des jeux peu orthodoxes

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des jeux peu orthodoxes
MARQUÉ PAR DES STÉRÉOTYPES TRÈS MASCULINS
Un sport pas si gay
Si la communauté gay fréquente volontiers les salles de remise
en forme, il demeure difficile de s’avouer homosexuel dans un club.
En particulier dans les sports d’équipe.
’est un rendez-vous sportif international qui se tient tous les quatre
ans. Avec, au programme, une cérémonie d’ouverture, un défilé d’athlètes et des compétitions sportives
dans plus de trente disciplines… Mais ces Jeuxlà ont un incontestable petit goût de subversion. Ici, les drapeaux arborent les couleurs de
l’arc-en-ciel et les drag-queens côtoient les
musclés en short. Bienvenue aux Gay games,
ces rencontres sportives nées il y a vingtcinq ans pour « accroître le respect envers la
communauté lesbienne, gay, bi et transexuelle à travers le monde ». En 2011, c’est
la ville allemande de Cologne qui se mettra
aux couleurs de cet olympisme atypique,
pour la sixième édition du genre. Entre
temps, d’autres rendez-vous sportifs se
seront tenus dans le même esprit : Eurogames
à Barcelone mi-juillet, Mondial de foot gay
à Buenos Aires en septembre…
Faut-il y voir simplement le folklore d’une communauté homosexuelle décomplexée, friande
d’événements festifs et de rencontres «entre
soi»? Pour Philippe Liotard, sociologue ensei-
C
gnant à l’Ufr Staps de Lyon 1, la réalité est
tout autre: «Les Gay games ne sont pas un événement organisé par les gays pour les gays mais
se sont constitués au contraire dans un esprit
d’ouverture, pour combattre l’exclusion qui fonde
l’organisation du sport traditionnel. Le modèle
compétitif exclut, sur la base de l’orientation
sexuelle, mais aussi de la catégorie d’âge ou du
niveau de performance auquel on appartient. Aux
Jeux gays, tout le monde peut vraiment participer.»
Historiquement, c’est dans le sillage des premiers
Gay games que s’est structuré en France, il y a
une vingtaine d’années, le mouvement sportif
gay et lesbien. Regroupés au sein d’une fédération omnisports, la Fédération sportive gaie
et lesbienne (FSGL), de nombreux clubs identitaires ont vu le jour, majoritairement à Paris,
mais aussi dans certaines villes de province
(1). Les motivations des quelque 3000 adhérents ne sont évidemment pas toutes les mêmes.
«Mais on peut raisonnablement avancer l’hypothèse que si un tel mouvement affinitaire a
émergé, c’est parce qu’il existe un sentiment
partagé selon lequel les homosexuels ne sont pas
DES JEUX PEU ORTHODOXES
Les premiers Gay games ont été créés en 1982 à San Francisco à
l’initiative de Tom Waddell, un ancien décathlonien de haut
niveau. Son objectif était double : il s’agissait certes d’organiser
un événement susceptible de montrer qu’on peut à la fois être sportif et homosexuel,
mais aussi de rompre avec l’esprit de compétition et de nationalisme en vigueur dans
les JO traditionnels. Le CIO ne s’y est pas trompé, qui a dénié aux Gay games le droit
d’user du sigle et du sacro-saint adjectif « olympique ».
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acceptés dans le sport traditionnel, analyse
Philippe Liotard. Ils restent invisibles, or on
sait bien que l’invisibilité est une forme d’homophobie.»
UN TABOU PERSISTANT
De fait, aborder la question de l’homosexualité
dans le sport revient à interroger une absence.
Que ce soit dans la caste du très haut niveau
ou dans la pratique amateur, il semblerait à
première vue que cette réalité sociale n’existe
pas dans l’enceinte des stades. Plus le sport est
populaire, plus l’interdit est fort. «On peut être
Noir, Arabe ou Blanc dans le foot, mais l’homosexualité, elle, reste tabou. C’est un milieu macho
où il faut être de “vrais mecs“», observait Vikash
Dhorasoo dans une interview accordée au magazine Têtu après qu’il ait apporté son soutien au
club du Paris Foot Gay. Mais, même en dehors
du football, les athlètes renommés qui ont osé
faire leur «coming out» se comptent sur les
doigts d’une main (lire encadré p. 12).
