Les méthodes de cow-boy de Ryanair

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Révélations
Les méthodes de cow-boy de Ryanair
Charles-Emmanuel Haquet, Marc Michaux, Paul Badaro et Chloé Hecketsweiler
-
01/07/2010
REUTERS/Francois Lenoir
Rien ne semble pouvoir désarçonner Michael O'Leary, qui n'hésite pas à défier le droit français, à taxer ses salariés et à
ponctionner les contribuables pour faire grimper sa compagnie.
Alors que le transport aérien vit une de ses pires crises, la compagnie irlandaise low cost annonce
des bénéfices. Pour y parvenir, elle n'hésite pas à jongler avec les règles européennes de la
concurrence, et à tester les limites du Code du travail français.
À lire: Les pires idées de Ryanair pour faire des économies
Pour une fois, Michael O'Leary, le PDG de Ryanair, n'a pas fait le pitre. Pas de provocations durant la
présentation des résultats, début juin, comme ses idées loufoques de faire payer les toilettes dans ses
avions ou de proposer des vols business, "couchette et pipe comprises". Pour faire parler de lui, le
fantasque Irlandais a trouvé mieux : annoncer de bons résultats (319 millions d'euros de bénéfices), alors
que le transport aérien a vécu l'une des pires années de son histoire. En 2010, la compagnie low cost
pourrait même détrôner Air France-KLM en nombre de passagers transportés.
Encore un succès éclatant pour ce génie de la finance aux méthodes iconoclastes. Pour s'implanter en
Europe, ce fervent libéral n'hésite pas à faire subventionner ses lignes par les collectivités locales. Pour ne
pas payer de charges sociales en France, il invoque le droit européen et menace de quitter l'Hexagone.
D'une imagination sans bornes, il a même mis en place un système qui oblige les pilotes et les hôtesses à
financer leur propre formation ! Ryanair est la compagnie aérienne la plus rentable du monde. Ce n'est pas
un hasard.
1 - Se faire subventionner par les collectivités locales
Plus de 14 millions d'euros ! C'est le pactole que Ryanair a réussi à soutirer en 2009 aux chambres de
commerce et d'industrie ainsi qu'aux collectivités locales françaises gestionnaires d'aéroports, via le
versement d'"aides marketing". Officiellement, c'est un chèque que l'exploitant de l'aéroport verse à Ryanair
pour que cette dernière lui fasse de la publicité sur son site. Ce sont en réalité des subventions déguisées. A
cela peuvent s'ajouter de sérieux rabais sur le prix des services fournis par les aéroports. Transposées à
l'échelle européenne, ces primes marketing associées aux remises en tout genre sur les multiples
prestations de services aéroportuaires dont bénéficie la société irlandaise pourraient, selon certains experts,
dépasser les 750 millions d'euros. Soit le quart du chiffre d'affaires de Ryanair !
L'idée de génie de Michael
O'Leary, c'est d'avoir redonné du
pouvoir aux chambres de
commerce locales et de l'espoir à
de petites plates-formes
condamnées à la fermeture par la
Frais annexes - A billet bon marché, services hors de prix
Près du quart du chiffre d'affaires ! C'est le montant des "frais
annexes" que les passagers de Ryanair ont payé, en 2009, en plus
de leurs billets. Soit une bonne dizaine d'euros pour un billet de 40
euros en moyenne. Détails de ces revenus annexes qui explosent
(+ 22,5 % en un an) pour atteindre 598 millions d'euros.
stratégie de concentration des vols
sur des hubs, comme Roissy à
Paris, Heathrow à Londres ou
Schiphol à Amsterdam. Pour cela, il
425,8 millions d'euros (+ 27 %) rapportés par les suppléments
de bagages (Ryanair n'accepte en effet que les très petits
bagages en cabine), les frais de paiement par carte bancaire, les
assurances-annulation de voyage et la vente de tickets de bus et
de train.
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emplois et de rondelettes
retombées commerciales. De leur
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hôtesses et les stewards de la compagnie sont soumis à une "très
forte pression" de leur management pour vendre nourriture,
boissons et autres produits durant les vols.
côté, les aéroports s'engagent à lui
verser une "rente" qui sécurise son
développement international.
56,9 millions d'euros (+ 3 %) pour les services Internet
(commissions provenant de produits vendus sur Ryanair.com).
Ryanair maintient ainsi en
32,1 millions d'euros (+ 27 %) pour les contrats de location de
voitures.
respiration artificielle, pour ses
besoins propres, toute une série de
petits aéroports structurellement déficitaires. "Si Michael O'Leary prône haut et fort les bienfaits du
libéralisme, il est passé maître dans l'art de siphonner les fonds publics. Son entreprise se nourrit de
subventions", martèle Jocelyn Smykowski, président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).
