low cost: la fin des haricots
, la fin d’un monde ?
par Marie-Claire Hames
d
Casser les prix à n’importe quel prix !
d
Le pouvoir d’achat: sempiternelle incantation entendue autour
de nous.
Maintenir à tout prix une consommation exponentielle de biens
jetables, consommables, polluants. Continuer, avec
obstination, un schéma obsolète et dépassé, tel est le credo
entretenu par un système capitaliste classique.
La crise bancaire de 2008-2009 n’a fait que dualiser davantage
la société: beaucoup plus de pauvres, de moins en moins de
classe moyenne au profit de la haute finance et de ses
bénéficiaires.
Une précarité que l’on pensait reléguée aux oubliettes a
modifié les modes de consommation, encouragés par des
entrepreneurs à la recherche de nouveaux créneaux porteurs et
rentables, en se tournant vers les produits dits low-cost. Ces
produits sont partout, de la maison aux voyages en passant par
l’alimentation,
encore.
l’habillement
et
bien
d’autres
domaines
De nouveaux types de commerces sont sortis de la boîte de
pandore: casser les prix à n’importe quel prix. Le véritable
prix à payer est une baisse de qualité, de sécurité, de
protection sociale des travailleurs et une pollution accrue
des écosystèmes. Un prix bas à la consommation implique
toujours une pression maximale sur le système de production,
de distribution et d’utilisation.
d
Quelques exemples
d
Les trajets en avion : les compagnies ‘low-cost’ exercent une
pression très forte sur tous les maillons de la chaîne ce qui
se traduit par un stress du personnel et peut être aussi un
manque de sécurité. Et finit par des grèves…
L’habillement : un jean pour 10 euros, une robe ou un pull
pour 20 euros : à prix constant jamais les vêtements n’ont été
aussi bon marché mais à quel prix humain ! Des ouvriers et
ouvrières morts dans des usines totalement insalubres et
insécurisées comme au Bengladesh pour ne citer que cet
exemple.
L’alimentation: les discounters alimentaires sont de plus en
plus nombreux, en sites propres ou dans les grandes surfaces
classiques en alignant des produits d’entrée de gamme.
Souvenez-vous de la viande de cheval dans des lasagnes, de
viandes avariées ou réemballées, le lait produit dans des
usines à vaches, les poulets en élevages intensifs, les
tomates hors sol, les fraises chimiques et bien d’autres
horreurs.
Ce type de consommation est préjudiciable pour tous, sauf pour
les entrepreneurs qui s’enrichissent sur le dos
travailleurs, tant à la production qu’à la consommation.
des
d
Nous avons le pouvoir de changer et de réinventer
s
Bien
triste
constat,
mais
la
situation
n’est
pas
irréversible. Nous pouvons changer l’ordre des choses par le
super pouvoir que nous avons de ne plus accepter de consommer
ces produits et surtout la volonté de combattre ces systèmes
iniques qui ne font qu’entraîner un appauvrissement de tous,
une tragique précarité et un recul social.
Vous penserez certainement que le changement s’avèrera
complexe et ardu. Oui chaque changement demande une
modification en profondeur de nos modes de vie voire de
survie. Mais le jeu en vaut la chandelle. Réinventons nos
modes de vie par une simplification de nos achats, de notre
style de vie en agissant de manière positive et responsable.
Tournons-nous vers un avenir plus juste, plus simple, plus
humain pour tous et sur la planète entière.
A voir : http://www.aftenposten.no/webtv/serier-og-programmer/sweatshopenglish/SWEATSHOP-ep-5—What-kind-of-life-is-this-7800875.html?paging=&section=webtv_serierogprogrammer_sweatshop_sweatshopenglish
Coup de gueule : le calvaire
des personnes internées
Par Dan Lelarge
d
d
La Belgique a déjà été condamnée 14 fois par la cour
européenne des droits de l’homme pour le traitement des
internés.
d
Quelques points qu’il faut
inhumaines de l’internement
savoir
sur
les
conditions
d
– Un internement fait toujours suite à un Jugement suite à la
non-responsabilité des actes de l’auteur.
– Un internement n’a JAMAIS de limite dans le temps,
contrairement à une détention « classique », la personne
internée ne saura jamais la durée qu’il passera entre les murs
de ces prisons, puisqu’il
dépendra toujours des décisions
des commissions de défense sociale travaillant sur base des
dossiers du centre concerné, et cela sans possibilité pour la
famille d’avoir accès à ce dit-dossier.
– Un interné est privé de ses droits civils et politiques et
ne peux percevoir aucune indemnité (ni pension, ni allocation
d’ handicap, ni indemnité de maladie, ni chômage). Certains
« chanceux » se voient attribuer une aide mensuelle d’un CPAS
d’une moyenne de 50€ pour cantiner un paquet de tabac, un
savon, et peut-être une canette de soda.
– Le manque d’effectivité du système de plainte en centre
fermé prive les détenus de la possibilité de se plaindre de
leurs conditions de détention.
d
Ceux qui dérangent
d
Ils sont des centaines qui « dérangent » notre belle société
par des faits et comportements relevant de la psychiatrie.
Aussi préfère-t-on les laisser croupir des années dans ces
véritables asiles dignes du 19e siècle que sont les
établissements de défense sociale. Le mal-être de ces
personnes fragilisées est immense, ils sont les oubliés de
notre belle société, les pestiférés, les moins que rien. La
grande majorité n’ont commis aucun crime, parmi ceux-ci se
trouvent aussi des personnes qui sont enfermées pour les
protéger d’elles-mêmes (tentatives de suicide à répétition, …)
A tire d’exemple : au Centre de Paifve, pour +/- 220 internés,
il n’y a qu’une psychiatre à temps plein et un autre à mitemps. Un seul psychologue. Une infirmerie fermée à 16 h. Mais
il y a là-bas plus de gardiens de prison que de personnes
enfermées ! Une nuit de janvier 2012 un jeune autiste d’à
peine 18 ans y est mort de froid dans un cachot non-chauffé,
où il se trouvait nu et sans couverture. Ses parents ont porté
plainte, et l’enquête « interne » n’a rien trouvé d’anormal.
Maintenant ils attendent toujours la suite donnée à leur
plainte.
En septembre 2014 une personne s’est pendue dans sa cellule
après l’heure de fermeture de l’infirmerie, et les gardiens
n’ont rien pu faire pour le sauver, n’ayant pas une formation
médicale. Un membre du personnel confiait au journal La
Meuse ;« L’ensemble du personnel tourne en système de pauses.
Tout le monde, sauf les infirmières qui travaillent de 8h à
16h. Après 16h, il n’y a plus de personnel médical sur place,
ni infirmière, ni médecin.
d
Une vie en marge de tout
d
Qu’est-ce que cette vie qu’ils mènent aujourd’hui ? Ont-ils
seulement une espérance de sortir un jour ? Notre « bonne »
Société voudra-t-elle tenter de les réinsérer ? Certains ne
connaissent ni l’usage d’un GSM, ni même l’Euro. Ils ne savent
pas utiliser un ordinateur ni un distributeur de billets de
banque. Ne savent ni cuisiner, ni lessiver du linge. Ils n’ont
même plus l’odeur d’une fleur ou du foin coupé en mémoire.
La promiscuité des lieux, aucune aide dans la réhabilitation
des internés font qu’il s’agit d’une chaîne sans fin. Et
lorsque des êtres innocents sont pris dans cette spirale, et
subissent humiliations, injures et quelquefois sévices,
comment voudriez-vous qu’ils ne se révoltent pas parfois ?
Avec comme seule perspective de commettre des « conneries »
entre ces murs pisseux d’institutions parfois (souvent !)
délabrées, en tentant de mettre fin à leurs jours, et certains
allant même jusqu’à demander une euthanasie.
Clip de campagne de Syriza
La
Grèce
à
l’aube
tournant historique
d’un
Alexis Tsipras explique ici que la victoire de son
parti Syriza aux élections du 25 janvier
amorcerait un grand changement en Grèce, mais
également dans le reste de l’Europe.
d
d
La Grèce est à un tournant de son histoire. Plus qu’un simple
espoir pour les Grecs et leur pays, Syriza symbolise aussi la
volonté de changement de cap de l’Europe entière. Parce que
celle-ci ne sortira de la crise qu’au prix d’une autre
politique. Parce que la victoire de Syriza aux élections du 25
janvier contribuera à alimenter les forces du changement.
Parce que l’impasse dans laquelle se trouve la Grèce est aussi
celle de l’Europe d’aujourd’hui.
Le 25 janvier, les Grecs marqueront l’Histoire. En condamnant
la politique d’austérité, ils ouvriront un espace d’espoir et
de changement pour tous les peuples européens, démontrant
qu’il est possible de faire bouger les choses à condition de
le vouloir, de surmonter ses peurs et d’oser.
La seule probabilité d’un changement politique en Grèce a déjà
entraîné des changements en Europe. 2015 n’est pas 2012.
Syriza n’est pas un ogre, ou une menace sérieuse pour
l’Europe, mais la voix de la raison. C’est le reveil-matin qui
tirera l’Europe de sa léthargie et de son somnambulisme. Ceci
explique pourquoi notre parti n’est plus considéré comme une
grave menace, comme il l’était en 2012, mais comme un appel à
changer de politique.
Certains
refusent
cependant
d’évoluer.
Une
petite
minorité impliquée dans la politique conservatrice du
gouvernement allemand et une partie de la presse populiste
s’entêtent à agiter le spectre d’une sortie de la Grèce de
l’euro.
Et, tout comme notre Premier ministre, M. Samaras, ils ne
convainquent plus personne. A présent que les Grecs ont fait
l’expérience de son gouvernement, ils savent distinguer le
vrai du faux.
M. Samaras n’a rien d’autre à proposer que son programme
d’austérité raté. Il s’est engagé, au nom de tous les Grecs, à
de nouvelles baisses de salaire et de retraite, et à lever de
nouveaux impôts, après six années de baisse des revenus et de
hausse de la fiscalité. Il demande aux Grecs de voter pour lui
afin de mettre en place son nouveau programme. C’est
précisément parce qu’il s’est engagé sur la voie de
l’austérité qu’il interprète le rejet de cette politique
destructrice comme un geste soi-disant unilatéral.
Ce qu’il ne dit pas, c’est que la Grèce, en tant que membre de
l’Eurozone, est attachée à des objectifs et non aux moyens
politiques permettant de les atteindre.
Pour cette raison, et à l’inverse de ce que fait Nea
Dimokratia, Syriza s’est engagé auprès du peuple grec à mettre
en place, dès son arrivée au pouvoir, un programme spécifique,
économiquement équilibré, indépendamment de ce que nous aurons
négocié avec les bailleurs de fonds.
Le programme de Thessalonique comprendra des actions ciblées
pour endiguer la crise humanitaire. Il sera le garant d’une
justice fiscale, afin de faire payer l’oligarchie financière
qui échappe depuis quatre ans aux conséquences de la crise. Il
proposera un plan de relance de l’économie, de lutte contre le
taux de chômage sans précédent et de retour à la croissance.
Mais aussi une réforme de fond du secteur public et du secteur
privé, notre but n’étant pas de revenir à la situation de 2009
mais bien de changer tout ce qui a amené le pays au bord de la
faillite économique et morale.
Le clientélisme, l’Etat hostile à ses citoyens, la fraude et
l’évasion fiscales, le travail « au black », la contrebande
d’essence et de cigarettes ne sont que quelques-unes des
manifestations du système qui a dirigé la nation pendant des
années. Ce système, qui a mené la Grèce au désespoir, continue
à nous gouverner au nom de l’urgence nationale et de la peur
de la crise.
Mais c’est surtout une peur du changement. La peur et la
culpabilité d’un ordre établi qui ont conduit le peuple grec
vers une tragédie sans précédent.