Difficile pourtant de croire que les sportifs formeraient une population à part où la proportion des homosexuels serait moins importante
qu’ailleurs. Il est évidemment plus probable
que cette absence signe une incapacité à lui faire
une place. En 2003, les sociologues Dominique
Bodin et Eric Debarbieux ont tenté, non sans
mal, d’explorer cette planète inconnue de la
galaxie sportive. «Je compte parmi mes amis
un athlète homosexuel, qui m’a servi en quelque
sorte de Cheval de Troie, raconte Dominique
Bodin. C’est grâce à lui que nous avons pu en
contacter d’autres. Certains ont refusé de
répondre à nos questions. Les autres ont accepté
à la condition expresse que nous ne révèlerions
pas leur homosexualité.»
Au final, douze athlètes de haut niveau, issus
de différentes disciplines, livreront leurs témoi-
Francogames
Homosexualité : l’exclusion silencieuse
Compétition de volley
aux Francogames 2006
à Montpellier :
les événements sportifs
gays et lesbiens se
veulent ouverts à tous,
homos ou non.
gnages, éclairant les raisons pour lesquelles ils
se plient à cette implicite loi du silence (2). «À
l’école, j’étais au mieux traité de fille et au pire
de sale pédé, se souvient l’un d’entre eux. J’étais
en permanence le bouc émissaire de ma classe,
c’est comme cela que mes parents m’ont mis au
sport, pour que je m’endurcisse et que je devienne
un homme! Alors révéler maintenant mon homosexualité comme cela à tout le monde, cela me
semble impossible.» La peur de se marginaliser,
mais aussi celle de ne pas avoir le droit à l’échec
dictent la discrétion affichée de ces sportifs. «Ils
se sentent prisonniers de leur appartenance identitaire qui les condamne au silence ou à la perfection», souligne Dominique Bodin.
Ces champions évoquent aussi la nécessité de
« donner le change » par peur de perdre des
contrats avec leurs sponsors. Certains reconnaissent même avoir reçu des recommandations
explicites dans ce sens leur conseillant de s’afficher avec des femmes. Mais le plus troublant
de cette étude réside sans doute dans le fait que
l’homosexualité de ces athlètes est tout à fait
connue du petit monde qui les côtoie: coéquipiers, entraîneurs, journalistes s’entendent
implicitement pour ériger autour d’eux une
barrière de silence protectrice. «On peut véritablement parler d’un secret de famille, remarque
Dominique Bodin. Chacun sait, mais personne
n’en parle. Le sujet est tout simplement éludé,
parce que l’évoquer serait considéré comme
gênant, voire dangereux pour la bonne image du
sport et pour la future carrière du sportif.»
STÉRÉOTYPES
Quasi impensable dans le sport de haut niveau,
l’homosexualité est-elle plus avouable dans le
milieu du sport amateur et de loisir ? Les
réponses appellent des nuances, car les enjeux
ne sont pas les mêmes. L’association « SOS
homophobie », qui publie chaque année un
rapport sur les actes homophobes dans tous
les domaines de la vie quotidienne, remarque
que le nombre de témoignages spontanés qu’elle
reçoit concernant le sport est relativement
faible. Mais une enquête réalisée par les sociologues Philippe Liotard et Sylvain Ferez éclaire
plus finement la situation. Plus de la moitié des
personnes interrogées fréquentant un club
sportif traditionnel indiquent qu’elles ont choisi
de ne pas faire état de leur homosexualité,
moins par crainte des conséquences que par
volonté de ne pas tout rapporter à cet aspect de
leur identité. «J’y vais pour le sport, pas pour
militer», explique l’un. «Je fais du sport, pas de
la publicité pour mes penchants sexuels »,
Juin 2007
confirme un autre. En revanche, ceux qui ont
choisi de ne pas taire leur homosexualité «semblent surexposés au sentiment d’exclusion ».
Insultes, moqueries, mais aussi mises à l’écart
sportives, refus de licence ou d’inscription sont
évoqués parmi les manifestations de rejet.
