Les cyclones (ouragan, typhons)

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Les cyclones (ouragan, typhons)
Les cyclones (ouragan, typhons)
B-A Gaüzère. Mise à jour 11 octobre 2011
Introduction
Les cyclones se forment dans la zone de convergence intertropicale. Cette zone varie selon les saisons.
Dans l’hémisphère nord, les conditions propices sont réunies entre les mois de juin et octobre. Dans
l’hémisphère sud, c’est entre novembre et mai qu’ils se développent.
Phénomène associant le vent et l'eau, le cyclone est avec 20% des dommages enregistrés dans le monde,
la deuxième cause de catastrophe naturelle. On compte annuellement environ 80 dépressions tropicales ou
cyclones dans le monde.
La cyclogenèse
Le cyclone tropical - appelé ouragan (hurricane) aux Etats-Unis ou typhon en Asie – se forme lorsque
plusieurs conditions sont réunies :
- Une perturbation préexistante dans l’atmosphère,
- Une température élevée de la surface de l’océan de 26 à 27 °C, jusqu’à une profondeur de 50 à 60
mètres, véritable réservoir thermodynamique qui sert de carburant au météore,
- l'existence de mouvements verticaux au sein de cette dépression, le renforcement des vents qui
accentue le mouvement tourbillonnaire et la présence en haute altitude d'une zone de divergence
autorisant l'écoulement du flux vertical créé par la convection,
- Les forces de Coriolis qui dévie les vents sous l’action de la rotation de la Terre doivent être
suffisantes pour amorcer le mouvement tourbillonnaire de l’air.
La structure
Le cyclone est constitué d’une immense masse nuageuse d’un rayon de 500 à 1 000 km, organisée en
bandes spiralées convergentes vers un centre de plus en plus distinct déterminé par une masse nuageuse
dense formant un anneau. Ensuite apparaît un oeil de forme tout d'abord irrégulière puis bien circulaire qui
signe le stade cyclonique et qui est une zone de vent calme. La violence des vents est maximale dans le
mur de nuages qui encercle l’œil et dont la hauteur peut atteindre une dizaine de kilomètres.
La vitesse des vents
Elle détermine la classification du météore comme le montre le tableau I. L’échelle de Safir-Simpson
caractérise l’impact du cyclone : depuis la classe 1 (vents de 118 à 153 km) avec des dégâts minimes,
jusqu’à la classe 5 (ex : Katrina), aux effets dévastateurs.
Tableau I : stades de développement des cyclones selon la vitesse des vents.
La trajectoire
Dénomination
Vitesse des vents
perturbation tropicale
rafales inférieures à 80 km/h
tempête tropicale faible
rafales de 90 km/h
tempête tropicale modérée
rafales de 130 km/h
forte tempête tropicale
rafales de 175 km/h
cyclone tropical
rafales de 250 km/h
cyclone tropical intense
rafales de 320 km/h
cyclone tropical très intense
rafales supérieures à 320 km/h
Le météore se déplace à la vitesse moyenne de 15 à 30 km/h. La surveillance par satellite et les simulations
numériques internationales permettent de prévoir et de réévaluer les trajectoires avec une certaine précision.
Prévenir, c'est avertir en temps utile les populations des risques encourus. La prévision de la trajectoire et de
l'intensité permet d'émettre un préavis réactualisé suffisant pour les autorités, les populations et les acteurs.
Un radar Doppler qui permet de visualiser le positionnement et le déplacement de l’œil du cyclone jusqu'à
une altitude de 18,000 m et une distance de 400 km permet d’affiner cette estimation (Ile de la Réunion)
lorsque le météore menace directement les côtes et de déclencher au mieux le stade ultime de l’alerte qui
consigne les personnes à leur domicile, regroupe dans des centres les patients dialysés, insuffisants
respiratoires chroniques sous oxygénothérapie de longue durée et ouvre les centres d’accueil, avec un
préavis de quelques heures seulement…
Lorsque le cyclone évolue sur des surfaces maritimes ou terrestres plus froides, il perd de son intensité par
défaut d'alimentation en vapeur d'eau, puis se désagrège ou s'insère dans le flux des perturbations polaires.
