Nzongang - Erudite

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Nzongang - Erudite
Les déterminants des impayés dans les Institutions de Microfinance en zone urbaine : le cas du
réseau MUFFA (Mutuelle Financière des Femmes Africaines) au Cameroun
Joseph Nzongang1, Léopold Djoutsa Wamba2 et Alain Takoudjou Nimpa3, Université de Dschang,
Cameroun
Résumé
La Mutuelle Financière des Femmes Africaines, créée pour promouvoir l’entrepreneuriat féminin, a révélé des limites
en termes de performance de remboursement des crédits. La présente étude a pour objet d’identifier les déterminants
du taux d’impayés dans cette institution. Une analyse de régression sur des données recueillies sur un échantillon de
603 dossiers de crédits accordés aux mutualistes, montre que les facteurs liés aux emprunteuses (âge et la
disposition d’un revenu complémentaire) et à l’institution (montant du crédit, durée du crédit et les visites des agents
de crédits pendant la période de remboursement) déterminent le taux d’impayés dans cette institution.
Mots clés : IMF, taux d’impayés, MUFFA, asymétrie de l’information.
JEL: D82, G14, G21, G32, G33
The determinants of loan delinquency in urban microfinance institutions: the case of MUFFA
(Financial Cooperative of African Women) in Cameroon.
Abstract
Financial Cooperative of African Women, founded to promote female entrepreneurship has shown its limitations in
terms of loan repayment performance. This study aims to identify the determinants of loan delinquency rate in this
institution. Regression analysis on the data collected on a sample of 603 cases of loans to mutual shows that factors
related to borrowers(age and the provision of additional income) and institution (credit amount, duration and loan
officer visit during the repayment period) affect the default rate in this institution.
Keywords: MFI, loan delinquency rate, MUFFA, information asymmetric.
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[email protected], Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, B.P. 110 Dschang(Cameroun)
[email protected], Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, B.P. 110 Dschang(Cameroun)
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[email protected], Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, B.P. 110 Dschang(Cameroun)
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1
1.
Introduction
On a assisté au début des années 1990 à la libéralisation du secteur financier dans plusieurs pays de la sous
région de l’Afrique centrale et plus particulièrement au Cameroun suite au désintérêt des banques
classiques vis-à-vis des populations à faible revenus. Une des principales manifestations de cette
libéralisation étant l’émergence et la prolifération des Institutions de Microfinance (IMF). Le rôle que
jouent aujourd’hui ces IMF dans le processus de croissance, de développement économique des nations et
de lutte contre les exclusions et la pauvreté multiformes n’est plus à démontrer. Ayant fait leurs preuves à
travers différentes approches de leur capacité à fournir des services financiers aux populations exclues des
systèmes bancaires classiques, elles sont à une phase critique de leur développement. Leur défi actuel est
celui de l’institutionnalisation et surtout de la pérennité. La pérennité d’une IMF dépend de sa capacité à
dégager le maximum d’output avec le package d’inputs à sa disposition, donc de son efficacité technique.
Au nombre des outputs d’une IMF, le crédit est la composante principale. Or, une IMF ne peut octroyer
le crédit de façon pérenne que si son portefeuille de crédit est en parfait état de santé. Or d’après la
COBAC (2002), le taux d’impayés dans les IMF de la zone CEMAC avoisine 50%. Cela permet de
comprendre tout l’attachement que ces structures devraient porter à la gestion du portefeuille de crédit.
En effet, le portefeuille de crédit dans une institution financière et plus particulièrement dans les IMF
représente parfois plus de 70% des actifs et est donc la principale source de production. Le risque dans les
opérations de crédit est lié au fait que les remboursements des crédits sont rarement garantis en totalité,
les emprunteurs pouvant être défaillants. C’est pourquoi un fort taux d’impayés sape non seulement la
viabilité des IMF mais aussi en cause leur pérennité. Alors il est évident que la viabilité d’une institution
financière de même que la sécurité des épargnants dépendent des techniques de gestion d’impayés. En
prenant le cas de la MUFFA( Mutuelle Financière des Femmes Africaines) qui est une IMF destinée à
offrir des services financiers aux femmes à faibles revenus et à celles du secteur informel des zones
urbaines et périurbaines, nous avons noté qu’ entre 2004 et 2011, le taux d’impayés est passé de 16,42 à
30,33 % . Cette croissance des impayés dans cette structure est devenue une situation préoccupante. Elle
peut mettre en cause non seulement sa crédibilité mais peut à terme compromettre son existence. A cet
effet, quels sont les facteurs à l’origine des impayés dans les IMF et plus particulièrement dans la MUFFA ? Telle est la
question qui fera l’objet de notre préoccupation dans cette étude.