À la suite de ces problèmes, certains ont préféré arrêter le sport, d’autres ont choisi d’adhérer à un club sportif gay et lesbien. Il semble
toutefois que la situation soit extrêmement
contrastée selon l’endroit où l’on vit. Plutôt
bien tolérée dans les grandes villes comme
Paris, l’homosexualité devient vite inavouable
sitôt franchies les limites du périphérique: en
banlieue comme en province, les clichés ont la
vie dure et rendent le «coming out» beaucoup
plus problématique. La discrétion devient alors
la règle. «Il existe chez nombre de sportifs homosexuels une logique d’autocensure, une intériorisation du silence, note Philippe Liotard. J’ai
eu l’occasion de rencontrer des homosexuels qui
ont une vie sociale ouvertement gay… Sauf
quand ils pratiquent le rugby, où ils s’affichent
comme hétéros. Certains vont même jusqu’à
demander à une amie de venir les chercher à l’entraînement.»
Incontestablement, l’homosexualité pose donc
problème au monde sportif traditionnel. Toute
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Presse-Sports
la question est évidemment de savoir pourquoi ce qu’un artiste ou un homme politique
peuvent se permettre sans susciter beaucoup
de vagues reste impensable pour un athlète.
La réponse est sans doute à chercher du côté
des valeurs mêmes du sport moderne tel qu’il
s’est constitué à la fin du dix-neuvième siècle.
Il est ce « territoire d’élection de la masculinité conquérante » (3) qui exalte la force et
la domination. Et, selon les normes qui colorent la pensée contemporaine, cette masculinité ne peut s’exprimer qu’en lien avec
l’hétérosexualité. « Dans les stéréotypes en
vigueur, on ne peut pas à la fois être viril et
homo », souligne Philippe Liotard. Une équation toute relative si l’on se souvient du
modèle des Grecs antiques : « C’était alors
exactement le contraire, s’amuse Dominique
Bodin. La virilité allait de pair avec l’homosexualité. Ce sont les hommes qui fréquentaient trop les femmes qui étaient considérés
comme trop mous pour faire de valeureux
guerriers… »
Amélie Mauresmo est l’une
des rares sportives dont le
« coming out » n’a pas
entamé la popularité.
LE LESBIANISME MIEUX ACCEPTÉ ?
Conséquence logique de la norme actuelle :
puisque le sport est originellement associé au
genre masculin, la femme, mais aussi l’homosexuel et son efféminement supposé deviennent par contraste des contre-modèles, voire
des images repoussoirs, incompatibles par essence
avec la pratique sportive. Stéréotypes dépassés?
Manifestement non. En dépit de la libéralisation
des mœurs, ces représentations semblent encore
très actives dans l’inconscient collectif. «Même
si les mentalités ont évolué, l’homosexuel reste
encore aux yeux de beaucoup un sous-homme,
moins fort que les autres, confirme Pascal Brethes,
président du Paris Foot Gay. Lorsque nous allons
dans les collèges pour mener des actions contre l’homophobie, on entend souvent des réactions très
violentes des gamins, qui nous disent: “Les pédés,
ça joue pas au foot!“»
Dans cette prévalence des stéréotypes, l’homosexualité féminine semble au premier abord
bénéficier d’un regard moins discriminant.
Quand la joueuse de tennis Amélie Mauresmo
a fait son coming out à la une de Paris-Match,
elle n’a pas pour cela perdu ses sponsors ni la
popularité dont elle jouissait.
Mais un examen plus attentif de la situation
montre que cette tolérance a ses limites. Dans
le milieu sportif, les sous-entendus – les fan-
CEUX QUI ONT OSÉ
Reconnaître publiquement son homosexualité reste une exception dans le gotha sportif
et les rares athlètes à le faire choisissent généralement de parler quand leur carrière est
derrière eux. C’est le cas notamment du basketteur John Amaechi, qui a attendu l’heure
de la retraite pour révéler qu’il était gay. Le champion olympique de plongeon, l’Américain
Greg Louganis, a pour sa part été plus loin en révélant en même temps son homosexualité et sa séropositivité et en se posant en défenseur de la cause gay. Mais, là encore, il
l’a fait au moment de se retirer de la compétition. Courageuse exception, Amélie Mauresmo
a fait son coming out au début de sa carrière, faisant suite dans le monde du tennis féminin à Martina Navratilova et Conchita Martinez. Quant au monde du football, il a bien
vite oublié l’histoire tragique de Justin Fashanu, petit génie anglais des années 80. La
révélation de son homosexualité lui avait valu un rejet unanime de sa famille et de l’opinion publique et Justin Fashanu finit par se suicider en 1998. Depuis, il n’y a officiellement aucun homosexuel parmi les champions du ballon rond…
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tasmes? – sur le lesbianisme supposé de joueuses
appartenant à telle ou telle équipe de basket
ou de football sont monnaie courante. On peut
d’ailleurs se demander si, de façon générale,
avouer ses penchants homosexuels n’est pas plus
facile dans un sport individuel que dans un
sport d’équipe.