"Regardez de plus près les destinations et vous verrez qu'une grande majorité de lignes desservent le
Royaume-Uni. Trouvez-vous normal que le contribuable français finance les billets des touristes britanniques
?" s'offusque le président d'une chambre régionale des comptes.
D'ailleurs, les rapports rendus par les sages sur les liens entre Ryanair et les gestionnaires d'aéroport sont
toujours très sévères. "L'aide marketing annuelle sollicitée à partir de 2004 par Ryanair auprès de l'aéroport
de La Rochelle est en réalité une subvention d'exploitation, prohibée par la réglementation européenne",
s'exclame Gérald Meunier, président de la chambre régionale des comptes de Poitou-Charentes. Même
chose à Bergerac, dans la Dordogne, où la CCI locale est invitée à notifier à la Commission européenne ce
versement d'aides marketing "réalisé avec de l'argent public". Car, pour être validées par Bruxelles, ces
subventions doivent être dégressives et limitées à trois ans. Une règle que n'a pas suivie la CCI de Bergerac.
Pourquoi le ferait-elle, puisque les autorités de contrôle administratives françaises, les préfectures et la
Direction générale de l'avion civile (DGAC) ne montent pas au créneau ? Pour critiquer le système et alerter
Bruxelles, la DGAC attend les décisions de justice. Ce fut le cas à Pau en 2007 : il aura fallu que le tribunal
administratif annule le contrat entre Ryanair et l'exploitant pour que la DGAC s'empare du dossier.
La crise financière pourrait cependant changer la donne. Prises à la gorge, certaines collectivités contestent
les "rallonges" réclamées par Ryanair. A Angoulême, face au chantage de la compagnie, qui voulait d'autorité
faire passer les "contributions" marketing de 225 000 à 400 000 euros, les élus ont osé dire non. "On a
perdu la ligne, mais sans grandes conséquences. Les 6 000 clients britanniques fidèles se sont répartis
dans les quatre aéroports voisins", constate Jean-Luc Estournes, directeur général adjoint pour
l'aménagement et l'éducation au conseil général de la Charente. A Poitiers, la communauté d'agglomération a
refusé de céder aux pressions de Ryanair, qui lui proposait d'ouvrir une ligne vers Barcelone (aéroport de
Gérone) à condition qu'elle double les aides marketing, les portant à 1,3 million d'euros. Contre toute attente,
Ryanair n'a pas claqué la porte et a choisi de négocier. Finalement, la liaison Poitiers-Birmingham est
remplacée par un vol Poitiers-Barcelone, et les contribuables poitevins limitent les dégâts en ajoutant
seulement 150 000 euros à la mise.
2 - Interdire à la concurrence de vendre ses billets
Ryanair déteste que l'on vienne marcher sur ses plates-bandes. Bravofly en fait la terrible expérience. En
2008, cette agence de voyages en ligne espagnole, spécialisée dans la réservation de vols low cost, a eu la
"mauvaise" idée de proposer sur son site des billets Ryanair. Depuis, son fondateur, Marco Corradino, vit un
enfer. Il croule sous un déluge de procédures judiciaires que déclenche en cascade la compagnie irlandaise.
Ryanair lui reproche de vendre des billets contre sa volonté, de faire de la contrefaçon de marque, de mener
une concurrence déloyale, bref, d'être un parasite. "Leur technique est très simple, analyse Marco Corradino.
Ils nous traînent en justice pour nous asphyxier sous les plaintes, nous obliger à plier, et dissuader les autres
agences de faire comme nous." Une stratégie d'intimidation qui porte ses fruits. "Nous ne commercialisons
pas de billets Ryanair, nous n'avons aucune envie qu'il nous tombe dessus", reconnaît un cadre dirigeant de
Go Voyages.
Prises à la gorge, certaines collectivités locales
commencent à contester les rallonges réclamées par
Ryanair.
A moins que la justice ne tranche
en faveur des agences. Bravofly a
gagné son premier procès en
Espagne, en janvier 2009, et attend
deux nouveaux jugements en
Irlande et en Suisse. Récemment, le tribunal de grande instance de Paris a débouté le groupe irlandais, qui
voulait interdire la vente de ses billets sur Opodo.fr, Opodo.be et Vivacances.fr. Mais la compagnie ne
désarme pas pour autant. "Nous sommes dans notre droit. Nous nous insurgeons contre la position
monopolistique des agences de voyages", répond Steven McNamara, porte-parole de la compagnie. Il faut
dire que les enjeux financiers sont colossaux. En tentant de préserver l'exclusivité de la vente de ses billets
sur son site Web, la société low cost veut garder la mainmise sur tous les services associés à l'achat du billet
- frais de carte bleue, assurance-annulation, location de voitures... -, qui génèrent de juteuses commissions :
458 millions d'euros en 2009.