Cette problématique n’est pas nouvelle dans la littérature en microfinance. De nombreuses recherches
empiriques (Montalieu, 2002 ; Lanha, 2002 ; Mayoukou, 2003 ; Honlonkou et al., 2006) ont été réalisées sur
le sujet en Afrique de l’Ouest mais très peu en Afrique Centrale et plus particulièrement au Cameroun. A
notre connaissance, seulement l’étude de Wamba (2008) a été réalisée en contexte camerounais sur les
problèmes de remboursement dans les IMF. L’originalité de la présente étude est la prise en compte de la
spécificité métropolitaine qui pourra expliquer le différentiel du taux de remboursement en zone urbaine
et rurale. En effet, les membres d’une mutuelle filtrent l’accès au crédit et utilisent la pression sociale
pour accroître les taux de remboursement. Cette approche sociologique est particulièrement adaptée en
zone rurale où les pratiques communautaires restent fortes. Cependant, en ville, elle doit être complétée
par une bonne technicité, la mise en œuvre de nouvelles méthodes et un suivi approprié pour assurer des
taux de remboursement élevés. Compte tenu de cette spécificité, cette étude aura pour objectif d’identifier
et d’analyser les facteurs à l’origine des impayés dans la MUFFA. La connaissance de ces déterminants
permettra de mettre en place des mesures préventives. En effet, la bonne gestion des prêts ne peut
qu’améliorer la rentabilité et l’efficacité de l’institution, ce qui est de nature à garantir sa pérennité.
Pour atteindre notre objectif, cet article sera structuré en trois parties : la première circonscrit les aspects
théoriques et les hypothèses de travail, la seconde présente la conduite de l’étude empirique et la troisième
expose les résultats et les recommandations.
2.
Cadre théorique et hypothèses de la recherche
Avant d’exposer le modèle de recherche, nous allons tout d’abord présenter la MUFFA qui constitue
notre terrain d’expérimentation.
2.1. La MUFFA Cameroun et l’évolution des impayés
La Mutuelle Financière des Femmes Africaines, en abrégé MUFFA Cameroun, est un établissement de
Microfinance de première catégorie4 créée en 1998 à Yaoundé au Cameroun, et destiné à offrir des
services financiers aux femmes à faibles revenu et à celles du secteur informel des zones urbaines et
Le Règlement n° 01/02/CEMAC/UMAC/COBAC relatif à l’exercice de l’activité de microfinance en Afrique Centrale stipule
dans son article 7 que les IMF de première catégorie traitent exclusivement avec leurs membres.
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périurbaines. La MUFFA est l’œuvre d’un groupe de femmes intellectuelles, réunies au sein d’un club
dénommé WINC (Women Investment Club), dont les membres ont mis leur intelligence et leurs moyens
financiers au service de la promotion de la femme.
La MUFFA appartient au réseau des Mutuelles Communautaires de Croissance (MC²) et bénéficie de ce
fait du parrainage d’une banque commerciale (Afriland First Bank) très active dans le domaine de la
microfinance et dans la promotion des petites activités. Elle bénéficie aussi de l’assistance technique de
l’ONG ADAF (Appropriate Development For Africa Foundation) spécialisée dans le développement
communautaire.
La MUFFA a pour principale mission, d’éradiquer la pauvreté des femmes en milieu urbain et périurbain
tout en soutenant leur micro activités. Pour cela, elle s’est fixée trois objectifs majeurs : aider les femmes
africaines à prendre conscience de leur situation et avoir confiance en leurs nombreux atouts ; offrir aux
femmes micro entrepreneurs un cadre d’éveil et d’incubation pour leur projet d’investissement ; structurer
et canaliser le potentiel économique des femmes à très faibles revenus pour en faire un instrument de lutte
contre la pauvreté des femmes africaines.
Sur le plan organisationnel, la MUFFA est une organisation indépendante, démocratique et participative.
