Les grandes tendances de la presse jeunesse
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Les grandes tendances de la presse jeunesse
Bibliothèque nationale de France Chronologie du Centre national de la littérature pour la jeunesse - La Joie par les livres Juin 2012 LES GRANDES TENDANCES DE LA PRESSE JEUNESSE De 1945 à nos jours Chronologie repère I - De 1945 à 1955 1) La presse jeunesse est alors massivement hebdomadaire Le Journal de Mickey (1934) Spirou (1938) Fripounet et Marisette (1943-1993) [devient Fripounet en 1969]. C’était l’hebdomadaire le plus connu juste après la guerre. Le Journal de Tintin (1946 en Belgique, en France 1948-1993) [devenu Tintin reporter puis Hello Bédé] Ces magazines s’adressaient aux jeunes sans distinction d’âges (les 7-15 ans). Chaque éditeur avait un ou deux titre(s) « phare(s) », dans lesquels on trouvait beaucoup d’histoires à suivre. Chaque jeudi, quasiment de génération en génération, on attendait la suite des aventures de Tintin, de Spirou, de Sylvain et Sylvette… La BD était alors un produit d’appel fort. 2) La presse jeunesse était sexuée Pour les filles : La Semaine de Suzette (1905-1960), chez Gautier-Languereau, avec les aventures de « Bécassine » Bernadette (1914-1972), chez Bayard. La disparition de Bernadette en 1972 marque la fin des journaux sexués… jusqu’à l’arrivée de Julie en 1998. Lisette (1921-1973), aux Éditions Monsouris. Âmes vaillantes (1937-1963) [qui devient J 2 Jeunes puis Djin (1974-1981) et Triolo (1981)] à L’Union des Œuvres. Pour les garçons : Cœurs vaillants (1928-1963) [qui devient J 2 Magazine puis Formule 1 (1970-1981) et Triolo (1981)]. Publié par L’Union des Œuvres (futur Fleurus), cet hebdomadaire est le premier, en 1930, à publier, en France, les aventures de « Tintin et Milou ». Bayard (1936-1963) qui prend la suite de L’Écho du Noël (1906-1935) chez Bayard Vaillant (1945), [qui deviendra Vaillant - le journal de Pif (1965) puis Pif Gadget (1969) avec des BD complètes qui remplacent les BD à suivre et surtout on y découvre le fameux gadget]. 1 II – De 1956 à 1979 1) Apparition d’une presse mensuelle, positionnée par âges Perlin et Pinpin (1956-1998) [première parution en 1945-1946, pour les filles avant de devenir mixte en 1956. Il deviendra La Semaine de Perlin puis Perlin]. Il est précurseur en ce sens que la revue ne s’adresse plus à un public de jeunes en général, mais vise les moins de 8 ans. C’est le premier magazine qui amorce la presse dite éducative, et le chaînage : on passe d’un premier titre à un autre, pour les plus grands, le moment venu. Pomme d’api (1966-) marque une révolution dans la presse jeunesse. C’est le premier magazine qui s’adresse aux enfants qui ne savent pas encore lire. Toute la presse éducative actuelle s’inspire de ce modèle. Autour de Pomme d’api le groupe Bayard construit une gamme de magazines pour enfants, segmentés par tranches d’âges, avec un contenu polyvalent et un graphisme moderne. Ces deux magazines, Perlin et Pinpin et Pomme d’api ont changé la politique des éditeurs qui ne s’adressent plus à un public indéfini (les jeunes) mais à des tranches d’âges précises : Exemples chez Bayard Pomme d’api (1966) pour les petits (3-6 ans) Astrapi (1978) les enfants (7- 11 ans) Okapi (1971) pour les ados (11-14 ans) Record (1961- 1976) pour les grands ados (15-18 ans) Il n’y a donc plus chez les éditeurs un titre phare mais une gamme de titres s’adressant chacun à un âge précis. Avec ce chaînage les éditeurs veulent privilégier l’épanouissement de l’enfant et de l’adolescent en tenant compte de son évolution et de ses préoccupations, en fonction de son âge et de ses intérêts. De ce fait les magazines coûtent plus chers car ils sont tirés à moins d’exemplaires puisqu’ils s’adressent à un public plus restreint… De plus ils sont de bonne qualité, à la fois par leur contenu, mais aussi par leur présentation et l’impression. Pour compenser le prix de vente plus élevé, les magazines deviennent massivement mensuels. Dans le même temps, en 1972, on abandonne les magazines pour les filles et ceux pour les garçons pour proposer des titres mixtes. Cette presse est massivement produite par deux éditeurs : Bayard et Fleurus. 