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Dialogues
18
Ségolène et nous
Médiatrice
Véronique Maurus
C
omme la plupart des médias,
Le Monde a-t-il injustement
favorisé Ségolène Royal aux
dépens de sa rivale, Martine
Aubry ? Le reproche est
sérieux, même s’il ne s’exprime pas sur le mode véhément, plutôt comme une réprimande, polie, presque amicale, mais répétée de jour en jour, depuis
trois semaines, et portant sur des points
divers, ici une analyse, là une photo, un
éditorial, un dessin, etc.
« Je vous signale mon mécontentement
pour votre parti pris en faveur de Ségolène
Royal, dont je ne comprends pas l’acharnement à revendiquer, avec l’aide de tous les
médias, le premier secrétariat du PS »,
écrit par exemple André Maurange
(Cugnaux, Haute-Garonne). « Je vous ai
trouvés injustes, voire insultants à l’égard
de Martine Aubry. Et à l’inverse j’ai trouvé
que vous étiez outrageusement favorables à
Mme Royal », ajoute Maxime Zerkout
(Strasbourg). Entre le vote des militants
sur les motions, le 6 novembre, et l’élection du premier secrétaire, les 24 et
25 novembre, les lecteurs ont beaucoup
écrit, pour donner leur avis sur le fond, et,
accessoirement, sur notre traitement des
faits. S’avouant en majorité convaincus
que la présidentialisation du parti – et sa
« présidentiable » – était responsable
des déchirements, ils étaient donc très
attentifs à tout ce qui pouvait relever du
favoritisme.
Les articles d’opinion, éditoriaux ou
analyses ont focalisé les reproches.
« M. Noblecourt est-il tombé sous le charme de Ségolène ?, écrit Alain Lacoste
(courriel). On pourrait le croire à lire son
analyse, où l’on doit comprendre que la susnommée est une fois encore victime du vieil
appareil. Lecteur du Monde depuis longtemps, je crois pourtant savoir que
M. Noblecourt n’est pas un “perdreau” de
l’année. Dès lors, comment se fait-il qu’il ne
s’interroge pas sur les limites de la démarche de Ségolène Royal, laquelle n’est pas
allée jusqu’à rester en retrait pour laisser
Vincent Peillon en candidat numéro
un ? » Même remarque de Jean-Pierre
Netter (Paris) à propos de l’éditorial du
8 novembre intitulé « Désaveu du vieux
Au courrier des lecteurs
L’état de nos prisons
Le documentaire proposé par
« Envoyé spécial » le 20 novembre sur les prisons m’a plongé
dans un état de saisissement, de
désespérance profonde. Je me
suis dit que, même si certains le
souhaitaient, il était en définitive bien inutile de rétablir la peine de mort dans ce pays : la prison s’en chargeait, avec quel
zèle admirable !
Quatre-vingts suicides de prisonniers en un an ! Jamais, non
jamais, dans les années florissantes où s’étaient multipliées
les exécutions capitales, on
n’avait atteint même le quart de
ce nombre (…) !
Voilà donc un pays qui, se
piquant d’être exemplaire en
matière de droits de l’homme,
tue impunément ses citoyens au
fond de cellules innommables
(…).
André Czornyj
Cransac (Aveyron)
Revenir en arrière ?
(…) Je crois que le PS a perdu, en
vingt-cinq ans, son fondement
philosophique. Kant, Hegel,
Feuerbach et Marx ont produit
une doctrine forte qui s’est traduite dans une pratique politique de lutte des classes. Puis le
discours s’est fait plus général :
droits de l’homme, changer la
vie… et a perdu de sa force parce
que ces valeurs – et leurs dérivées – étaient largement partagées par les autres courants politiques « non socialistes ». Revenir en arrière est impossible :
l’effondrement du PC le démontre.
Que faire alors lorsqu’il n’y a
plus de fondement philosophique ? Telle est bien la question
qui se pose au PS aujourd’hui.