En effet, les fonds mobilisés proviennent en totalité de ses membres et seules ces dernières peuvent
bénéficier des services financiers. Par ailleurs, l’Assemblée Générale qui représente la totalité des membres
est l’organe suprême. Les décisions y sont prises par vote à la majorité des voix selon le principe « une
femme-une voix ». A l’ouverture en 1998 au Cameroun, la MUFFA disposait d’une agence. Actuellement,
ce réseau compte sept unités opérationnelles dans les principales villes camerounaises. La croissance sans
cesse du nombre des unités opérationnelles matérialise la croissance du nombre des membres (de 224 à
l’ouverture à plus de 10 000 actuellement). Comme toute mutuelle, l’activité principale de la MUFFA est
la mobilisation de l’épargne et l’octroi des microcrédits de 20 000 à 100 000 CFA à ses membres.
L’évolution en dents de scie des créances impayées de 2004 à 2011 a pour conséquence de faire évoluer
parallèlement le taux d’impayés sur cette même période telle que le montre le tableau ci-dessous.
Tableau 1 : Evolution des impayés au sein du réseau MUFFA (en millions de F CFA)
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Créances impayées
Provisions pour créances en
souffrance
Encours nets de crédits
Taux d'impayés en %
Source : MUFFA(2011)
2011
22,5
36
32,5
32
35
25
28
37
0,7
5
7
11,3
9
22
11
31
137
112
82
132
127
112
138
122
16,42
32,14
39,63
24,24
27,56
22,32
20,29
30,33
L’on ne saurait rester insensible à une telle évolution et comme l’exprime le règlement COBAC, le total
des prêts en souffrance ne doit pas dépasser 50% de l’encours total des prêts. Vu l’évolution du taux
d’impayés à la MUFFA de 2004 à 2011, tout porte à croire que la faillite de cette structure ne pourra être
causée que par des impayés. La structure devra prêter une attention particulière aux créances en
souffrance.
De manière générale, la littérature affirme que les difficultés des IMF sont liées en majorité aux
défaillances dans le remboursement du crédit. Les impayés étant une réalité dans les IMF, la MUFFA n’en
est pas épargnée. Cependant, qu’a-t-elle prévu pour venir à bout et prévenir cette situation ?
2.2. Les impayés en microfinance : typologie et évaluation
L’octroi du crédit par une IMF présente des risques dont le principal demeure le défaut de contrepartie
qui est très souvent la conséquence des impayés qui indiquent une défaillance future du client. L’impayé
est une défaillance du débiteur qui se trouve dans l’incapacité de régler sa dette dans les délais impartis ou
qui manque à ses obligations telles que mentionnées dans le contrat de prêt. Les impayés sont aussi le
report ou la perte des produits d’intérêt. Selon la COBAC(2002), trois types de créances sont reconnues
risquées pour une IMF de la zone CEMAC : les créances en souffrance ; les engagements par signature
douteux et les créances irrécouvrables.
Les créances en souffrance sont constituées des créances immobilisées, des créances impayées et des
créances douteuses. Les créances immobilisées sont des crédits échus depuis 45 jours mais dont le
recouvrement, sans être compromis, ne peut se faire à l’immédiat. Les créances impayées sont d’abord
des crédits qui n’ont pas pu être payées à l’échéance normale mais ce sont aussi des crédits qui sont
frappés de déchéance depuis moins de 45 jours. Les créances douteuses sont considérées comme des
3
créances de toute nature, même assortie de garanties, qui présentent un risque de non recouvrement total
ou partiel. Ces dernières comprennent, les concours ayant au moins une échéance impayée depuis plus de
45 jours, les comptes ordinaires débiteurs ne recevant aucun mouvement créditeur depuis plus de 45 jours
et les créances ayant un caractère contentieux qui ont nécessité le recours à une procédure judiciaire.
Les engagements par signature douteux sont des engagements hors-bilan qui présentent un risque
probable ou certain de défaillance totale ou partielle du donneur d’ordre lors de leur réalisation.
Les créances irrécouvrables sont des créances dont le non recouvrement est estimé certain après
l’épuisement de toutes les voies et moyens amiables ou judiciaires, ou pour toute autre considération
pertinente.
Sur le plan pratique, les modes de calcul des impayés au niveau des IMF sont loin d’être uniformes et leur
précision est inégale.
