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Géographie et cultures
83 | 2012
Les espaces des masculinités
État de l’art
Géographies et masculinités
Geographies and masculinities: a review
Charlotte Prieur et Louis Dupont
Éditeur
L’Harmattan
Édition électronique
URL : http://gc.revues.org/2022
DOI : 10.4000/gc.2022
ISSN : 2267-6759
Édition imprimée
Date de publication : 1 novembre 2012
Pagination : 9-31
ISBN : 978-2-336-00471-6
ISSN : 1165-0354
Référence électronique
Charlotte Prieur et Louis Dupont, « État de l’art », Géographie et cultures [En ligne], 83 | 2012, mis en
ligne le 18 avril 2013, consulté le 01 octobre 2016. URL : http://gc.revues.org/2022 ; DOI : 10.4000/
gc.2022
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État de l’art
État de l’art
Géographies et masculinités
Geographies and masculinities: a review
Charlotte Prieur et Louis Dupont
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L’étude des masculinités est récente dans les sciences sociales. Elle l’est encore plus en
géographie. Ce constat ne remet cependant pas en cause sa pertinence. Sa généalogie
permet de tirer le fil qui est lié historiquement, épistémologiquement et politiquement à
l’ensemble de ce que l’on appelle aujourd’hui « la géographie des sexes, genres et
sexualités » (Duplan 2012, dans ce numéro). En cela, les men’s studies et l’étude de la
masculinité, puis des masculinités, partagent les débats et les enjeux qui traversent ces
thématiques et ces méthodologies de recherche. Ce texte à deux voix tente de répondre à
ces deux impératifs : montrer la singularité de la géographie des masculinités en lien avec
les postures et les positionnements scientifiques présents dans le domaine d’étude. Deux
voix qui nous obligent ici à utiliser le pronom pluriel « nous », mais aussi parfois à utiliser
plutôt le « je » en rapport avec l’expérience et les positions des deux chercheur.e.s.
Certes, notre positionnement scientifique nous rassemble : la géographie culturelle et
sociale, le tournant culturel, l’analyse critique et une capacité doublée d’une curiosité à
explorer la production anglo-américaine. Mais des divergences existent aussi, elles se
manifestent plus particulièrement par l’entrée dans la géographie des genres, sexes et
sexualités. L. Dupont a longuement étudié le post-modernisme et a une expérience
universitaire plus ancienne dans un programme de gender studies aux États-Unis. C. Prieur
s’ancre dans les géographies des genres, sexes et sexualités via les queer studies, plus
récentes. Deux regards, qui se croisent inévitablement, en éclairant différemment les
mêmes choses, ou non.
2
Sachant ainsi nos savoirs situés, il nous est apparu impossible d’écrire un article sur la
géographie des masculinités, même dans le cadre d’un état de l’art (appelé review dans la
production scientifique anglo-saxonne), en utilisant la forme habituelle. Plutôt, la forme
de cet article résulte d’un parti pris épistémologique, préalable des théories féministes et
queers, celui d’appliquer de manière concrète le respect des subjectivités et des
positionnements des deux auteur.e.s, donc sans chercher à obtenir un discours lisse et
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parfaitement cohérent. Ce texte montre également les interrogations des auteur.e.s, leurs
dialogues, pour ainsi dire la construction des savoirs en cours, sans chercher à la figer à
un moment donné. Il est un instantané des recherches sur les masculinités dans le champ
géographique.
3
Pour élaborer cet état de l’art sur la question des masculinités, nous avons procédé en
trois temps. Le premier fut de sélectionner 52 textes de la géographie anglo-américaine,
ou d’autres sciences sociales mais ayant une composante spatiale importante, sur le
thème des masculinités, mais aussi à partir des mots-clés : hétéronormativité, masculinité
hégémonique, gender relations, etc. Les textes proviennent des grandes revues de la
géographie anglo-américaine et des revues spécialisées sur le genre, le sexe et les
sexualités, dont The journal of men’s studies et, en géographie, Gender, place and culture. À
cette liste se sont ajoutés les textes plus récents de la géographie francophone sur le sujet.
Nous nous sommes partagés ces textes de manière aléatoire1. L’analyse des textes
s’effectua dans un deuxième temps. Nous avons convenu de relever, les cas à l’étude, la
méthodologie, les concepts, les références théoriques, les positionnements
épistémologiques, le cas échéant les enjeux et les débats. Il va de soi que les articles ne
contiennent pas tous ces éléments, mais nous avons pensé que cette méthode permettait
de dresser un portrait synthétique des recherches en cours. Enfin, nous avons convenu de
traiter séparément les textes que nous avions, posant tout de même qu’un retour sur le
regard de l’une et de l’autre était possible en guise de conclusion.
Masculinités et gender studies (Louis Dupont)
4
La présentation puis l’analyse des textes qui m’ont été impartis ne va pas sans dire un mot
sur un regard formé par la singularité de mon expérience, comme géographe et comme
chercheur, mais aussi comme personne de sexe masculin, confrontée à l’introduction de
la masculinité dans le savoir, dans l’université et même dans la classe. Le chercheur
masculin n’ayant traditionnellement en science ni corps ni voix, sauf celle de
l’universalité et du général, la réflexivité s’impose à lui comme première étape de la
production de connaissance sur les masculinités. Je dirais même que l’étude de la
masculinité ne commence, pour le chercheur de sexe masculin (hétérosexuel, mais aussi
homosexuel), qu’avec le dévoilement de cette évidence, expression limpide du pouvoir
dans les rapports de sexe et de genre2. Cette réalisation a été pour moi marquante.
