Le plan destroy Campagne anti-tabac

Transcription

Le plan destroy Campagne anti-tabac
plan destroy ». « Destroy » vient des Sex Pistols, groupe de punk -rock anglais : « I don't
know what I want but I know how to get it. I
want to destroy ! » On connaît la suite : les Sex
Pistols ont fait un pèze (« zèp ») fou, sauf pour
Suite de la page 61
« Classe » a pour contraire « craigneux » mais y
a des nuances. « Le craigneux, c'est plutôt le
mec bien niais » (une fille). « Oui, mais ça peut
être aussi un biler (dur) de banlieue qui craint »
(un fils). « Ça craint », « c'est craignos », en
ceux qui sont morts.
Exercice : « Soulignez les mots nouveaux et
construisez des phrases ».
Troisième leçon : « Raoul et Jenny partent en
soirée » (ou « fête » pour les vieux jeunes). Car
ils ne vont plus en « boum » depuis longtemps.
La «'boum » est le nom qu'on donne
aujourd'hui aux goûters d'anniversaire. La confusion vient de ce que la nouvelle « boum » fait
autant de dégâts que l'ancienne depuis la popularisation conjointe du Nutella et de la
moquette.
Drrring. C'est Jenny. Elle entre. « Wouah, se
dit Raoul (in petto) : elle est mettable cette
résumé, veut dire : ça rebute, ça déplaît.
« Craindre » fait partie de ces mots profonds et
vides, aussi nécessaires et superflus que l'être et
l'avoir. Il y a d'autres mots clés : « l'enfer » et,
surtout, « la galère ». « On entre dans une
période qui risque de craindre un max, m'a dit
un lycéen de Boulogne. Tout le monde arrive en
criant : bonjour la galère. »
Le plan destroy
Catéchisme. Dieu a créé le « cem » et la
« meuf ». Anatomie. « A oilp », on les distingue à peine. La « meuf » est munie d'une
« chagatte » ou « teuche » et le « cem » d'une
« teb » et d'une paire de « yocs ». Le tout sert
à « zaiber ». La « meuf » est l'égale du
« cem », surtout si ladite n'est pas un
« cageot » ni un « boud' » (« boudin », devenu
plutôt province). Moyennant quoi, on juge
encore bien venu dans certaines banlieues (et
maisons bourgeoises) de dire à son copain
« Tiens, voilà ma viande. » A quoi il est courtois de répliquer : « Elle est pas ripou » (pourrie). Pas pis mais pas mieux, les copines ainsi
désignées : « Je vais chercher mon matos » (2)
(Paris) ou (La Celle Saint - Cloud) : « Tu vas
poule. Je lui mettrais bien une brioche au
chaud. Si j'étais pas quèn on pourrait quener. »
(« quèn » veut dire à la fois « très fatigué »,
« crevé », « faire l'amour »). Mais il garde ça
pour lui car il est féministe du côté de son père
qui est un ancien « bab »,
« Ouahou, soupire Jenny (mezzo voce). Il est
mettable ce mec. Quels sclums (muscles). Quel
zomblou. » (En aparté : « S'il avait pas tous ces
craquos (boutons) sur la gueule... ») Fortichimo : « Wow le killer ! Wow le kid ! (au
choix). Ton cuir, ça dégage ! Ça déménage ! Ça
arrache !. C'est l'éclat ! (au choix). T'as un
quand même pas tout le temps zaiber la même
. caisse ? »
On écrira le théorème : « Pour la misogynie,
y a encore à faire » et on ouvrira son
plan ? »
Vocabulaire.
Première leçon : « Raoul s'habille ». Raoul
est « super - classe » avec ' son nouveau « zomblou », son « strauss » délavé et son « larfou »
au cou. Il est bien, ton « cuir », Raoul. Moi,
j'ai un « ted » ou ce teddy » (blouson ricain en
tissu : brodé dans le dos, c'est l'éclat). Dis
donc, Raoul, elles sont « super » tes « pepons »
(pompes).
La « pepon » a subi une longue évolution
technique. L'ancienne chevalerie portait des
« santiags » (bottes mexicaines). Les dames et
les pages chaussaient des sortes de poulaines
appelées « gégènes ». Il y a eu de gros progrès
depuis. Les punks enfilent des « ranchos » (rangers) et les « cleans » — mais aussi parfois les
kepons — de vastes écrase-merde à semelle de
crêpe justement appelés « creeps ».
Il tombe bien, le « zomblou » de Raoul. Il ne
« tire pas la gueule » (3). C'est que son tailleur
est riche. En revanche, sâ copine Jenny est stupide. Elle devrait être là depuis une plombe.
Mais que fait-elle ?
Exercice : « Imaginez ce que fait Jenny ».
Deuxième leçon : « On sort ce soir ». Y a une
soirée chez Max, pense Raoul, ça c'est un bon
« plan » (projet). Un plan « coo/os ». On va
pas se faire « yech ».
Du plan. Le mot vient de l'argot des drogués
« Ouah, le méchant plan Max ! Gé-nial. Ça
tombe un peu bien, j'ai le vieux spleen de
l'enfer. » (Ces jeunes gens sont aussi
Raoul : « J'ai un plan coolos. On va cheZ
•
Max. »
baudelairiens.)