Dans la littérature, on dénombre 3 indicateurs les plus utilisés pour faire état de la qualité du portefeuille
de crédit des IMF : le ratio PAR( Portefeuille à Risque) qui est le rapport des encours des prêts affichant
un retard au total de l’encours de prêt ; le ratio des payements en retard qui est le rapport du total des
payements en retard par le total des encours de crédit ; le taux de recouvrement qui est le rapport entre le
montant des créances recouvrées et le total des payements attendus.
Le CGAP (1999) reprend les indicateurs ci- dessus en insistant sur le fait que la mesure des impayés doit
se faire de manière désagrégée et que le suivi du PAR doit se faire par une classification du portefeuille
par âge. Il suggère aussi d’interpréter le PAR à la lumière de la politique et de l’expérience de l’institution
en matière d’abandon des créances. De plus pour les structures dont les systèmes d’information seraient
encore peu performants, le PAR simplifié5 reste une option.
Pour résoudre les problèmes liés à la diversité dans l’évaluation de la qualité de portefeuille, Wesselink
(1995) propose quatre indicateurs à utiliser de façon combinée pour analyser la qualité d’un portefeuille de
prêt. Il s’agit du taux de remboursement, du taux d’impayés, du taux de contamination du portefeuille et
du taux de perte. Le Taux de remboursement (TR) est le rapport entre le montant reçu et le montant dû.
C’est un indicateur de performance de recouvrement. Ce rapport est approprié dans le cas d’intérêts
précomptés et d’annuités de remboursement égales. Il faudrait remarquer que ce taux n’est pas le
complément à un taux d’impayés. En effet, le taux de remboursement mesure la performance sur une
période alors que le taux d’impayés est une mesure instantanée. Le taux d’impayés (TI) se mesure par le
rapport entre le montant des créances échues et non payées d’une part et l’encours de prêt à risque d’autre
part. Les prêts sont considérés à risque si une portion du principal n’est pas payée à échéance.
Le taux de contamination du portefeuille (TCP) mesure le montant des créances à risque comme
pourcentage du portefeuille de prêt constitué. Cet indicateur mesure le risque potentiel de perte. Enfin le
taux de pertes (TP) est le pourcentage des créances déclarées irrécouvrables par rapport au portefeuille de
prêt. Le TI et le TP sont complémentaires puisqu’une politique de déclassement favorable au taux
d’impayés va accroître le taux de pertes et inversement.
L’existence de tant de façons de mesurer les impayés est due au fait que l’IMF doit choisir l’indicateur
dont les outils de mesure sont disponibles, déterminer comment elle va gérer les transactions
particulières et voir si son système d’information lui permet de produire les chiffres dont elle a besoin.
Cette diversité de taux pose sur le plan méthodologique un problème de choix du ratio à utiliser pour la
performance de remboursement ou non des prêts. Pour mesurer et analyser les impayés, la MUFFA
utilisent le ratio PAR classé par ancienneté6, le taux d’impayés et le taux de remboursement. L’indicateur
de performance que nous allons utiliser dans cette étude est basé sur la performance de non
remboursement à date exacte.
2.3. Les déterminants d’impayés : le modèle de la recherche
Le premier objectif de cette recherche consiste à déterminer dans quelle mesure et dans quelles
circonstances les IMF sont exposées aux impayés. L’examen de la littérature montre que les chercheurs
ont recours à la théorie de l’agence à travers l’asymétrie informationnelle pour répondre à ce type
d’interrogation (Akerlof, 1970 ; Stiglitz et Weiss, 1981 ; Hugon, 1996 ; Conning, 1997 ; Morduch, 2000 ;
Agenor, 2000). Ils attribuent le risque de non-remboursement des microcrédits à l’asymétrie de l’information
qui existe entre les prêteurs et les emprunteurs. D’après ce cadre théorique, il serait difficile d’évaluer la qualité
du demandeur et de vérifier le respect des termes du contrat. Ce risque de défaut de remboursement auquel
Le PAR simplifié se base sur le nombre de comptes de prêts plutôt que sur le solde de ces comptes.
Le classement par ancienneté permet de distinguer les crédits très risqués et les crédits moins risqués. Plus le retard est
important, plus le risque de non recouvrement est élevé.
5
6
4
sont confrontés les EMF est d’autant plus préoccupant parce que la microfinance a la particularité de vouloir
accomplir une mission sociale en restant autosuffisante financièrement. Ceci suppose la mise en place de
mécanismes ayant pour objectif de réduire le risque de défaillance des emprunteurs.
