Gainsbourg en 2005… Aujourd`hui, quinze ans après sa mort

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Gainsbourg en 2005… Aujourd`hui, quinze ans après sa mort
Gainsbourg en 2005…
Aujourd’hui, quinze ans après sa mort, Gainsbourg est reconnu comme un artiste
essentiel de la chanson et même bien au-delà, de la musique du XX° siècle. Son
rayonnement dépasse les frontières, puisque de nombreux musiciens et le public
l’admirent à Londres, à New York ou à Tokyo. Il est à la fois une figure populaire et
un créateur respecté par la communauté musicale internationale, un double statut
posthume qui est en fait très rare quand on regarde le purgatoire par lequel passent
souvent beaucoup d’artistes avant d’être redécouverts, ou les sphères de notoriété
où ils sont enfermés. Gainsbourg est un personnage central de la musique made in
France.
La raison, c’est sans doute qu’il a été moderne, et même révolutionnaire dans son
approche, du début à la fin de sa carrière. Auteur-compositeur éclectique, interprète,
concepteur de « tubes », il a fédéré et il fédère un public très large, et ce n’est pas un
hasard si chaque génération le redécouvre et s’il est célébré par des musiciens et
des créateurs de tous les coins du globe. Nous avons déjà évoqué tous les styles
qu’il a abordé : la chanson dite « rive gauche », le jazz, la pop, le reggae, le rock, le
funk. A travers ses six cents chansons et ses cinquante musiques de films, l’œuvre
de Gainsbourg constitue un corpus qui est un objet d’étude privilégié et unique pour
porter un regard rétrospectif sur cinquante ans de création musicale et un demisiècle de vie culturelle en France.
Plusieurs explications à cela. Au-delà de les styles qu’il a abordé, Gainsbourg a
apporté énormément de choses à la musique d’aujourd’hui. Il a été en France un
pionnier du son, au même titre qu’un Michel Polnareff un peu plus tard. Il a été
artistiquement en constante avance sur son époque, avec ses propres processus
créatifs de composition et d’écriture, et si aujourd’hui il est perçu et considéré comme
un « classique », il était avant tout un révolutionnaire. Et puis, au-delà des styles, il
faut noter sa façon unique de capturer cet air du temps, qui passe aussi bien par une
faculté à devancer les modes que par une adaptation à une technologie de studio en
perpétuelle évolution. D’une certaine manière, Gainsbourg est le mémorialiste de la
société française de la seconde moitié du XX° siècle.
Pourtant, aujourd’hui, nous avons toujours une image partielle de son l’œuvre.
Jusqu’à présent, le travail éditorial qui a été réalisé a surtout été centré sur sa
production d’auteur-compositeur-interprète. On connaît beaucoup moins ses
centaines de chansons écrites et composées pour les autres, et encore moins ses
musiques de films. Même si c’est en train de changer, il faut dire que dans ce travail
considérable d’édition discographique, Serge Gainsbourg ne nous facilite pas la
tâche. Il n’archivait pas son travail. Il était un artiste en évolution permanente, il vivait
dans le présent et se projetait constamment dans le futur.
C’est sans doute en partie pour cela qu’il reste encore beaucoup de zones à
défricher dans la discographie de Gainsbourg. Malgré le beau coffret de dix-sept
disques qui est paru voici trois ans, on est encore très loin de la véritable intégrale.
Quant au coffret « Gainsbourg et ses interprètes » qui est en gestation avancée, il ne
sera pas par définition une intégrale et comportera forcément des oublis…
Pourtant, la discographie de Gainsbourg est régulièrement enrichie et on retrouve
des titres rares ou inédits, sans parler des récentes éditions de DVD d’archives et de
concerts. Parmi ceux qui connaissent aujourd’hui le mieux le fonds Gainsbourg, il
faut citer Jean-Yves Billet et Jean-Pierre Haie chez Universal, qui est le dépositaire,
entre autres marques, du catalogue Philips. Mention spéciale aussi à Stéphane
Lerouge, grand spécialiste du cinéma et des musiques de films, qui a été le premier
à rassembler une première anthologie des musiques de Gainsbourg pour le cinéma,
dans une collection intitulée « Ecoutez le cinéma » qui est publiée chez Universal
Jazz. Enfin, il faut noter le travail, véritable « work in progress », de Sébastien Merlet,
un chercheur graphiste de formation, qui est en train de construire une
sessionographie de Gainsbourg, c'est-à-dire une liste exhaustive de toutes ses
sessions, tous ses travaux, toutes ses apparitions, en studio, sur scène, le tout
accompagné de documents d’archives. Je lui dois d’ailleurs beaucoup pour cette
conférence.
Dans ce travail d’exploration et de mémoire, la meilleure alliée du patrimoine
Gainsbourg est sans aucun doute sa propre fille, Charlotte Gainsbourg. Elle a
conscience de son rôle de dépositaire privilégiée et c’est elle qui possède l’hôtel
particulier de la rue de Verneuil, qu’elle a même le projet de transformer en musée
consacré à son père.
Quinze ans après la mort de Serge Gainsbourg, on est dans une période
intéressante pour se pencher sur sa carrière. Son image commence à être lissée par
le temps, les livres qui ont été écrits sur lui au premier rang desquels la grosse
biographie de Gilles Verlant ont posé certaines bases, les images des quelques
épisodes « scandaleux » de la fin de sa vie ont suffisamment été diffusés en boucle
à la télévision pour perdre totalement leur sens, bref on entre dans une sorte de
deuxième ère avec plus de recul, plus d’objectivité, et forcément plus d’intelligence.
L’exploration de son œuvre ne fait que commencer.

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