La peinture dans le Nord De la Réforme au maniérisme par Elinor

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La peinture dans le Nord De la Réforme au maniérisme par Elinor
La peinture dans le Nord De la Réforme au maniérisme par Elinor Myara
Au XVe siècle, la prospérité de Bruges se manifeste dans le commerce de la laine, mais aussi dans les arts : Jan van Eyck,
Hans Memling et Gérard David s'y sont installés. Les Pays-Bas bourguignons restent le principal centre de production
de tapisseries en Europe. Robert Campin et Rogier van der Weyden produisent des tableaux pour les autels des églises. Hugo van
der Goes (1435/45–1482) peint un triptyque pour le banquier florentin Tommaso Portinari. Dès le début du XVIe siècle, Anvers
remplace Bruges et Gand comme métropole économique et culturelle des anciens Pays-Bas ; elle attire de nombreux imprimeurs
et artistes, dont les listes de la guilde livrent des centaines de noms. Le nouvel idéal artistique de la Renaissance italienne s'y
diffuse lentement, puis massivement. À Bruxelles, dont les ateliers de lissiers dominent la production européenne, l'arrivée des
cartons de Raphaël pour la tenture des "Actes des Apôtres" en 1517 fait figure d'événement.
Gérard David, Le baptême du Christ, c? 1502-1508, Bruges, Groeningemuseum & Van Eyck, la Vierge au chancelier Rollin –Louvre
Michel-Ange, Madone de Bruges & Raphaël et collaborateurs, La pêche miraculeuse, carton de tapisserie Londres, Victoria and Albert Museum
L'adoption des modèles italiens
L’Italie commence à être adoptée par les pays du nord. L'art flamand trouve ses modèles en Toscane, nombreux sont les peintres
qui partent en Italie, découvrant l’Antique sur place mais aussi par la gravure (Marcantonio Raimondi). Le voyage en Italie,
permet aux artistes de comprendre le renouveau, de rapporter des images et de se forger une culture différente qu’il introduise et
développe à leur retour. Mais l’Italie d’alors est déjà maniériste, la manière moderne va alors se propager dans les pays du nord. La
présence d’œuvres d’art italienne est également importante : la Madone de Michel-Ange est à Bruges, les cartons de tapisseries des
actes des Apôtres de Raphael sont envoyés à Bruxelles. Les artistes s’ouvrent à l’Italie.
Si l’œuvre de Quentin Metsys à Anvers, est emplie de piété, ce sentiment est renforcé par un réalisme qui parfois favorisait le
grotesque comme dans la « Vieille femme grotesque » aussi connue sous le nom de « Portrait d'une vieille femme ». Ce portrait a
été probablement conçu sans réelle ressemblance avec une personne vivante. Il tira des œuvres de van der Weyden la rigueur des
contours et le soin pour le détail. De Van Eyck et de Memling, Metsys reprit les techniques basées sur la richesse des pigments
transparents ainsi que les effets d'optique. Quentin Metsys, Le prêteur et sa femme, 1514, Paris, Musée du Louvre il place un miroir semblable à celui des
Époux Arnolfini de Van Eyck. Tableau à contenu allégorique et moralisateur (signes de vanité, symboles chrétiens tels que la
balance du Jugement dernier, dénonciation de l'avarice et exaltation de l'honnêteté) bien plus que documentaire et descriptif
(évocation d'une réalité professionnelle de l'époque ou de la dévotion du temps) d'autant que les costumes, curieusement
archaïsants, semblent renvoyer à une époque plus ancienne. Le miroir, détail fascinant, rappelle la virtuosité de Van Eyck.
Quentin Metsys Le couple mal assorti, c. 1520-1525, Washington, National Gallery + dessin Leonard & Petrus Christus, Saint Eloi orfèvre, 1449, collection Robert Lehman
Jean Gossart (Jan Gossaert) dit Mabuse Maubeuge 1478 - Anvers 1532 Il a fait le voyage à Rome avec le duc Philippe de
Bourgogne. Son style allie tradition flamande "manière moderne" : imitation de l’antique, volumétrie du corps, ligne proche de la
statuaire, perspective, lumière… Pour Vasari comme pour Karel van Mander, c’est le premier en Flandre, à aborder le sujet
mythologique. Le nu héroïque va apparaître, mais dans un cadre ornemental très riche.
