Cass. 2 civ., 12 sept. 2013, n° 12-26245 Alors qu

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Cass. 2 civ., 12 sept. 2013, n° 12-26245 Alors qu
ACTUASSURANCE – LA REVUE NUMERIQUE EN DROIT DES ASSURANCES
Publication n° 32 SEPT - OCT 2013
Cass. 2e civ., 12 sept. 2013, n° 12-26245
C. assur. art. L. 113-9 – Règle proportionnelle de primes fondée – Modalités d’application – Eléments de
calcul non fournis par l’assureur – Fixation du taux de primes par les juges (oui).
Alors qu'elle avait décidé que l'application de la règle proportionnelle était fondée en son
principe, la cour d’appel, en retenant qu’elle n'est pas en mesure de procéder à la mise en
œuvre de la réduction proportionnelle de l'indemnité, au motif que l’assureur ne fournit pas
les éléments de calcul précis de la prime, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations.
Obs. : Application de la règle proportionnelle de primes indépendamment de la carence de
l’assureur sur le taux de prime
Dans cette affaire, à la suite de la destruction d’un local commercial, le bailleur, assuré pour
compte par le contrat multirisque immeuble souscrit par le syndic, assigne l’assureur en
indemnisation de son préjudice. Les juges du fond estiment que le bailleur, ayant omis
d’informer l’assureur, en cours de contrat, de l’exploitation dans le local d'un bar à hôtesses et
de la fermeture administrative de l'établissement ayant entraîné la vacance des lieux loués,
peut se voir appliquer la règle proportionnelle de primes, prévue par l’article L. 113-9 du
Code des assurances, et dont l’application subsidiaire est demandée par l’assureur. Toutefois,
celui-ci ne fournissant pas les éléments de calcul de la prime pour ce type d’établissement
mais se contentant d’indiquer une réduction forfaitaire de 50%, la cour d’appel écarte
l’application de cette règle. L’assureur forme un pourvoi, accueilli par la Cour de cassation
qui censure la cour d’appel, pour avoir écarté la réduction de l’indemnité « en raison de la
carence de l'assureur », alors qu’elle avait retenu que « l'application de la règle
proportionnelle était fondée en son principe ». Au demeurant, la solution est tout à fait
fondée.
En effet, lorsqu’il y a omission non intentionnelle de risque, comme cela a été justement
retenu en l’espèce, les juges ne peuvent refuser de faire droit à la demande d’application de la
règle proportionnelle de prime (Cass. 1re civ., 27 nov. 1985, n° 84-13600), et ce au seul motif
que l’assureur ne parvient pas à indiquer quel taux précis doit être appliqué (CA Paris, 16
sept. 1998, RGDA 1999, p. 299, note J. Kullmann). Il y aurait alors confusion entre preuve et
prétention. Or, ce n’est pas parce que l’assureur ne parvient pas établir l’incidence de la
fausse déclaration sur le taux de prime que sa demande de réduction proportionnelle
d’indemnité doit être écartée.
Au contraire, il appartient au juge du fond « de déterminer en fait le montant de ces primes, et
par voie de conséquence, de fixer souverainement la réduction qui devait être apportée à
l’indemnité à raison des déclarations inexactes de l’assuré » (Cass. req., 28 mai 1937, RGAT
1937, p. 940, note Picard ; Cass. 3e civ., 17 avr. 2013, n° 12-14409). Ainsi, le juge, même en
l’absence d’indications par l’assureur sur le taux de prime (qui aurait été due si les risques
avaient été complètement et exactement déclarés), doit :
- fixer ce taux ;
- puis opérer la division (prime payée sur prime due) ;
- et, seulement ensuite, grâce au pourcentage obtenu, calculer la réduction et la somme
due par l’assureur (Cass. 1re civ., 1er déc. 1998, n° 96-21052).
Bien entendu, s’il estime que les données chiffrées, fournies par l’assureur, ne permettent pas
d’établir que celui-ci aurait demandé une prime plus élevée, le juge peut écarter la règle
proportionnelle de primes (Cass. 2e civ., 9 avr. 2009, n° 08-15867). C’est alors le problème de
l’incidence de la déclaration sur l’opinion du risque qui est en cause.
Dès lors, en l’espèce, comme le rappelle très clairement la haute juridiction, les juges ne
pouvaient écarter l’application de la règle proportionnelle de primes du fait de la carence de
l’assureur, mais devait eux-mêmes procéder à la fixation du taux de primes.