5
Il est commun dans la production scientifique des sciences sociales anglo-américaines de
retracer l’intérêt pour la masculinité dans les travaux des sociologues Bob Connell (1985 ;
1987), « Theorising gender » dans la revue Sociology et Gender and power : society, the person
and sexual politics, ainsi que dans l’ouvrage collectif dirigé par Tim Carrigan et de John Lee
(1987), Toward a new sociology of masculinity. Avant la parution de ces ouvrages, la
masculinité était conçue comme un attribut (essentialiste) lié au corps masculin ; les
travaux portaient sur les sex roles, dont dérivent par exemple la mesure de la répartition
des « tâches ménagères », un indice qu’utilise l’INSEE pour montrer, semble-t-il,
« l’évolution » des relations entre les sexes. Carrigan affirmait au contraire que : « ... le
point de départ pour une compréhension de la masculinité, autre que biologique et
subjective, doit être l’implication des hommes dans ce qui constitue l’ordre des genres » 3.
Le britannique Peter Jackson (1991) va adopter ce paradigme dans The cultural politics of
masculinity : towards a social geography, qui peut être considéré comme le premier texte sur
le thème de la masculinité en géographie.
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J’ai été associé en 1993 à la création d’un gender studies à la St. Lawrence University (NY).
Avec la première directrice du programme d’études sur le genre, j’ai donné un séminaire
de licence intitulé : « Men and their worlds »4 . La problématique adoptée était culturelle et
politique, avec l’idée d’examiner la construction de la masculinité par rapport à la
féminité, en explorant différentes formes de masculinité, plus spécialement le rapport
hétérosexuel/homosexuel. Les sujets abordés : le rapport sexe/genre, les rapports
homme/femme, masculinité et homosexualité (masculine), la pornographie, la paternité,
le genre comme savoir et le genre dans la production du savoir. À cette époque, les
ouvrages sur la masculinité commençaient à paraître dans plusieurs disciplines. Quatre
d’entre eux, tous lectures obligatoires, peuvent encore être considérés comme des
fondamentaux. Le premier est Engendering men (Boone et Cadden, 1990), dont le titre joue
sur l’idée d’engendrer ou plus littéralement de « donner un genre aux hommes », un sens,
une voix, de manière à contrer la perception et la conception que le genre est une
préoccupation uniquement féminine ou féministe. Le deuxième est Slow motion, changing
masculinities, changing men, de la féministe américaine Lynne Segal (1990). Pour elle, la
masculinité ne peut se définir que par ses formes d’expression : « le dur à cuire (tough guy
) », « le spartiate », « le gay efféminé », « le black macho », « l’anti sexiste », « l’homme
rose (le féministe) », etc. Une description et une analyse fines de la faune masculine
urbaine à compléter et à actualiser suivant les contextes. Dans le troisième, Manhood in the
making. Cultural concepts of masculinity, l’anthropologue David D. Gilmore (1990) se penche
sur les variantes culturelles et sociales de la masculinité dans différentes régions du
monde5. Enfin, en géographie, un incontournable, Feminism and geography : the limits of
geographic knowledge de Gillian Rose (1993), qui traite du masculinisme et de la
masculinité, en soi, mais davantage en géographie et chez les géographes. Sa charge est
virulente à l’égard de la géographie sociale, issue aux États-Unis de la géographie
radicale, marxisante sinon marxiste, qui considérait certes le féminisme et la « question
des femmes », accessoirement du genre, comme importants, mais néanmoins
subordonnés aux rapports de classes. Elle s’en prend au pouvoir de hiérarchiser les
combats ou encore de décider ce qui est scientifique (ou géographique).
Masculinisme et masculinité hégémonique
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Sans surprise, plusieurs textes comportent une critique de la « géographie masculiniste ».
Trois articles portent directement sur le sujet : Berg, 2001 ; Longhurst, 2000 ; Berg et
Longhurst, 2003. Inspirée de G. Rose, l’idée défendue est qu’il ne saurait y avoir d’étude de
la masculinité en géographie sans une critique préalable du discours masculiniste qui
traverse, sinon domine, la discipline :
Le masculinisme se manifeste non seulement dans les sujets choisis par les
géographes, dans le choix du cadre conceptuel, dans la prétention épistémologique
à une connaissance exhaustive, mais aussi dans les séminaires, les conférences,
dans les salles des professeurs, au cours des auditions. 6
8
Qui produit le savoir géographique et comment ? Qui le régule et de quelle façon ? En fait,
ce que l’on peut dire, les endroits où on peut le dire, la manière avec laquelle il faut le
dire, sont révélateurs du contrôle normatif et des relations de pouvoir qui sous-tendent
les discours et les pratiques géographiques (y compris, pourrais-je rajouter, à l’intérieur
même de la géographie du sexe, genre et sexualité !). Pour Connell et Messerschmidt
(2005) l’analyse doit commencer par une reconsidération du concept de masculinité
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hégémonique. Dans l’ombre portée de la critique féministe, ce concept est, avec la
critique du masculinisme, au point de départ de l’étude de la masculinité et des men’s
studies :
« La masculinité hégémonique n’a jamais été considérée comme allant de soi d’un
point de vue statistique, car seule une minorité d’hommes peuvent s’en réclamer.
Mais elle est sans aucun doute normative. Elle incarne la forme la plus vénérée de
ce que doit être un homme, elle impose à tous les autres hommes de se positionner
par rapport à elle et elle légitime idéologiquement la subordination totale des
femmes aux hommes ».7
9
Souvent confondu avec le patriarcat, ce concept permet de prendre la mesure du pouvoir
normatif de la masculinité dominante, tant sur les hommes que sur les femmes. Il est au
cœur du gender order. Il jette cependant dans l’ombre la subjectivité et les stratégies
déployées par les hommes – et les femmes bien sûr – pour s’y conformer ou s’y opposer,
en diverses situations, dans divers lieux. Le positionnement théorique est que les lieux («
places ») n’ont d’existence que parce que des corps y habitent, les occupent, les
traversent, dans des contextes et une temporalité propres (Bell et al., 2001 ; Barthe, 2009).
