En savoir plus - Orchestre national d`Île-de

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LE COIN DES MUSICIENS
INTERVIEW
LE COIN DES MUSICIENS
INTERVIEW
Les Mille et un sons
Conversation à six avec
les percussionnistes et le timbalier
de l’orchestre.
Didier Keck, Gérard Deléger, Pascal Chapelon
et Jacques Deshaulle.
»
Quels instruments de
percussion jouez-vous ?
Gérard Deléger :
De par notre formation, nous sommes
capables de jouer de chaque
instrument. Mais on finit par se
spécialiser, et on choisit un instrument
en fonction de nos goûts :
instruments à peau, claviers, etc.
Les percussions sont
connues pour leurs différents
types de claviers…
G. D. : Les claviers que l’on utilise
principalement à l’orchestre sont
le xylophone, le vibraphone, le
marimba, le glockenspiel et les cloches
tubulaires. Le xylophone, par exemple,
est composé d’un clavier de piano en
bois et se travaille avec des baguettes,
dont le bout est soit en bakélite,
soit en bois, soit en caoutchouc dur
en fonction des sons à produire.
Le marimba est un xylophone grave,
joué avec quatre baguettes,
notamment dans la musique contemporaine, en raison de son étendue.
Jacques Deshaulle : Quant au
vibraphone, il comporte une pédale
qui étouffe et tire les notes, comme
pour le piano.
Techniquement, le point commun à tous
nos instruments est la façon de frapper :
les coups de baguettes doivent former
des sons relevés, et non plaqués,
ce qui n’est pas facile à assimiler.
Le nombre de baguettes
est-il variable ?
G. D. : Il varie en fonction des
instruments. Il faut deux baguettes
pour le xylophone et beaucoup plus
pour le vibraphone et le marimba.
Précisément, quels sont
vos profils de poste ?
G. D. : Je joue les claviers, c’est, à mon
sens, l’instrument le plus mélodique
dans la percussion.
J. D. : Je suis aux timbales, ce n’est
pas une spécialisation des percussions,
mais c’est le poste de timbalier.
Je fais aussi de la percussion en
musique contemporaine. En général,
j’ai cinq timbales, mais cela peut aller
de quatre à six. Par certains côtés,
la technique du clavier est très proche
de celle des timbales.
Pascal Chapelon : Je suis plus
intéressé par les instruments à peau :
la caisse claire notamment, mais aussi
les accessoires : tambour de basse,
triangle, castagnettes, tambour, etc.
Il y a différentes façons de tenir les
baguettes. La technique du tambour
est vraiment traditionnelle : chaque
coup est donné avec le poignet.
Pour la caisse claire (instrument plus
petit, avec des peaux plus tendues sur
son bois), on se sert du rebond naturel
de la peau.
Et la grosse caisse ?
P. C. : Elle se joue avec le pied.
Mais dans l’orchestre on utilise plutôt
la grosse caisse symphonique qui
se joue avec des mailloches,
à la différence des grosses caisses
à pédale jouées dans les batteries
d’orchestre de jazz ou de variétés.
Didier Keck : Quant à moi, je ne suis
pas spécialisé mais polyvalent.
Et dans la musique
contemporaine ?
D. K. : Il y a des milliers d’instruments,
tous très particuliers.
J. D. : Parfois on a même trop de
matériel. Certains compositeurs ne
réalisent pas toutes les potentialités
de chaque instrument, qui peuvent
être doublés inutilement. Mais les
compositeurs qui ont davantage
d’expérience savent éviter ces écueils.
D. K. : Notre travail consiste beaucoup
à traduire les intentions du
compositeur, à rendre possible ce
qui n’est qu’imaginaire.
C’est une gymnastique de l’esprit
assez complexe.
J. D. : Le répertoire du XXe siècle
contient de la musique de percussion.
Mais même dans ce répertoire, les
symphonistes (Dusapin, Dutilleux,
Messiaen) utilisent la percussion pour
donner des couleurs.