J’en vois une seule : aller plus
avant dans la pratique et affronter son opposition sur le terrain
des fonctions régaliennes de
l’Etat, et notamment prendre à
bras le corps le problème de la
fiscalité, seul vrai levier pour
assurer une meilleure répartition de la richesse (…).
Gérald Cursoux
Verel-Pragondran (Savoie)
Vivre mieux
A cause du nombre de produits
chimiques, de la quantité de
substances nocives introduites
dans l’environnement, la fertilité masculine est en danger. Aussi serait-on en droit d’exiger, de
la part du ministre Jean-Louis
Borloo et de sa secrétaire d’Etat,
Mme Kosciusko-Morizet, des
mesures plus efficaces afin de
répondre à cette situation plus
qu’inquiétante.
Il est par ailleurs surprenant que
le Grenelle de l’environnement
fasse si peu de cas de la préservation de la biodiversité, alors qu’il
paraît évident que les animaux
subissent eux aussi les effets
néfastes de la pollution.
En outre, il aurait été souhaitable que la « publicité » soit prise
en compte dans le cadre du Grenelle. Son foisonnement depuis
des années sur tous supports
(notamment aux abords des villes et à l’intérieur de celles-ci)
témoigne d’un manque de respect vis-à-vis des citoyens, considérés uniquement comme des
consommateurs, abreuvés de
signaux, auxquels nos enfants
sont particulièrement vulnérables.
Ne serait-il pas plus judicieux
que l’on s’attache à réformer
l’usage de la publicité, dans le
sens d’une meilleure information des citoyens, s’inscrivant en
plein dans le contexte écologique d’un « vivre mieux », plutôt
que d’un « vivre pour consommer » et forcément polluer
plus ? (…)
Jean-Baptiste Voltuan
Paris
Bravo aux travaillistes !
Je trouve votre journal bien timoré en ce qui concerne la célébration du retour à gauche des travaillistes britanniques.
Il me semble que le premier
devoir d’un gouvernement de
gauche est d’aller dans le sens
de la justice fiscale. Baisser les
impôts indirects (TVA) pour la
relance et augmenter l’impôt
direct sur les très gros revenus
pour l’équilibre budgétaire va
entièrement dans ce sens et
s’avère, de plus, parfaitement
adapté aux circonstances présentes.
Notons que c’est tout à fait
l’inverse de ce qui a été fait ces
dernières années en France par
les gouvernements de droite
(…). Là aussi rien que de très
logique…
Grand bravo aux travaillistes !
Encore un effort, il reste la lutte
contre les paradis fiscaux, (y
compris au Royaume-Uni) qu’il
convient de ne pas mener uniquement en parole comme on
vient de le faire en France, mais
en actes comme en Allemagne,
hélas sans aucun soutien des
autres Européens !
Guy Fendeleur
Belfort
0123
Dimanche 30 novembre - Lundi 1er décembre 2008
PS » : « Le succès de la motion Royal est
certes un désaveu pour ses concurrents,
mais en quoi sa promotrice incarneraitelle la jeunesse face à une supposée vieillesse des concurrents ? (…) Ce n’est pas la jeunesse qui s’installe, mais le populisme,
lequel est aussi vieux que le monde. »
Grégoire Milopoulos (Paris), réagissant à un éditorial de première page
signé d’Eric Fottorino, le 15 novembre,
s’insurge, lui aussi : « Sans être un antiségoléniste primaire, je trouve que Le Monde la gâte un peu beaucoup. Nécessité qu’il
existe une opposition crédible, d’accord,
mais Ségolène Royal en star des stars avec
votre concours, entre autres, là, je suis
moins d’accord ! »
L
es articles d’information échappent
largement aux critiques. Seul AlainNoël Henri (Valence, Drôme) nous
reproche les « coups de pouce infraliminaires » glissés surtout dans l’édition en
ligne et, s’agissant des pages imprimées,
« une pleine page d’interview de Ségolène
Royal la veille d’un scrutin décisif ».