Raoul : « Bon, on s'vire, on gicle, on dégage,
on s'éjecte, on se brise, on fait cassos » (au
choix). A son petit frère : « Lustaleur » (salut, à
tout à l'heure). A son « rep » et sa « rem »
« Ouar Pa, ouar Man. »
Ils quittent la « casbah.,, (un coquet cinqpièces). Prendront-ils la « Mob », la « meule »,
la « brêle », la « tefu », la « bécane », la
« caisse », la « poubelle » ? Ils ont l'embarras
du choix comme cela se produit souvent dans les
leçons de vocabulaire. Bien sûr, ils pourraient
« assurer » par le « sub » ou le « tromé » mais
c'est un peu « galère », ça « fout les boules »,
(les « lcbous » ou « /ebs », les « glandes »). Le
« tac » ? Mais le « tac », ça « raque ». Par
•
(« T'as un plan ? » « T'as une filière ? »
On comprend que ce dialogue .est inventé
pour vous faire assimiler l'usage du mot
« tache » (« pauvre type ») par la méthode du
bain de langage. Pas d'exercice aujourd'hui.
Campagne anti-tabac
Cinquième leçon : « Les égarements du coeur
et de l'esprit, d'après Crébillon fils » (enseignement par la méthode graduelle). Fredo « sort »
avec Jenny. Il commence par un « smack » (à
Orléans, cette Babel moderne, on dit aussi : un
« piou »). Fredo passe sa lèvre inférieure entre
les lèvres de Jeannette. C'est le « canard ». Le
« canard » débouche sur le « palot » qui
s'achève en « baveux »,
Raoul (in petto) « S'il continue, ce tachon,
je vais lui éclater, lui zaiber la gueule, lui destroyer la tête (au choix). Il va s'en manger une.
Il va se faire latter. Je vais un peu le tuer. Je
vais bien le tuer (au choix). Putain, ça m'fout la
haine. »
Sixième leçon : « Le baston ».
Si vous avez suivi le cours, vous avez compris
qu'entre les violences verbale et physique il y a
un peu une marge. Ici l'outrance même a son
understatement (je vais un peu td tuer). Bien
sûr, il arrive qu'on « se frappe avec des mecs »
(argot banlieue). Mais Raoul est trop « raide,,
pour la bagarre, le « baston », la « stomba », la
« killerie », le « carnage »,. le « destroy » (au
choix).
- Jenny (elle avise Raoul) : « Tu stresses ? »
Raoul : « Kesta ta ? Va mourir, va crever.
Chelaoim (lâche -moi). » (Méprisant) : « J'ai
Max, Raoul, Jeannette et les autres ouvrent
un oeil « à dix plombes du mat' ». Odeur atroce
de cendre froide.
Max : « Putain. Ça sent la vieille mort de
l'enfer. »
Jenny (elle allume un « clepo ») : « Oui, on a
vraiment dormi dans la mort. »
z
62 Samedi 4 décembre 1982
La « zic » (ex - « zicmu » : musique)
« assure ». On a mis (au choix) un « sked »
(disque) ou une « 7 Ka » (cassette). Mieux : des
« musicos » sont venus avec leur « matos » et
leur « cromi ». C'est « l'éclat ». Le groupe
s'appelle Vatican. La « gratte » (guitare) « fait
une plante » (se trompe) de tanzaotre mais le
batteur « dégage » telle la bête. On a « mis de
la pêche » (du son) un max, ce qui fait plaisir
aux yoisins (pour eux, c'est galère).
Raoul : « Ça déménage. »
Max (un peu pété, il a trop « liché »)
« C'est valab.
Raoul (in petto) : « Mais que vois-je ? Ma
meuf qui sort avec ce débilos ? Il craint, cet entchoulé. Pauv'tachon. (A Max :) Tu la connais,
cette tache ? »
Max (déjà bien dans son « trip »)
« Quixa ? »
Raoul : « Là, le tacheman » (féminin
« Mchewoman »).
Max : « Ah ! Fred° ? C'est vraiment le
tachon de l'enfer. »
Raoul : « Y tache bien dans le style. »
rien à foutre de ta vie. »
Exercice : « On "s'est pris des mecs" et on
les a "tués". Racontez. » Septième leçon : « Un dur réveil ».
-
gueule. »
« Salut Max.
— Bonjour les vieux gols de l'enfer.
— Bonjour connard » (ou « narco »).
Jenny (qui, en fait, s'appelle Jeannette)
(pour la came). Il y a « le plan travail », et là
« ça craint bien)) (c'est bien lourd). Il y a le
plan épargne-logement qui n'a rien à voir. Il y a
le plan dans le sens « il m'a fait un plan » (il
m'a fait une crasse : banlieue Ouest). Il y a le 5,
plan où tu te fais virer d'une soirée ou bien tu e
zones sans s'avoir où aller, et là c'est « le plan
galère ». Mais il y a aussi la soirée chez les
bourges où t'es pas invité et tu incrustes et tu
fous la merde et là mes amis (écrivez), c'est « le
•(2) Matériel. Au sens étroit : matériel d'un groupe de rock.
(3) Se dit aussi d'un devoir bâclé : « Ta dissert' tire la
bonheur, Raoul a du « zép ». Il a « taxé » un
peu d'« artiche » (argent) à son « rep ».
Exercice : « Faites un plan ».
Quatrième leçon : « Une soirée chez Max ».
Conversation
L'idéal est
d'être « cool » — ou « coolos »
Exercice : « A votre avis, les campagnes antitabac dans les lycées sont-elles efficaces ? »
ALAIN SCHIFRES '