En savoir plus - Orchestre national d`Île-de
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16 LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW Les Mille et un sons Conversation à six avec les percussionnistes et le timbalier de l’orchestre. Didier Keck, Gérard Deléger, Pascal Chapelon et Jacques Deshaulle. » Quels instruments de percussion jouez-vous ? Gérard Deléger : De par notre formation, nous sommes capables de jouer de chaque instrument. Mais on finit par se spécialiser, et on choisit un instrument en fonction de nos goûts : instruments à peau, claviers, etc. Les percussions sont connues pour leurs différents types de claviers… G. D. : Les claviers que l’on utilise principalement à l’orchestre sont le xylophone, le vibraphone, le marimba, le glockenspiel et les cloches tubulaires. Le xylophone, par exemple, est composé d’un clavier de piano en bois et se travaille avec des baguettes, dont le bout est soit en bakélite, soit en bois, soit en caoutchouc dur en fonction des sons à produire. Le marimba est un xylophone grave, joué avec quatre baguettes, notamment dans la musique contemporaine, en raison de son étendue. Jacques Deshaulle : Quant au vibraphone, il comporte une pédale qui étouffe et tire les notes, comme pour le piano. Techniquement, le point commun à tous nos instruments est la façon de frapper : les coups de baguettes doivent former des sons relevés, et non plaqués, ce qui n’est pas facile à assimiler. Le nombre de baguettes est-il variable ? G. D. : Il varie en fonction des instruments. Il faut deux baguettes pour le xylophone et beaucoup plus pour le vibraphone et le marimba. Précisément, quels sont vos profils de poste ? G. D. : Je joue les claviers, c’est, à mon sens, l’instrument le plus mélodique dans la percussion. J. D. : Je suis aux timbales, ce n’est pas une spécialisation des percussions, mais c’est le poste de timbalier. Je fais aussi de la percussion en musique contemporaine. En général, j’ai cinq timbales, mais cela peut aller de quatre à six. Par certains côtés, la technique du clavier est très proche de celle des timbales. Pascal Chapelon : Je suis plus intéressé par les instruments à peau : la caisse claire notamment, mais aussi les accessoires : tambour de basse, triangle, castagnettes, tambour, etc. Il y a différentes façons de tenir les baguettes. La technique du tambour est vraiment traditionnelle : chaque coup est donné avec le poignet. Pour la caisse claire (instrument plus petit, avec des peaux plus tendues sur son bois), on se sert du rebond naturel de la peau. Et la grosse caisse ? P. C. : Elle se joue avec le pied. Mais dans l’orchestre on utilise plutôt la grosse caisse symphonique qui se joue avec des mailloches, à la différence des grosses caisses à pédale jouées dans les batteries d’orchestre de jazz ou de variétés. Didier Keck : Quant à moi, je ne suis pas spécialisé mais polyvalent. Et dans la musique contemporaine ? D. K. : Il y a des milliers d’instruments, tous très particuliers. J. D. : Parfois on a même trop de matériel. Certains compositeurs ne réalisent pas toutes les potentialités de chaque instrument, qui peuvent être doublés inutilement. Mais les compositeurs qui ont davantage d’expérience savent éviter ces écueils. D. K. : Notre travail consiste beaucoup à traduire les intentions du compositeur, à rendre possible ce qui n’est qu’imaginaire. C’est une gymnastique de l’esprit assez complexe. J. D. : Le répertoire du XXe siècle contient de la musique de percussion. Mais même dans ce répertoire, les symphonistes (Dusapin, Dutilleux, Messiaen) utilisent la percussion pour donner des couleurs. Historiquement, que peut-on dire de la percussion en général ? G. D. : On sait qu’au Moyen Âge il y avait une espèce de xylophone, appelé claquebois. Mais on ne connaît pas son aspect, même si on peut l’imaginer composé de lames de bois… J. D. : Il y avait alors un tas de choses : les petites clochettes, les grands tambours provençaux, puis les instruments arabes. C’est vraiment à l’époque classique que tout change, quand les instruments à percussion reviennent à leur fonction originelle : la musique militaire. Trompettes et timbales sont donc arrivées dans l’orchestre symphonique petit à petit. On ponctuait alors le ton principal de la symphonie avec les trompettes et les timbales, toujours ensemble. À partir des Romantiques, elles commencent à se dissocier, la percussion apparaît timidement. Par exemple, Beethoven, dans sa 9e symphonie, utilise