Ce positionnement favorise la production d’études focalisant sur les lieux et les espaces
de déploiement des différentes formes de masculinité. Il s’agit d’une des premières
avancées des men’s studies. De nouveaux concepts sont proposés, ils tiennent compte des
contextes géographiques, des situations « genrées » et des stratégies : defensive
masculinities (Gough, 2004), inclusive masculinity (Anderson, 2009), dominated masculinities
et peripheral masculinities (Gordon, 2002).
Étude des masculinities : analyses de situations
10
Près de la moitié des textes (10) analysés peuvent être placés dans la catégorie appelée
communément « analyse de cas ». Cette catégorie fait d’ailleurs l’objet de vives critiques.
Est dénoncée toute idée de hiérarchisation entre des recherches focalisant sur le monde
anglo-américain, auxquelles on attribuerait une portée universelle (c’est-à-dire
« théorique »), et celles portant sur d’autres régions ou groupes, auxquels on collerait
l’étiquette « locales », équivalent d’analyse de cas (Berg, 2002). Quoi qu’il en soit, les
recherches portent soit sur des lieux ou des espaces (monde rural/monde urbain), soit sur
des groupes (les jeunes, les « Noirs », les gays), soit sur des évènements ou activités,
souvent le sport (surf, basketball, football). Même si la trame demeure les rapports de
genre et l’hétéronormativité, l’on focalise sur la performance de la masculinité et sur les
différentes expériences du masculin par rapport à la masculinité hégémonique.
11
L’analyste est d’abord surpris de voir la géographie des masculinités reproduire la
dichotomie rural/urbain, fortement remise en cause par ailleurs. Cela se comprend
toutefois par rapport au positionnement théorique de l’étude des masculinités et à la mise
en garde sur la valeur différenciée des recherches que l’on vient d’évoquer. La
masculinité est situationnelle, son savoir aussi. Par ailleurs, les recherches dans le milieu
rural recoupent un intérêt pour le genre et la ruralité de la part des sociologues, ce dont
fait état l’article de Little et Panelli (2003), « Gender research in rural geography ». Du
reste, des pays semblent plus propices à ce type de recherches : la Nouvelle-Zélande
(Morin et al., 2001), l’Irlande (Ni Laoire, 2002), l’Australie (Liepins, 2000), auxquels
j’ajouterais le Montana, entre plaine et montagne, que nous présente dans un court texte
éloquent Alex J. Tuss (2006), « Brokeback mountain and the geography of desire ».
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Sans parler de hiérarchie, l’on peut parler de variations régionales. Une analyse plus
exhaustive serait nécessaire, mais force est de constater que les situations à l’étude aux
États-Unis et en Grande-Bretagne concernent davantage le monde urbain et portent sur
les African American (Gordon 2002 ; Atencio, 2008 ; Richardson, 2005), les adolescents
(Korobov, 2005) et les homosexuels (Bird, 1996 ; Knop, 1998). Enfin, les bibliographies de
ces articles indiquent un intérêt pour d’autres groupes : les militaires, la classe ouvrière,
la classe moyenne. Et d’autres situations : la banlieue (américaine), les lieux de la
prostitution (dont les hôtels), les lieux de travail, l’éducation (Kahn, Brett et Holmes
2011), mais aussi le sport et les salles de sport, les gymnases, les bars. En fait, ville, sport
et masculinités sont souvent associés (Evers, 2009 ; Atencio, 2008 ; Martin, 2006). La
télévision et la presse masculine font aussi l’objet d’analyses (Jackson et al., 1999).
Perspectives théoriques, concepts, et méthodes
13
Comme c’est le cas pour l’ensemble de la géographie des genres, sexes et sexualités,
l’étude des masculinités comporte une part importante de travaux théoriques. Si, comme
je l’ai évoqué, le féminisme a été important au point de départ, l’étude de la masculinité a
pu se créer une certaine singularité avec un positionnement théorique, des concepts
adaptés et des analyses de situations. Les travaux plus récents vont dans le sens d’une
contribution à la réflexion générale sur les questions de genre, sexe et sexualité. Des
thèmes particuliers continuent cependant d’être privilégiés.
14
La queer theory et l’intersectionnalité enrichissent la compréhension des masculinités, en
termes d’identité, genrée et sexuelle, et sur les rapports de pouvoir dus à
l’hétéronormativité et la masculinité hégémonique. Le texte de Petra L. Doana (2010), «
The tyranny of gendered spaces : reflections from beyond the gender dichotomy », est un bon
exemple :
« Cet article défend de façon critique l’idée que le système binaire normatif des
genres est vécue comme une sorte de tyrannie autant par ceux et celles qui les
transgressent dans leur vie quotidienne, que par ceux et celles qui vivent sous cette
contrainte… Utilisant des références tirées des travaux réalisés dans une
perspective queer, mais en se basant aussi sur l’expérience personnelle de cette
tyrannie par l’auteur, cet article explore ces conséquences à partir d’un continuum
d’espaces publics et privés tels les stationnements, les toilettes publiques, les
centres commerciaux, les lieux de travail, ainsi qu’à la maison ». 8
15
Dans un autre article, « Epistemological perspectives on concepts of gender and
masculinity/masculinities », Jean-François Roussel et Christian Downs (2007)
s’interrogent sur le dualisme à l’origine des men’s studies et ses conséquences sur la
production de la connaissance sur les masculinités. Plus précisément, quelle signification
particulière prend le concept de masculinité/masculinités dans le discours pratique des
chercheurs de sexe masculin, sachant que cette pratique a été à l’origine développée dans
le contexte du féminisme ? Question pertinente en ce qui me concerne, car elle interpelle
ma propre expérience des gender studies et de l’étude des masculinités. Pour ces auteurs,
le féminisme a amené les femmes à dénoncer la naturalisation de toute identité, enfermée
dans le corps et ses fonctions. À leur avis, les chercheurs de sexe masculin ont suivi la
même démarche :
« On doit admettre que la position subjective des théoriciens appelle une stratégie
correspondante, qui est de considérer comme ’objet’ ces dimensions de l’expérience
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peu prises en compte dans les théories masculines : le corps, ses ressentis et ses
émotions »9.