Il peut s'intensifier de nouveau en cas de retour en mer, notamment au contact de surfaces maritimes
chaudes.
Sur la mer dans l’Atlantique nord, les cyclones se déplacent d’est en ouest tant qu’ils se trouvent en zone
tropicale, puis ils effectuent un virage vers l’ouest dès qu’ils atteignent les zones tempérées, changeant alors
de structure et se transformant en une dépression de moyenne altitude.
Chaque année, dans l’Océan indien, une dizaine de systèmes dépressionnaires tropicaux naissent
e
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généralement entre les 10 et 20 parallèles, au sud des îles Chagos dans la zone de convergence
intertropicale, siège de conflit entre l'alizé austral du sud-est et l'alizé boréal du nord-est, puis leur trajectoire
épouse une parabole dont le sommet se situe au niveau des îles Mascareignes (Réunion, Maurice,
Rodrigue).
La puissance générée
La force du vent est proportionnelle au carré de la vitesse. A 125 km/h, la force est de 160 kg/m², à 250 km/h
elle passe à 625 kg/m² [1]. Selon le Centre national des ouragans de Miami, l'énergie serait voisine de 400
milliards de watts, ce qui reviendrait à faire exploser chaque seconde une bombe 5 fois plus puissante que
celle d'Hiroshima ou au fonctionnement de 400 centrales nucléaires à pleine puissance.
L’action de l’homme sur les cyclones
Diverses méthodes ont été proposées dès les années quarante pour étouffer les cyclones en formation:
épandage de neige carbonique ou d'iodure d'argent pour faire chuter température et énergie, arrosage de
l'océan par des liquides refroidissants ou par importation d'icebergs, bombardement avec des têtes
nucléaires. Dans les années 1960, le projet américain Stormfury destiné à modifier les la trajectoire, n’a pas
été concluant. Aujourd'hui plus personne ne parle de tuer ces phénomènes naturels, mais seulement de s'en
prémunir et de mieux se préparer.
En effet, l’équilibre climatique terrestre impose le transfert vers les zones tempérées du trop-plein d’énergie
reçue du soleil par les régions intertropicales.
La dénomination
L’habitude de baptiser les météores de noms féminins a été combattue par les mouvements féministes
américains. Aussi, depuis les années 1970 sont apparus les prénoms masculins. La liste des noms est
établie par chaque comité régional sous l’égide de l’Organisation mondiale météorologique. Chaque nom est
rangé part ordre alphabétique. Ainsi Katrina était le onzième météore apparu dans l’Atlantique nord en 2005.
Le réchauffement climatique
Le débat sur l’influence du réchauffement climatique sur les cyclones est d’actualité, car il sous-tend la
responsabilité humaine, notamment dans la force dévastatrice qui a détruit la Nouvelle Orléans en août
2005.
Certains estiment que le réchauffement planétaire est sans effet, car il ne modifie pas suffisamment la
structure générale de l’atmosphère.
D’autres observent un légère augmentation du nombre de météores dans l’Atlantique nord, au cours de la
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dernière décennie qui a été la plus chaude du XX siècle. Pour E. Kerry du Massachusetts Institute of
Technology, l’énergie dissipée dans l’Atlantique nord (Golfe du Mexique compris) a plus que doublé entre
1990 et 2004. Cette énergie s’est également accrue de 75% dans le Pacifique Nord-Ouest. Kerry utilise un
index synthétique qui mesure l’énergie dissipée, en intégrant la fréquence des cyclones, mais également la
force des vents extrêmes et la durée de chaque épisode. Les courbes d’énergie dissipée et celles des
températures de surface des océans sont corrélées, surtout pour l’Atlantique. Pour P. Webster du Georgia
Institute of Technology, le nombre des cyclones les plus puissants (catégories 4 et 5) augmente continûment
et passe de 18% à 35% des cyclones entre 1970 et 2004. Toutefois, la vitesse maximale des vents
n’augmente pas.