Les responsables de tout ceci ont raison d’avoir peur. S’ils
connaissent un peu leurs classiques, ils savent qu’après
l’orgueil surviennent la némésis et la catharsis !
Mais le peuple grec et les Européens n’ont rien à craindre.
Car Syriza ne souhaite pas l’effondrement mais le sauvetage de
l’euro. Ce que les Etats membres ne peuvent entreprendre quand
la dette publique est incontrôlable.
Le problème de la dette n’est pas seulement grec mais
européen. Et l’Europe dans son ensemble doit des explications
à ses citoyens. Il lui faut aussi trouver une solution
durable.
Syriza et la gauche européenne pensent que, dans le cadre d’un
accord européen, il est nécessaire de faire une croix sur la
plus grosse part de la valeur nominale de la dette publique,
d’imposer un moratoire sur le remboursement de cette dette, et
d’introduire une clause de croissance pour le reste de la
dette, afin d’utiliser les ressources limitées à notre
disposition pour stimuler la croissance.
Nous
demandons
des
conditions
de
remboursement
qui
ne
conduisent pas le pays vers une récession étouffante et ne
poussent pas les gens au désespoir et la précarité.
En affirmant que la dette de la Grèce est durable, M. Samaras
nuit aux intérêts du pays. Loin de se contenter d’affaiblir
notre pouvoir de négociation, il refuse toute négociation !
Quand on admet que la dette est durable et que le programme
économique du pays est « un succès », que reste-t-il à
négocier ?
Nous voyons aujourd’hui se dessiner deux stratégies
diamétralement opposées sur l’avenir de l’Europe. D’un côté,
nous avons un point de vue emmené par M. Schauble qui veut que
nous continuions à appliquer des lois et des principes sans
nous soucier de leur efficacité. De l’autre, la stratégie du
« quoi qu’il en coûte » – évoquée à l’origine par le président
de la BCE – pour sauver l’euro. En réalité, les prochaines
élections grecques n’offrent le choix qu’entre ces deux
stratégies.
Je crois que la seconde l’emportera pour une autre raison.
Parce que la Grèce est la patrie de Sophocle, qui nous a
appris dans Antigone qu’il existe des moments ou la seule loi
qui compte est celle de la justice.
Source: HuffingtonPost
Crédit photo: Ververidis Vassilis/ Shutterstock.com
Fraternité anonyme
Par Thierry Bingen
d
Quelles étaient vraiment les motivations des millions de gens
défilant dans les rues, émus par les affreux événements qui
leur ont fait dire « Je suis Charlie »? Et surtout,
qu’espèrent-ils comme mesures afin que de telles tragédies ne
se reproduisent plus ? Même si beaucoup d’entre nous doutent,
nos gouvernants ont eux immédiatement trouvé la réponse : la
Belgique s’est dotée d’un plan « Vigipirate ». Déjà mis en
place en France il y a 20 ans, on a pu mesurer toute
l’efficacité préventive de cette approche à l’occasion des
derniers attentats. Si cela peut rassurer certains, on peut
surtout craindre que l’exhibition d’armes de guerre dans nos
rues inspirera d’autres faibles d’esprit.
d
Et si, au lieu de prendre des mesures aussi rapides
qu’inefficaces, on essayait autre chose ? Si au lieu de ne
s’attaquer qu’aux conséquences, on pensait un instant aux
causes ? On a déjà évoqué souvent, et avec raison, le rôle des
prisons dans le dérèglement des esprits. Il faudrait peut–être
aussi s’interroger sur les causes de l’enfermement des futurs
desperados. L’exclusion de la sphère économique des jeunes
vivant dans les ghettos de la pauvreté n’est pas sans lien
avec leurs malheureux choix de carrière : petit malfrat,
dealer ou guerrier contre cet « Occident » qui ne les accepte
pas, l’un n’excluant pas l’autre comme on a vu.
d
L’école est évidemment un tremplin majeur pour les défavorisés
de la société. Mais si elle est une condition nécessaire à
l’intégration dans cette société, elle n’est malheureusement
pas suffisante. Il y a un projet de société à penser. Blâmer
certains groupes de population au prétexte qu’ils n’assimilent
pas les valeurs de notre société, tout en ne faisant rien pour
les y intégrer, ne peut déboucher sur rien, sinon encore plus
d’incompréhension.
d
Il a été beaucoup question de laïcité ces derniers jours, et
parfois même dans la bouche de certains qui n’y voyaient
naguère rien de positif. Bernard Maris, l’une des victimes des
trois assassins, la définissait comme la « fraternité
anonyme ». Quelle belle manière d’approcher l’autre! Si nous
nous en inspirions pour donner un autre sens à l’avenir des
futurs exclus ? Et pourquoi certains se braquent-ils sur une
religion en particulier ? La fréquentation assidue de lieux de
culte par nos aïeux n’a pas empêché notre pays de finalement
se libérer de contraintes quant à nos vies privées, que ce
soit dans le domaine de la sexualité ou du droit à quitter
dignement la vie par exemple. Pourquoi devrait-on croire que
telle religion est plus un obstacle au progrès qu’une autre ?
Il nous a fallu des siècles pour séparer le temporel du
spirituel; pourquoi faut-il exiger des autres qu’ils le
fassent du jour au lendemain?
d
Dans la lutte contre l’injustice sociale qui gangrène notre
société, n’oublions pas les plus exposés. Le danger principal
qui guette notre société ne réside pas dans les folles actions
de quelques désaxés ; il se trouve dans le développement de
l’inégalité, l’arrogance des riches, les idées malsaines
inculquées aux victimes de la crise quant à ses vrais
responsables, dans « l’effondrement du social ».
d
On ne peut revenir aux tueries de ces derniers jours sans
évoquer la question de l’antisémitisme, mal absolu qui a
ème
défiguré le XX
siècle. Il serait naïf d’ignorer qu’il en est
une résurgence chez certains musulmans. Mais il serait aussi
vain de s’en cacher la cause principale. L’humiliation
ressentie par les peuples arabes, et par extension les
musulmans, depuis la création de l’État israélien en Palestine
est immense; l’impunité dont jouissent les colons israéliens
entretient tous les jours le souvenir de la nakba. La
confusion faite entre Israéliens et juifs ne vient pas
seulement des antisémites. Nos gouvernants ont le devoir
d’être fermes dans leur condamnation de politiques
inadmissibles, surtout depuis l’abolition de l’apartheid sudafricain en 1991. Si l’on a la volonté de faire baisser la
tension entre Israël et ses voisins arabes, et par ricochet
entre musulmans et juifs, il faut arrêter la course mortelle
des actuels dirigeants israéliens.
Comment le peuple est-il en
train de reprendre le pouvoir
en Grèce?
Source: L’Humanité
Défaire la campagne de terreur dirigée
contre les peuples européens par Yiannis
Burnous, membre du comité exécutif du
Parti de la gauche européenne
d
d
Il reste peu de jours de vie à la coalition désastreuse de la
droite et de la social-démocratie qui gouverne la Grèce. Le
25 janvier, le peuple grec est appelé à faire un pas
historique décisif : mener à bout la « révolution démocratique » de juin 2012 et donner à Syriza et ses alliés
les moyens politiques pour gouverner le pays. Les peuples
d’Europe, les forces politiques de la gauche européenne et
tous les mouvements démocratiques et progressistes en Europe
dirigent leur attention vers la Grèce.
La victoire décisive de Syriza aux élections grecques peut
mettre un terme aux politiques des mémorandums et à la
stratégie de l’austérité, et déclencher des évolutions
progressistes dans l’ensemble de l’Europe. Le 25 janvier, la
peur changera enfin de camp : elle sera dans le camp de
l’adversaire, des néolibéraux fondamentalistes, qui ont
transformé la Grèce et les autres pays dits PIIGS (Portugal,
Irlande, Italie, Grèce et Espagne) en laboratoires d’une
expérimentation absurde et barbare.
Le moment de la défaite est arrivé pour les épigones de
Friedman. C’est bien pour cela que les médias internationaux
du système dominant se sont adonnés ces derniers jours à une
campagne de peur et de mensonge sans précédent à l’encontre de
Syriza et de la volonté du peuple grec. Ils pressentent que le
consensus silencieux – silence de cimetière – dans l’Union
européenne et dans l’eurozone approche vers sa fin. Ils
s’aperçoivent que la rupture en Grèce avec l’austérité et
l’énonciation d’une contre-proposition élaborée pour la
gestion des dettes publiques de la Grèce et de l’eurozone vont
introduire un immense changement au rapport des forces
sociales et politiques en Europe et vont élever le moral,
l’espoir et les attentes des peuples européens en opposition
aux choix de leurs gouvernements néolibéraux, de la direction
de l’Union européenne et de la troïka.
L’objectif de Syriza et de la gauche européenne est la
récompense de l’espoir naissant des peuples de notre
continent. Notre objectif est que la victoire de Syriza en
Grèce se mue en une vague déferlante qui, en passant par la
suite par l’Espagne et l’Irlande, remettra en question
« l’hégémonie inébranlable » de Mme Merkel, des banquiers, des
marchés et de leurs alliés politiques, droitistes, sociauxdémocrates et libéraux. Depuis le moment où en Grèce des
élections anticipées ont été proclamées, nous sommes les
destinataires de milliers de messages de solidarité,
individuels ou collectifs, en provenance de chaque coin
d’Europe et du monde. Des dizaines de camarades européens nous
informent qu’ils se rendront les jours des élections à Athènes
pour renforcer notre combat préélectoral et partager avec nous
la victoire historique de la gauche.
Nous n’avons qu’un seul message à adresser à chacun de nos
alliés européens, citoyen ou collectif de la gauche, de la
démocratie, des mouvements sociaux : il faut porter la vérité
sur le programme de gouvernance de Syriza à chaque coin
d’Europe, pour défaire avec votre aide la campagne de terreur
dirigée contre les peuples européens. L’heure est là pour
l’espoir de l’emporter sur la peur !
d
d
Une majorité, un gouvernement et un
plan
d’action
immédiat
par
Dimitris
Stratoulis,
syndicaliste,
député
national
de
Syriza,
responsable
de
la
commission Emploi
d
d
La coalition gouvernementale de Samaras-Venizelos, qui, après
avoir pillé la société pendant deux ans et demi, a consenti
récemment à des nouveaux engagements envers la troïka des
créanciers pour l’imposition de mesures antisociales
supplémentaires, appartient désormais au passé. Syriza a
atteint l’objectif de son renversement. Le peuple grec a
maintenant la parole. C’est lui qui imposera son choix avec
son vote le 25 janvier 2015. Devant les urnes, deux options
s’ouvrent à lui. La première est celle de la continuation des
politiques désastreuses de l’austérité. La seconde est leur
renversement et leur remplacement par un plan de développement
qui vise le redressement productif et social effectif du pays.
Le gouvernement et ses amis en Grèce et à l’étranger tentent,
avec la diffusion de la peur et d’un discours alarmiste autour
de Syriza et de la perspective d’un gouvernement de gauche,
d’intimider un peuple exsangue après cinq ans d’application
des mémorandums antisociaux. Des mesures qui ont ruiné ses
salaires, ses retraites, ses droits acquis et ont propulsé la
récession, le chômage et la pauvreté à des niveaux
stratosphériques.
L’alarmisme du gouvernement grec, des cercles dirigeants du
FMI, de la zone euro et de l’Allemagne avec le chantage des
hypothétiques attaques des marchés ne fait pas peur à Syriza.
Au contraire, cela renforce notre détermination en tant que
futur gouvernement de gauche soutenu par les combats et le
vote du peuple grec à promouvoir et à appliquer à la lettre
les dispositions de notre programme, sans succomber ni aux
menaces, ni aux chantages, ni aux pressions de l’establishment
national et international relayées à profusion par les médias
dévoués à leur cause.