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Une partie de la production se réclamant des men’s studies leur donne raison. Je prends
pour exemple deux textes lus pour cet exercice. Dans le premier, « Masculinity, emotion
and subjectivity : introduction », Mark Peel, Barbara Caine et Christina Twomey (2007) se
demandent ce que les hommes écrivent quand on leur demande de parler de leur
expérience de la masculinité. Le second se penche sur l’intimité : « Male perceptions of
intimacy : A qualitative study », par Shawn Patrick et John Beckenbach (2009). Ces
recherches, comme d’autres dans le domaine, s’appuient sur une grande variété de
méthodes qualitatives. Dans l’étude des masculinités, l’emphase est mise sur la parole et
le récit des expériences.
17
Le texte de J.-F. Roussel et de C. Down pose, il me semble, une question importante sur le
rapport dialectique existant entre la connaissance de la réalité et la réalité. La réalité de
nos sociétés apparaît effectivement comme un enchevêtrement de polarités et de
dualismes, de dichotomie et d’oppositions binaires, notamment quand il s’agit du genre,
du sexe et des sexualités. Autre dilemme, la connaissance se trouve dans la situation
d’explorer chaque partie en rapport à l’autre ou de les dépasser, alors même que le
dépassement présuppose l’existence de dualismes. N’est-ce pas ce à quoi tente de
répondre la théorie queer ?
Lieux de création de masculinités alternatives
(Charlotte Prieur)
18
La proposition de travailler avec Louis Dupont sur cet article m’a tout de suite intéressée
pour la simple et bonne raison que je travaille sur la fluidité des genres et la remise en
cause de leur dichotomie trop souvent essentialisée dans les sciences sociales. Ainsi, je
voyais l’intérêt du pluriel des masculinités non seulement en tant que contestation d’un
modèle normatif posant cette dichotomie mais aussi pour montrer qu’au-delà des men’s
studies, ce sujet des masculinités appelait les queer studies et les trans studies qui prennent
en compte la prolifération des genres. J’ai immédiatement pensé aux ouvrages références
dans ce domaine : Female masculinity (Halberstam, 1999) et Masculinity without men (Noble,
2004).
19
Plus précisément, je ne voulais pas qu’on oublie, comme on le fait souvent, les tenant.e.s
de masculinités alternatives : les masculinités féminines, les féminités masculines, les
queers et les trans FtoM et MtoF10, les drag queens et les drag kings11. Je ne voulais pas qu’on
oublie tous ces entre-deux qui, en s’immisçant entre les pôles masculin et féminin, les
déstabilisent, les déconstruisent et nous permettent d’avoir un regard critique sur les
normes de genres et de sexualités. J’ai en somme pris le parti de transmettre la parole des
minorités refusant ce système de conformité sexe/genre.
20
Quel rapport avec la géographie ? Plusieurs géographes anglo-saxons s’intéressent à la
fois à ces thématiques de prolifération des masculinités mais aussi aux groupes culturels
que constituent les queer (il y a plusieurs mouvances queers) et les trans. Cette partie du
champ des géographies des genres, sexes et sexualités commence à éclore en France. La
notion de prolifération des genres et ce qu’on appelle la queer theory sont présentes dans
plus de la moitié des textes que j’ai étudiés pour cet article, de même que la référence
directe à Judith Butler (1990). Pour analyser ces masculinités alternatives, je montrerai
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dans une perspective intersectionnelle qu’elles sont toujours situées dans un contexte
culturel, social, politique et économique. Puis, je m’intéresserai à la renégociation des
identifications au masculin dans l’espace.
Des masculinités non hégémoniques
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Les masculinités, quelles qu’elles soient, sont toujours relatives et situées. Elles ne se
construisent pas seulement relativement aux féminités. Il existe aussi des masculinités
compétitives qui se structurent dans des relations de domination et les rapports de
pouvoir entre hommes. Fox (2004) présente très bien différents espaces d’entre-soi qui
s’opposent, allant d’hommes pro-féministes aux tenants de l’oppression masculine par les
femmes (Men’s Right). Les masculinités alternatives se situent dans un premier temps par
rapport à la masculinité hégémonique. Ainsi, P. Meth et K. McClymont (2009) dans leur
article méthodologique expliquent, en s’appuyant sur les travaux de R. Connell (2005),
que les relations de marginalisation sont celles d’hommes dont l’identité de genre va de
pair avec leurs positions sociale et ethnique minoritaires. Les textes du corpus expriment
la multiplicité des masculinités alternatives. Elles peuvent être subordonnées (Connell
2005 ; Gorman-Murray 2008 ; Meth et McClymont 2009) ou marginalisées (GormanMurray 2008). Qu’elles soient subordonnées, complices ou marginales, elles croisent des
positions différentes en termes de classe, de race, de sexualité... Elles forment des espaces
où se développent des masculinités intersectionnelles (Hopkins et Noble, 2009).