2
Les simulations informatiques du climat futur, réchauffé par émissions humaines de gaz à effet de serre,
n’ont toutefois pas atteint un niveau de précision suffisant, d’où la prudence sur ce sujet du Groupe d’experts
intergouvernementaux mis en place par l’ONU.
Les dégâts cycloniques
Les mouvements de l'air et les perturbations atmosphériques ont des conséquences matérielles et humaines
identiques, qu'il s'agisse de cyclones, de tornades ou de tempêtes maritimes ou terrestres. L’agression
primaire liée au vent est mécanique et directe. La force et les changements de direction, notamment au
niveau des murs de l’œil occasionnent de fortes destructions (habitat, infrastructures, végétation) [2,3]. A
maturité, l'envergure du cyclone couvre des centaines de kilomètres carrés.
L'agression secondaire est due aux phénomènes d'accompagnement : pluie, raz de marée. L’un des effets
les plus meurtriers se produit sur les zones côtières où la forte élévation du niveau marin engendre une
«marée de tempête» excédant 15 mètres au déferlement. Ce phénomène a provoqué 300 000 morts au
Bangladesh en 1970. Les précipitations sont d'autant plus importantes que le système se déplace lentement
avec son cortège d’inondations, éboulis, routes emportées...
Agressions primaires et secondaires se combinent, rendant compte de l'importance des pertes en vies
humaines et des destructions au niveau des édifices qui sont selon leur type de construction et l'intensité du
phénomène sont partiellement ou totalement détruits, des voies de communications endommagées par les
glissements de terrain, les inondations, les destructions de ponts, les arbres abattus, des moyens de
communication, télécommunication et de transport détruits au sol et des lignes de transport d'énergie ou de
centrales électrogènes. Les conséquences sont alors les mêmes que lors de tout séisme avec rupture de
l'approvisionnement en énergie et en eau potable, perte des zones de protection et d'hébergement des
personnes, perte des réserves alimentaires, incendies, électrocutions et difficultés d'engagement des
secours. Selon la nature industrialisée ou non du pays, les dégâts varient.
1.
En pays industrialisés
En Floride, l'ouragan Andrew (classé force 4 sur l'échelle Saffir-Simpson graduée jusqu'à 5) a causé 30
milliards de dollars de pertes en 1992 [2]. Les dégâts occasionnés par Katrina dans le sud des Etats-Unis
ont été estimés à 100 milliards de dollars en 2005. Katrina a frappé une région grande comme la moitié de la
France qui concentre la moitié de la production chimique, 21 raffineries, soit 27,5% de la capacité de
raffinage nationale selon l’Institut Américain du Pétrole) et 92% des capacités de production de pétrole dans
le Golfe du Mexique. Par ailleurs, deux réacteurs nucléaires de 1 264 mégawatts ont été arrêtés. Au plan de
des dégâts écologiques, il ya eu neuf déversements de pétrole dans le Mississippi, totalisant 22 000 tonnes,
ce qui en ferait une des plus grandes marées noires de l’histoire du pays, selon le National Resources
Defense Council, une influente association de défense de l’environnement.
2.
En pays en voie de développement (ex : Madagascar)
Madagascar malgré des ressources naturelles importantes est devenu au cours du dernier quart de siècle,
un des pays les plus pauvres de la planète. De nombreuses pathologies tropicales ont fait leur réapparition :
paludisme à Plasmodium falciparum de transmission pérenne sur la côte avec renforcement pendant la
saison des pluies, lèpre, peste, bilharziose, charbon, rage. Associées au manque général d'hygiène, à la
baisse continue du niveau de vie, à la malnutrition et à la faiblesse des structures sanitaires tant préventives
que curatives, ces pathologies rendent compte de forts taux de mortalité et d'une espérance de vie faible.