Les critères de nos décisions, en tant que gouvernement
progressiste de la gauche, ne seront pas les exigences
brutales et humiliantes des créanciers et des fonds
spéculatifs, mais la survie du peuple, la dignité de notre
pays, l’avenir de la jeune génération et aussi le besoin de
frayer des nouvelles voies prometteuses pour tous les peuples
de l’Europe, en renversant les politiques destructrices d’une
austérité sans fin.
L’objectif de Syriza est d’obtenir une majorité parlementaire
aux élections et la formation d’une alliance – indépendamment
du résultat électoral – avec d’autres forces de la gauche et
de l’écologie radicale pour former un gouvernement.
Ce gouvernement de gauche aura comme priorités essentielles
l’annulation des mémorandums de rigueur et leur remplacement
par un plan de développement qui favorisera la restructuration
productive. Il s’attaquera immédiatement aux problèmes urgents
du chômage, du rétablissement des revenus de la classe
ouvrière, des droits sociaux, de la protection législative du
travail et de tous les droits démocratiques qui ont été
abrogés les dernières années. Dans ce but, la renégociation
des accords de prêt avec les créanciers afin d’annuler les
clauses abusives, les clauses « coloniales » qui étranglent la
population et d’effacer une grande partie de la dette
publique, est nécessaire et primordiale.
Pour faire face aux problèmes sociaux immédiats des victimes
de la crise économique et pour relancer l’économie, un plan
d’action sera présenté immédiatement au Parlement. Les projets
de loi qui seront soumis en priorité au vote des députés
concernent :
– le rétablissement du salaire minimum à 751 euros (celui-ci
ayant été réduit à 586 par les lois mémorandaires) et du
treizième mois pour les retraites inférieures à 700 euros ;
– la suppression des mesures législatives qui ont permis les
licenciements abusifs dans la fonction publique et la
réembauche des victimes concernés ;
– le rétablissement des lois de travail qui protègent les
salariés du privé contre les licenciements abusifs et la
suppression des mesures antidémocratiques qui permettent au
gouvernement de réquisitionner abusivement et autoritairement
les grévistes ;
– la mise en œuvre des mesures qui facilitent le remboursement
des dettes des personnes physiques et des PME envers les
caisses de l’État ou des assurances, des dettes des foyers
surendettés envers les banques, en prévoyant même la
possibilité de l’effacement d’une partie de leur dette égale à
la perte des revenus liée à l’application des mesures
mémorandaires.
En même temps, le gouvernement prendra une série des mesures
pour remédier aux problèmes liés à la crise humanitaire :
accès au courant électrique pour les ménages pauvres, des
coupons alimentaires pour les personnes démunies, la mise à
disposition des logements pour les sans-abri, l’accès aux
services de santé pour les personnes sans couverture sociale,
l’accès gratuit aux moyens de transport publics pour les
chômeurs et les pauvres et la réduction de la taxe appliquée
sur le fioul de chauffage.
Ces mesures constitueront le premier pas de l’application de
notre plan de développement antimémorandaire. Son application
présuppose la mobilisation et le soutien du peuple grec, la
solidarité des peuples européens, l’alliance avec toutes les
forces syndicales progressistes de la gauche européenne et
aussi avec les gouvernements du Sud frappés par la pauvreté.
La coalition gouvernementale de Samaras-Venizelos et l’élite
politique et économique qui dirige actuellement l’Europe
utilisent la peur comme arme. Syriza et le Parti de la gauche
européenne représentent l’espoir de notre peuple et de tous
les peuples européens pour un meilleur avenir. Optimistes,
nous croyons que nous pouvons changer la situation en Grèce et
en Europe. L’avenir est en marche.
Un avenir commun contre l’austérité et
la déflation par Theano Fotiou, députée
nationale de Syriza
d
d
d
La Grèce a été le pays d’Europe où les classes populaires ont
subi la plus violente politique néolibérale d’austérité
décidée par la troïka, par le biais des mémorandums. Les
objectifs étaient évidents : suppression des conventions
collectives et des droits acquis, abandon de l’État social
(éducation, santé, sécurité) au privé, privatisations et
liquidation du patrimoine public grec et des richesses
naturelles du pays, confiscation des patrimoines privés grecs
par la surimposition au profit des vautours étrangers des
marchés. Dans un laps de temps de cinq ans, l’économie a été
détruite, le chômage a atteint 27 % et 62 % pour les jeunes,
les revenus ont été réduits de 50 %, les retraités ont été
anéantis, 3,5 millions de citoyens se sont retrouvés en
dessous du seuil de pauvreté. Les jeunes émigrent massivement
et la dette publique est passée de 120 % en 2009 à 175 % du
PIB. Et naturellement, elle ne peut pas être remboursée. Le
peuple grec devait être puni de façon exemplaire, à titre
d’avertissement pour le reste des peuples européens.
L’économie et la société ont subi des dommages d’une guerre
non déclarée. Le peuple souffre. La Grèce, un pays de l’UE en
temps de paix, se trouve face à une crise humanitaire :
suicides, enfants qui s’évanouissent de faim à l’école,
propagation des maladies infantiles puisque les enfants ne
sont plus vaccinés et 35 % des familles se trouvent en dessous
du seuil de pauvreté.
Le peuple grec n’a pas plié. Des vagues de grèves et des
manifestations massives ont mobilisé le pays, tandis que les
citoyens se sont retournés pour la première fois depuis la
Seconde Guerre mondiale vers la gauche radicale, vers Syriza.
En même temps le peuple grec a commencé à s’auto-organiser en
créant des structures de solidarité sociale sur tout le pays
afin de survivre et de résister. Personne ne reste seul face à
la crise. Solidarité et résistance ont été les mots d’ordre.
Des centres de santé et des pharmacies solidaires, des
cantines sociales, des distributions de colis alimentaires,
des nouveaux marchés sans intermédiaires de distribution, des
écoles solidaires pour les Grecs et les étrangers, et tous les
jours nous voyons apparaître de nouvelles formes de
collaboration sociale. Suivant les règles de la démocratie
participative, les décisions sont prises en assemblées
générales ouvertes garantissant la participation égalitaire de
tous, solidaires et bénéficiaires, Grecs et étrangers. Par
leur action, ces cellules d’autogestion renversent le modèle
idéologique du néolibéralisme (concurrence, personnalisation
et privatisation).
La crise transforme les identités. Les structures de
solidarité sociale accélèrent les transmutations identitaires
et politiques. Les structures de la solidarité révèlent le
caractère politique de la crise. Parallèlement, le besoin de
survie devient créateur des nouveaux savoir-faire de la
pauvreté. Il démontre l’effet multiplicateur de la
participation citoyenne. Les structures alimentaires qui se
développent sur l’étendue du territoire grec se sont très
rapidement intéressées aux surplus, au gaspillage, aux
produits terrés par les producteurs ou détruits par les
usines, aux aliments jetés par les restaurants et les
magasins, aux médicaments et aux habits dont les familles ne
se servent plus. Des produits qui sauvent des vies alors que
le capitalisme préfère détruire pour accroître la valeur
ajoutée du capital.
Cette Europe-là doit changer. Un cordon ombilical lie les
structures de solidarité avec la gauche radicale. Leurs
pratiques journalières ont enrichi le discours et le programme
de Syriza. La lutte contre la crise humanitaire constitue un
des grands axes du programme politique de Syriza et englobe
les mesures immédiates qui vont être prises afin que personne
ne se trouve plus sans toit, sans médicaments, sans chauffage,
sans courant électrique. Syriza désire devenir le porte-parole
de tous ceux qui ont nourri sa réflexion, qui ont amplifié sa
force et sa voix pour revendiquer aujourd’hui la gouvernance
du pays, pour supprimer les mémorandums et l’austérité, pour
négocier l’effacement de la plus grande partie de la dette,
non seulement pour le peuple grec mais pour le bien de toute
l’Europe. Pour devenir l’initiateur d’un changement historique
qui aura comme devise : « Cette Europe-là, elle se change ou
elle s’autodétruit. »
C’est pour cela que nous demandons aujourd’hui la solidarité
de tous les peuples de l’Europe pour un avenir commun contre
l’austérité et la déflation, contre l’expansion du fascisme et
du racisme.
Pour l’Europe de la cohésion sociale et de la solidarité.
« Pour l’humain avant le gain et pour un autre monde (qui) est
possible », deux devises qui revendiquent les valeurs du
socialisme comme des valeurs intemporelles de la gauche.
d
Le poker grec
Lors des élections grecques de 2012, la guerre psychologique
du gouvernement allemand contre le peuple grec atteignait son
apogée. On voyait même des articles en grec dans des journaux
allemands appelant les Grecs à voter raisonnablement.
Les rappels à l’ordre allemands étaient relayés par des médias
grecs d’une docilité exemplaire (la Grèce a perdu 64 places
dans le classement mondial de la liberté de la presse en 5
ans). En plus les menaces n’étaient pas creuses : en 2011 une
main invisible a fait tomber deux premiers ministres, certes
impopulaires mais imprévisibles : Berlusconi en Italie et
Papandreou en Grèce. Pour les remplacer avec deux hommes de
paille, plus proches aux banques.
Ceci explique la victoire, en 2012, des partis liés au
gouvernement allemand – y compris, et surtout, par des liens
sonnants et trébuchants.
d
En vue des élections législatives anticipées de 25 janvier
2015 les hostilités ont repris de la part du gouvernement
allemand, de la presse qui lui est proche et de ses alliés en
Europe. (La gauche allemande, par contre, ne cesse de
combattre les mensonges du gouvernement de son pays sur la
crise grecque). La Grèce est menacée de sortie de l’euro, l’on
assure que le nouveau gouvernement ne pourra pas tenir ses
promesses, on prend soin de rappeler, instamment, que le
gouvernement de gauche doit continuer sur la voie de ses
prédécesseurs, on prévient le peuple grec du danger des partie
extrémistes.
Cette fois, pourtant, la pression est plus subtile : une
déclaration sur le Gréxit est suivi, le lendemain, d’un
commentaire qui assure qu’il n y a pas de tel danger ; un
article qui prétend qu’une sortie grecque de l’euro serait
anodine pour l’Europe est contredit par un autre article sur
les dangers qu’ un tel acte impliquerait pour la stabilité
financière ; ceux qui mettent en garde contre les partis
extrémistes, se voient obligées de rectifier et d’assurer que
c’est l’extrême droite qui était visée et non pas Syriza.
d
Il s’agit donc non plus d’une guerre ouverte mais d’une partie
de poker. Ou de la preuve des dissensions au sein des élites
allemandes. Ou même de l’assurance de ces mêmes élites que
Syriza serait facilement manipulable, une fois au pouvoir, ou
que couper l’herbe sous les pieds du futur gouvernement serait
chose aisée.
Dans un pays marqué par une hausse des suicides de 44% et de
la mortalité infantile de 42%, dans un état où la police est
acquise au parti nazi (selon un ex ministre grec de
l’intérieur, le pourcentage des policiers fascistes est
seulement 40%) et la justice fait la sourde oreille même pour
les cas de corruption qui éclatent au grand jour cette partie
de poker peut s’avérer soit fatale soit modérément bénéfique.
d
Pour le reste du continent aussi : La Grèce, dès le début de
la crise, a été un cobaye pour tester les résistances au
changement radical de modèle de société. Tout ce qui
s’expérimente sur ce cobaye, dans ce petit coin balkanique, ne
restera pas là. De te (aussi) fabula narratur.
Discours d’Alexis Tsipras à
Thessalonique du 13 septembre
2014
Je suis heureux d’être de nouveau, ici, à l’Exposition
Internationale de Thessalonique.Si je suis parmi vous
aujourd’hui, ce n’est pas pour accomplir une simple
formalité.Si je suis ici, c’est pour mettre en lumière
quelques vérités et exposer mes engagements vis-à-vis du
peuple grec en présentant un projet de sortie de crise fondé
sur l’idée de progrès et de justice.