Jean Gossart, Spinario (tireur d’épines) et ornement d’après l’antique, dessin Leyde, Rijksuniversiteit, Cabinet d’Estampes
Poséidon Jean Gossaert, Le péché originel, c. 1520, Windsor, Royal Collection Adam
et Eve à l'italienne, nus et sculpturaux.
et Amphitrite est le premier nu héroïque de cette région. Commande de Philippe,
c’est la représentation de l’Amiral des mers dominant l’océan.
Jean Gossart, Vénus et Amour, 1521 Bruxelles, Musée Royaux de Belgique sont proches des gravures de Raimondi
Jean Gossart, Danaé, 1527 Munich, Alte Pinakotek Dans une rotonde à l’antique, ouverte sur une ville idéale synthétisant espaces gothiques et
Renaissance, Danaé assise, à demi dévêtue, reçoit la pluie d'or symbolisant Jupiter. Préfiguration de la vierge et de l’immaculée
conception, elle porte le manteau bleu et fait preuve d’un certain érotisme.
Jean Gossart, Neptune et Amphitrite, 1516 Berlin, Staatliche Museum
Jean Gossart, Saint Luc peignant la Vierge Prague, Galerie Narodni & Jean Gossaert, La Vierge de Louvain, Madrid, Musée du Prado
Jan van Scorel Schoorl 1495 - Utrecht 1562 Ira à Venise, en Allemagne, Autriche, Italie, en Terre sainte... En 1522, le nouveau
pape Adrien VI, un hollandais, le nomme conservateur des antiquités du Belvédère. En 1524, il retourne à Utrecht. Par
connaissance des divers courants existant, par les rencontres des artistes il va renouveler la peinture religieuse flamande mais aussi
portraits. Il synthétise les divers apports, créant un style original.
Jan van Scorel, Le Baptême du Christ, 1530, Franshalsmuseum
Maerten van Heemskerck Haarlem 1498 - Haarlem 1574 Durant 3 ans à Rome, il traite une grande diversité de sujets et est
très influencé par les maniéristes. Il s’entoure d’intellectuels. Comme les italiens. Torse du belvédère
Maerten van Heemskerck, La cour du palais Sassi à Rome, croquis est repris dans Saint Luc peignant la Vierge, 1550-53, Rennes, Musée des Beaux-Arts
Maerten van Heemskerck, Autoportrait, 1553, Cambridge, Fitzwilliam collection Il s'agit en réalité d'un double autoportrait, une mise en abyme dans lequel le
peintre se place en avant, l’arrière plan étant un rappel de son séjour à Rome, vingt ans auparavant.
Maerten van Heemskerck, Paysage avec l’enlèvement d’Hélène, 1536, Baltimore, Walters Art Gallery
Frans Floris (de Vriendt) Anvers 1519-1520 - Anvers 1570 À vingt ans, il se rend à Liège pour y suivre des cours d’un, élève de
Jan Gossaert, dont les voyages en Italie avaient métissé le style. Floris à son tour traverse les Alpes, s'approprie sans l'assimiler les
divers maniérismes des écoles de Lombardie, de Florence et de Rome. Peu de ses travaux parvinrent jusqu'à nous, en partie parce
qu'ils ont été condamnés à cause de leurs défauts; en partie parce qu'ils furent bientôt jugés par les nouvelles normes.
Frans Floris, La chute des anges rebelles, 1554, Anvers, Koninklijk Museum voor Schone Kunsten & Le Jugement de Parîs, 1547, Cassel, Staatliche Museum
natures mortes. Les genres picturaux
Des genres nouveaux, la nature morte, la scène de genre, issu de la peinture religieuse, acquièrent leur autonomie. La nature du
marché de l’art n’y est pas étrangère. A la différence des pays comme l’Italie où la commande est essentielle et appartient à l’Eglise
et à l’aristocratie, les Flandres connaissent eux un marché ouvert. L’expression du gout est essentielle. En fonction des modes, les
clients viennent compléter leur collection, les artistes eux produisent librement.
Joachim Patinir (Patinier) Dinant c. 1475 - Anvers 1524 Patinir s'intéresse au paysage. Il inverse la relation existant entre le
paysage représenté et le personnage de l’histoire. Le paysage devient panoramique, l’immersion des personnages est complète. Les
couleurs où dominent le vert et le bleu, le paysage devient symbolique.