Dans les zones côtières, les pathologies infantiles connaissent une forte recrudescence pendant la saison
cyclonique, aggravées par la malnutrition chronique due à la destruction des cultures et des réserves de
vivres. La riziculture est traditionnelle avec deux récoltes par an. Exportateur de riz et de viande dans le
passé, le pays est aujourd'hui tributaire d'une aide alimentaire extérieure et souffre d'une intense
déforestation, source de désertification. Or la saison cyclonique frappe le pays pendant le repiquage du riz
obérant ainsi pendant plusieurs mois jusqu'à la récolte suivante, la production de riz, base de l'alimentation.
La destruction des bananiers et des manguiers ainsi que des potagers, aggrave la carence alimentaire en
vitamines, minéraux et oligo-éléments. Les accès depuis les plateaux centraux sont en général longs et
difficiles: routes et pistes depuis Antananarivo, peu d'aéroports et de ports. Aucune norme de construction
anticyclonique n’est en vigueur (toitures renforcées, volets spéciaux, systèmes d'alimentation d'eau et
d'électricité individuels). Les infrastructures privées et administratives sont souvent vétustes, les bâtiments
sont le plus souvent recouverts de vieilles tôles rouillées. Les communications reposent sur le téléphone, les
B.L.U. de la gendarmerie, des travaux publics et des grosses sociétés. Les indicateurs socio-économiques
de Madagascar (tableau II) sont donc ceux d'un pays à forte croissance démographique, à faible niveau de
santé, essentiellement rural et à la population éloignée des centres de soins
3
Tableau II - Indicateurs socio-économiques comparatifs entre la France métropolitaine, la Réunion (DASS
1996) et Madagascar.
Indicateurs
France
Réunion
Madagascar
58, 5
0.66
14.3
taux brut de natalité
(1/1,000)
mortalité infantile
(1/10,000)
taux brut de mortalité
(1/10,000)
espérance de vie
12,5
20
47
4,7
7
95
9,1
4,8
15
77
73
53
PNB/habitant (US $)
22 800
5 120
220
population/médecin
320
570
9 882
population/infirmier
181
271
3 196
population (millions)
Cyclone Géralda : côte nord-est, février 1994. La reconnaissance par voie terrestre de la région de
Tamatave sévèrement atteinte fait état d'importants dégâts matériels et de quelques dizaines de morts et
disparus. Certaines grosses infrastructures portuaires sont endommagées dont la raffinerie de pétrole.
Cyclone Bonita : côte nord-est, janvier 1996. La reconnaissance est héliportée. Il est fait état de 5 morts, 4
disparus et de quelques blessés légers. Des pharmacies de brousse ont été pillées après leurs destruction
et la carence en médicaments est totale dans certains villages. La coupure d'eau et d'électricité est totale.
Les réseaux électriques, téléphoniques ont peu souffert. Les stocks de riz sont importants, la difficulté étant
de les acheminer vers les zones sinistrées du Nord. Les 170 000 hectares de rizières du Centre sont
inondées, les conséquences sur la récolte de mai seront importantes. Plus de 50 % des toitures sont
arrachées avec importants dégâts sur les bâtiments administratifs, les écoles et les dispensaires. La ville de
Foulpointe est détruite à 80 % et Fénérive plus au Nord, à 50 %. La sécurité est une préoccupations majeure
des autorités, en raison de l’évasion des prisonniers et de l'absence des services essentiels : santé, eau,
électricité et surtout nourriture dans certaine régions.