2) La presse est typée Une presse éducative essentiellement représentée par Bayard. C’est une presse d’éveil, de découvertes des autres, de l’environnement, du monde, qui veut aussi participer à l’acquisition des connaissances. Dans les années 1970 la presse jeunesse ne cherche plus seulement à éduquer l’enfant, elle cherche aussi à l’aider à grandir. Cette presse est vendue essentiellement par abonnements et est chère, car de qualité. Une presse distractive, représentée par le groupe Disney Hachette. C’est la presse héritière des illustrés. Elle propose aux enfants des jeux, des loisirs, de la BD… Elle est vendue massivement en kiosque, à un prix abordable. Une presse des mouvements éducatifs, comme celle des Francas, essentiellement diffusée par le canal des écoles. Une presse pour les adolescents. Salut les copains (1962) marque la naissance de la presse pour les adolescents, les jeunes ont de l’argent de poche et s’achètent eux-mêmes leurs magazines. 2 3) La presse devient thématique Les contenus évoluent, à la segmentation par tranches d’âges induite par la presse éducative s’ajoutent progressivement, dans les années 70, des magazines construits autour de thématiques. Des magazines de lecture Les Belles Histoires (1972) J’aime lire (1977) Des magazines sur la nature et les animaux La Hulotte (1972) III – De 1980 à 1988 1) Naissance de Milan Naissance d’un nouveau groupe, Milan, avec la création de Toboggan (1980). Un groupe laïque qui se construit en opposition à Bayard (mais en même temps en l’imitant) et à Fleurus, deux groupes religieux. Milan a son siège en province (Toulouse) et fait la part belle aux jeux (cf. le nom de ses magazines : Toboggan, Diabolo, Mikado). 2) La presse jeunesse se spécialise dans des créneaux de plus en plus pointus Des magazines sur les animaux Hibou (1985), chez Fleurus Wapiti (1987), chez Milan Des journaux d’actualité Le Journal Des Enfants (1984) Ce type de presse appelle une périodicité plus rapide, d’abord hebdomadaire -avant les quotidiens qui naîtront dans les années 95. Rappelons que jusqu’aux années 80 on ne parlait pas de l’actualité aux enfants. La création du JDE est donc osée et novatrice. 3) Déclin et disparition d’un certain type de presse a) La presse des mouvements éducatifs ne résiste pas à la concurrence des magazines de la presse éducative, ni par ses contenus, ni par son attractivité, ni par le côté innovant, ni par la qualité technique, ni par sa présentation. Ces magazines prennent un sérieux coup de vieux… Ils disparaissent donc progressivement, parfois après des essais de transformation. Exemple les magazines édités par les Francas (Mouvement d'éducation populaire, la Fédération nationale des Francas est une association complémentaire de l'école, reconnue d'utilité publique et agréée par les ministères de l’Éducation nationale, et de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative qui existe depuis 1944), qui voulaient participer à la construction active du savoir : Francs Jeux (1946-1981) [qui devient Virgule (1981-1983)] Jeunes Années (1953-1987) [qui devient GullivOre (1987-1990)] b) La presse de bande dessinée périclite au profit de la presse éducative. La bande dessinée n’est plus un produit d’appel. 