Au contraire, le traitement visuel de la
campagne a suscité de nombreuses réactions. Le fait est que, pendant ces trois
semaines, le journal a publié sept clichés
de Ségolène Royal, contre trois de Bertrand Delanoë, trois de Martine Aubry et
un de Vincent Peillon. « Il est des choix
photographiques meilleurs que le meilleur
des éditoriaux, relève Frédéric Buraud
(Morbihan). Comment ne pas s’interroger
quand on voit une Ségolène en ‘‘une’’,
offrant son plus beau profil, et en couleur
bien sûr, contrastant avec ce pauvre Bertand Delanoë montré de dos, les bras sur les
hanches, dans une posture figée, et le tout en
noir et blanc ! Comment ne pas croire que le
choix de la rédaction est déjà arrêté ? »
Pour clore le tout, les caricatures de
Plantu, pendant le scrutin final, ont créé
un effet de sens. « Ses deux caricatures de
Martine Aubry en pachyderme sont insupportables pour la femme qu’elle est, et s’inscrivaient beaucoup trop bien dans la campagne médiatique de Ségolène Royal », s’indigne Gabriel Favier (Saillenard, Saôneet-Loire), tandis que Martine Reid
(Paris), entre autres, souligne le « sexisme banalisé » de ces dessins.
Il n’entre pas dans le rôle de la médiatrice de juger les positions éditoriales du
journal dès lors que les opinions sont distinguées des articles d’information.
C’était le cas. « Ce n’était pas concerté,
nous n’avons pas défini une ligne, explique
Eric Fottorino, directeur du journal. Mais
j’ai estimé qu’il existait un appareil du PS
sclérosé, dont on ne voyait pas comment il
pouvait accoucher du changement. Ségolène Royal, malgré ses grands écarts, semblait la plus à même de fédérer les gens qui
ont envie du changement. »
Le Monde est un journal pluriel où chacun a parfaitement le droit d’exprimer
son avis, à condition de l’étayer. Michel
Noblecourt, éditorialiste, assume ses analyses : « Le PS ne s’est adapté qu’à demi à
la présidentialisation du régime. Il a accepté d’élire son leader au suffrage universel
mais n’a pas touché au reste, au fonctionnement de l’appareil. » Il en va de même
pour Plantu, qui revendique, à juste titre,
la subjectivité du caricaturiste, même si
on peut observer qu’un (e) seul (e) éléphant (e) rose (au lieu de deux, deux jours
de suite, en « une ») aurait moins choqué
les lecteurs.
R
este les photos et l’omniprésence de Ségolène dans nos pages
en couleurs. Comme l’interview,
elles traduisent l’avance incontestable que l’ex-candidate à la présidence a acquise sur ses rivaux en matière de
communication. « J’ai toujours cherché
l’équilibre, assure Françoise Fressoz, chef
du service France. Nous avons fait des
demandes répétées d’interview à Martine
Aubry mais elle a toujours refusé. Royal sait
y faire avec les médias, alors que les autres
ont un mode de communication défensif. »
« Ségolène a compris le rôle de l’image
dans une campagne, ajoute Frédérique
Deschamps, chef du service photo. Elle
joue de son physique, elle s’expose, se met en
scène, alors qu’Aubry se montre peu. Or, si
tu laisses faire les photographes, tu as beaucoup plus de chances d’avoir de bonnes images, des images qui expriment quelque chose et qui correspondent aux critères de choix
des services photo. »
« Nous veillons surtout à ce que les comptes rendus, les reportages, les titres ne
soient pas partisans, admet Alain Frachon, directeur de la rédaction. Nous ne
prêtons peut-être pas encore assez attention à l’image. » a
Courriel : [email protected]
L’automobile par Horsch
« Tous buvaient trop ». Dessin de Horsch paru dans « Des Standard » (Vienne). © [email protected]
Scission du PS ?
Pour Ségolène Royal, il sera tentant de partir avec les dizaines de
milliers de militants qui l’ont soutenue, afin de créer son propre
parti. Cela lui permettrait de
continuer à tenir la scène, ce
qu’elle aime par-dessus tout.