les instruments de la musique militaire, à savoir le triangle, les cymbales, la grosse caisse. Et le glockenspiel ? J. D. : C’était l’instrument de la musique militaire allemande, Timbales. Une heure et demie de travail par jour par instrument, à quoi s’ajoute le solfège. assez peu utilisé en France puisque nous avions les fifres et tambours. Le glockenspiel se joue d’une main, et donne une couleur particulière. Il existe également un glockenspiel à clavier, celui que Mozart utilise dans La Flûte enchantée. G. D. : Il y a aussi le célesta, qui nous incombe parfois, bien que souvent joué par le pianiste. D’ailleurs, le piano est aussi, d’une certaine façon, un instrument à percussion, puisqu’il est frappé. Quels sont les problèmes majeurs que vous rencontrez ? P. C. : Ce sont les problèmes de doigté… G. D. : Il y a des limites techniques pour réaliser ce que demande le chef. Il faut trouver le bon doigté, le plus pratique, qui sonne le mieux. À cela s’ajoute le problème particulier aux percussionnistes qui doivent regarder la partition, repérer l’endroit où ils jouent, et regarder le chef en même temps. Les trois ensemble sont parfois difficiles à réaliser. P. C. : Il faut souvent agrandir les partitions car, selon les instruments, Glockenspiel. 17 on les joue de plus ou moins loin. G. D. : Et quand on a quinze ou seize instruments autour de soi, le pupitre est difficile à atteindre. J. D. : Particulièrement en musique contemporaine, où l’on a souvent plusieurs pupitres et, occasionnellement, il faut tourner plusieurs pages dans plusieurs pupitres… on n’a pas le temps ! Et avec les baguettes ? J. D. : Il faut les poser dans un endroit où l’on pourra les reprendre rapidement. Certains compositeurs prennent en compte cette difficulté, d’autres ne le font pas. P. C. : Indiquer de prendre telle baguette, tourner la page de tel pupitre… Ce sont des choses qui ne se voient pas pour d’autres instruments. Je suppose que vous avez des « trucs » pour contourner les problèmes ? D. K. : Il s’agit bien souvent de « bidouiller » sur l’instrument ou la partition… J. D. : J’ai toujours un jeu de clés, des tournevis, de quoi monter et démonter, car sur les timbales il y a beaucoup de mécanique. Il faut pouvoir régler un problème au dernier moment, et donc être bricoleurs, inventifs. Vibraphone. 18 LE COIN DES MUSICIENS INTERVIEW À PROPOS DE AGENDA Tambour ou Caisse claire, ancien modèle. Grosse Caisse nouveau modèle. Il y a des œuvres dans lesquelles vous n’êtes pas sollicités, dans Mozart par exemple. J. D. : Il n’y a jamais de percussion dans Mozart (sauf dans La Flûte enchantée), mais il y a des timbales, tout comme dans la musique classique et à l’époque baroque. Je trouve qu’il y a eu un appauvrissement des timbres de l’orchestre à l’époque classique. L’apparition de la sonate et de la symphonie a été une manière de recadrer d’une façon beaucoup plus stricte. Mais les grands symphonistes (Haydn, Mozart) trouvent le moyen de s’amuser à l’intérieur de ce cadre rigide. Et Berlioz ? D. K. : On lui doit tout. Dans le Traité d’orchestration, il décrit dix-huit instruments de percussion, me semble-t-il, et c’était une petite révolution. J. D. : De son temps, en France, les bons timbaliers étaient rares. Le timbalier de l’orchestre était souvent un musicien à la retraite. Pour Berlioz, c’était scandaleux. Combien de timbales dans son « Requiem » ? D. K. : Il y a dix timbaliers et seize timbales. J. D. : Dans Berlioz, c’est surtout le nombre de timbaliers qui est intéressant. Dans La Fantastique, il y a quatre timbales et quatre timbaliers, ce qui est très nouveau. Cymbales. Dans Wagner ? J. D. : Dans la Tétralogie, il y a la multitude des enclumes des Nibelungen, et le timbalier doit avoir une bonne santé physique. Avez-vous souvent de longues périodes d’attente ? J. D. : Il ne s’agit pas de ne rien faire : il faut compter les mesures, pour ne pas louper son départ. D’ailleurs on se donne des points de repères, pour éviter de compter jusqu’à cinq cents mesures ! Et certains chefs nous font des signes. G. D. : On peut aussi marquer les répliques d’instruments qu’on entend. J. D. : Mais ce n’est pas très fiable. Je préfère marquer des chiffrages d’accords et des tonalités. Quel est le rapport des chefs d’orchestre aux percussions ? G. D. : On a besoin qu’il nous fasse signe. J. D. : Mais il est arrivé qu’on attende un geste qui n’est pas venu… on s’apprête à jouer, on va jouer, et le geste ne vient pas, on ne joue pas, et