Actuellement, les IMF ont développé des stratégies qui permettent de minimiser les coûts de transactions et
les risques liés aux microcrédits (Lanha, 2002; Mayoukou, 2003; Montalieu, 2002). Pour octroyer ou non le
crédit, certains facteurs sont généralement pris en compte par les IMF afin de minimiser les risques de non
remboursement (Honlonkou, Acclassato et Quenum, 2006). Il s’agit d’une part des facteurs liés aux
emprunteurs (l’âge, la situation matrimoniale, le revenu complémentaire, la proximité résidentielle et
l’expérience dans l’affaire) et d’autre part, ceux liés à l’institution (objet du crédit, le montant et le rang du
crédit, les garanties exigées, le suivi du crédit, la durée du crédit…).
2.3.1. Les facteurs liés à l’emprunteur
Des travaux de recherche (Lanha, 2002 ; Honlonkou et al., 2006) ont contribué à la détermination des
facteurs liés à l’emprunteur qui puisse avoir une influence sur les taux des impayés en microfinance. D’après
l’étude de Lanha (2002), il ressort que le genre et l’âge de la microentreprise expliquent le risque de
défaillance en microfinance au Bénin. Honlonkou et al. (2006), à partir de 900 emprunteurs dans certaines
institutions de microfinance béninoises, ne trouvent pas de relation significative entre le genre, l’âge et le
niveau d’instruction ; mais trouvent une influence positive et significative sur la performance de
remboursement. Selon Hudon et Ouro - koura (2008), l’approche de proximité est une caractéristique
essentielle des caisses d’épargne et de crédit qui explique le fort taux de remboursement7 : les membres des
mutuelles, en usant de la pression sociale améliore les taux de remboursement. Cette conception sociale est
particulièrement adaptée en zone rurale où les pratiques communautaires restent fortes. Cependant, en zone
urbaine, elle doit être complétée pour assurer des bons taux de remboursement. S’appuyant sur la
méthodologie d’octroi de microcrédits à la MUFFA, nous allons dans cette étude, examiner l’influence de
cinq facteurs liés à l’emprunteur susceptible d’avoir une influence sur le taux d’impayés. Il s’agit de l’âge, de
la situation matrimoniale, du revenu complémentaire, de la proximité résidentielle et de l’expérience de
l’emprunteuse dans son affaire.
La première hypothèse générale sera la suivante :
Ha : Les caractéristiques des emprunteuses ont une influence sur le taux des impayés
Elle se décompose en six sous-hypothèses :
Ha1 : Le taux d’impayés augmente quand l’emprunteuse est jeune ;
Ha2 : Une femme mariée a plus des difficultés de remboursement que celle qui est célibataire ou divorcée.
Ha3 : Plus une femme dispose du revenu complémentaire autre que celui de son activité faisant l’objet du
crédit, plus son taux d’impayés sera bas.
Ha4 : Plus l’emprunteuse est proche de la structure, plus celui-ci rembourse mieux ;
Ha5 : Les femmes plus expérimentées dans leur affaire remboursent mieux leur crédit.
2.3.2. Les facteurs liés à l’institution
La littérature montre que les facteurs liés à l’emprunteur ne suffisent pas pour expliquer le taux d’impayés
dans les IMF car il faudra intégrer les facteurs spécifiques à l’institution prêteuse. C’est pourquoi certains
chercheurs (Hudon et Ouro-Koura, 2006 ; Lanha, 2002 ; Honlonkou et al., 2006) ont dépassé les
caractéristiques liées à l’emprunteur et se sont intéressés aux caractéristiques liées à l’IMF. D’après l’étude de
Lanha (2003), il ressort que le montant du prêt, le type de garantie et le cycle de crédit expliquent le risque de
défaillance en microfinance. Honlonkou et al. (2006), montrent que la nature de la garantie, le montant du
dépôt initial et le nombre d’expériences antérieures de l’emprunteur avec la caisse influence significativement
la performance de remboursement dans les IMF béninoises. Les garanties exigées sont multiples et varient
d’une institution à une autre. On peut citer entre autre la confiance, l’épargne préalable, la caution solidaire
(Wamba, 2008), les titres de propriété foncière et matérielle (Honlonkou et al., 2006). Cette dernière variable
est très souvent exigée dans les IMF et a généralement une influence positive parce que les microentrepreneurs n’ont pas toujours la possibilité d’offrir des garanties foncières et matérielles (Kodjo, Abiassi et
Allagbe, 2003). De même, la caution solidaire, souvent utilisée pour garantir les crédits financés sur d’autres
fonds que ceux de l’épargne, doit être utilisée avec précaution en milieu urbain, y compris dans des
coopératives de petits producteurs comme les artisans ; car la solidarité n’est pas toujours comparable à celle
que l’on observe en milieu rural. Les IMF ont par ailleurs des schémas de remboursement qui leur sont
Les capacités de supervision des agents de crédits chargés de récolter les fonds sont supérieures lorsque les clients sont plus
proches de l’IMF.