3 - Zapper le paiement des charges sociales
Michael O'Leary aurait dû se méfier. Lorsque son concurrent easyJet s'est fait épingler par le tribunal de
Créteil, début avril, pour "travail dissimulé", le président de Ryanair aurait pu se douter que le prochain boulet
serait pour lui. Mais l'homme aime l'odeur de la poudre, et ferrailler avec les autorités françaises ne lui fait pas
peur. Pas question, en l'occurrence, de payer des charges sociales aux Frenchies pour les 120 hôtesses et
pilotes qui travaillent à partir de la base marseillaise de Ryanair. "Nous respectons le droit européen. La
France se croit au-dessus de Bruxelles", dit-on au siège de Ryanair, à Dublin, en laissant entendre que la
compagnie pourrait quitter Marseille, et même le sol français, si elle subissait le sort d'easyJet.
Pas sûr que ces rodomontades impressionnent le parquet d'Aix-en-Provence, qui a ouvert, début avril, une
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information judiciaire pour "travail dissimulé". Son arme : un décret du 21 novembre 2006 qui soumet au droit
national le personnel navigant d'une compagnie étrangère, à partir du moment où celui-ci travaille de façon
permanente sur une base d'exploitation française. La condamnation d'easyJet (1,4 million d'euros de
dommages et intérêts) fera-t-elle jurisprudence ? "Comment Ryanair peut-elle prétendre ne pas développer
d'activité à partir de la France, alors qu'elle exploite quatre Boeing 738-800 à partir de Marseille ?" s'emporte
Roland Rappaport, l'avocat du SNPL, l'un des plaignants. La bataille juridique s'annonce dure, d'autant plus,
ajoute cet avocat, "que Ryanair dispose de nombreux appuis locaux, notamment la chambre de commerce
phocéenne".
4 - Facturer leurs formations aux salariés, et au prix fort !
Former ses salariés, un coût pour l'entreprise ? Pas à Ryanair, où l'on a trouvé la parade : faire payer la
qualification... par les intéressés. "Pour apprendre à voler sur Boeing 737-800, chaque pilote doit débourser
plus de 30 000 euros, affirme un ancien commandant de bord de Ryanair. On peut estimer que les coûts
fixes, c'est-à-dire l'instructeur et le simulateur de vol, n'excèdent pas 10 000 euros. Le reste, c'est quoi, sinon
de la marge ?" Les hôtesses et les stewards sont logés à la même enseigne. La formation leur revient à 2
500 euros alors que le cursus n'en coûterait que 800 à l'employeur. Autre somme à leur charge : l'achat de
leur uniforme (360 euros).
"Ryanair est champion dans l'art de faire porter le risque par les autres", témoigne un ancien commandant de
bord. De la même façon, les dirigeants irlandais font tout pour abaisser les coûts salariaux et gagner en
flexibilité. Ainsi, près d'un pilote sur deux travaillant pour Ryanair ne serait pas salarié, mais... intérimaire.
C'est notamment le cas des jeunes recrues, à qui, la plupart du temps, on impose le statut de contractor.
Dans ce système, le pilote est employé par un sous-traitant, Brookfield. Il est alors payé à l'heure. A peine les
réacteurs sont-ils éteints que le "compteur" cesse de tourner. Très pratique pour la compagnie, qui peut ainsi
faire supporter les variations d'activité à cette main-d'oeuvre volante. Pendant l'épisode du volcan islandais,
par exemple, certains pilotes n'ont pas touché un sou.
Exclusif - Combien Ryanair coûte à chaque aéroport français
Trente-six euros par passager ! Voilà le montant des "aides marketing" versées par la chambre de
commerce de Pau pour conserver ses liaisons vers Bruxelles-Charleroi, Londres-Stansted et Paris-Beauvais.
Au total, l'aéroport béarnais verse une subvention annuelle de 1,44 million d'euros à Ryanair, qui lui amène 40
000 passagers. Situation similaire pour Paris-Vatry (près de Reims), qui accueille deux lignes vers Oslo et
Stockholm. L'aéroport s'acquitte en 2010 d'une "ardoise" de 755 000 euros pour un trafic estimé à 25 000
passagers - soit 30 euros par voyageur -, presque le prix d'un billet !
Tous les aéroports ne sont pas logés à la même enseigne. Certains, considérés comme stratégiques par
Ryanair, ne paient pas leur écot. C'est le cas de Nice, un point de passage obligé pour la clientèle anglosaxonne. Pour les autres sites importants, comme Beauvais, sa plate-forme parisienne, et Nantes, qui
transporte de nombreux clients anglais et irlandais sur la façade atlantique, les aides se font via des
ristournes sur les prestations aéroportuaires. Une autre forme de subvention qui, à l'échelle nationale,
représente plusieurs millions d'euros.
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