Cyclone Gretelle : côte sud-est, janvier 1997. Reconnaissance héliportée dans une région qui connaît
habituellement peu de cyclones, le dernier remontant en 1956. Vangaindrano, ville de 40,000 habitants
compte 20,000 sans-abri, une centaine de morts et une centaine de disparus dans une région de delta. La
campagne environnante est inondée avec isolement des populations. L'hôpital est entièrement détruit. La
hauteur de la crue est estimée à 3 à 5 mètres. Farafangana, ville de 40,000 habitants compte 10,000 sansabri, 3 décès et une quinzaine de blessés légers. L’hôpital de construction récente, est intact. Le toit du bloc
opératoire de la léproserie a été détruit. Au niveau sécurité, prison et gendarmerie sont détruites, mais les
prisonniers sont en liberté et émargent chaque matin à la gendarmerie. Dans ces deux villes, la distribution
d'eau est interrompue en raison de l'absence d'électricité (bornes fontaines) et le réseau électrique
secondaire est à terre et les communications sont interrompues et plus de 50% des bâtiments sont détruits y
compris les écoles et les bâtiments administratifs. Les réserves de riz sont suffisantes pour moins d'une
semaine, ce qui traduit l'habituelle difficulté des périodes de soudure. La prochaine récolte aura lieu en mai,
du moins si le riz ne pourrit pas sur pied, c'est à dire si les inondations ne durent pas plus d'une semaine.
Les autorités malgaches qui ne disposent pas des moyens logistiques appropriés (avions militaires,
hélicoptères, zodiac) tentent pour la première fois de mettre des secours en place. Une aide alimentaire de
plusieurs tonnes de riz est acheminées par route depuis la capitale. Des groupes électrogènes sont
acheminés par Transall depuis Antanarivo. Les vivres et médicaments essentiels et les produits de première
nécessité sont héliportés par le Fennec de l’armée française, vers les nombreuses communes isolées en
montagne. Un hélicoptère Puma de plus grande capacité et basé à Djibouti, prend le relais quelques jours
plus tard.
Cyclone Gafilo (mars 2004) : côte nord-est. Destruction des routes et des systèmes d’alimentation en eau
potable. Destruction des récoltes dont les champs de vanille, richesse de la région.
4
Intervention du SAMU 974 au cours des cyclones Géralda, Bonita, Gretelle et Gafilo.
Il s’agit de missions SAMU atypiques. En effet, les médecins de l'avant n'ont aucune activité curative (hormis
les soins prodigués aux membres de l'équipe : une agression avec traumatisme crânien sévère). Ils
établissent un premier bilan "santé" de la catastrophe à l'intention des autorités françaises, malgaches et
internationales, en prenant en compte l'ensemble des problèmes sanitaires visibles et prévisibles.
Les missions sont mise en place après demande des autorités malgaches auprès des autorités françaises,
soit en général 2 jours après le passage du cyclone. Elles sont de courtes durées (2 à 3 jours) et se
poursuivent par des missions d'appui logistique d'une à deux semaines, réalisées par les Forces Armées de
la Zone Sude de l’Océan Indien (FAZSOI) et le SDIS, ainsi que par la mise en place des programmes des
organisations non gouvernementales (ONG) présentes à Madagascar ou à la Réunion. L’équipe d’évaluation
est composée d’un médecin et de l’Officier Supérieur commandant la mission militaire. Le profil du médecin
est bien défini : senior urgentiste ou Anesthésiste-Réanimateur avec connaissance parfaite des pays
avoisinants (topographie, mœurs, système de santé, pathologies locales), formation en Santé Publique,
expérience médicale au sein des Organisations Non Gouvernementales de l’Océan Indien, pratique parfaite
de l’anglais afin de faciliter les contacts internationaux sur place. Le responsable militaire de la mission est
généralement un Lieutenant-Colonel issu des Troupes de Marine ou de la Légion Etrangère, dont
l’expérience du tiers-monde et des situations de catastrophe est forte.
Précédée par une reconnaissance aérienne filmée assurée par un Transall détourné de son trajet habituel
Mayotte-Réunion, l’évaluation du cyclone Géralda (1994) a été effectuée par voie terrestre (véhicule militaire
de type P4, embarqué à bord du Transall, véhicules tout-terrain réquisitionnés auprès des assistants
techniques de la Coopération Française) et a mobilisé plusieurs équipes mixtes (binôme civil et militaire)
pendant plusieurs jours. A terre, une assistance technique immédiate était fournie par un navire-atelier de la
Marine Nationale : dégagement des accès routiers, réparation des centrales électriques, rétablissement
partiel des communications et du réseau électrique. L’intervention a duré une semaine, avec relève des
personnels civils au quatrième jour.