Un projet qui définit les axes fondamentaux de la nouvelle
orientation «post mémorandaire» de notre pays. Un projet
concret, dont les propositions chiffrées démontrent que les
principes de la politique gouvernementale de SYRIZA, fondés
sur la justice sociale, la solidarité, l’état de droit, la
transparence, la méritocratie, la sécurité économique et le
respect de la dignité de tout citoyen ne sont pas dépourvus du
sens des réalités économiques.
Amies et amis,
Notre rencontre ne se place pas dans le cadre du calendrier
rituel des promesses automnales adressées aux habitants de
Thessalonique, à l’occasion de l’exposition, par des premiers
ministres toujours frappés d’amnésie sitôt que décolle leur
avion vers Athènes. Nous connaissons bien les problèmes de
Thessalonique qui illustrent exactement l’hydrocéphalie et le
repli d’un état centralisateur et clientéliste. Mais nous
connaissons aussi les ressources et les potentialités de
Thessalonique qui pourrait jouer un rôle de premier plan dans
le cadre d’un projet de coopération et de rapprochement des
états balkaniques dans des domaines comme celui de la
croissance, de la culture, de l’économie et de
l’environnement. Un rôle qui se révèle encore plus précieux
dans un contexte d’instabilité internationale comme celui que
nous vivons actuellement. En abandonnant les postures
nationalistes qui ont tant fait souffrir la région dans le
passé, la Grèce du Nord et sa capitale pourraient constituer
le pivot d’un nouveau pôle de croissance et d’équilibre.
a
Car le contexte international assigne et impose à l’état grec
une conduite responsable en tant que force européenne, mais
aussi un rôle de négociateur international fiable. La Grèce ne
peut pas être réduite au rôle de la cinquième roue du
carrosse. Elle ne peut pas être une spectatrice passive de
l’évolution internationale. Agir dans le périmètre de ses
capacités n’exclut pas la force d’âme. Sans complexe
d’infériorité, et surtout avec une politique extérieure active
et multidimensionnelle, la Grèce pourra protéger ses intérêts.
En dépassant le rôle de l’élève obéissant ou celui de
commissionnaire des intérêts allemands endossés docilement par
M. Samaras et M. Venizelos qui se sont empressés de consentir
à l’imposition de sanctions économiques contre la Russie, sans
aucune réserve, sans se préoccuper de leurs répercussions sur
l’économie grecque et entraînent le pays, malgré la situation
dramatique de son économie, dans une guerre économique
dangereuse qui ramène toute l’Europe à une guerre froide qu’on
avait cru révolue.
d
Et ce n’est pas tout. M. Samaras et M. Venizelos, font preuve
non seulement d’inconscience quant au coût financier de leurs
décisions, mais ils font aussi preuve à toute occasion d’un
refus ferme et obstiné de soutenir les intérêts nationaux.
Leur impudence a atteint un point culminant il y a quelques
jours, lorsqu’ils se sont abstenus de voter pour la protection
de la souveraineté nationale des états surendettés, à
l’Assemblée Générale de l’ONU.
Pendant que la position de l’Allemagne de Mme Merkel se voyait
bloquée par son isolement, la Grèce surendettée s’est rangée
avec les protecteurs des spéculateurs, dévoilant ainsi
l’immoralité politique et l’indignité du gouvernement Samaras,
d’un gouvernement qui ne se considère pas responsable devant
le peuple grec, mais uniquement devant les lobbies financiers
des créanciers et des fonds spéculatifs. Mais permettez- moi
de revenir sur le sujet principal de mon discours aujourd’hui,
qui concerne l’économie de notre pays et plus particulièrement
la sortie de cette crise épouvantable que nous traversons
depuis quelques années.
Une crise qui n’est pas derrière nous, mais qui persiste et
récidive tant en Grèce que dans le reste de l’Europe.
a
Mais si en Europe, de plus en plus de voix s’élèvent pour
réclamer un changement de politique, nos gouvernants
continuent de parler de «success story». Pendant que les
autres signalent le gouffre, M. Samaras nous y entraîne tête
baissée.Tout le monde se rend enfin compte que face à la crise
les politiques d’austérité s’avèrent non seulement
inappropriées et inefficaces mais aussi dangereuses.
Car nous avons été témoins en Europe de la succession de
toutes les phases de mutation de la crise. Initiée par une
crise financière, elle a évolué ensuite vers une crise sur les
dettes des États qui a provoqué la propagation de la déflation
que nous observons dernièrement. L’establishment politique
européen, face à la menace déflationniste engendrée par son
obstination dogmatique dans l’austérité néolibérale, se trouve
contraint aujourd’hui de réajuster sa politique.
Ces réajustements, qui ne sont ni profonds ni suffisants, sont
pour autant visibles.
Mais M. Samaras suit à distance non seulement le processus
décisionnel européen mais aussi les événements. Uniquement
appliqué à suivre à distance respectueuse Mme Merkel, il se
range finalement du côté des forces d’hier. SYRIZA ne suit
personne. Nous montons un front et luttons pour un changement
aussi grand que nécessaire. A coté de nous se rangent toutes
les forces de demain, stimulées par la mobilisation des
peuples aguerris de l’Europe du Sud.
d
L’évidence saute aux yeux de l’Europe. Le néolibéralisme a
échoué. Le réalisme impose le choix du progrès pour sortir de
la crise. Celui de la solidarité et de la justice sociale et
non pas celui de l’exténuation des sociétés par les programmes
d’austérité.
Le danger de récession qui menace l’Europe et par ricochet
l’économie mondiale fait de ce changement immédiat de la
politique de notre pays par un gouvernement de SYRIZA une
nécessité pour le salut social de notre pays et un sujet
d’émulation pour l’Europe.
Notre voix est entendue. Nous ne sommes plus seuls. Nous ne
crions pas dans le désert. Nos propositions pour l’arrêt
immédiat de l’austérité, pour l’application d’une politique de
la demande, pour la mutualisation de la dette, pour un «paquet
d’investissements» destiné à promouvoir la croissance dans les
pays périphériques sont écoutées et comprises.
d
Chers amis et amies,
Beaucoup de choses ont changé depuis les dernières élections
nationales en 2012. Et non pas seulement en Grèce. Dois- je
vous rappeler que :
Quand il y a deux ans nous proposions des solutions
«européennes» à la crise, ils nous répondaient que nous
manquions de réalisme puisque l’ euro-zone ne disposait pas de
mécanismes institutionnels communs pour la gestion de la
crise. Mais cela a été fait depuis. Malheureusement l’adoption
de ces mécanismes a été accompagnée de l’imposition à ses
états-membres de Mémorandums de dévaluation interne. Un choix
politique qui enfonce l’Europe dans la récession et recycle la
crise. Pour y mettre fin, il faut un nouveau rapport de forces
au sein de l’Europe.
d
Ils nous disaient aussi que la Banque Centrale Européenne
devait faire preuve de parcimonie dans l’achat des obligations
d’État sur le marché secondaire, car ceci équivalait à un
financement indirect institutionnellement interdit. Toutefois,
en 2012, M. Draghi a annoncé qu’il n’y aurait pas » de limite
quantitative » aux interventions de la BCE. Actuellement, même
notre revendication du rachat direct des obligations d’État
n’est plus un tabou.
L’assouplissement des règles de la discipline budgétaire, et
l’étendue des projets européens d’investissement sont
également de plus en plus évoqués comme des moyens d’éviter la
déflation et une nouvelle récession. Et pourtant ! Nos
adversaires politiques, aveuglés par leur dogmatisme et leur
irréflexion, ironisaient sur notre hardiesse à avancer de
pareilles propositions, en nous accusant tantôt d’irréalisme
tantôt d’«antieuropéanisme».
a
Aujourd’hui, nos propositions, formulées dès le début de la
crise, se trouvent au centre des débats de la BCE. Mais la
pertinence d’un débat n’est pas seulement une question de
contenu mais aussi de timing. Et les fissures entreprises
actuellement par la BCE sur le mur de Berlin n’auront pas les
effets espérés sur la crise car elles n’arrivent que très
tardivement.
Si l’impasse de l’austérité est principalement visible en
Grèce, on l’aperçoit également partout en Europe. Je ne vais
pas démontrer encore une fois l’échec des mémorandums. Nous
avons déjà fait une analyse détaillée de cette calamité, ici
même, et à deux reprises par le passé. Il faudra cependant
souligner l’augmentation du taux d’inflation de 0,99% en 2013
à 1,4% en 2014. La déflation menace de replonger notre pays au
fond de la récession avant même qu’il n’ait sorti la tête de
l’eau.
Le Premier Ministre, M. Samaras, a fourni il y a une semaine,
en ce lieu même, une preuve supplémentaire de l’échec de la
«dévaluation interne» en Grèce, en confirmant la continuation
ou plutôt la pérennisation de la surimposition pour les petits
et moyens revenus. L’aberration des taux de la nouvelle taxe
foncière (ENFIA) prolongeant sous une autre appellation
l’impôt instauré en 2011 et inclus directement sur les
factures d’électricité, la continuation de la taxe
«exceptionnelle» de solidarité, l’augmentation de la taxe de
consommation sur les produits pétroliers illustrent la
perpétuation de l’acharnement du Ministère des Finances sur
les petits revenus.
Toutefois, M. Samaras a promis en même temps un miracle: La
croissance dans un contexte défavorable, avec un marché
intérieur ruiné et le volume des investissements en chute
libre. Regardons de plus près: La formation brute de capital
fixe de 26,7% du PIB en 2007 est passée à 13% en 2013. Et sa
baisse a continué au deuxième trimestre de 2014 en
enregistrant une baisse annuelle de 0,8% du PIB.Ainsi, avec
une récession de 0,7% au premier semestre de 2014 pour
atteindre l’objectif fixé pour cette année d’une augmentation
de 0,6% du PIB il faut enregistrer les deux prochains
trimestres un accroissement de 3,8%. C’est infaisable.
Mais, même si un tel miracle était réalisé, il n’entraînerait
pas une amélioration qualitative de la société ou de
l’économie. Il ne mettrait pas fin à l’effondrement de la
société et de l’économie.
d
La déstructuration économique et la désertification sociale ne
se corrigent pas par des variations infimes du PIB. Chômage
très élevé, bas salaires, emplois précaires, la Grèce est
condamnée à vaciller entre récession et stagnation par la
politique de M. Samaras et de M. Venizelos. Par ailleurs, M.
Samaras ne promet pas seulement une croissance sans
investissements mais aussi une sortie de la crise sans
diminution de la dette publique. La question d’une négociation
sur le problème de la dette ne fait pas partie de ses
objectifs. Car d’après lui, et comme il le déclare souvent en
chœur avec les créanciers, la dette est viable. Il a même
annoncé, il y a quelques jours, qu’il attendait que les
créanciers lui livrent un certificat de viabilité de la dette.
Qu’est- ce qu’on ne doit pas entendre! Mais pour finir, on
déduit que puisque M. Samaras prétend que la dette est viable
– avec la garantie des créanciers– toute négociation est
superflue et sans objet.
Amies et amis, ne nous faisons pas d’illusion. En se riant du
peuple grec, M. Samaras se ridiculise lui- même. Une telle
situation pourrait prêter à rire si la situation n’était pas
aussi grave. Il nous faut dire la vérité au peuple grec, si
désagréable soit-elle. Il faut que le peuple grec se rende à
l’évidence. Il n’est plus possible que notre pays sorte de la
récession, qu’il retrouve une croissance viable, quand tous
les indicateurs sont au rouge :
Dette publique : deux fois supérieure du PIB.
Dette privée sous la forme de dettes à l’État, aux fonds de
pensions et aux banques: quasiment équivalente au PIB.