Paysages,
Joachim Patinier, Repos pendant la fuite en Egypte, Zagreb, Strossmayer Gallery
Joachim Patinier, Saint Jérôme dans le désert, 1515-1519, Madrid, Musée du Prado & Joachim Patinier, Le passage du Styx, Madrid, Musée du Prado
Gillis van Coninxloo Anvers 1544 - Amsterdam 1606 Selon Van Mander, Coninxloo se rendit en France mais il ne semble pas
être allé jusqu'en Italie, ce qui reste controversé. De religion réformée et patriote antiespagnol, il prit une part active à la défense
d'Anvers assiégée en 1585 et émigra la même année à l'étranger après la prise de la ville par les Espagnols, gagnant d'abord la
Zélande puis Frankenthal en Allemagne, cette fameuse colonie-refuge des protestants flamands fondée en 1562 près de Spire par
le prince électeur du Palatinat Frédéric III. En 1595 il se fixa définitivement à Amsterdam. Il va produire ses paysages sylvestres,
caractérisés par une ligne d’horizon basse, des arbres disposés en groupes capricieux et, de façon générale, un plus grand réalisme.
Le personnage n’est qu’une anecdote.
Gillis van Coninxloo, Paysage avec Letho et les paysans de Lykia, St Petersbourg, Hermitage
Gillis van Coninxloo, Jugement de Midas, 1588 Dresde, Staatliche Kunstsammlungen
Gillis van Coninxloo, Vénus et Adonis, 1595 Musée de Cleveland
Pieter Bruegel (Breda ? 1528/30 - Bruxelles 1569) Selon Carel van Mander il fut l'élève de Pieter Coecke van Aelst. En 1552,
il fit un voyage en Italie, poussant jusqu'à Rome. Entre 1555 et 1563, il est établi à Anvers et travaille avec un cercle d'artistes et
d'érudits humanistes. La situation politique et religieuse en Flandres se dégrade. En 1567 le Duc d'Albe entreprend une campagne
de répression sanglante contre les rebelles, et c'est l'année même de l'exécution des comtes d'Egmont et de Horn que naît en 1568
son second fils, Jan, dit Bruegel de Velours. En faisant la jonction entre le Moyen Âge et la Renaissance, il dépasse l'art des
Primitifs flamands et s'affranchit de celui des Italiens; l'unité de ses compositions, son talent narratif et son intérêt pour les
« genres mineurs » en font un artiste inclassable dans l'histoire de l'art. Ses personnages ronds sont très éloignés de la glorification
des corps bien proportionnés. Dans ses tableaux dominés par la vie populaire, le peintre montre des paysans tels qu'ils sont dans
leurs activités et divertissements. Pour la première fois dans l'histoire de la peinture, la classe rurale est humanisée dans une vision
objective. Les têtes s'alignent et l'on sent l'artiste sensible aux émotions et aux faiblesses. Même les scènes bibliques de Bruegel se
situent pour la plupart dans un village et la description de la place publique qui fourmille de monde prend plus de place que le
thème. Au XVIe siècle, en effet, la rue et la place étaient des lieux de rendez-vous et de divertissements : jeux d'hiver, carnaval,
procession et kermesse, danses ou rites campagnards, tout était prétexte aux réjouissances et le peintre a su raconter ces
rassemblements que Philippe II, d'ailleurs, voudra interdire.
Jan Brueghel l’Ancien, Allégorie de l’eau, Nice, Musée des Beaux-Arts
Pieter Brueghel l’Ancien, Paysage avec la tentation de saint Antoine, 1555-1558, Washington,
Pieter Brueghel l’Ancien, Les proverbes, 1559, Berlin, Staatliche Museum
Pieter Brueghel l’Ancien, Danse de paysans, 1568, Vienne, Kunsthistorische Museum
Pieter Brueghel, La montée au calvaire ou Le portement de Croix, 1564, Vienne, Kunsthistorisches Museum : Bruegel
dissimule le Christ succombant sous le poids de
la croix au milieu d'une foule qui se dirige vers le lieu de l'exécution tout en jouant, se chamaillant et conversant comme si elle
allait à un spectacle populaire. Au fond, à gauche, le Jérusalem flamand, et au fond, à droite, le Golgotha. Entre les deux, un
rocher surmonté d'un moulin dont la signification est inconnue.
Hans Bol, La Chute d’Icare, peinture et gouache sur papier Anvers, Musée Mayer van den Bergh Le paysage est celui du monde des paysans, l'histoire est très
discrète. Labour, pêche et repos sont les principaux sujets.