Les évaluations des cyclones Bonita (1996) et Gretelle (1997) ont été héliportées, puis complétée par voie
terrestre. L’estimation des dégâts vue du ciel repose sur la simple observation par les observateurs
(médecin SAMU et responsable de la mission militaire) et les pilotes d’hélicoptère (visuelle, photographiée,
filmée). Cette évaluation contradictoire et empirique permet néanmoins de déterminer avec précision la zone
de pénétration littorale, la taille de l’œil du cyclone, sa trajectoire et sa profondeur (perte de violence rapide
au contact du relief). L’estimation empirique des dégâts par des observateurs de qualité, s’avère toutefois
assez précise et rapide. Elle ne nécessite que 4 à 5 heures et repose sur :
- Le décompte des toitures arrachées et des habitations abattues (0 à 20%, 20 à 50%, 50 à 80%,
100%) avec décompte séparé des habitations solides (églises, écoles) et des cases de bois.
- L’estimation du niveau maximum des eaux dans le creux des ravines (accumulation des débris
dans les arbres d’une hauteur supérieure de 5 à 10 mètres en général), hauteur entre le niveau des
rivières et le tablier des ponts, ponts emportés ou submergés.
- Le dénombrement des arbres arrachés et l’orientation de leur chute (sens du vent) et le type
d’arbres abattus. Ainsi l’absence de dégâts dans les bananeraies élimine formellement le passage
de toute pluie ou vent cyclonique et délimite ainsi précisément, compte tenu de la grande fragilité
des bananiers chargés de régimes, la zone sinistrée.
- L’interrogatoire des autorités sanitaires, politiques, administratives, caritatives et confessionnelles
lors des nombreux atterrissages . Le recueil des données médicales établit une véritable autopsie
orale de la situation, entachée toutefois d'une forte approximation : nombre de disparus humains et
animaux, dégâts matériels estimés, autonomie alimentaire et médicamenteuse maximales,
pathologies présentes par rapport à la situation antérieure.
- La visite des structures sanitaires : hôpitaux, dispensaires gouvernementaux et confessionnels.
Dans le domaine de l’évaluation, une comparaison avec des images satellites serait intéressante, mais n’est
pas disponible localement. Elle ne remplacerait toutefois pas l’appréciation humaine de terrain, notamment
en ce qui concerne l’appréciation des pertes en vie et le réconfort des populations abandonnées depuis
plusieurs jours.
A la mi journée, sont définies les priorités d’action pour les autorités nationales et les O.N.G dont certaines
travaillent encore à pallier les conséquences du passage des cyclones précédents.
Les recommandations immédiates portent sur la définition des priorités pour la logistique médicale et
alimentaire immédiate (héliportage, cabotage, fret par Transall), et l’établissement du plan d'aide immédiate
et différée (alimentaire, médical, réhabilitation des infrastructures, développement rural) en liaison avec les
O.N.G. Les recommandations portent également sur l'élaboration dans le cadre de la coopération régionale,
d’une réflexion anticipatrice et d'une doctrine, dont la finalité n'est pas tant la prévention de la réapparition
5
éventuelle du phénomène, que d'assurer une meilleure protection contre ses effets néfastes, afin que
l'urgence ne serve plus de politique traditionnelle de développement aux pays du Tiers-Monde.
Discussion
Une évaluation rapide des dégâts cycloniques est indispensable, même si la méthodologie utilisée est
grossière et non validée, car le bilan initial n'est jamais établi par les autorités locales, aucune structure,
logistique et méthodologie n'étant opérationnelle, même en temps normal. Seuls les pays riches (Etats-Unis,
Départements et Territoires de l’outremer français) disposent au décours des catastrophes naturelles, de
bilans précis de mortalité et de morbidité primaires et secondaires. Les reconnaissances héliportées
conjointes SAMU-armée, permettent une estimation rapide et précise des dégâts et de leur étendue
géographique. La complémentarité des compétences civiles (évaluation) et militaires (logistique) est ici
remarquable et tend à se généraliser dans le monde. L'évaluation aérienne, outre sa rapidité permet
également de confirmer que dès le contact avec le relief, les cyclones perdent beaucoup de puissance de
destruction et que l'aide doit donc se concentrer sur les zones côtières à Madagascar. Cette évaluation,
associée à une bonne connaissance du pays permet de définir et les priorités de secours et d'anticiper les
priorités différées.