22
S’il existe plusieurs types de masculinités, cela montre que la masculinité n’est pas une
essence biologique mais bien une construction sociale et culturelle. Elle relève alors de
performances, de normes et de codes sociaux (Butler, 1990). Plus de la moitié des textes
insistent sur cette notion de performance et de la répétition de cette performance,
nommée performativité, pour expliquer la normalisation d’une masculinité hégémonique
mais aussi la catégorisation et l’exclusion de masculinités alternatives non-normatives.
Or, ces masculinités alternatives sont aussi situées dans l’espace.
Des espaces intersectionnels
23
Kimberlé Crenshaw, à laquelle font référence certains textes du corpus, a mis au jour la
complexité des positions des individus et des groupes au sein de la société et a proposé le
concept d’intersectionnalité. Appartenant aux courants de la critical race theory et du Black
feminism, elle a montré que l’appartenance ethnique et la position sociale sont des
éléments tout aussi importants que le genre mais elle a surtout montré leur imbrication
(Crenshaw, 1991). L’intérêt d’étudier les marges est d’éclairer la norme. Les normes
spatiales ne sont pas en reste. Ainsi, le déplacement des corps déviants dans l’espace
comme les corps queers, de couleur, des handicapés, des ouvriers ou des femmes : « ...
menaçant la construction de la “nation” comme entité monolithique et dépositaire spatial
unique d’une masculinité blanche, hétérosexuelle, “valide” et bourgeoise »12. Un biais est
en effet soulevé par de nombreux textes : le regard du chercheur trop ethno-centré blanc
européen ou américain (USA) qui fait oublier les autres masculinités. Dans un compterendu de lecture de Cultures of masculinity (Edwards, 2006), Eran Shor (2006) critique le
positionnement de l’auteur: Although the book is ambitiously titled « Cultures of
masculinity », it talks in fact of only two similar cultures: Britain and North-America
(p. 235).
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De la même manière, certains géographes s’opposent dans leur conception des études de
genres et de sexualités, comme plus ou moins séparées des autres composantes des
géographies culturelles et sociales : Lynda Johnston (2008) explique par exemple l’apport
de Lawrence Berg et Robyn Longhurst aux géographies des genres et des sexualités de la
manière suivante :
« … [ils] enregistrent par la suite un changement substantiel d’une focalisation sur
les hommes aux masculinités et, à partir de là, sur les relations mutuellement
constitutives entre les masculinités et les autres vecteurs d’identité comme la
classe, le handicap, l’appartenance ethnique, le lieu de vie, et la sexualité ». 13
Classe, race et immigration
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Dans plusieurs textes, au moins deux de ces trois éléments sont liés. Tous les textes qui
expriment la position sociale des groupes étudiés la lient directement avec leur position
de minorités ethniques dans les espaces étudiés (McDowell, 2004 ; Sayman, 2007, Datta et
al., 2009 ; Farough, 2004). L’importance de l’appartenance culturelle et ethnique n’est plus
à démontrer en géographie mais elle peut être désormais de nouveau étudiée par la
manière dont le rapport au genre de la culture en question intervient dans la fabrication
des espaces et dans la détermination de lieux d’appartenance. Mais on peut aussi
s’intéresser à la manière dont les formes d’entre-soi culturels et ethniques minoritaires
sont perçus et représentés par la population majoritaire. En étudiant la minorité turque
en Allemagne, Ehrkamp montre par exemple que l’espace dit public est en fait marqué
par la culture dominante blanche et allemande. Le risque d’utiliser cet espace public en y
revendiquant une culture minoritaire est de racialiser les représentations extérieures qui
découlent de leur visibilité (Ehrkamp, 2008).
Âge(s) et apparence corporelle
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La dimension ethnique dans l’appréhension géographique des masculinités n’est pas
suffisante car elle ne recouvre pas toujours la complexité des situations. Sept articles du
corpus prennent l’âge comme une des variables importantes de leur étude qu’il s’agisse
de la jeunesse ou plus rarement de la vieillesse :
« De plus, si l’âge est vu comme une catégorie socialement construite plus que
comme une variable indépendante, le rôle de l’espace et des lieux devient très
important pour les gens qui y auront différents accès et différentes expériences
selon leur âge ; et les espaces qui sont associés avec certains groupes d’âge
particulier influenceront leurs usages. Cela signifie aussi que les personnes peuvent
activement créer et résister à certaines identités basées sur une appartenance à une
tranche d’âge à travers leurs usages des lieux et espaces » (Pain et al., 2001, p. 151). 14
27
Les masculinités des jeunes sont étudiées de manières différentes par plusieurs auteurs.
Hopkins (2007) montre l’intérêt des expériences, identités et pratiques de jeunes hommes
croyants issus de minorités ethniques en passant en revue les travaux sur le sujet et en
montrant l’originalité de ce champ :
« En s’intéressant à une population jeune dont les voix sont habituellement tues,
souvent non entendues, et la plupart du temps déformées, les géographes sont
idéalement placés pour comprendre, apprécier et explorer les voies par lesquels les
masculinités des jeunes sont médiatisées et comment elles interagissent avec la
dimension ethnique et la religion » (Hopkins, 2007, p. 174). 15
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Linda McDowell a quant à elle réfléchi à la situation des jeunes issus de minorités
ethniques de classes populaires face à leur insertion sur le marché du travail. Elle justifie
la prise en compte non seulement de la position sociale et culturelle ou ethnique mais
aussi de l’âge de la population étudiée. Elle s’intéresse notamment à la ségrégation
résidentielle subie par cette population et les politiques des différentes échelles de la
gouvernance (ville, collectivités territoriales et État) pour combattre ces inégalités sociospatiales (McDowell, 2002 et 2004).