Jan van Hemessen, La parabole du fils prodigue, 1536, Bruxelles, Musée des Beaux-Arts la parabole évangélique est transposée en une scène populaire et
anecdotique. Dans un bordel, le fils prodigue gaspille son héritage au milieu de filles de joie et de mauvais garçons. Le peintre
introduit le spectateur d'une façon directe et vivante. Il représente les personnages à mi-corps, très grands au premier plan du
tableau. Il renie l'ordonnance classique pour une composition naturelle, voire désordonnée, où tout est fonction de la réalité : la
vivacité du récit, la vérité des détails et la matérialité des objets et des personnages. L'exécution minutieuse et traditionnelle y met
assez paradoxalement en valeur la conception monumentale de l'ensemble.
En 1524, Philippe II a introduit l'inquisition, et en 1566, une vague d'iconoclasme protestant cause d'importants dommages dans la cathédrale
d'Anvers. Provinces du nord et du sud se séparent (Union d'Arras et d'Utrecht). A Partir de 1580 les provinces du nord cherche à se reconstruire et à
créer une nouvelle identité nationale grâce aussi à un renouveau artistique.
Karel van Mander Meulebeke 1548 - Amsterdam 1606
De 1564 à 1566, il est l'élève de Lucas de Heere à Gand puis de Pieter Vlerick, qui dut l'encourager à visiter l'Italie. De 1573 à
1577, il voyage à Florence, où il rencontre Vasari ; à Rome, où il peint des grotesques, il se lie d'amitié avec Spranger, dont le
maniérisme influencera son style ; on le rencontre à Nuremberg, puis à Vienne, où il travaille avec Spranger pour Rodolphe II.
Mander rentre ensuite aux Pays-Bas et peint dans un style encore curieusement archaïsant. Il peut appliquer l'enseignement de
l'Italie; Il rédige un commentaire des métamorphoses et une biographie de artistes : Livre des Peintres (Het Schilder-Boeck, 1604)
Bartholomeus Spranger Le marriage de Cupidon et Psyché 1587 rijksmuseum À la mort de Maximilien (1576), Spranger offrit ses services au nouvel
empereur, Rodolphe II, qui le fit venir à Prague, où le peintre s'installa définitivement à partir de 1581. Il y traite un sujet
mythologique avec un humour m malicieux
Hendrick Goltzius d’après Bartholomeus Spranger, Les Noces de Pelée et Thétis, 1587
Joachim Wtewael, Les Noces de Pelée et Thétis, 1602 Braunschweig, Herzog Anton Ulrich Museum Retournant à Utrecht en 1592 à l’âge de 25 ans, Wtewael joint la
confrérie des fabricants de selles comme peintre et commence à réaliser des peintures, dessins gravures et vitraux.
Un des derniers peintres maniéristes, Wtewael reste proche de la peinture traditionnelle alors que de la plupart des peintres
adoptent alors le naturalisme. Il devient l’un des principaux acteurs du maniérisme hollandais.
Cornelis Cornelis van Haarlem, Titanomachie, 1588, Copenhague, Statens Museum for Kunst Après un voyage en France et un séjour anversois d'un an destiné à
parfaire sa formation, il revint à Haarlem où il s'installa définitivement vers 1580-81. C'est en 1583 qu'il y reçut sa première grande
commande, le portrait de groupe des membres d'une milice bourgeoise : Le Banquet de la Garde civique de Haarlem. La même année,
Cornelis rencontra Hendrik Goltzius et Carel van Mander avec lesquels il fonda l'Académie de Haarlem. En 1588, la diffusion de
cinq de ses œuvres par l'entremise de gravures de Goltzius lui apporta une certaine célébrité. Cornelis fut plus tard nommé
peintre de la ville de Haarlem et, en 1630, il participa à la réorganisation de la guilde locale de Saint-Luc (corporation des peintres)
en réformant ses statuts médiévaux dans l'esprit de la Renaissance.
Abraham Bloemaert, Massacre des Niobides, 1591, Copenhague, Staten Museum for Kunst Au départ, Bloemaert peignit ses pièces historiques dans un style
extrêmement maniéré, apparenté à celui de Cornelis Van Haarlem et Wtewael. Ses paysages étaient davantage greffés sur la
tradition flamande. À partir de 1600 environ, il introduisit un classicisme modéré dans son œuvre, comparable à celui de Goltzius
à Haarlem.; Par le truchement de ses élèves qui avaient voyagé en Italie, il découvrit par la suite le clair-obscur du Caravage.
Hendrick Goltzius d’après Cornelis Cornelis van Haarlem, Icare, gravure & Joachim Wtewael, Mars et Vénus surpris par Vulcain, 1603-04, collection privée Cornelis Cornelisz van Haarlem, Le
massacre des Innocents, 1591, Haarlem, Franshalsmuseum

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