Historiquement, que
peut-on dire de la percussion
en général ?
G. D. : On sait qu’au Moyen Âge
il y avait une espèce de xylophone,
appelé claquebois. Mais on ne connaît
pas son aspect, même si on peut
l’imaginer composé de lames de bois…
J. D. : Il y avait alors un tas de choses :
les petites clochettes, les grands
tambours provençaux,
puis les instruments arabes.
C’est vraiment à l’époque classique
que tout change, quand les
instruments à percussion reviennent à
leur fonction originelle : la musique
militaire. Trompettes et timbales sont
donc arrivées dans l’orchestre
symphonique petit à petit.
On ponctuait alors le ton principal
de la symphonie avec les trompettes
et les timbales, toujours ensemble.
À partir des Romantiques,
elles commencent à se dissocier,
la percussion apparaît timidement.
Par exemple, Beethoven,
dans sa 9e symphonie, utilise
les instruments de la musique militaire,
à savoir le triangle, les cymbales,
la grosse caisse.
Et le glockenspiel ?
J. D. : C’était l’instrument de
la musique militaire allemande,
Timbales.
Une heure et demie
de travail par
jour par instrument,
à quoi s’ajoute
le solfège.
assez peu utilisé en France puisque
nous avions les fifres et tambours.
Le glockenspiel se joue d’une main,
et donne une couleur particulière.
Il existe également un glockenspiel à
clavier, celui que Mozart utilise
dans La Flûte enchantée.
G. D. : Il y a aussi le célesta, qui nous
incombe parfois, bien que souvent joué
par le pianiste. D’ailleurs, le piano est
aussi, d’une certaine façon, un instrument
à percussion, puisqu’il est frappé.
Quels sont les problèmes
majeurs que vous rencontrez ?
P. C. : Ce sont les problèmes de doigté…
G. D. : Il y a des limites techniques
pour réaliser ce que demande le chef.
Il faut trouver le bon doigté,
le plus pratique, qui sonne le mieux.
À cela s’ajoute le problème particulier
aux percussionnistes qui doivent
regarder la partition, repérer l’endroit
où ils jouent, et regarder le chef en
même temps. Les trois ensemble sont
parfois difficiles à réaliser.
P. C. : Il faut souvent agrandir les
partitions car, selon les instruments,
Glockenspiel.
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on les joue de plus ou moins loin.
G. D. : Et quand on a quinze ou seize
instruments autour de soi, le pupitre
est difficile à atteindre.
J. D. : Particulièrement en musique
contemporaine, où l’on a souvent
plusieurs pupitres et, occasionnellement, il faut tourner plusieurs
pages dans plusieurs pupitres…
on n’a pas le temps !
Et avec les baguettes ?
J. D. : Il faut les poser dans un endroit
où l’on pourra les reprendre
rapidement. Certains compositeurs
prennent en compte cette difficulté,
d’autres ne le font pas.
P. C. : Indiquer de prendre telle
baguette, tourner la page de tel
pupitre… Ce sont des choses qui
ne se voient pas pour d’autres
instruments.
Je suppose que vous avez
des « trucs » pour contourner
les problèmes ?
D. K. : Il s’agit bien souvent de
« bidouiller » sur l’instrument
ou la partition…
J. D. : J’ai toujours un jeu de clés,
des tournevis, de quoi monter et
démonter, car sur les timbales
il y a beaucoup de mécanique.
Il faut pouvoir régler un problème au
dernier moment, et donc être
bricoleurs, inventifs.
Vibraphone.
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LE COIN DES MUSICIENS
INTERVIEW
À PROPOS DE
AGENDA
Tambour ou Caisse claire,
ancien modèle.
Grosse Caisse nouveau modèle.
Il y a des œuvres dans
lesquelles vous n’êtes pas
sollicités, dans Mozart
par exemple.
