Des jambes d`azur pour une vie en rose

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Des jambes d`azur pour une vie en rose
Des jambes d’azur pour une
vie en rose
Copyright : Brigitte Enguérand
Cette – très – courte pièce d’Eugène Labiche n’en est en fait
pas une. Avant-même le lever du rideau, Arnal, l’auteur
(Gilles David) se confond en excuses face au public : les
acteurs ne sont pas prêts, mais ils vont répéter toute la nuit
pour nous jouer le spectacle demain. Ceux qui, dans
l’assemblée se sont levés, croyant à la bonne foi du
narrateur, sont cependant invités à rester : ils vont pouvoir
assister à ce work in progress du XIXe siècle, après tout,
nous ne nous sommes pas déplacés pour rien. Se montre alors
devant nous, une vraie farce sur le drame d’une pièce qui ne
commence jamais…
Néanmoins, le rideau se lève pour laisser place à une série de
gags ininterrompue pendant une cinquantaine de minutes. Tout
est absurde : le décor est une forêt de Venise (!), dans
celle-ci, Arnal est rejoint par Ravel (Pierre Louis-Calixte),
qui n’a rien à faire là mais qui vient lui tenir compagnie
pendant la répétition. Les catastrophes en amènent d’autres :
le souffleur est souffrant, un machiniste analphabète le
remplace, les comédiens ne connaissent pas leurs textes, et
tiennent leurs chiens en laisse sur scène pour éviter que les
mâtins ne se battent en coulisse. L’un des acteurs a oublié
qu’il déménageait aujourd’hui à midi (Gérard Giroudon) : il
quitte donc la scène précipitamment avant de revenir pour
déclamer son texte de doge de Venise, un parapluie trempé sur
le bras.
Copyright : Brigitte
Enguérand
L’absurdité commence dès le titre, car on apprend que
l’héroïne de la pièce vient d’épouser un prince qui tient le
bleu en horreur. Mais la malheureuse, crapahutant dans
l’atelier d’un teinturier – qui n’est autre que le Tintoret
lui même -, se retrouve les pieds teints couleur azur. Elle ne
peut donc plus reparaître devant son mari.
Jean-Pierre Vincent fait ressortir tout le comique de
situation cumulé au comique de gestes. Les personnages sont
très marqués dans leurs corps comme dans leurs caractères,
Arnal le premier. On rigole de ce faux érudit autoproclamé
auteur de théâtre et qui transforme les « lagunes » en
« lacunes » au moyen de prétextes pompeux. Il est sûr de tout
de qu’il dit, et plus c’est bête, plus il défend son génie.
Après tout, comme il le rappelle à plusieurs reprises, il a
écrit les 129 pages de sa pièce en 12 jours, et sans une
rature ! Il est un dottore de comedia dell’arte face à
l’arlecchino Ravel qui ne rate pas une occasion de lui montrer
l’étendue de sa stupidité. Il dirige une bande de
saltimbanques plus amusés par l’idée de leurs métiers que de
le pratiquer vraiment. On pense notamment à la princesse
truculente et joyeuse campée par une Julie Sicard déchaînée
aux airs de Sarah Bernhardt des faubourgs, chanteuse de
cabaret trop à l’étroit dans son personnage. Elle ne monte pas
sur scène avant d’avoir fini sa saucisse et bu une choppe.
Quant à celui qui lui fera lâcher, pendant qu’elle déclame,
ses aiguilles de tricot, il n’est pas encore né ! Tout comme
celui qui ne rira pas en allant voir cette bande de joyeux
drilles déchaînés, d’ailleurs…
Hadrien Volle
hadrien (a) arkult.fr
« La Dame aux jambes d’Azur » d’Eugène Labiche, mise en scène
Jean-Pierre Vincent, jusqu’au 8 mars au Studio-Théâtre de la
Comédie-Française,au Studio-Théâtre de la Comédie-Française,
Carrousel du Louvre, du mercredi au dimanche à 18h30.. Durée
: 55 minutes. Plus d’informations
sur www.comedie-francaise.fr
et
réservations

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