29
Jane Kenway et Anna Hickey Moody (2009) explorent les liens entre les loisirs masculins,
les lieux et l’espace. Leur théorie postule que la pratique de loisirs et la fréquentation des
lieux où ils se pratiquent est plus ou moins valorisée parce qu’elle s’inscrit dans un
système de genre que ces pratiques confortent, subvertissent ou transgressent. La
masculinité sacro-sainte, ou hégémonique, est représentée par le rapport des jeunes aux
véhicules motorisés dans l’espace public, la masculinité subversive est associée à la
pratique du skate-board. Enfin la masculinité méprisée est associée à la pratique de la
musique et de l’informatique.
30
On peut noter que les travaux d’Yves Raibaud (2012) vont à l’encontre de la vision de ces
auteurs qui présentent le skate-board comme une activité qui remet en cause
l’institutionnalisation du sport. Cependant, la mise en place d’équipements comme des
skates-parcs a montré qu’il s’agissait de lieux construisant une identité masculine plutôt
hégémonique. Yves Raibaud s’est également intéressé aux nouveaux modèles de
masculinité en étudiant les salles de concert de musiques actuelles (Raibaud 2011). Enfin,
quelques textes s’intéressent à l’éducation des jeunes hommes et leur place au sein de
l’université (Sayman, 2007 ; Smith 2004), dans un contexte où le ratio homme/femme
tourne à l’avantage des femmes (il est de 2 :1 chez les African American). Les rapports entre
genre, ethnicité et classe sont incontournables pour comprendre ce phénomène et plus
généralement les taux de réussite différentiés.
31
Dans ce corpus de texte, j’ai cependant remarqué la quasi-absence de questionnement du
vieillissement des hommes. Cette question semble avoir toute sa légitimité aussi bien
dans l’étude des lieux et cercles de pouvoirs que dans le cadre de l’étude de masculinités
des classes populaires. Où ces masculinités vieillissantes s’expriment-elles ? De la même
manière existe-t-il des lieux intergénérationnels où les masculinités jeunes et moins
jeunes pourraient se retrouver ? Sur ce thème, un seul texte prend pour cas des hommes
d’âge mûrs (environ 40 ans), mais l’entrée principale se fait par le rapport au corps dans
la communauté « bear » (Flanders et Gough, 2009)16. Les auteurs réfléchissent au rapport
au corps et plus précisément à l’obésité très présente dans cette sous-culture
homosexuelle qui a ses lieux de rencontre propres. Alors que les sociétés occidentales
combattent de plus en plus violemment le surpoids et l’obésité, cet article montre
comment les bears créent :
« ... un environnement où “être gros” est célébré plutôt que décrié et rejeté » 17.
32
Cette dernière problématique du rapport au corps nous mène directement à une autre
question cruciale. Après avoir étudié les masculinités alternatives d’hommes se
considérant comme tels, il est important de s’intéresser à l’obsolescence du système de
conformité sexe/genre qui produit de nouvelles formes de lieux réceptacles de nouvelles
formes d’identifications interstitielles : ni totalement masculines, ni totalement
féminines, peut-être même ni l’une ni l’autre. Les identifications individuelles mais aussi
collectives sont sans cesse renégociées.
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État de l’art
Renégociation des identités et identifications genrées
Une prolifération des masculinités
33
Après avoir montré le fait que les masculinités étaient toujours situées culturellement et
socialement et que tous les hommes ne souhaitent pas se conformer à la masculinité
hégémonique, il est important de montrer comment les femmes et d’autres catégories de
personnes déviant de la norme, notamment les homosexuel.le.s et les trans se
réapproprient des pratiques masculines et créent des lieux où les normes genrées et
sexuelles sont subverties et/ou transgressées.
34
Les deux tiers des textes lus dans le cadre de cet état de l’art font référence à la
performance de la masculinité, notamment à la performance de la masculinité
hégémonique qui n’est en fait elle-même comme le montre Butler (1990) qu’une copie
sans original. Si les auteurs utilisent cette référence à la queer theory pour justifier la
multiplication de masculinités alternatives créées par des hommes, les études récentes
sur les lieux queers et trans permettent de voir que la subversion des genres et des
sexualités dépasse ce cadre.
35
Les masculinités féminines ou les féminités masculines sont très mal perçues dans les
sociétés. Il est dangereux d’affirmer de manière visible une forme de masculinité
féminine dans l’espace public parce que cette sortie du placard du genre suscite des
réactions de rejet relevant du contrôle social. La figure de la camionneuse, de la « butch »
(lesbienne masculine) est moquée de manière générale mais cela peut aller plus loin
(injures, violences, viols correctifs18), comme le montre Yves Raibaud (2011) à travers sa
géographie de l’homophobie. Il en va de même pour les hommes dits efféminés qui sont
en difficulté non seulement dans les milieux hétérosexuels mais aussi dans le milieu gay
homonormé (Prieur, 2012). Ces individus ont alors créé des lieux d’entre-soi protecteurs,
des hétérotopies, où les normes de genres sont inversées ou effacées et où il leur est
possible de vivre leurs rapports complexes aux genres et aux sexualités (Prieur, 2011).
Masculinités : lieux queer et lieux trans
36
Kath Browne (2006) et Catherine Nash (2010) sont les deux géographes qui ont commencé
à questionner les champs des géographies des genres et des sexualités en remettant en
cause les études homonormées sur les sexualités gay et lesbiennes qui ont eu tendance à
essentialiser de nouveau les sexes et les genres. Elles ont montré que d’autres lieux se
dessinent où sont transgressées à la fois les normes hétérosexuelles de sexualité mais
aussi les normes de genres communes aux milieux hétérosexuel, gay et lesbien. Le
développement de ces lieux a permis aux queers et trans de subvertir ou transgresser ces
impératifs normatifs. En fait, ces personnes :
« … brouillent et remettent en cause cette binarité hégémonique normative. Ne pas
le faire équivaut à laisser la carte des genres être dessinée sans détour comme un
postulat sur une conception des sexes et des genres, de leurs rôles et leurs relations,
ancrée sans remise en question dans les dichotomies femme/homme et male/female.