Et en plus, une obligation mémorandaire d’un excédent de 10
milliards
intérêts.
d’euros
destinés
uniquement
au
paiement
des
Dans une telle conjoncture, la viabilité de la dette est aussi
illusoire que la quadrature du cercle. Nos partenaires le
savent naturellement aussi bien que nous. Et la
restructuration de la dette publique de notre pays est
inévitable. En fait, la seule vraie question qui se pose est
de savoir comment et dans quels termes elle sera concrétisée :
Une négociation pour aboutir à une solution plausible et
viable ou pour mieux hypothéquer notre pays en cédant
totalement son économie aux mains des créanciers ?
Une négociation dont les termes favoriseront la croissance ou
l’imposition de nouvelles mesures d’austérité qui vont
compromettre encore plus les potentialités productives de
notre pays?
Ce qui importe donc est de savoir les objectifs et le projet
politique de la Grèce dans le cadre d’une négociation de la
dette.
La Grèce sera-t-elle seule face à ses créanciers ou entourée
du soutien des alliés qu’elle aura sollicités? Se tiendra-telle comme serre-file de la stratégie allemande ou sera-t-elle
le fer de lance des changements nécessaires de l’Europe ?
d
Depuis le début de la crise, SYRIZA déclare fermement et
avertit que la Grèce ne constitue pas un cas à part et que la
crise de la dette n’est pas spécifiquement grecque mais
européenne. C’est pour cela que nous réclamons la réunion
d’une «Conférence Européenne pour la Dette» pour la gestion du
surendettement de l’euro-zone et nous avons comme objectif une
solution à l’instar de celle adoptée pour l’Allemagne par la
Conférence Internationale de Londres. La négociation sur la
dette nécessite un projet politique concret et présuppose un
débat qui laisse s’exprimer des avis divergents sur l’objet du
litige. Des contestations sur la pertinence de la politique
appliquée et ses résultats.
Mais M. Samaras ne conteste jamais. Il est toujours d’accord
sur tout. Bien obéissant, il obtempère toujours aux ordres de
Mme Merkel. Il n’est donc pas apte à négocier. Quand on le
voit à tout bout de champ vanter les résultats de l’austérité,
comment ne pas penser que la poursuite de cette politique
d’austérité sera la condition préalable de tout accord avec
les créanciers sur la dette publique?
Par conséquent, ce gouvernement n’a ni la volonté ni la
capacité de négocier et de défendre les intérêts nationaux. Il
est inapte à revendiquer une solution viable pour le peuple
grec.
d
Seul un gouvernement investi par un mandat populaire récent
pourra organiser une stratégie nationale approuvée et soutenue
par le corps social. Pour cela nous demandons des élections
sans délai, pour que s’apaise le vent de la catastrophe.
Nous ne demandons pas des élections par impatience de
gouverner.
Nous demandons des élections immédiates parce que le pays ne
peut plus attendre. Parce que le peuple ne peut plus
patienter.Nous demandons des élections parce que l’intérêt du
peuple l’exige.
Nous demandons un mandat fort, soutenu par une large majorité
parlementaire et un encore plus large consensus social, pour
mener une négociation qui protège au mieux les intérêts de
notre peuple en Europe.
Nous demandons le recours immédiat au verdict populaire et un
mandat de négociation qui vise à l’effacement de la plus
grande partie de la dette nominale pour assurer sa viabilité.
Ce qui a été fait pour l’Allemagne en 1953 doit se faire pour
la Grèce en 2014.
Nous revendiquons:
Une «clause de croissance» pour le remboursement de la dette.
Un moratoire – suspension des paiements – afin de préserver la
croissance.
L’indépendance des programmes d’investissements publics vis-àvis des limitations qu’impose le Pacte de Stabilité et de
Croissance
Un «New Deal»: projet européen d’investissements pour la
croissance, financé par la Banque européenne d’investissement.
Un assouplissement quantitatif, avec le rachat direct des
titres de dette publique par la Banque centrale européenne.
d
Nous déclarons aussi, haut et fort, que nous revendiquons
toujours le remboursement du prêt imposé à la Grèce par les
forces d’occupation nazies. Notre position sur ce sujet est
connue de nos partenaires. D’ailleurs, dès le début de notre
charge gouvernementale, cette question fera l’objet d’une
demande officielle.
d
Chères amis et amies,
Nous, nous sommes prêts à négocier et nous multiplions les
contacts pour l’élaboration de plans communs et d’associations
collaboratives au sein de l’Europe, pendant que le
gouvernement Samaras se contente de préserver uniquement son
alliance avec le gouvernement allemand et de se soumettre aux
décisions des créanciers.
Voilà donc deux approches différentes qui posent le dilemme
suivant:
Une négociation européenne avec un gouvernement SYRIZA ou la
contresignature de toutes les décisions des
concernant la Grèce par le gouvernement Samaras?
créanciers
Ou, en deux mots:
Négociation ou renonciation ?
Croissance ou austérité ?
SYRIZA ou Nouvelle Démocratie ?
Amies et amis, Mesdames et Messieurs,
En assurant une solution socialement viable au problème de la
dette grecque, notre pays aura la capacité de rembourser le
restant de la dette avec les nouvelles disponibilités créées
par le retour à la croissance et non pas celles créées par les
privations des excédents primaires. Nous mettrons en oeuvre
tous les moyens pour assurer la relance économique et
industrielle du pays :
En augmentant immédiatement le programme des investissements
publics de 4 milliards.
En réparant progressivement toutes les injustices commises par
l’application du mémorandum.
En redressant progressivement les salaires et les retraites
afin de renforcer la demande et la consommation.
En soutenant les petites et moyennes entreprises avec des
incitations à l’emploi. L’industrie en subventionnant le coût
d’énergie avec des clauses d’emploi et environnementales.
En investissant dans le savoir, la recherche, les nouvelles
technologies avec également pour objectif le retour au pays
des jeunes diplômés qui l’ont quitté pour chercher du travail
ailleurs.
En reconstruisant l’état social, et du même coup, un état de
droit et de méritocratie.
Et pendant les négociations, et avant d’aboutir à une solution
européenne viable, qu’est ce que vous faites? Avez -vous un
plan ? C’est le genre de questions que nous ont posées avec
bienveillance plusieurs personnes. Conscients de notre
responsabilité et aussi de l’inquiétude accrue pour l’avenir,
nous répondons avec la franchise et la clarté requises par les
circonstances.
d
Nous nous engageons, face au peuple grec, à remplacer dès les
premiers jours du nouveau gouvernement – et indépendamment des
résultats attendus de notre négociation – le mémorandum par un
Plan National de Reconstruction, rigoureusement élaboré, et
chiffré avec précision.
Le Plan National de Reconstruction se constitue d’un ensemble
de mesures pour le redressement économique
regroupées autour de quatre grands axes :
et
social,
1. Mesures pour remédier à la crise humanitaire.
2. Mesures prioritaires pour la relance de l’économie.
3. Plan national de lutte contre le chômage et d’amélioration
de la situation du marché du travail.
4. Rétablissement institutionnel et démocratique du système
politique.
A. Mesures pour remédier à la crise humanitaire
d
Notre programme d’un coût approximatif de 2 milliards d’euros,
se constitue d’un ensemble d’interventions d’urgence servant
de bouclier de protection pour les couches sociales les plus
vulnérables.Il inclut :
1. Emploi de l’énergie électrique à titre gratuit pour 300000
familles qui se trouvent en-dessous du seuil de pauvreté (
3600 Kwh par an).
2. Programme de subventions alimentaires (coupons-repas pour
300.000 familles).
3. La mise en place de ce programme sera effectuée par un
organisme public chargé de coordination avec la collaboration
des instances régionales, de l’Église grecque, des mouvements
associatifs solidaires, et par le biais d’épiceries sociales
subventionnées.
4. Soins médicaux gratuits pour tous / Réduction drastique de
la participation des patients aux dépenses pharmaceutiques.
5. Notre projet prévoit l’accès gratuit pour tous (avec ou
sans sécurité sociale) aux services publics de santé et la
préservation de l’accès aux médicaments nécessaires, en
diminuant drastiquement – jusqu’à l’intégralité pour certaines
catégories spéciales – la charge des patients à la dépense
pharmaceutique.
6. Projet pour l’accès au logement.Le projet prévoit la
réhabilitation des anciens logements et hôtels abandonnés,
afin d’assurer dans une première phase une disponibilité de
25.000 nouveaux logements avec des loyers subventionnés.
7. Mesures en faveur des petites retraites.
Nous nous sommes déjà engagés pour le relèvement progressif
des petites retraites.
Nous nous engageons aujourd’hui, de surcroît et afin de
renforcer la demande, à rétablir la prime du treizième mois
pour les 1.262.920 retraités dont la pension ne dépasse pas
les 700€. Et cette mesure sera étendue – progressivement et en
fonction de la conjoncture économique – à tous les retraités
et à tous les salariés
8. Réduction des prix des transports publics.
Les chômeurs de longue durée et ceux qui vivent en dessous du
seuil de pauvreté pourront bénéficier d’une carte spéciale à
prix très réduit (voire symbolique) pour tous les transports
publics.
9. Différenciation de la taxe spéciale de consommation sur les
produits pétroliers, en fonction des usages (en tant que
carburant ou combustible de chauffage) afin de réduire le prix
du pétrole de chauffage (de 1,20 à 0,9 €/litre).
d
B. Mesures pour la relance de l’économie
d
Le deuxième axe réunit les mesures de relance de l’économie,
mesures dont la priorité est l’arrêt de la politique
d’imposition actuellement menée malgré ses conséquences
néfastes pour l’économie réelle, la mise en place d’une
nouvelle « seisachtheia « [ndlr. «remise du fardeau»: mesure
établie par Solon, pour faire passer l’intérêt de l’État avant
celui des grands propriétaires], et le renforcement de la
liquidité et de la demande. Car la situation de l’économie
réelle est aujourd’hui vraiment désastreuse.
Le raid fiscal opéré par le gouvernement sur la classe moyenne
et la surimposition de ceux qui ne fraudent pas accablent la
plus grande partie de la population, qui voit constamment
menacés sa vie professionnelle, les bribes de son patrimoine,
et même sa propre existence. De cette angoisse insupportable
témoigne le nombre record de suicides. Les classes
laborieuses, les agriculteurs, les salariés, les petits et
moyens entrepreneurs, le corps de l’économie réelle, en somme
doit affronter actuellement une tourmente d’impôts qui dépasse
leurs forces de résistance. Et sous peu c’est une nouvelle
tourmente qu’ils vont devoir affronter. Celle des saisies de
leurs propriétés privées par les banques, puisqu’ils
rencontrent des difficultés à rembourser les emprunts qu’ils
avaient contractés par le passé, avant la crise, avant leur
chômage, avant la mutilation de leurs revenus, avant la
fermeture de leurs entreprises.
L’obstination du gouvernement à accabler de charges
supplémentaires ceux qui sont déjà à terre ne peut mener qu’à
une impasse, tout simplement parce qu’on ne peut rien recevoir
de quelqu’un qui n’a rien à donner. « Qui n’a rien, ne peut
rien donner. »
Pour constater l’aberration de leur politique, il suffit de
regarder le montant des créances attestées et non perçues par
l’État: Il est à ce jour d’environ 68 milliards d’euros.Et
chaque mois qui passe, ce chiffre augmente d’un milliard
d’euros.
C’est pour cela que nous sommes ici aujourd’hui. Pour établir
la vérité sur l’économie réelle du pays et exposer les mesures
d’urgence qui permettront de la délivrer de la pression
qu’elle subit. Nous nous adressons aux millions de victimes de
M. Samaras et de la Troïka – salariés, petits et moyens
entrepreneurs, agriculteurs, chômeurs – en leur dédiant notre
intervention d’aujourd’hui.