A Madagascar, la carence en matière de prévention s'exprime par l'absence d'information des populations
avant, pendant et après le cyclone, l'absence de mise en place des secours autonomes par les autorités et
le retard à demander l'aide internationale (2 jours en moyenne). Aucun plan de secours n'existe vraiment et
bien peu de leçons sont tirées des cyclones précédents, alors que les mesures propres à atténuer les pertes
humaines immédiates et secondaires découlent étroitement de l'expérience [14,15,16]. Il existe une
corrélation incontestable entre l'étendue de la zone sinistrée, l'importance des dégâts humains et matériels,
le nombre et la gravité des victimes, la complexité et la durée des opérations de secours avec de fortes
répercussions, tant au plan de la survie immédiate des victimes que de la survie secondaire des rescapés
Très étendus dans l'espace et dans le temps, les dégâts humains et matériels sont généralement
importants, particulièrement dans les zones côtières de delta.
Dans le monde, le nombre de victimes est en régression depuis la mise en place de moyens de prévention
et de protection. Aux USA et à la Réunion, la mortalité est de 2 par million d'habitants exposés, elle atteint
vraisemblablement 250 au Bangladesh. et 30 (Géralda) à 1.000 (Gretelle) par million à Madagascar. Près de
75% des décès sont dus aux noyades, par submersion des rivages par la mer ou les rivières ou par les
coulées de boue. Les dégâts par le vent sont plus accessibles à la prévention et le décès survient par
polytraumatisme par projection de la victime ou par projection d'un objet blessant.
A Madagascar, le nombre de sujets impliqués est important (de 100,000 à 250,000) et l'implication est mixte,
d'ordre matériel et affectif. La dispersion des victimes est étendue, qui obéit à la fois à la répartition et à
l'implantation des communautés humaines et au trajet du cyclone. Le nombre de victimes se chiffre en
général à quelques dizaines mais n'est jamais connu avec précision. Ainsi trois semaines après le passage
de Gretelle, le ministre de l'intérieur faisait état de 192 morts, alors que le centre national de secours qui
dépend de son ministère annonçait 53 victimes ! Le nombre des victimes aurait pu être toutefois grandement
limité par une information adéquate des populations et l'existence d'abris anticyclonique en dur. Les victimes
sont le plus souvent totalement et immédiatement accessibles quand le cyclone frappe une zone urbaine
dont l'aérodrome est accessible au Transall. Elles sont difficilement accessibles dans les zones rurales de
rizières inondées ou dans les massifs montagneux (hélicoptère, zodiac). Les lésions psychiques résultant de
l'agression psychologique que représente le cyclone sont difficilement compréhensibles pour l’européen de
passage. L'âme malgache est insondable et le sourire est de règle même au milieu des décombres.
Les conséquences humaines secondaires se traduisent vraisemblablement par une accentuation des
tendances pathologiques saisonnières avec forte mortalité infantile au cours des 2 à 4 mois suivants.
Toutefois aucune statistique n'existe concernant les décès secondaires aux épidémies, à la malnutrition et
à l'interruption du système de soins, aucune structure ni méthodologie n'étant mises en place. Il convient
donc de prévoir l’approvisionnement des hôpitaux en matériel de perfusion et de transfusion ainsi qu'en en
solutés de remplissage afin de faire face au traitement des déshydratations sévères et des états de
carence nutritionnelle grave pédiatriques. Il est également nécessaire d'approvisionner les structures
sanitaires de base en médicaments essentiels. Le déficit alimentaire n'est pas uniquement liée au
phénomène cyclonique, mais trouve son origine dans l'état de décrépitude avancée de l'économie locale.