7
5
propres et qui sont caractérisés par une fréquence élevée de remboursement. Elles ont aussi développé des
substituts aux garanties matérielles comme l’assurance crédit. Lorsque les prêteurs sont confrontés à une forte
demande de crédit, ils vont parfois préférer rationner les emprunteurs en vue de maximiser leur profit. Le taux
d’intérêt est alors utilisé comme un filtre qui permet de retenir les bons emprunteurs. Il en est de même des
garanties matérielles exigées par les prêteurs (Bernanke et Gertler, 1989). En nous appuyant sur la philosophie
d’octroi des crédits à la MUFFA, nous avons pu relever huit variables liées à l’institution susceptibles
d’influencer le taux des impayés dans cette structure. Il s’agit du montant du crédit, du rang du crédit, des
mouvements dans le compte d’épargne, de l’objet du crédit, de la rigidité de la garantie, du suivi du crédit et de
la durée moyenne du crédit. Ceci nous permet de déduire notre deuxième hypothèse qui est la suivante :
Hb : Les stratégies de minimisation des risques mises en œuvre par les IMF influencent
significativement le taux de remboursement
Cette hypothèse peut se subdiviser en sept sous-hypothèses :
Hb1 : L’orientation du crédit vers le commerce et la transformation minimise le risque de non
remboursement ;
Hb2 : Le montant du crédit octroyé à une femme influence le taux d’impayés ;
Hb3 : Plus le nombre de crédit octroyé à une femme est élevé, moins les risques d’impayés sont grands ;
Hb4 : Plus les garanties exigées sont rigides, plus le taux d’impayés est faible ;
Hb5 : Le nombre d’opérations d’épargne effectuées par une femme avant le prêt n’a aucune influence sur les
impayés.
Hb6 : Plus le crédit est suivi, plus le risque d’impayé lors des remboursements est faible.
Hb7 : Plus la durée d’un crédit est longue, moins le crédit sera bien remboursé.
Schématiquement, le cadre de recherche se présente ainsi :
Figure 1 : Cadre conceptuel des déterminants du taux d’impayés à la MUFFA
Variables
liées à l’emprunteuse
Variables
liées à l’Institution
Variable dépendante
Age
Montant du crédit
Ha1
Hb1
Ha2
Hb2
Rang du crédit
Hb3
Mouvement du compte
d’épargne
Hb4
Objet du crédit
Situation matrimoniale
Revenus
complémentaires
Ha3
Taux
d’impayés
Hb5
Proximité résidentielle
Expérience dans l’affaire
Ha4
Garanties
Hb6
Hb7
Ha5
Suivi du crédit
Durée du crédit
Source : auteurs
3. Approche méthodologique
Ce dispositif de l’étude empirique se décline en deux éléments majeurs : d’une part, la procédure de
constitution de l’échantillon et de collecte des données et d’autre part, la construction du modèle
théorique de recherche, la mesure des variables et la présentation des outils statistiques d’analyse des
données.
6
3.1 Constitution de l’échantillon et collecte des données
L’étude porte sur l’ensemble des emprunteurs de la MUFFA qui sont constitués des femmes, des
associations des femmes ou d’autres personnes morales constituées de femmes. Cependant, nous avons
axé notre étude sur les personnes physiques (les femmes) qui sont les membres. Actuellement, la MUFFA
dispose d’environ 10 000 membres dont 7 000 emprunteurs actifs qui ont pu financer le développement
de leurs activités. Ces membres sont répartis dans ses sept agences. A partir de la direction générale de
cette institution, nous sommes entrés en possession du portefeuille de crédit constitué de 900 femmes
ayant sollicité et reçu un crédit. Au regard des objectifs de notre étude, nous avons pu retenir enfin de
compte 603 dossiers constituant ainsi notre échantillon pour cette étude.