(Brown, Nash et Hines, 2010, p. 573).19
37
De quels lieux parle-t-on ? Il peut s’agir de lieux de convivialité, de lieux associatifs, de
lieux de consommation sexuelle. Leur particularité est d’être très souvent éphémère et de
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se dissoudre pour ainsi dire dans la ville. Ils sont ainsi très peu visibles, contrairement
aux territoires gays, très visibles, dont le quartier du Marais est l’archétype. Qui trouve-ton dans ces lieux ? Des personnes qui ne se sentent pas appartenir à un des deux genres
imposés par la norme sociale et culturelle ou ceux qui veulent en changer, de manière
plus ou moins visibles, en transformant plus ou moins leur corps et leur apparence : des
queers, des transgenres, des transsexuel.le.s. Mais, on trouve aussi dans ces lieux des
personnes qui souhaitent jouer avec ces codes genrés pour une heure ou une soirée : des
drag queens, des drag kings, des travestis, des performeur.euse.s, des artistes qui
déconstruisent les normes de genre et de sexualité ainsi que des personnes refusant la
norme consumériste de certains milieux gay et lesbiens.
38
Pour les auteures (Brown, Nash, Hines 2010), les géographies trans déstabilisent la
conceptualisation occidentale des liens entre les corps sexués, les sexualités, les normes
de genre, les rôles sociaux genrés et les vies des individus que véhiculait la conformité
sexe-genre homme masculin/ femme féminine. Les géographies trans remettent
également le corps et les corporéités, comme micro-espaces, au centre du
questionnement sur les genres, les sexes et les sexualités.
39
Ces nouvelles questions en posent d’autres. Comment faire cette géographie ? Kath
Browne et Catherine Nash (2010) ont coordonné un ouvrage sur les méthodologies queers
qui prône une prolifération des méthodes de recherche, une attitude de flibustier. Les
chercheur.e.s doivent toujours tenter de s’adapter au mieux à la population étudiée, en
faisant preuve d’empathie, en ayant une posture réflexive face aux personnes avec qui
ils/elles doivent co-construire leur recherche, et non imposer leurs vues ou leurs idées
préconçues.
Conclusion à deux voix
40
Cet état de l’art nous inspire quelques réflexions. Trois points ont attiré notre attention.
Le premier est qu’à l’origine l’étude des masculinités reposait sur une double nécessité :
celle d’entendre la parole des hommes et de se pencher sur leurs pratiques. Injonction des
femmes et du féminisme : l’on ne peut entreprendre le dialogue entre les genres si l’un
d’eux ne se manifeste pas. Masculinisme et masculinité hégémonique furent les deux
premiers concepts phares. Ils renvoient au rapport de domination homme/ femme et
masculin/féminin, mais aussi, dans la masculinité elle-même, au rapport hétérosexuel/
homosexuel. Il nous aura peut-être manqué du reste des textes plus en phase avec les gay
studies, qui expriment et critiquent une forme de masculinité. Deuxième point, si les
rapports de pouvoir qu’induisent le masculinisme et la masculinité hégémonique n’ont
pas disparu, force est de constater que les catégories et les prescriptions ont été
déconstruites. L’étude des masculinités, comme celle des études gay et lesbiennes, est
aujourd’hui de plain-pied dans le champ plus large des études sur « les sexes, genres et
sexualités ». Ceci explique que la tendance actuelle soit à l’exploration des différentes
manières d’être un homme (et une femme) et de le faire en s’appropriant des espaces et
en performant dans divers lieux. La production scientifique française mais surtout anglosaxonne indique clairement une volonté de croiser les thématiques de genre avec d’autres
dimensions sociales et culturelles. Troisième point, la géographie, il nous semble,
contribue substantiellement à l’étude des genres, sexes et sexualités, par son entrée
spatiale. Comme le dit si bien Francine Barthe (2009), il n’y a pas de lieux sans corps, ce
dernier est même la première échelle de l’étude géographique. Ces corps ont des
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État de l’art
caractéristiques physiques et des qualités sociales et culturelles dont le sens vient du
système social, mais dont l’interaction produit et reproduit le social dans des lieux et des
situations, des mises en scène et des performances. Mais ce travail, et c’est ici la position
des auteurs de ce texte, ne peut se faire, d’une façon générale, en faisant l’économie de la
réflexivité, comme méthode, c’est-à-dire comme questionnement sur la production du
savoir géographique.
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NOTES
1. À l’exception des textes affichant expressément une orientation ou une référence au queer, qui
ont été donnés logiquement à C. Prieur dont le travail de thèse en cours porte et s’appuie sur le
mouvement et la théorie queer.
2. Le phénomène des men’s groups est sur ce point révélateur. Confrontés à la nécessité de revoir
« leur genre », remis en question par les féministes, des groupes d’hommes vont se former pour
discuter de leur masculinité, en circuit fermé, comme un week-end dans les bois. Si pour certains
il s’agit de renouer avec ses émotions, son corps, de discuter de son rapport aux femmes et à la
masculinité hégémonique, pour d’autres l’objectif est plutôt de renouer avec les « vraies »
valeurs masculines, en somme de redonner voix à une position « masculiniste ». Le Iron John, de
Robert Bly (1990) et le Fire in the belly. On being a man, de Sam Keen (1991).
3. « … the starting point for any understanding of masculinity that is not simply biologistic or
subjective must be men’s involvement in the social relations that constitute the gender order »
(p. 89).