L'aide alimentaire à destination des enfants et des plus démunis, doit être ciblée en établissant
soigneusement les filières de distribution afin de ne pas déstabiliser les circuits traditionnels de commerce
et de production. Un phénomène de spéculation est habituellement observé sur les denrées de première
nécessité et frappe tout particulièrement les populations à faible revenu. Une distribution de semences
peut atténuer les conséquences alimentaires à moyen terme. Un appauvrissement net de la population est
prévisible avec recrudescence de la criminalité liée à la difficulté extrême de vie de la majorité de la
population. De nombreux emplois seront perdus par destruction des surfaces cultivables et l'impossibilité
de recourir à l'emprunt pour les réparations. L’agression sévère d’un membre de l’équipe rappelle que les
périodes cycloniques favorisent l’insécurité en milieu urbain en raison des évasions ou de la libération des
prisonniers. Les conséquences matérielles se traduisent par une sidération des régions atteintes dont les
6
moyens de secours et de défense n'existaient pratiquement pas avant la catastrophe avec forte
inadéquation des moyens de secours disponibles localement, à ceux nécessaires. La vétusté des
bâtiments et des infrastructures lourdes explique leur vulnérabilité. Quelques bâches et tôles seraient utiles
dans l'immédiat pour les écoles et les dispensaires et hôpitaux, bien que la tentation des autorités sera
grande de les utiliser en priorité pour les bâtiments administratifs. Fait réconfortant, il est à noter l'absence
de catastrophe technologique en raison de la rareté des complexes industriels dans ces régions, hormis
les installations portuaires de Tamatave, le plus grand port de Madagascar.
Conclusions
Les dégâts cycloniques dans les pays en voie de développement et notamment à Madagascar sont majorés
par :
- Initialement, l'impréparation chronique des autorités et des populations surprises parfois de nuit, par
l'arrivée et l'ampleur du phénomène alors que la Réunion possède l’information cyclonique et la diffuse
localement et par le degré de pauvreté des populations et de vétusté des infrastructures privées et
publiques.
- Secondairement l'absence de structures de protection civile, de logistique et de communications qui rend
aléatoire toute évaluation des dégâts et impossibles tout secours au cours de la première semaine. La
carence chronique des services de santé et la médiocrité de l'état de santé antérieur de la population et tout
particulièrement des groupes dits vulnérables (enfants de moins de 5 ans, femmes enceintes, vieillards,
veuves, malades et handicapés) ainsi que la forte recrudescence des pathologies saisonnières, aggravent le
bilan humain.
Au plan séméiologique, les cyclones à Madagascar réalisent :
- Une situation à risques connus, parfaitement catalogués, correspondant à des situations répétitives, déjà
vécues et inventoriées tant par leur origine que par les conséquences immédiates et lointaines.
- Une catastrophe longue, de plus de 24 heures correspondant à une grande durée du facteur déclenchant,
ou la structure de le communauté est partiellement disloquée, ou les opérations de reconnaissances et de
sauvetage font appel à une logistique complexe et coûteuse en raison de la nature des lieux de survenue et
de leur grande étendue (rayon supérieur à 100 km).
- Une dominante lésionnelle immédiate de type mécanique (fractures, plaies) et secondaire de type
infectieux (gastro-entérites, paludisme, rougeole, infections respiratoires) et nutritionnel .
- Une catastrophe de gravité immédiate modérée, mais de gravité secondaire moyenne ou majeure, si on
tient compte des victimes secondaires par maladies et malnutrition, dont le nombre exact n'est jamais connu
avec précision.
Les cyclones exercent donc une action complexe, durable et différée dans le temps sur la communauté,
directement proportionnelle à la dislocation antérieure de sa structure. Les secours doivent venir de
l'extérieur en même temps que ce qui subsiste sur place doit se restructurer pour faire face à l’événement au
plus tôt. L’aide internationale, rapide, coordonnée adaptée et intégrant les capacités opérationnelles peut
aider à stimuler et restructurer les capacités de réaction locales.
Références
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