J. D. : Il n’y a jamais de percussion
dans Mozart (sauf dans La Flûte
enchantée), mais il y a des timbales,
tout comme dans la musique classique
et à l’époque baroque. Je trouve qu’il y
a eu un appauvrissement des timbres
de l’orchestre à l’époque classique.
L’apparition de la sonate et de
la symphonie a été une manière de
recadrer d’une façon beaucoup plus
stricte. Mais les grands symphonistes
(Haydn, Mozart) trouvent le moyen de
s’amuser à l’intérieur de ce cadre rigide.
Et Berlioz ?
D. K. : On lui doit tout. Dans le Traité
d’orchestration, il décrit dix-huit instruments de percussion, me semble-t-il,
et c’était une petite révolution.
J. D. : De son temps, en France,
les bons timbaliers étaient rares.
Le timbalier de l’orchestre était
souvent un musicien à la retraite.
Pour Berlioz, c’était scandaleux.
Combien de timbales
dans son « Requiem » ?
D. K. : Il y a dix timbaliers et seize
timbales.
J. D. : Dans Berlioz, c’est surtout le
nombre de timbaliers qui est intéressant.
Dans La Fantastique, il y a quatre
timbales et quatre timbaliers, ce qui
est très nouveau.
Cymbales.
Dans Wagner ?
J. D. : Dans la Tétralogie, il y a la
multitude des enclumes des
Nibelungen, et le timbalier doit avoir
une bonne santé physique.
Avez-vous souvent de longues
périodes d’attente ?
J. D. : Il ne s’agit pas de ne rien faire :
il faut compter les mesures,
pour ne pas louper son départ.
D’ailleurs on se donne des points
de repères, pour éviter de compter
jusqu’à cinq cents mesures !
Et certains chefs nous font des signes.
G. D. : On peut aussi marquer les
répliques d’instruments qu’on entend.
J. D. : Mais ce n’est pas très fiable.
Je préfère marquer des chiffrages
d’accords et des tonalités.
Quel est le rapport
des chefs d’orchestre
aux percussions ?
G. D. : On a besoin qu’il nous fasse
signe.
J. D. : Mais il est arrivé qu’on attende
un geste qui n’est pas venu…
on s’apprête à jouer, on va jouer,
et le geste ne vient pas, on ne joue
pas, et on aurait du jouer.
Comment êtes-vous venus
aux percussions et timbales ?
G. D. : J’ai commencé par le piano
puis j’ai choisi la percussion. À 19 ans
j’ai intégré le conservatoire de Paris.
À l’époque, on y travaillait le
vibraphone, les timbales, le xylophone,
la caisse claire (c’est toujours cette
base aujourd’hui), ce qui demande une
heure et demie de travail par jour par
instrument, à quoi s’ajoute le solfège.
À la maison, on travaillait soit sur
des xylophones de location soit sur
des tampons (cercle sur lequel est
tendue une petite peau, sur une
mousse étouffant le son).
Le résultat que l’on a sur le tampon est
pratiquement identique, et on arrive à
travailler la technique, le mouvement,
les coups, etc.
J. D. : Pour les timbales, je travaillais
la technique du poignet à la maison sur
des silencieux, c’est-à-dire des Tintin
et des bottins de téléphone empilés.
D. K. : Quant à moi, je suis batteur de
jazz et rock, autodidacte, et je me suis
inscrit dans un conservatoire très tard.
Il a fallu travailler beaucoup puisque
j’ai tout fait en même temps.
P. C. : Personnellement, ce n’est pas
la percussion que je voulais faire au
départ. J’ai fait du piano, puis de
l’accordéon, et ensuite je me suis senti
attiré par la batterie. Je suis donc
allé au conservatoire pour des cours
de percussion, tout en continuant
les batteries.
En quoi la batterie est-elle
différente des percussions ?
P. C. : La technique, la façon de travailler et le répertoire sont très différents.
Et l’improvisation libre ?