4. Valerie Lehr, aujourd’hui Vice President of the University and Dean of Academic Affairs (http://
www.stlawu.edu/news/bios/node/48). Elle a publié Queer family values chez Temple University
Press, 1999, elle travaille sur le féminisme et les LGBT. Elle donne des cours dans le département
de sciences politiques et dans le gender studies.
5. Donner un cours sur le genre comme système de relations comprenant un rapport de
domination est l’équivalent d’être en classe constamment sur le front, tant il est difficile de
séparer la réalité des rapports de sexe et de genre des étudiant.e.s (18 également réparti.e.s) de
celle que ces ouvrages abordent. Voir : Van Hoven, 2009 et Holloway et al., 2000.
6. Masculinism can be seen at work not only in the choice of topics made by geographers, not
only in their conceptual apparatus, not only in their epistemological claim to exhaustive
knowledge, but also in seminars, in conferences, in common rooms, in job interviews (Rose, 1993,
p. 4).
7. « Hegemonic masculinity was not assumed to be normal in the statistical sense; only a
minority of men might enact it. But it was certainly normative. It embodied the currently most
honored way of being a man, it required all other men to position themselves in relation to it,
and it ideologically legitimated the global subordination of women to men » (p. 832).
8. « This article argues critically that the consequences of a binary system of gender norms are
experienced as a kind of gender tyranny both for those who transgress gender in their daily lives,
but also for those whose lives are lived within such constraints. […] The nature of these
consequences is explored using citations from the transgender and queer literature as well as the
lived experience of this tyranny by the author in a continuum of public to private spaces,
including: parking lots, public restrooms, shopping malls, the workplace and the home » (p. 635).
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9. « One must admit that the subjective stance of the male theorist leads to a corresponding
strategy. That strategy is to take as an “object” that very sphere of experience that is usually less
considered in male theories: natural body, and related feelings and emotions » (p. 181).
10. Par « trans », j’entends les transsexuel.l.e.s, les transgenres et tou.t.e.s celles et ceux qui
s’identifient ainsi. Les trans FtoM (Female to Male) sont des personnes auxquelles on a attribué le
genre féminin à la naissance qui font une transition pour devenir homme, à l’inverse des trans
MtF (Male to Female).
11. Les drag queens correspondent à des hommes qui se travestissent en femmes dans le cadre
d’une performances. Les drag kings sont des femmes qui se travestissent en homme dans les
mêmes circonstances.
12. « … threaten to undo the construct of “the nation” as a monolithic and unified site of
masculine, white heterosexual, able-bodied, and bourgeois space » (Henry et Berg, 2006, p. 633).
13. « …[they] subsequently charted a shift from a focus on men to masculinities thence on to the
mutually constitutive relationship between masculinities and other axes of identity such as class,
disability, race, place and sexuality » (p. 565).
14. « Furthermore, if age is regarded as a socially constructed category rather than an
independent variable, then the role of space and place becomes very important as people will
have different access to and experiences of places on the grounds of their age, and spaces that
have associations with certain age groups will also influence who uses them. This also means that
people may ‘actively create and resist particular age identities through their use of space and
place. »
15. « By focusing on young people whose voices are usually silenced, often unheard and
frequently distorted, human geographers are ideally placed to understand, appreciate and
explore the ways in which youthful masculinities are mediated by, and interact with race and
religion ».
16. Les bears sont des hommes homosexuels qui mettent en avant un type de virilité (barbe,
carrures imposantes…) qui n’est pas le même que celui de l’homonormativité gay.
17. « … an environment where big is celebrated and desired rather than pilloried and rejected »
(p. 243).
18. Le viol correctif correspond à une agression sexuelle commise sur une lesbienne ou une
personne trans pour la punir de ses actions supposées ou reconnues. Ce viol est également censé
« guérir » la victime de son homosexualité ou de sa « déviance » de genre lorsqu’elle survit à ses
blessures.
19. « … trouble and call into question these hegemonic, normative binaries. Such omissions mean
that assumptions predicated on a straightforward gender mapping onto biological sex organs
and gender roles and relations grounded in male/female and man/woman separations, are often
uncritically reproduced ».
RÉSUMÉS
Cet article fait l’état de l’art des recherches en géographie sur le thème des masculinités. Après
avoir étudié les articles francophones et surtout anglophones, les deux auteurs prennent la
parole à tour de rôle pour commenter les recherches dans le domaine, à partir de leur expérience
et leur positionnement de recherche. Louis Dupont se situe plutôt dans une approche de
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État de l’art
géographie des genres. Il étudie plus particulièrement les masculinités hégémoniques et les
normes de genre dans une société patriarcale, alors que Charlotte Prieur prend le parti d’étudier
les masculinités alternatives (féminines, queer et trans) dans la lignée des géographies queers.
This article is a review of the geographies of masculinities. After studying francophone and
anglophone works, the two authors give their respective view of this field stemming from their
experience and positionnality. In line with a geography of gender, Louis Dupont studies more
particularly hegemonic masculinities and gender norms in a patriarchal society, whereas
Charlotte Prieur, in tone with the sub-field of queer geographies, focuses on alternative
masculinities (feminine, queer, trans).
INDEX
Mots-clés : masculinité, géographie, genre, queer
Keywords : masculinitie, geography, gender
AUTEURS
CHARLOTTE PRIEUR
Laboratoire CNRS Espace, Nature et Cultures (ENeC)
UFR de géographie, Université Paris-Sorbonne
[email protected]
LOUIS DUPONT
Laboratoire CNRS Espace, Nature et Cultures (ENeC)
UFR de géographie, Université Paris-Sorbonne
[email protected]
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