Pour autant, si l’homosexualité féminine gêne
moins c’est peut-être parce qu’elle ne vient pas
déranger les représentations sexuées classiques. Aux yeux de certains, si les athlètes lesbiennes alignent des performances, c’est dans
l’ordre des choses, puisqu’elles sont – toujours selon les stéréotypes – plus masculines
que féminines. « Imaginer les sportives homosexuelles est certainement un procédé cognitif
permettant de penser le sport dans sa conception traditionnelle, observe l’ethnologue Anne
Saouter. C’est une pratique qui produit des
hommes ou des femmes «qui ne sont pas des
femmes». (4) Martina Hingis a ainsi pu expliquer
une défaite face à Amélie Mauresmo par le fait
que son adversaire était «à moitié homme». Ce
distinguo explique sans doute pourquoi, hors
des stades, nombre de sportives de haut niveau
s’efforcent de donner d’elles une image correspondant aux critères conventionnels de la féminité : maquillage, talons hauts et ongles
manucurés de rigueur… Histoire de prouver
qu’on peut être sportive et rester femme.
Si le monde sportif peine tant à accepter l’homosexualité, c’est aussi, au delà des clichés de
genre, parce que le sport est avant tout affaire
de corps. Corps dévoilés, corps qui s’affrontent,
se touchent, s’empoignent parfois. Anne
Homosexualité : l’exclusion silencieuse
Saouter a montré comment le rugby, sport de
contact par excellence, sécrète un discours
d’une masculinité exacerbée pour mettre à
distance tout soupçon d’une sexualité jugée
« déviante ». «C’est certainement pour cela que
les joueurs entretiennent un discours homophobe », analyse-t-elle. Une façon de s’affirmer : « Nous ne pouvons pas être ce que par
ailleurs nous rejetons».
Cette forte présence du corps, au centre même
de la pratique sportive, alimente du coup
nombre de fantasmes sur ce qui se passe «en
coulisses», une fois dans les vestiaires. «Quand
un hétérosexuel arrive au club, les premières
fois, il évite de prendre sa douche sur place,
sourit Pascal Brethes, président du Paris Foot
Gay. Au bout de plusieurs séances, la réalité
prend le pas sur l’imaginaire et il se rend vite
compte qu’il ne risque rien.»
LE DROIT À L’INDIFFÉRENCE
Comment dès lors combattre ce poids des préjugés pour rendre possible une pratique sportive sereine des homosexuels? Le mouvement
sportif gay et lesbien a choisi de promouvoir l’esprit d’ouverture au sein de ses clubs pour qu’ils
accueillent aussi des hétérosexuels. Mais des
souhaits à la réalité, il y a encore un gouffre.
Lors de la dernière édition des Francogames, en
septembre 2006 à Montpellier, les participants
étaient à une écrasante majorité affiliés à des
clubs gays et lesbiens (5).
Certains craignent également les effets pervers
d’une fédération identitaire, si ouverte soitelle. «À partir du moment où une communauté
se forme, elle est montrée du doigt, analyse
Dominique Bodin. On s’affiche comme nombreux différents, mais pas comme nombreux
intégrés. Or, ce qu’il faudrait revendiquer, c’est
moins le droit à la différence que le droit à l’indifférence.»
Quelle que soit la manière d’y parvenir, tout le
monde est d’accord sur un constat: le combat
pour la reconnaissance homosexuelle doit commencer par une lutte de tous les jours contre
l’homophobie ordinaire qui règne dans le milieu
du sport. «Ça ne passe que par l’éducation, préconise Pascal Brethes. L’encadrement sportif et
le milieu de l’enseignement ont un rôle primordial à jouer pour battre en brèche tous les clichés.» L’arbitrage sur les terrains a aussi des
progrès à faire pour sanctionner aussi sévèrement les «sale pédé» entendus à tout bout de
champ que les injures à caractère racial. Mais
peut-être le changement de mentalités s’opèrera-t-il aussi grâce à la performance sportive
elle-même, surtout quand elle a la chance d’être
médiatisée.