P. C. : Comme dans beaucoup de
styles de musique, il y a un rythme
de base, et ensuite c’est au musicien,
selon ses capacités, de jouer sur
la base imposée par le compositeur.
Et vous, Jacques, quelle est
votre formation ?
J. D. : Comme Pascal, j’ai commencé
très tôt, à quatre ans, avec
l’accordéon, puis je suis allé à l’école
Nous sommes
« auto-nuisants »
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JANVIER-FÉVRIER
du spectacle où j’ai appris le piano.
J’aimais jouer du Bach, et écrire de
la musique. Ensuite, la percussion
m’a plu, je suis entré au conservatoire
à 14 ans pour l’harmonie et
les percussions.
Dans l’orchestre, vous
entendez les cuivres plus
que les bois…
J. D. : Il n’y a que les cors que l’on
entende beaucoup, car on a le pavillon
devant.
D. K. : Étant au fond, on n’a pas
de nuisance… Mais nous provoquons
nous-même les nuisances…
Nous sommes « auto-nuisants ».
Comment se passent
vos répétitions en orchestre ?
La Flûte enchantée
Mozart
direction Alain Altinoglu
mise en scène Lukas Hemleb
livret Emanuel Schikaneder
Massy (91)
vendredi 9 janv. / 20h
dimanche 11 janv. / 16h
mardi 13 janv. / 20h
G. D. : On se répartit le travail ; dans
certaines œuvres, il ne faudrait que
deux percussionnistes, mais il y a
une telle étendue d’instruments qu’on
décide entre nous de faire une
troisième partie. On crée alors
une ligne de front des percussions,
à l’intérieur de laquelle on voyage.
Opéra de Massy
Rés. 01 60 13 13 13
C’est vous qui décidez de
la place des instruments ?
Théâtre de Corbeil-Essonnes
Rés. 01 60 89 75 57
P. C. : Nous les organisons pendant
les changements de plateau.
D. G. : Mais certains compositeurs
imposent une place spécifique.
J. D. : Et même si les régisseurs
mettent tout en place, nous devons
nous organiser, si bien qu’on arrive
longtemps à l’avance, et que
les entractes sont consacrés à
l’installation !
Lorient (56)
vendredi 23 janv. / 20h30
Propos recueillis par
François Regnault
et A.-L. Henry-Tonnerre
Cergy-Pontoise (95)
vendredi 16 janv. / 20h30
samedi 17 janv. / 20h30
L’apostrophe / Théâtre des Louvrais
Rés. 01 34 20 14 14
Corbeil-Essonnes (91)
mardi 20 janv. / 20h45
Grand Théâtre
Rés. 02 97 02 22 77
Combs-la-Ville (77)
dimanche 25 janv. / 17h
La Coupole
Rés. 01 60 34 53 60
(version de concert)
Chou, bijou, joujoux
Bizet, Debussy, Sciarrino
direction Tito Ceccherini
soprano Sonia Turchetta
Paris (75)
samedi 31 janv. / 20h
Cité de la musique (en coproduction)
Rés. 01 43 68 76 00
Maisons-Alfort (94)
dimanche 1er fév. / 16h
Théâtre Claude Debussy
Rés. 01 41 79 17 25
Vie et destin
Beethoven, Tchaïkovski
direction Moshe Atzmon
piano Boris Berezowski
Suresnes (92)
vendredi 6 fév. / 21h
Théâtre de Suresnes, salle Jean Vilar
Rés. 01 46 97 98 10
Paris (75)
samedi 7 fév. / 20h
Théâtre Mogador
Rés. 01 43 68 76 00
Fontainebleau (77)
dimanche 8 fév. / 16h
Halle de Villars
Rés. 01 64 22 26 91
Le Perreux (94)
jeudi 12 fév. / 20h30
Centre des Bords de Marne
Rés. 01 43 24 54 28
Beynes (78)
vendredi 13 fév. / 20h30
La Barbacane
Rés. 01 34 91 06 58

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