Pourtant, si nos belligérants finissent par se rabibocher, au moins
en apparence, ce sera pour des
questions de gros sous. Car, d’un
côté, avec des cotisations bradées
à 20 euros et malgré un siège du
parti situé dans une banlieue
populaire, Ségolène Royal
n’aurait plus les moyens de s’offrir le Zénith très souvent ! Et de
l’autre côté, ce qui resterait du PS
n’aurait pas intérêt à voir la moitié de ses encartés s’envoler sous
d’autres cieux.
Roger Saintpierre
La Rochelle
Don de sperme
La campagne pour le don de
sperme me choque car elle néglige le mal-être des enfants issus
d’un don anonyme de gamètes.
Je ne peux oublier la souffrance
d’Arthur Kermalvezen (Né de
spermatozoïde inconnu, Presse
de la Renaissance, 240 p., 18
euros), exprimée il y a quelques
mois à l’émission « C’est dans
l’air » : son désarroi, à l’image
de celui de tous ces enfants à la
recherche d’une filiation interdite, ne peut laisser indifférent, et
je ne m’explique pas cet acharnement à créer des situations discriminantes (…).
C’est pourtant une question de
justice pour notre société.
Mme Chevalier
Viroflay (Yvelines)
Une langue-pont
universelle
A la tribune de Claude Hagège
(Le Monde du 8 novembre), on
ajoutera que la francophonie, la
France et le français s’honoreraient habilement en se saisissant à bras-le-corps de la question encore taboue de la languepont universelle.
La réalité linguistique profonde
– sur le plan politique s’entend –
est que toute langue tend à s’imposer et à imposer avec elle la
représentation du monde dont
elle est indissociable. Hier c’était,
d’une certaine manière, le français ; aujourd’hui, d’une manière
beaucoup plus ample, l’anglais ;
demain, peut-être le mandarin.
Il reste qu’aucune langue nationale n’a jamais pu faire accepter
complètement et définitivement
sa représentation du monde, de
sorte que tout est à refaire au
bout de quelques dizaines d’années, au prix d’immenses gaspillages de temps et de ressources.
D’où l’opportunité d’une
réflexion internationale visant à
une solution rationnelle et permanente, nécessairement fondée
sur la distinction à établir entre
la langue internationale de communication (langue-pont) et les
langues naturelles (langues de
pensée), qui méritent toutes (…)
d’être préservées et développées.
Croissance négative
Je lis dans Le Monde l’expression
« croissance négative » ; pour
moi, une croissance négative est
pratiquement un oxymore destiné à être moins effrayant que le
mot correct « décroissance »
(…).
Je profite de l’occasion pour partir en guerre contre « les baisses
de – 50 % » qui équivaudraient
dans la logique usuelle à une
hausse de 50 %.
Jacques Roman
Chiang Mai (Thaïlande)
Gérard Tronel
Asnières (Hauts-de-Seine)
RECTIFICATIFS ET PRÉCISIONS
Théâtre. Il est inexact d’écrire,
à propos de la pièce L’Echange,
de Paul Claudel (Le Monde du
28 novembre), que c’est « la première pièce du poète ». Il fallait
lire : « la première grande pièce
du poète ».
En revanche, il est intervenu
dans celui de Lajasson, à Sireuil.
Il agissait pour le compte de
Vadim Varchavski, homme d’affaires russe qui est à la tête de
Russian Wine Trust. La citation
qui était attribuée dans l’article à
M. Roy concernait ce dernier.
Le cognac. Contrairement à
ce qui était indiqué dans notre
enquête « Le cognac à la sauce
russe » (Le Monde du 24 novembre), Charles-Henri Roy, du cabinet CMS bureau Francis-Lefebvre, à Moscou, n’est pas intervenu dans le rachat de la maison de
négoce A. de Fussigny, à Cognac
(Charente).
Photographie. La galerie
parisienne qui accueille les
œuvres de Guillaume Lemarchal
(Le Monde du 22 novembre) s’appelle Michèle Chomette (24, rue
Beaubourg, Paris 3e), et non
« Michelle ». On peut y voir, jusqu’au 20 janvier 2009, des clichés du photographe.

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