4) La presse s’adresse à des enfants de plus en plus jeunes Dans le milieu des années 80 la presse vise les enfants de plus en plus jeunes, elle s’adresse désormais aux moins de 3 ans. Ce sont des magazines carrés, dans un petit format, avec des coins arrondis. Leurs héros sont un bébé - miroir de l’enfant lecteur-, vivant dans un triangle papa/maman/bébé. Ils ont des couleurs vives et primaires, on y trouve des comptines… Toupie (1985), dès les 2 ans, chez Milan Popi (1986), dès 12 mois, chez Bayard 3 L’arrivée de magazines pour les bébés modifie les magazines pour la tranche d’âge suivante, les 3-6 ans, puisqu’ils s’adressent à des enfants qui ont déjà eu des magazines entre leurs mains, et sont donc « familiers » de la presse. IV – De 1989 à 1999 1989 marque un tournant dans la dynamique de création des titres de magazines. Sur 68 titres recensés en 1992, 31 sont nés entre 1989 et 1992, soit près de la moitié en 3/4 ans ! C’est aussi dans ces années 1990 que la presse jeunesse se spécialise dans des créneaux, des âges et des domaines de plus en plus pointus, en particulier avec des magazines documentaires (11 créations de magazines documentaires entre 1989 et 1992). On peut cependant se demander si ces magazines sont conçus pour les enfants ou pour plaire aux adultes prescripteurs et aux parents qui veulent se donner bonne conscience en donnant un petit coup de pouce à leur enfant grâce à ces périodiques qui suivent les programmes scolaires. Typologie des magazines nés dans les années 90 : Magazines de sciences Science & Vie Junior (1989) Magazines pour rire et se distraire P’tit Loup (1989), chez Disney Hachette Grodada (1991-1992, puis quelques numéros en 1995). Avec le Professeur Choron et des anciens de Charlie Hebdo il s’adresse aux 4-6 ans. Seule ambition : faire rire, avec un univers finalement assez conventionnel (des animaux de la ferme), mais des dessins audacieux, des couleurs qui flashent et un humour lourd… limite vulgaire. Magazines de lecture un peu particuliers Je lis des Histoires vraies (1992) Mille et une histoires (1999) avec des contes ré-écrits autour d’une thématique. Magazines d’art Dada (1992) Le Petit Léonard (1997) Magazines de sciences humaines Arkéo Junior (1994) Magazines pour les bébés Papoum (1995) Des journaux d’actualité Les Clés de l’actualité (1992) Mon quotidien (1995) Magazines d’activités manuelles Ateliers Magazine (1993) Oxébo (1997) Magazines pour les filles Julie (1998) V – De 2000 à 2009 1) Brève apparition d’une presse pour les « adulescents », les 15/25 ans Pour les filles : Muze (2004), chez Bayard Lolie (2001), chez Milan Pour les garçons : Eurêka (2005), chez Bayard Comment ça marche (2010), chez Fleurus 2) Une presse « livres » pour les bébés Avec des magazines très proches des livres, centrés autour d’une histoire : 4 Tralalire (2004), chez Bayard Petites histoires pour les tout-petits (2004-2007), pour les 18 mois- 3ans, chez Milan Histoires pour les petits (2002), pour les 3-5 ans, chez Milan 3) Des thématiques toujours plus pointues Géo Ado (2002), « petit frère » de Géo, repris ensuite par Milan Virgule (2003), un magazine consacré au français et à la littérature Lucullus Succulus (2008), un magazine consacré à la cuisine et à la diététique MusicKeys (2008), autour de la musique classique 4) Réapparition éclaire d’une presse de bande dessinée Capsule cosmique (2004-2006), chez Milan. Un magazine innovant, qui même la bande dessinée à tout. 5) Une presse pour les filles de plus en plus petites Manon (2003) pour les 5- 8ans, chez Milan Les P’tites filles à la vanille (2006) pour les 3-5ans, chez