Sabine Abravanel-Jolly
L’arrêt :
Attendu, selon les arrêts attaqués, que, le 10 septembre 2004, un incendie a détruit le local commercial
exploité par la société Sora (la société) dans un immeuble que M. X... lui avait donné à bail, le contrat
de bail stipulant que les lieux devaient servir exclusivement à l'exploitation d'un commerce de bar-café
; que le sinistre a été déclaré à la société Axa France IARD (l'assureur) auprès de laquelle une police
multirisques avait été souscrite par la société Agence Villalonga, syndic de l'immeuble, pour le compte
du bailleur ; que l'assureur ayant dénié sa garantie en se prévalant de l'exploitation des lieux non
conforme aux risques déclarés, M. X... l'a assigné en indemnisation de son préjudice ; que, par arrêt du
13 septembre 2011, la cour d'appel d'Angers a jugé que si M. X... avait omis d'informer l'assureur, en
cours de contrat, de l'exploitation d'un bar à hôtesses et de la fermeture administrative de
l'établissement ayant entraîné la vacance des lieux loués, cette omission sur l'aggravation des risques
n'avait pas eu un caractère intentionnel et relevait de l'application de la règle proportionnelle prévue à
l'article L. 113-9 du code des assurances ; que la cour d'appel a enjoint à l'assureur de procéder au
calcul de l'indemnité d'assurance due au titre des travaux de remise en état des murs du local assuré, au
regard des tarifs qu'il pratique pour les locaux abritant des activités nocturnes de discothèque, bar
dansant et établissements assimilés au sens des conditions générales de son contrat, ainsi qu'aux
locaux vacants ; que l'affaire a été rappelée à l'audience du 7 mai 2012 ;
Attendu que le premier moyen dirigé contre l'arrêt du 13 septembre 2011 n'est pas de nature à
permettre l'admission du pourvoi ;
Mais, sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 113-9 du code des assurances ;
Attendu que pour débouter l'assureur de sa demande tendant à la réduction proportionnelle de
l'indemnité, l'arrêt du 19 juin 2012 énonce que l'assureur ne communique pas le montant des primes
d'assurance qu'elle sollicite pour les locaux abritant des activités nocturnes de discothèque ou bar
dansant et établissements assimilés ainsi qu'aux locaux vacants ; qu'il apparaît impossible que cet
assureur n'accepte pas de couvrir les risques de tels établissements au prétexte qu'il refuse de voir
figurer les bars à hôtesses parmi les établissements dont il accepte d'assurer les risques ; que le fait que
figure dans le contrat que le souscripteur a notamment déclaré que les biens immobiliers assurés ne
comportent ni de discothèque, dancing, boîte de nuit, sex-shop, piano-bar, bar avec piste de danse,
cabaret ou établissement de même nature ne signifie pas que l'assureur n'assure pas les établissements
visés dans l'arrêt ; que l'argument tiré de l'exercice d'une activité de proxénétisme n'est pas opérant
puisque la cour d'appel a déjà rappelé que l'aggravation du risque non déclaré ne tient pas en l'exercice
d'activités illicites de cet ordre mais de l'exploitation d'un bar à hôtesses dont les activités et les
horaires sont assimilables à ceux d'une discothèque ou d'un dancing ; que compte tenu du contrat
multirisques immeuble souscrit et non pas du contrat d'assurances multirisques habitation, il
appartenait à l'assureur de répondre à l'injonction de la cour d'appel de calculer le montant de la prime
qui eût été appelée pour l'immeuble en son entier en tenant compte du fait que celui-ci abritait un
établissement du type de celui visé au dispositif de l'arrêt puis de la vacance de ce local ; qu'au lieu de
cela, et de manière contradictoire, l'assureur propose à la cour d'appel de retenir une réduction de 50
% en faisant valoir que la cotisation due pour un bar à hôtesses aurait été du double ; qu'il est
certes possible de réduire de moitié du sinistre, par application de l'article L. 113-9 du code des
assurances, mais à la condition que des éléments d'appréciation soient fournis, un abattement
forfaitaire ne pouvant être admis ; qu'ainsi, en refusant de fournir à la cour d'appel des éléments de
calcul précis de la prime et en conséquence l'abattement qui doit être appliqué sur l'indemnité,
l'assureur ne démontre pas que les tarifs qu'il pratique pour assurer les établissements visés au
dispositif de l'arrêt sont différents de ceux qu'il a proposés dans le cadre de la convention
litigieuse ; qu'ainsi que l'a déjà jugé la Cour de cassation (1re Civ., 16 octobre 1990), si l'assureur n'a
pas demandé, même à titre subsidiaire au cas où le contrat d'assurances ne serait pas annulé, la
réduction proportionnelle de l'indemnité édictée à l'article L. 113-9 précité, la cour d'appel n'est pas
tenue d'opérer d'office une telle réduction ; que cette demande subsidiaire ayant été formulée par
l'assuré, la cour d'appel ayant jugé qu'il y avait lieu à réduction proportionnelle, ne peut que constater
qu'en raison de la carence de l'assureur, elle n'est pas en mesure de procéder à la mise en œuvre de
cette réduction ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait décidé que l'application de la règle proportionnelle était fondée
en son principe, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a
violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 13 septembre 2011 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Axa IARD à payer la somme
de 110 904 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2005 et en ce qu'il a ordonné la
capitalisation des intérêts, l'arrêt rendu le 19 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;
remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant
ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;