on aurait du jouer. Comment êtes-vous venus aux percussions et timbales ? G. D. : J’ai commencé par le piano puis j’ai choisi la percussion. À 19 ans j’ai intégré le conservatoire de Paris. À l’époque, on y travaillait le vibraphone, les timbales, le xylophone, la caisse claire (c’est toujours cette base aujourd’hui), ce qui demande une heure et demie de travail par jour par instrument, à quoi s’ajoute le solfège. À la maison, on travaillait soit sur des xylophones de location soit sur des tampons (cercle sur lequel est tendue une petite peau, sur une mousse étouffant le son). Le résultat que l’on a sur le tampon est pratiquement identique, et on arrive à travailler la technique, le mouvement, les coups, etc. J. D. : Pour les timbales, je travaillais la technique du poignet à la maison sur des silencieux, c’est-à-dire des Tintin et des bottins de téléphone empilés. D. K. : Quant à moi, je suis batteur de jazz et rock, autodidacte, et je me suis inscrit dans un conservatoire très tard. Il a fallu travailler beaucoup puisque j’ai tout fait en même temps. P. C. : Personnellement, ce n’est pas la percussion que je voulais faire au départ. J’ai fait du piano, puis de l’accordéon, et ensuite je me suis senti attiré par la batterie. Je suis donc allé au conservatoire pour des cours de percussion, tout en continuant les batteries. En quoi la batterie est-elle différente des percussions ? P. C. : La technique, la façon de travailler et le répertoire sont très différents. Et l’improvisation libre ? P. C. : Comme dans beaucoup de styles de musique, il y a un rythme de base, et ensuite c’est au musicien, selon ses capacités, de jouer sur la base imposée par le compositeur. Et vous, Jacques, quelle est votre formation ? J. D. : Comme Pascal, j’ai commencé très tôt, à quatre ans, avec l’accordéon, puis je suis allé à l’école Nous sommes « auto-nuisants » 19 JANVIER-FÉVRIER du spectacle où j’ai appris le piano. J’aimais jouer du Bach, et écrire de la musique. Ensuite, la percussion m’a plu, je suis entré au conservatoire à 14 ans pour l’harmonie et les percussions. Dans l’orchestre, vous entendez les cuivres plus que les bois… J. D. : Il n’y a que les cors que l’on entende beaucoup, car on a le pavillon devant. D. K. : Étant au fond, on n’a pas de nuisance… Mais nous provoquons nous-même les nuisances… Nous sommes « auto-nuisants ». Comment se passent vos répétitions en orchestre ? La Flûte enchantée Mozart direction Alain Altinoglu mise en scène Lukas Hemleb livret Emanuel Schikaneder Massy (91) vendredi 9 janv. / 20h dimanche 11 janv. / 16h mardi 13 janv. / 20h G. D. : On se répartit le travail ; dans certaines œuvres, il ne faudrait que deux percussionnistes, mais il y a une telle étendue d’instruments qu’on décide entre nous de faire une troisième partie. On crée alors une ligne de front des percussions, à l’intérieur de laquelle on voyage. Opéra de Massy Rés. 01 60 13 13 13 C’est vous qui décidez de la place des instruments ? Théâtre de Corbeil-Essonnes Rés. 01 60 89 75 57 P. C. : Nous les organisons pendant les changements de plateau. D. G. : Mais certains compositeurs imposent une place spécifique. J. D. : Et même si les régisseurs mettent tout en place, nous devons nous organiser, si bien qu’on arrive longtemps à l’avance, et que les entractes sont consacrés à l’installation ! Lorient (56) vendredi 23 janv. / 20h30 Propos recueillis par François Regnault et A.-L. Henry-Tonnerre Cergy-Pontoise (95) vendredi 16 janv. / 20h30 samedi 17 janv. / 20h30 L’apostrophe / Théâtre des Louvrais Rés. 01 34 20 14 14 Corbeil-Essonnes (91) mardi 20 janv. / 20h45 Grand Théâtre Rés. 02 97 02 22 77 Combs-la-Ville (77) dimanche 25 janv. / 17h La Coupole Rés. 01 60 34 53 60 (version de concert) Chou, bijou, joujoux Bizet, Debussy, Sciarrino direction Tito Ceccherini soprano Sonia Turchetta Paris (75) samedi 31 janv. / 20h Cité de la musique (en coproduction) Rés. 01 43 68 76 00 Maisons-Alfort (94) dimanche 1er fév. / 16h Théâtre Claude Debussy Rés. 01 41 79 17 25 Vie et destin Beethoven, Tchaïkovski direction Moshe Atzmon piano Boris Berezowski Suresnes (92) vendredi 6 fév. / 21h Théâtre de Suresnes, salle Jean Vilar Rés. 01 46 97 98 10 Paris (75) samedi 7 fév. / 20h Théâtre Mogador Rés. 01 43 68 76 00 Fontainebleau (77) dimanche 8 fév. / 16h Halle de Villars Rés. 01 64 22 26 91 Le Perreux (94) jeudi 12 fév. / 20h30 Centre des Bords de Marne Rés. 01 43 24 54 28 Beynes (78) vendredi 13 fév. / 20h30 La Barbacane Rés. 01 34 91 06 58