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Ses premiers disques, ses premières chansons, ses premiers succès
Pourtant, la première chanson qui a fait parler de Gainsbourg est « Le Poinçonneur
des Lilas ». Ecrit en juin 1957, le morceau est créé par Les Frères Jacques.
Gainsbourg la chante sur scène aux Théâtre des Trois Baudets à Paris en 58,
adoubé par Boris Vian. Puis en 59 c’est le premier succès du chanteur Hugues
Aufray, avant que Philippe Clay puis Jean-Claude Pascal ne la reprennent, presque
vingt ans avant le groupe Starshooter.
Son premier 33 tours 25 cm, « Du chant à la une ! », paraît en 1958. Gainsbourg a
travaillé avec Alain Goraguer avec lequel s’installe une collaboration de cinq ans,
jusqu’en 1963 exactement, et avec qui il composera ponctuellement quelques
thèmes. Il est intéressant de disséquer ce premier disque car il jette les bases d’un
style qui est déjà très ouvert et qui part dans plusieurs directions. Nous ne pourrons
pas faire ça avec chaque disque parce que sinon toute la conférence y passerait,
mais là il s’agit de la première pièce de l’édifice : en dehors du « Poinçonneur des
Lilas », on trouve « La recette de l’amour fou » qui est un beau clin d’œil au
romantisme, « Douze belles dans la peau » qui est une rengaine amusante, « La
femme des uns sous le corps des autres » qui est une fable assez cynique , « Le
charleston des déménageurs de piano » très accrocheur avec son piano bastringue,
« L’alcool » qui est un premier flirt avec les rythmes afro-cubains, et enfin trois titres
qui sont des chansons colorées de jazz mais assez austères : « Ce mortel ennui »
qui porte bien son nom…, « Ronsard 58 » et « Du jazz dans le ravin ». Les textes,
les thèmes, la musique et la façon d’être de Gainsbourg se distinguent dans la
production de l’époque. Mais le disque est un flop.
Les disques suivants le seront aussi. Le super 45 tours avec la chanson « La Jambe
de bois (Friedland) » qui ressemble à un air militaire, le 33 tours « N° 2 » qui est
publié en 59 et qui contient plusieurs titres passionnants comme « Le claqueur de
doigts » qui est une ode aux juke-box, « La nuit d’octobre » et « L’anthracite » qui
utilisent à nouveau les rythmes afro-cubains, le mambo de « Mambo miam miam »,
« Adieu créature » et « L’amour à la papa » où Gainsbourg joue les crooners jazz de
haute volée, « Indifférente » très jazz aussi, « Jeunes femmes et vieux messieurs »
avec son ambiance gipsy très entraînante avec violon et accordéon.
Le premier succès de Gainsbourg sous son nom, curieusement, est la chanson-titre
d’une musique de film qu’il compose pour « L’eau à la bouche » de Jacques DoniolValcroze en 1959, avec ses couplets chaloupés soutenus par des percussions très
subtiles. Il prend goût à ce travail et il renouvelle l’exercice quelques mois plus tard
avec le film « Les loups dans la bergerie » de Hervé Bromberger et le « Cha Cha
Cha du loup » qui en découlera. Entre-temps, un nouveau nom a fait son apparition
dans sa galerie d’interprètes qui s’agrandit : Juliette Gréco, qui a chanté en 59 quatre
de ses titres : « Il était une oie », « Les amours perdues », « L’amour à la papa » et
« La jambe de bois ».
On le voit, les débuts de Gainsbourg sont vraiment atypiques. Il se démultiplie et
cumule plusieurs rôles : celui d’auteur-compositeur pour d’autres, celui d’auteurcompositeur-interprète, celui de compositeur de musiques de films. Il est
complètement à part dans l’univers de la chanson.
Parmi toutes les premières chansons de cette époque, nous en avons choisi une qui
n’est pas très connue : « Laissez-moi tranquille » avec son rythme cha cha tropical.
Elle date de 1960 et elle est parue initialement sur un super 45 tours quatre titres qui
était intitulé « Romantique 60 ». Polo, c’est à toi…
Pascal : « Avant d’attaquer je voulais te poser une question : as-tu déjà interprété du
Gainsbourg sur une scène ? »
Polo : « Eh bien c’est la première fois que j’en interprète »
Pascal : « Ca franchement je ne le savais pas, c’est assez marrant d’ailleurs…
Qu’est-ce que Gainsbourg représente pour toi ? »
Polo : « Gainsbourg est un classique de la chanson, comme j’aime, quelqu’un qui a
un univers très riche, qui écrit magnifiquement bien et qui en même temps fait de très
bonnes chansons, musicalement qui a toujours été à la pointe de la mode, qui ne se
démode pas... C’est un personnage rock’n’roll, une référence »
Pascal : « Comment cela se fait-il que tu ne t’y sois jamais frotté, parce que tu viens
aussi de l’univers rock’n’roll ? »
Polo : « Parce qu’on n’a pas toujours l’occasion de faire des reprises de tant de gens
que ça. Moi c’est vrai que quand je fais des reprises je me laisse plus naturellement
aller vers des gens comme Trenet ou Brassens, mais j’adore… »
Polo : « « Laissez-moi tranquille », c’est marrant parce que c’est un morceau où il
parle de sa laideur. Il est laid mais quand même il va arriver à choper les filles.
Gainsbourg parle beaucoup de sexe. Généralement quand on est laid, on n’a pas
accès au patrimoine sexuel commun. Et lui, son gros problème c’est que les filles
n’arrêtent pas de lui courir aux basques. Donc il dit « Laissez-moi tranq uille » , c’est
la grande idée de la chanson. Je voulais juste préciser, car je sais que vous êtes très
cultivés, mais il y a quand même une référence dans cette chanson. Il dit : « j’aurais
tout du pauvre Aliboron ». Alors j’imagine que vous savez tous qui est Aliboron. Mais
sinon, c’est un âne. Dans Les Fables de la Fontaine, quand il dit Aliboron, La
Fontaine fait référence à un âne ».