1. Mesures pour la levée immédiate de la répression dans
l’économie réelle
d
Création de Comités spéciaux pour le règlement extrajudiciaire
des litiges fiscaux dans chaque région afin de procéder aux
règlement immédiat des dettes fiscales authentifiées et non
acquittées jusqu’au 31 décembre 2014. Le règlement des litiges
fiscaux concernant les petites et moyennes entreprises pour
des dettes authentifiées, amendes ou tout autre différend les
opposant à l’administration fiscale sera prioritaire afin
d’être établi équitablement et dans un délai de six mois le
montant exact des créances réelles et percevables par l’État.
Les montants qui résulteront de l’apurement seront réglés en
84 mensualités et dans tous les cas de façon à ce que le
montant total des versements annuels ne dépasse pas le plafond
de 20% du revenu annuel du débiteur.
Un processus de régularisation similaire des dettes arrivant à
échéance sera appliqué aux conflits les opposant aux caisses
d’assurances. En cas d’accumulation des dettes et de taxes
contributives, le montant total des versements annuels de
remboursement sera plafonné au 30% du revenu annuel du
débiteur.
L’engagement d’un processus de régularisation entraine pour
tout redevable l’arrêt immédiat des poursuites pénales et des
saisies des comptes bancaires, de la résidence principale, des
salaires, etc., ainsi que l’octroi d’une attestation de
régularité fiscale.
L’engagement du processus de régulation entraine également la
suspension de peines et des mesures coercitives pendant douze
mois pour les
débiteurs dont l’absence de revenu est
attestée.
Suppression de l’extension de la procédure simplifiée des
flagrants délits à l’égard des débiteurs de l’État .
Suppression de l’avance de 50% de la dette établie comme
condition préalable au recours du contribuable devant les
tribunaux, en privant de la protection judiciaire les
personnes incapables de payer. L’acompte sera défini par acte
judiciaire et sera fixé selon la capacité financière (10% à
20%).
Avec ces mesures, nous n’aspirons pas uniquement à soulager
les gens qui souffrent et qui forment l’épine dorsale de
l’économie, mais aussi relancer l’économie réelle en la
libérant de la répression étouffante des taxes et des
majorations imposées, totalement improductives car non
percevables.
Le bénéfice immédiat estimé par la régularisation des dettes
et le début des paiements des acomptes nous permettra de
financer des actions nécessaires pour l’allègement et la
répartition équitable des charges. D’ailleurs dans le cadre
des mesures visant à relancer l’économie nous annonçons
aujourd’hui l’abrogation immédiate de la nouvelle taxe
foncière.
2. Abrogation immédiate de la nouvelle taxe foncière (ENFIA)
d
Car elle est le symbole de l’injustice sociale qui caractérise
l’ensemble de la politique économique du gouvernement Samaras.
Au service des grands patrimoines, les dirigeants actuels ont
créé une taxe qui méprise les règles les plus élémentaires
tant pour fixer sa base que son taux. Sans l’addition globale
de la valeur de toutes les propriétés, sans l’établissement
d’un barème de taux progressif, ou d’un seuil d’exonération,
c’est une taxe prélevée au détriment des personnes pauvres et
des couples à faibles revenus avec des enfants qui ont comme
patrimoine unique leur résidence principale.
L’ ENFIA, par conséquent, ne peut pas être corrigée, elle ne
peut pas être améliorée – elle ne peut être qu’abrogée. A sa
place:
Nous établirons une taxe socialement juste sur la grande
propriété (FMAP) et nous ne taxerons personne sur des valeurs
fictives.Les valeurs des biens retenues pour la base
d’imposition seront réajustées immédiatement de 30% à 35%.Son
taux sera progressif et le seuil d’exonération élevé.
La résidence principale sera exemptée, à l’exception des
propriétés de grand luxe ostentatoire.
L’introduction de cette taxe dans le système fiscal grec fait
partie de la réforme fiscale qui se mettra en place
progressivement afin de rétablir sa conformité au principe
constitutionnel de la répartition des charges fiscales selon
la capacité contributive des personnes imposables, afin
également d’enrayer toute possibilité de contourner la loi et
afin de lutter efficacement contre la fraude fiscale.
3. Restauration du seuil de non-imposition à 12000 €/an.
d
Nous rétablirons la progressivité de l’imposition des
personnes physiques en augmentant le nombre de tranches
d’imposition et en restaurant le seuil de non imposition de
12 000€/an pour tous afin de redistribuer la charge fiscale au
profit des personnes à faible et moyen revenu. Cette mesure
est d’autant plus nécessaire qu’après quatre années de
frénésie fiscale les «classes populaires» et les «classes
moyennes» sont vraiment exténuées financièrement.
4. Nous institutionnaliserons une » nouvelle Seisachtheia»
(libération des dettes)
d
Elle s’appliquera aux créances douteuses, aussi appelées
«rouges», car leur effacement partiel est un préalable
indispensable tant à l’assainissement des portefeuilles
bancaires, qu’à la restauration de la liquidité monétaire et
au soutien de la croissance et de la relance de l’économie.
La nouvelle «seisachtheia» s’appliquera au cas par cas et
consistera à l’effacement partiel des dettes des personnes qui
se trouvent sous le seuil de la pauvreté. Elle régira en tant
que principe général le rajustement des dettes des
particuliers de façon à ce que leur remboursement (à l’état,
aux banques, aux caisses d’assurance) ne dépasse pas le tiers
du revenu de l’emprunteur.
5. Création d’un organisme public chargé de la gestion de la
dette privée.
d
Son rôle ne sera pas celui d’une «bad bank», mais bien au
contraire il interviendra en tant que gestionnaire de toute
dette envers une banque arrivée à échéance et sera également
chargé du contrôle des moyens de recouvrements accordés par
les banques.
Il garantira le traitement juste et équitable de tous les
emprunteurs, en gérant l’ensemble des dettes exigibles envers
les banques, avec la collaboration des Comités Spéciaux
d’arbitrage chargés à leur tour des dettes envers l’état et
des caisses d’assurances, afin d’avoir une image globale des
charges de tout débiteur et faciliter les remboursements.
Bien évidemment, il s’agit tout d’abord d’empêcher
l’utilisation de la dette privée comme moyen de confisquer la
propriété des citoyens, et comme moyen de contrôler le secteur
privé de l’économie.
Au cours des prochains jours, SYRIZA va déposer au Parlement
un amendement législatif pour une prolongation indéfinie de la
suspension de la vente aux enchères des résidence principales
dont la valeur est inférieure à 300 000 €. Nous déposerons
également une proposition d’interdiction législative de vente
ou de cession des titres à des institutions bancaires non
reconnues ou à des entreprises de gestion de contrats de prêts
et de garanties.
En deux mots, nous ne permettrons pas aux vautours des
«distress funds» internationaux de spéculer en confisquant les
maisons des citoyens.
Chers amis et amies,
Je l’ai dit l’année dernière, ici, à cette tribune – je le
répète encore une fois cette année : la clé pour la relance de
l’économie est le système financier.
Avec SYRIZA au gouvernement, le secteur public reprend le
contrôle de la Caisse de Stabilité Financière et exerce tous
ses droits sur les banques recapitalisées. Cela signifie qu’il
a le premier mot à dire sur leur administration.En même temps,
nous mettons en place des opérations ciblées afin d’assurer la
liquidité dans l’économie réelle. Parmi ces opérations figure
la mise en place d’une banque de développement et de banques
spécifiques.
6. Mise en place d’une banque de développement et de banques
spécifiques
d
Pour nous, la nouvelle architecture du système bancaire
comprendra, outre les banques recapitalisées systémiques, de
nouvelles banques coopératives spécifiques et une banque
publique de développement.
C’est pourquoi, nous allons créer une Banque de Développement,
et des banques à mission spécifique, pour le financement des
PME et des agriculteurs. Pour soutenir la liquidité nécessaire
au développement d’équipes professionnelles dynamiques qui à
leur tour donneront de l’énergie et une nouvelle impulsion à
la croissance et au redressement productif.
7. Restauration du salaire minimum à 751€
d
Nous augmenterons le salaire minimum à 751€ pour tous les
travailleurs indépendamment de toute condition d’âge.Notre
modèle économétrique confirme les conclusions du modèle de
l’Institut du travail de la GSEE (Confédération Générale des
Travailleurs Grecs): la restauration du salaire minimum non
seulement n’aggrave pas, par son coût, la croissance mais elle
lui est même bénéfique.
Selon les estimations, même en ne prenant en compte que la
première année de sa mise en place, elle aura comme effet une
augmentation de la demande intérieure de 0,75%, et du PIB de
0,5%. En outre, elle permettra de créer 7.500 nouveaux
emplois.
Chers amis
Le troisième axe de notre Plan National de Redressement que
nous vous présentons aujourd’hui s’inscrit dans la perspective
de notre grand objectif national, celui de rétablir le plein
emploi dans notre pays, de redonner de l’espoir et des
perspectives d’avenir à nos jeunes qui émigrent massivement
alors que leur force vive est nécessaire pour reconstruire
notre pays.
C-Plan de reprise de l’emploi
d
1. Restauration du droit du travail
d
Les droits des travailleurs supprimés par les lois
mémorandaires seront immédiatement rétablis, en même temps que
le salaire minimum. Les conventions collectives seront
rétablies ainsi que le principe de la prorogation des
avantages acquis en vertu d’une ancienne convention collective
ou accord.L’OMED (Organisme de Médiation et d’Arbitrage),
chargé du soutien des négociations entre employeurs et
employés, sera également rétabli dans ses fonctions. Les
réformes concernant les licenciements collectifs et abusifs,
les contrats précaires de «location des employés» seront
abrogées.
2. Plan de création de 300.000 nouveaux emplois dans les
secteurs publics et privés et dans ceux de l’économie sociale.
d
Nous mettons immédiatement en oeuvre un programme spécial
d’aide à la reprise d’emploi, qui s’étale sur deux ans, d’un
coût total de 5 milliards d’euro dont 3milliards pour la
première année.
Le programme prévoit une augmentation nette des postes –
environ 300 000 – dans tous les secteurs, privé, public, et
dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.
La mise en place d’un programme de cette ampleur a pour
vocation – et je dirais même pour contrainte – l’insertion des
chômeurs de longue durée des seniors de plus de 55 ans, et des
jeunes. Il concerne en somme tous ces chômeurs qui ne pourront
pas trouver un emploi sans incitations spécifiques à
l’embauche.
En dehors de l’administration locale, leur insertion dans le
secteur privé sera accompagnée de subventions ciblées pour la
création de nouveaux postes pour les jeunes de 15-24 ans et
les chômeurs de longue durée de plus de 35 ans, dans les
petites et moyennes entreprises.
Notre projet prévoit également de financer des partenariats
public-privé en faisant appel à des prestataires privés pour
la gestion des équipements et des opérations de service
public. Ces contrats de partenariat seront accompagnés de
clauses d’embauche de chômeurs de longue durée et de jeunes.
Des aides financières sont également prévues pour les chômeurs
qui créent de nouvelles entreprises ou leur propre activité.
3. Les catégories des bénéficiaires de l’allocation chômage
seront élargies.
d
Avec la réduction du nombre de chômeurs actuels, par la
création de 300.000 nouveaux emplois, nous pourrons faire
bénéficier de l’allocation chômage à un nombre équivalent de
chômeurs à qui les critères sociaux actuels ne permettent
l’accès à aucune autre allocation.
Le quatrième axe de notre Plan National concerne les
changements institutionnels, des changements majeurs, à savoir
les transformations qu’apportera SYRIZA aux institutions et à
la fonction publique.
d
D. Interventions pour la reconstruction institutionnelle et
démocratique de l’État.
d
Dès la première année de la gouvernance de SYRIZA, nous
mettons en œuvre le processus de redressement institutionnel
et démocratique de l’État.Le redressement de l’État est en
effet devenu une nécessité.