Fleurus VI – 2010… 1) Une presse inventive, « décalée » et graphique Une presse proposée par de petits éditeurs, avec des artistes talentueux : graphistes, photographes, créateurs... Bonbek (2010), par Bonbek à Paris Georges (2010), par Grains de Sel, à Lyon 2) Presse et numérique Timidement la presse jeunesse se tourne vers le numérique. Une première tentative avait été tentée par Milan avec Alman@k (2007-2008). Ce mensuel alliait support papier et Internet au moyen d’un « Pass Web » inclus dans le magazine qui permettait une interactivité sur une multitude de sujets. a) Des sites - Des sites dédiés à un titre en particulier http://www.svjlesite.fr/, pour Science & Vie Junior http://www.lucullus-succulus.com, pour Lucullus Succulus http://www.musickeys.fr, pour MusicKeys - Des sites pour plusieurs titres d’un groupe L’abonnement à des titres papiers des groupes comprend un abonnement au Site, avec 2 ou 3 espaces par âges : BayardKids (2008) [devenu BayaM] Fleurusforkids (2010) b) Des blogs http://blogwapiti.com/, pour Wapiti http://www.leblogdejulie.com, pour Julie http://blog.okapi-jebouquine.com/, pour Okapi et Je bouquine http://www.jde.fr/blog, pour Le Journal Des Enfants 5 c) Des magazines uniquement en ligne 1 jour, 1 actu ! (2010), un quotidien gratuit proposé par Milan sur http://www.lesclesjunior.com/ Clikou (2009), mensuel payant à télécharger, pour les 4-7 ans proposé par Mr Manolo sur http://www.clikou.fr/ d) Des applications pour iPad et/ou iPhone Abricot (2012), application proposée par Fleurus et Chocolapps I Love English (2012), chez Bayard Jeunesse J’aime lire Store (2012), chez Bayard Jeunesse (avec trois titres : Histoires pour les petits (Milan) et Mes premiers J’aime lire et J’aime lire chez Bayard) Sciences & Vie Kids (2011), une version iMag de Science & Vie Découvertes chez Mondadori France VII – Quelques dates clés en guise de conclusion - Dans les années 1950 la presse jeunesse est massivement hebdomadaire et dominée par la bande dessinée. - 1966 voit la naissance de la presse jeunesse moderne avec la création de Pomme d’api. - Dans les années 1970 la presse jeunesse se mensualise et se spécialise. - 1989 marque un véritable tournant : beaucoup de nouveaux magazines avec des genres nouveaux. Des titres plus modernes, plus dynamiques. - À partir de 2005, le secteur semble s’essouffler, il y a moins de créations et beaucoup de disparitions. Les « nouveaux titres » s’appuient sur des valeurs sûres et relèvent plus du marketing : - Charlotte aux fraises (2005) Dora l’exploratrice (2008) Les Zouzous (2005), chez Fleurus, en partenariat avec France Télévisions - Dans les années 2010 la presse proposée aux jeunes est massivement une presse née à partir des années 1980 (seuls 12 titres lancés avant 1980 existent encore). Et la création continue puisque 24 titres datent des années 90, et 24 autres sont nés depuis 2000. La multiplication des titres s’explique en grande partie par une segmentation en âges de plus en plus serrée (tous les deux ans avant l’âge de 4 ans ; tous les trois ans en moyenne ensuite) et par le fait que les magazines couvrent des centres d’intérêt de plus en plus pointus (magazines sur l’archéologie, les mathématiques, la cuisine…) ce qui engendre de facto une multiplication des titres. Une presse dynamique donc, mais fragile aussi puisque dans le même temps des titres disparaissent. Et l’ère numérique fait son entrée en douceur… http://lajoieparleslivres.bnf.fr Bibliothèque nationale de France Centre national de la littérature pour la jeunesse – La Joie par les livres Quai François Mauriac 75706 Paris Cedex 13 Téléphone: 01 53 79 55 90 Fax: 01 53 79 41 80 cnlj-jpl.contact@bnf. 6