Le Paris Foot Gay, qui aligne dans son équipe à
la fois des joueurs homos et hétéros et parti-
cipe à un championnat régional «foot loisir» –
mais n’est pas affilié à la Fédération française
de football – ne désespère pas de parvenir ainsi
à tacler les préjugés les plus profondément enracinés. «La première fois que nous avons joué en
lever de rideau au Parc des Princes, il y a deux
ans, nous avons été copieusement brocardés par
les supporters. La fois suivante, nous avons gagné
et avons été ovationnés par toute la tribune
Auteuil » raconte Pascal Brethes. Un détail ?
Sans doute. Mais sur le long chemin vers l’acceptation de la différence, ce détail-là a un
petit avant-goût de victoire…●
SOPHIE GUILLOU
(1) La FSGL (www.fsgl.org), qui regroupe 25 associations proposant 35 sports, organisait du 23 au 28 mai le Tournoi
international de Paris, lequel accueillait notamment les
championnats du monde gays et lesbiens de natation, de natation synchronisée, de water-polo et de nage en eau-libre.
(2) Le résultat de cette enquête est publié dans «Révéler l’impensable? Ou la question de l’homosexualité masculine dans
le sport de haut niveau», Dominique Bodin et Eric Debarbieux,
in Le sport en questions, Chiron, 2003.
(3) Selon les termes de Frédéric Baillette dans un article de
«Sport et virilisme», hors-série de la revue Quasimodo.
(4) «Sport et proximité corporelle: la peur du tabou», in Le
Sport en questions, Chiron, 2003.
(5) L’incertitude plane sur la prochaine édition des Francogames,
dont l’organisation est à chaque fois «portée» par des associations en région (Los Valents et Chemins des cimes en
2006, les Tours’Angels en 2004). Aucune association ne s’est
portée «candidate» pour l’instant.
TÉMOIGNAGE :
« J’AI FAIT MON COMING OUT ET JE LE REGRETTE »
Yohann a 25 ans et joue depuis son adolescence dans le club
bien passé. Je me sentais enfin bien dans ma peau. Puis des
de football de Chooz, dans les Ardennes. Il y a quelques
nouveaux sont arrivés au club. Des très bons joueurs, qu’on
mois, il a choisi de révéler son homosexualité. Aujourd’hui,
écoute plus que les autres et que manifestement l’homosexua-
il en paie le prix fort.
lité dérange. Certains anciens se sont alors mis à m’éviter : je
n’étais plus invité à boire un pot ou à aller en boîte avec eux
« Quand j’ai décidé de faire mon coming out, je traversais une
comme avant. Mais surtout, progressivement, je me suis fait évin-
période difficile: je venais de perdre mon père et, dans le même
cer de l’équipe première du club : je ne suis jamais sélectionné
temps, mon ami de l’époque, lui aussi footballeur, a décidé de
pour les matches. Certains joueurs ont ouvertement arraché
couper court à notre relation « pour redevenir normal». Sur le
l’écusson « Carton rouge à l’homophobie » que l’équipe avait
terrain, je devenais trop impulsif, je ne supportais plus d’entendre
accepté de porter sur son maillot. L’entraîneur n’a rien dit.
les insultes habituelles qui fusent pendant les matches : « Bande
Aujourd’hui, je ne sais pas très bien quoi faire. Quitter le club,
de pédés », « vous n’êtes que des gonzesses »… A chaque fois,
mais pour aller où ? Dans mon coin des Ardennes, il n‘y a pas
je le prenais pour moi. Un jour, je me suis énervé et j’ai pris un
vraiment le choix. Et puis, c’est quand même le club où je joue
carton rouge au cours d’un match très important pour le main-
depuis des années ! Pourtant, jamais je ne me suis affiché avec
tien du club. J’ai alors décidé d’en parler à l’entraîneur. Au
un garçon, je comprends que ça puisse choquer les gens. Dans
début, il était très surpris, il ne voulait pas me croire. Homo,
mon boulot, où je suis contremaître de maintenance, je n’ai ren-
ça ne collait pas avec mon gabarit (je mesure 1,90 m et je pèse
contré aucun problème en raison de mon homosexualité. Mais
90 kg). D’un commun accord, on a décidé d’en parler au reste
visiblement, dans le milieu du foot, ça reste impossible à
de l’équipe. Pendant les six mois qui ont suivi, ça s’est très
accepter… » ●
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