Cependant, il ne peut être atteint par des cycles successifs
de licenciements, qui plus est, de licenciements souvent
illégaux, et ce par des illégalités commises pour atteindre
des objectifs budgétaires insignifiants et ce aux dépens de
services souvent essentiels pour le bon fonctionnement de
l’État.Donc, nous procédons directement au renforcement
institutionnel et opérationnel des trois cellules de la
République: le Parlement, les collectivités locales et le
syndicalisme de base.
1. Nous soutenons les structures régionales.
d
Nous renforçons tout d’abord la participation démocratique et
la transparence, l’autonomie économique et le fonctionnement
efficace des municipalités et des régions.
Nous organisons une transition ordonnée vers un état
décentralisé. En parallèle, nous amorçons le dialogue avec la
société et les instances régionales pour le remplacement du
plan de décentralisation actuel («Kallikratis») par un nouveau
cadre institutionnel pour la décentralisation qui sera achevé
avant les prochaines élections régionales.
Progressivement, nous augmentons les ressources des
collectivités régionales pour renforcer leur participation
active au redressement productif du pays.
Ainsi, elles pourront bénéficier non seulement de prêts à
faible taux d’intérêt, mais aussi de l’émission par la future
Banque de Développement des obligations destinées au
financement de leurs interventions.
2. Nous renforcerons les institutions de la démocratie
représentative et introduirons de nouvelles applications
institutionnelles de la démocratie directe dans le
fonctionnement du système politique, telles que l’initiative
législative populaire, le veto populaire, le référendum
d’initiative citoyenne.
d
Nous renforcerons le rôle du Parlement dans sa fonction
législative et sa fonction de contrôle de l’exécutif, nous
délimiterons sévèrement l’immunité parlementaire et nous
supprimerons le statut particulier des ministres en matière de
responsabilité pénale qui institutionnalise une «déviation
vicieuse des principes d’une société démocratique. »
3. Nous redéfinissons la charte de fonctionnement de
l’ensemble des moyens de diffusion de l’information grecs, en
redessinant le paysage audiovisuel conformément aux exigences
légales et avec une surveillance accrue sur leur transparence.
Nous renfonçons les médias régionaux.Nous créons une vraie
télévision publique, démocratique, pluraliste et de haute
qualité en reconstituant l’ERT à partir de zéro.
d
Chers amis,
Nous, nous ne promettons pas. Nous nous engageons.
Et maintenant, ici, dans la 79e exposition de Thessalonique,
nous ouvrons un grand débat avec les citoyens pour aboutir à
la prise de décisions communes.Ce débat se prolongera avec
treize autres conférences régionales programmatiques qui
viendront illustrer ce nouveau processus de planification,
décentralisé et démocratique, de la politique de notre pays.
Chers amis
Nous aspirons à un consensus national et social sur le long
terme qui engage notre responsabilité commune sur les choix et
les décisions qui concernent la reconstruction de notre
pays.Il ne s’agit pas là d’un simple effet d’annonce. Il
s’agit du seul espoir de notre peuple, de la condition de la
survie nationale et sociale.C’est pourquoi aujourd’hui, nous
vous avons présenté, non pas ce que nous souhaitons, mais ce
que nous pouvons faire. Un plan réaliste et réalisable
d’apaisement social et de relance de l’économie.
d
Notre plan est chiffré.
Nous avons calculé le coût total du plan immédiat contre la
crise humanitaire et le coût budgétaire de la suppression des
mesures fiscales qui ont été imposées arbitrairement par le
gouvernement actuel.
Il sera entièrement financé par les actions suivantes:
Tout d’abord par toutes les mesures et les procédures de
régularisation que j’ai déjà présentées. Car nous attendons
d’elles un double avantage, aussi bien social qu’économique:
d’une part, qu’elles soulagent des citoyens de l’emprise d’une
imposition lourde et qu’elles reconstituent de leurs capacités
contributives, et d’autre part, qu’elles inversent la
récession et relancent l’économie.
Sur les 68 milliards de dettes exigibles, les régularisations
permettront à l’état d’encaisser au moins 20 milliards sur une
durée de sept ans, dont €3 milliards dès la première année. La
répression de la fraude et de la contrebande, si elle est
menée avec détermination et animée par la volonté politique de
faire hardiment face aux grands intérêts privés, sera une
autre source de recettes pour l’état.
Et ici, permettez-moi d’ouvrir une parenthèse : La déclaration
de Mme Lagarde sur les menaces dont elle aurait fait l’objet
(à la suite de ses critiques sur l’attitude des Grecs face aux
impôts) est stupéfiante. Mais le silence du gouvernement l’est
tout autant. Il est même inacceptable. Et je pose la question:
Tous ces gens qui en écoutant nos propositions agitent le
doigt en ressassant toujours la même phrase «avec quel
argent?» ont-ils entendu cette déclaration? Envisagent-ils de
faire quelque chose ?
Répondront-ils un jour aux questions qui concernent l’impunité
scandaleuse dont bénéficient certaines catégories de
personnes ?
Nous, nous avons déjà élaboré un plan d’action étalé sur six
mois contre cette gangrène, qui prévoit:
d
Tout d’abord, l’intensification et l’accélération des
contrôles des transactions intragroupe, des «listes Lagarde»,
de Liechtenstein, des transferts de fonds, des sociétés
offshore et de l’immobilier à l’étranger. A cet effet, on met
en place un service spécial composé d’experts et muni du
support technologique approprié après la longue, déplorable et
énigmatique inaction du gouvernement actuel.
d
Deuxièmement, notre plan d’action prévoit l’amélioration et la
rapide installation de systèmes d’entrées-sorties et de
détecteurs moléculaires dans tous les réservoirs et toutes les
stations d’essence afin d’éradiquer la contrebande des
carburants.
Notre projet prévoit également l’installation accélérée de
détecteurs à rayons X, aux entrées douanières du pays, car
nous pouvons et nous voulons être efficaces dans la lutte
contre la contrebande à la fois des carburants, et des
cigarettes et d’autres produits.
Les estimations des recettes provenant de la répression de la
fraude fiscale et de la contrebande, ont parfois été très
ambitieuses. Nous, avec modération, nous estimons que notre
plan d’action apportera aux caisses de l’état, la première
année, au moins trois milliards d’euros .
d
En ce qui concerne le coût du capital de départ du secteur
public, du vecteur intermédiaire et de banques spécialisées –
estimé à 3 milliards d’euros – , il sera financé par le
soutien de 11 milliards d’euros prévu pour les banques par le
Mécanisme de Stabilité.
Quant au coût de notre plan pour la reprise de l’emploi,
estimé à 3 milliards d’euros pour la première année de son
application (5 milliards d’euros coût global), il sera financé
par les fonds structurels (FEDER et FSE) prévus (CRSN
2007-2013:€1milliard + €1,5 milliards dans le cadre de ESPA
2014-2020), et 500 millions d’euros par d’autres fonds
européens pour le soutien de l’emploi.
Et ici, je voudrais ajouter que dans le cadre des efforts
titanesques que nous engageons pour la restauration des
retraites, notre gouvernement attribuera aux fonds d’assurance
certaines des parties du patrimoine public qui stagnent
actuellement dans les tiroirs du TAIPED (Fonds de
Privatisation).C’est une mesure nécessaire pour réparer le
crime du PSI (« private sector involvement ») qui a dévasté
les caisses d’assurance et les détenteurs d’obligations, avant
la restauration progressive des retraites.
Chers amis et amies,
Je viens de répondre de manière claire, au moyen de faits et
de chiffres, à l’éternelle question que l’on nous pose depuis
trois ans à chaque fois que nous proposons une voie de sortie
de la crise: «Avec quel argent?» Mais aujourd’hui, au-delà de
l’analyse des coûts et des bénéfices de nos engagements, je
veux souligner le besoin de voir la crise et ses impératifs
d’un autre oeil que celui du petit comptable qui ne sait
qu’aligner des chiffres.Il faut aussi faire preuve d’un regard
critique et libéré de tout dogmatisme.
d
L’économie n’est pas une simple comptabilité. Plusieurs
facteurs dynamiques concourent à un résultat et déterminent
l’économie. Ce n’est pas un exercice de répartition de
ressources limitées. C’est un système ouvert avec des
capacités de production.
Nous, nous connaissons bien les chiffres néfastes de
l’économie que nous allons hériter de nos prédécesseurs. Nous
connaissons l’état pitoyable causé par les œillères des
gouvernements mémorandaires. Mais nous sommes aussi
profondément convaincus qu’il y a une possibilité de sortie du
bourbier de la récession. Elle implique la mobilisation de
toutes les grecques, de tous les grecs.
La mobilisation est le salut du potentiel productif de notre
pays. De tous ceux qui restent debout, qui résistent et se
battent.
Nous, nous croyons que SEUL le désir des classes laborieuses,
des créateurs féconds et productifs, et surtout des jeunes, de
dépasser la conditions actuelle et de s’ouvrir un nouvel
horizon peut remettre debout la Grèce et son économie.
C’est une aspiration collective, un projet commun et l’espoir
d’un meilleur avenir qui peuvent ramener la croissance à notre
pays et non pas l’outillage de l’OCDE et les recettes du FMI.
d
C’est le patriotisme, la droiture d’esprit, l’ingéniosité et
l’étoffe du citoyen grec qui aura le courage et la force de
porter sur ses épaules la réussite du Projet de Redressement
National, en mettant à profit les potentialités inestimables
et les avantages incomparables de notre terre et de ses
habitants.
D’ailleurs, chers amis, c’est devenu maintenant une prise de
conscience collective: La crise que nous vivons n’est pas
seulement économique, elle n’est pas seulement une destruction
du tissu productif, une récession prolongée et un
désinvestissement.
La crise est aussi sociale, comme le démontre on ne peut plus
clairement le caractère sans précédent en temps de paix du
chômage et de la pauvreté. Mais c’est aussi une crise des
institutions et des valeurs, une crise de confiance de la
société envers la politique, le Parlement, les partis
politiques, les syndicats. Une crise de confiance sur notre
propre capacité à affronter ensemble, en tant que société, la
crise.
C’est pour cela que le point de départ de la réflexion de
notre projet est cette ultime analyse, cet ultime constat: il
est de la première importance de croire à notre force
collective, de croire, nous tous, à un avenir meilleur que
nous dessinerons et nous matérialiserons ensemble, «Simul et
Singulis».
Ensemble et aussi individuellement, car notre force est
collective mais elle suppose la conscience de notre propre
responsabilité en tant qu’individus. Chaque personne a besoin
de croire à un état respectueux et bienveillant à l’égard de
l’individu et de la société, mais l’état et la société ont
également besoin des individus soucieux du bien-être commun.
Un état décentralisé et concentré sur ses citoyens, en somme.
Nous devons croire à notre capacité, en tant que corps social,
à tracer des projets collectifs, mais nous devons aussi nous
engager personnellement et consciencieusement à leur
matérialisation.
d
Ce défi ne nous intimide pas. Nous avons prouvé par le passé
et à des moments encore plus difficiles de notre histoire que
nous en étions capables.
C’est pour cela que le premier cycle des mesures de
réédification de la société débutera avec la mise en œuvre de
deux actions parallèles.
La première consiste à affronter les causes endogènes de la
crise.
La deuxième concerne les causes extérieures, en revendiquant
une nouvelle place et un nouveau rôle pour notre pays au sein
de l’Europe, des Balkans, de la Méditerranée et dans le monde.
Ils se trompent ceux qui croient que la relance de l’économie
– si un jour, elle s’amorce – réduira par son simple fait la
pauvreté et le chômage ou qu’elle restaurera la confiance dans
la politique et les institutions.
En revanche, si notre projet est simple, concret et réaliste,
c’est parce qu’il se fonde sur un diagnostic pragmatique. Et
aussi et surtout parce qu’il est subversif. Le réalisme
commande le renversement des choix uniques des néolibéraux, le
renversement des enfermements mémorandaires.
d
Chers amis,
Aujourd’hui, SYRIZA a fourni des réponses.
Réalistes et subsersives à la fois.
Nous n’avons pas formulé des suppositions.
Nous avons pris des engagements.
Nous n’avons pas partagé des promesses.
Nous avons départagé des responsabilités.
Car nous nous engageons dans un sentier ardu.
Ce n’est pas seulement de la terre brûlée qu’il va trouver le
gouvernement de SYRIZA.
Mais un pays divisé et dévasté politiquement, socialement et
économiquement.
Notre responsabilité: De le rassembler et de le ramener à la
terre ferme et féconde du redressement, de la démocratie, et
de la justice sociale.
C’est cette responsabilité que nous avons voulu partagé avec
vous aujourd’hui.
La responsabilité d’un combat commun pour la Grèce dont nous
sommes dignes.
Pour une Grèce volontaire et fière, démocratique et juste.
C’est cela notre dette.
Vis à vis de notre histoire.
Vis à vis de nos enfants.
Vis à vis de notre avenir.
Je vous remercie.
d
Alexis Tsipras.
Leur
démocratie
encore la nôtre?
est-elle
Par Vincent Decroly
« Le Conseil européen s’est terminé exceptionnellement tôt »,
se réjouissaient en chœur cette nuit MM. Hollande, Tusk,
Juncker et les autres.
C’est qu’il n’y avait pas grand-chose à l’ordre du jour. Ou
alors des points sans majeure importance, n’appelant aucun
débat.
Tenez : ce traité commercial transatlantique qui prépare la
dégradation, un cran plus bas encore, de nos normes sociales
et environnementales tout en poursuivant l’érosion des lois
par les pseudo-lois du marché. Nous avions vu cela venir dès
le début des années 2000, âge d’or des accords bilatéraux sur
l’investissement, promus alors avec une rage ratificatoire
inédite par le gouvernement MR-ECOLO-PS. Ce qui se prépare
cette fois est toujours bilatéral, instaure toujours des
mécanismes de règlement des différends fondés sur des organes
de « justice » privée (« tribunaux » arbitraux), confère
toujours au marché la suprématie sur le politique, toujours
avec la bêlante bénédiction des mêmes (ou quelque opposition
de circonstance, là où par hasard ils ne sont pas aux
affaires). Rien – bien entendu – qui aurait justifié un débat
sur le fond, un rapport plus transparent des discussions des
élites européennes…
Et puis cette austérité, véritable programme d’ajustement
structurel du type de ceux qu’on imposa dans les années 90,
sous l’égide du FMI et de la Banque mondiale, à des PVD qui ne
s’en sont généralement pas encore remis… Fallait-il y revenir
au sommet de cette fin de semaine ? Bien sûr que non, puisque
le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance
(TSCG) et sa « règle d’or » budgétaire commencent à présent à
se décliner dans chaque Etat membre.
Le nôtre n’échappe hélas pas à cette fuite en avant, où c’est
aussi sur un mode éminemment contestable sur le plan
démocratique que le parlement a accepté de mettre en œuvre le
nouveau catéchisme européen.
Parodie de démocratie, l’adoption de mesures parmi les plus
graves de ces dernières décennies sous la forme d’une loiprogramme. Où l’on voit l’institution politique belge
contaminée par la maladie de l’européenne – un déficit
démocratique diagnostiqué depuis des années, mais qu’on laisse
s’installer, celui-là.
Aucune objection à la technique de la loi-programme
lorsqu’elle permet de faire entériner, par la Chambre, l’une
ou l’autre correction purement technique qui serait apparue
après l’adoption d’une loi. On est là dans le registre du
toilettage juridique et technique, pas dans celui du choix
politique de fond.
Snelwet
Toutefois, l’inversion des rôles du gouvernement et du
parlement aidant (le premier contrôlant désormais le second),
la méthode des lois-programmes est devenue progressivement une
façon de légiférer à part entière. Le gouvernement obtient
invariablement du parlement un examen « en urgence ». Une loiprogramme présente donc l’avantage d’obliger la Chambre à
déglutir, en un temps record, un annuaire téléphonique de
dispositions touchant l’ensemble des compétences du
gouvernement fédéral, de la Sécurité sociale à l’Emploi en
passant par la Défense, la Santé, l’Intérieur, les Finances,
les Affaires étrangères, la Politique migratoire, la Mobilité
et le reste.
En son temps, la procédure pénale de comparution immédiate
avait été affublée du sobriquet de « snelrecht » (tant
l’accent était porté sur la brièveté des délais de jugement,
au point de verser dans une justice par trop expéditive).
On est ici en plein dans le « snelwet ».
Pas étonnant, me direz-vous, sous la houlette de M. Siegfried
Bracke, un président de la Chambre qui n’hésita pas à brandir
en rue avec quelques militants de son parti, un jour de grève
nationale, quelques panneaux aux accents anti-syndicaux bien
sentis
(http://www.standaard.be/cnt/dmf20141215_01430245).
Cette vulgarité n’a pas suscité le même buzz indigné que le
comportement criminalisé d’une syndicaliste en action un peu
énergique dans un magasin namurois…
Mais voyez plutôt la loi programme du 28 novembre, que les
députés s’apprêtent à adopter ce vendredi 19 décembre, au
terme d’un sprint entamé le 3 : 302 pages à décortiquer, 185
articles : http://www.lachambre.be/FLWB/PDF/54/0672/54K0672001
.pdf)
Un premier débat a eu lieu en commissions parlementaires au
pas de charge (rythme et délai fixés par le gouvernement,
séances nocturnes au finish s’il le faut). Il arrive
fréquemment que des élus membres de deux commissions ne
puissent physiquement pas assister aux travaux de l’une,
requis qu’ils sont par les travaux de l’autre. Le contrôle
parlementaire est réduit là à une formalité purement rituelle.
La plupart des députés n’ont pas le temps matériel d’examiner
avec le soin souhaitable les textes qui leur sont soumis :
ventiler et faire circuler l’information dans leurs réseaux,
en référer aux experts en qui ils ont confiance, recueillir
des analyses et des avis contradictoires, soupeser les
arguments pro et contra, auditionner des acteurs de terrain,
interroger leurs électeurs et leur parti… tout cela n’est pas
possible face au bulldozer de l’exécutif pressé d’en finir.
Même si elle n’est pas le fait de tous les élus, la
démobilisation avant les vacances d’hiver (ou d’été) fait
généralement le reste (car les lois-programmes sont le plus
souvent adoptées lors de la dernière séance plénière avant le
25 décembre et avant le 21 juillet).
Comment s’étonner dès lors du peu de considération de trop de
Belges pour leurs élus ? De la dévalorisation du parlement, du
discrédit de la démocratie ?
Hier au Conseil européen, aujourd’hui à la Chambre des
Représentants, aux deux extrêmes de la rue de la Loi, c’est
précisément l’idée même de loi qui a été malmenée. Et, avec
elle, le respect dû au désir légitime d’une destinée commune
choisie plutôt que subie.
VIVA
FOR
LIFE
:
Quand
la
charité
solidarité
remplace
la
Par Marie-Claire Hames
« 1 bébé sur 4 vit dans la pauvreté ». Les médias de la RTBF
nous inondent de ce message depuis des jours.
Informer le public du fait que la pauvreté touche un grand
nombre de personnes constitue un acte normal d’information de
la part de médias de service public. Mais avec VIVA FOR LIFE,
il s’agit pour la RTBF de faire autre chose qu’uniquement nous
informer, il s’agit de créer un événement médiatique en jouant
sur la corde sensible au moment de Noël.
Cette situation de précarité, ou d’extrême misère, est un fait
politique majeur dans une société qui n’a pourtant jamais créé
autant de richesses, un fait qui relève du monde politique, de
choix politiques et de leurs conséquences, et en particulier
des moyens alloués aux mécanismes de protection sociale. La
protection sociale constitue un filet, imparfait encore, afin
de lutter contre les inégalités, les injustices ou autres
problèmes sociaux.
Ce qui est dérangeant dans l’action de VIVA FOR LIFE c’est
qu’il y a un déplacement du débat de la protection sociale,
outil collectif de SOLIDARITE, vers la CHARITE, et donc vers
le bon vouloir des donateurs. La charité est un acte du passé
valable avant les acquis sociaux. Elle relevait des
institutions religieuses, des bonnes dames qui avaient leurs
pauvres. Au XXIe siècle, pouvons-nous accepter une telle
régression sociale, accepter de tendre la main pour recevoir
la charité?
Ce « charity bussiness » est le reflet d’une société où les
valeurs de solidarité entre tous n’ont plus cours, où
l’individualisme
glorifiées.
et
l’argent
sont
les
seules
valeurs
Il est plus que temps de réveiller les consciences en
déclarant que chaque Belge a droit à un minimum des moyens qui
permettent une vie décente….et non de recevoir les quelques
miettes d’un plantureux banquet.
Indignez-vous a écrit Stéphane Hessel. Oui, tous debout pour
demander une justice sociale de l’aube au crépuscule de nos
vies !
Un bébé né dans la pauvreté a une famille qui vit aussi dans
les mêmes conditions.
Choisir de montrer le ventre d’une femme enceinte à 2 semaines
de l’accouchement et écrire en dessous qu’il faut agir est
intolérable. Oui il faut agir mais pour toutes et tous et via
des mécanismes inconditionnels de redistribution des
richesses. Un système social, une justice sociale constituent
une exigence, une revendication politique. Le POLITIQUE, les
décideurs doivent prendre ce problème à bras le corps.
Nous ne pouvons accepter qu’un
« show » médiatique de fin
d’année, se substitue à la défense des droits sociaux, et à la
revendication d’un revenu garanti pour chacun.
Vega apporte son soutien aux
Marchas de la Dignidad
Ce samedi 22 mars, des milliers de marcheurs venus de toute
l’Espagne vont déferler sur Madrid afin de dénoncer le nonrespect de leurs droits et les politiques d’austérité menées
en Espagne depuis 2010. Ce sont les marches de la dignité
composées de toutes les personnes les plus affectées par la
crise: les chômeurs, les précaires et les exclus du système
qui réclament l’amélioration de leurs conditions de travail,
de vie, le non-paiement de la dette illégitime mais aussi
l’arrêt des politiques d’austérité imposées par la Troika
(BCE, Commission Européenne, FMI).
Depuis 2010, trois grèves générales , plusieurs marées
citoyennes et des manifestations quasi quotidiennes ont été
organisées en Espagne sans que les gouvernement de José Luis
Zapatero puis de Mariano Rajoy ne daignent réagir et décident
de changer de cap. Pourtant, la situation du pays est chaque
jour plus critique. Depuis 2011, le chômage et le nombre de
personnes en-dessous du seuil de pauvreté n’ont cessé
d’augmenter à cause des politiques d’austérité, de
flexibilisation du marché du travail et de privatisation des
entreprises publiques. Les chiffres actuels sont alarmants:
plus de 3 millions de personnes vivent avec moins de 307 euros
par mois et plus de 26,03 % de la population est sans emploi.
Chaque jour, des droits fondamentaux sont également violés
comme le droit au logement ou le droit à l’eau pour seul motif
économique.
Le Mouvement Vega s’associe au peuple espagnol pour dénoncer
les politiques socio-économiques mises en oeuvre par le
gouvernement Zapatero puis Rajoy depuis 2010.
Il appelle également à soutenir l’initiative espagnole en
manifestant conjointement avec la Marea Granate composée des
exilés économiques espagnols demain à 12h30 à la Place
d’Espagne de Bruxelles.