A partir de l’exploitation des informations fournies par cette base de données, nous avons pu obtenir les
informations très détaillées sur : la situation personnelle et familiale du bénéficiaire ainsi que son statut ; le
type et la taille de l’activité exercée ; les informations sur le crédit (la date de déblocage, son objet, son
montant, sa durée, le montant remboursé et le capital restant) ; les indicateurs financiers (chiffre d’affaires,
bénéfice net, capacité de remboursement, bénéfice net familial, bilan, compte de résultat, taux
d’endettement, taux d’utilisation de la capacité de remboursement etc.).
3.2. Construction du modèle empirique et opérationnalisation des variables
En considérant que les conditions d’exercice de l’activité au sein de la MUFFA et les caractéristiques de
l’emprunteuse peuvent avoir une influence sur le taux des impayés lors des remboursements des crédits
octroyés, nous avons construit le modèle économétrique ci-dessous en vue de mettre en évidence les
facteurs déterminants ce taux d’impayés. A cet effet, nous avons utilisé comme variable dépendante
ETAT_IMP. Ce modèle se présente donc comme suit :
ETAT _ IMP  a0  ai X i  e. (1)
∑
Avec Xi, les variables explicatives ; a0, le terme constant ; ai, les coefficients de régression et e, le terme
d’erreur.
La forme empirique complète du modèle est :
ATAT _ IMP  a0  a1 AGE  a2 SITMAT  a3 REVCOMP
 a4 PROXRESID  a5 EXP  a6 MONTCRED
(2)
 a7 RANGCRED  a8 MVCOMPT  a9OBJETCRED
 a10GARANT  a11SUIVICRED  a12 DUREECRED  e
La variable dépendante est l’état d’impayés (ETAT_IMP). Dans la base de données que nous avons à
notre disposition, il est mesuré en pourcentage et a des valeurs comprises entre 0 et 100%. Compte tenu
du fait qu’un taux de 0% peut recéler une diversité de situation allant du remboursement nul à un
remboursement intégral à 100% avec retard (Honlonkou et al., 2006). Nous avons définit cette variable
dépendante en variable dummy. Elle prend la valeur 1 si les traites ont été remboursées à l’échéance (donc
pas d’impayés) et 0 s’il y a eu au moins une défaillance intervenue dans le remboursement du crédit
(impayés).
En ce qui concerne les variables explicatives, AGE désigne l’âge de l’emprunteur exprimé en nombre
d’années. SIT_MAT désigne la situation matrimoniale de l’emprunteur (mariée, divorcée, veuve et
célibataire). REV_COMP désigne les revenus complémentaires autres que ceux obtenus sur l’objet du prêt
(professionnels, locatifs, autres, aucun). PROX_RESID désigne la proximité résidentielle ou géographique
de l’emprunteur (éloignée, proche). EXP désigne le nombre d’années passées dans son activité.
OBJET_CRED désigne l’activité pour laquelle le crédit a été demandé (petit commerce, petite industrie,
prestation de service, autres). MONT_CRED désigne le montant du crédit accordé. RANG_CRED
désigne le nombre moyen de crédit déjà accordé par l’institution à un individu. GARANT désigne la
rigidité de la garantie (moins rigide, rigide, plus rigide). MV_COMP désigne le nombre d’opérations
d’épargne au cours des six mois précédant l’octroi de crédit. SUIVI_CRED détermine le suivi du crédit
avant le déblocage et pendant le remboursement (pas de visite, visite). DUR_CRED représente la durée
moyenne de remboursement du crédit.
Au regard de la nature des variables, nous avons opté pour la régression du type « logit », car cette
méthode permet en effet d’expliquer une variable dépendante et de nature binaire (ETAT_IMP) en
fonction de plusieurs autres variables explicatives nominales et/ou ordinales.
7
4. Résultats et discussions
Nous allons d’abord présenter les statistiques descriptives ; ensuite, l’analyse des corrélations entre des
différentes variables du modèle ; et enfin les résultats de l’analyse de la régression.
4.1. La statistique descriptive
Les statistiques descriptives montrent que 11,7% des femmes qui recourent aux microcrédits de la
MUFFA ont l’âge variant entre 25 et 35 ans, 55% entre 45 et 35 ans et 26,67% entre 45 et 55 ans.
Seulement 6,67% sont âgées de plus de 55 ans. Plus de 71% sont célibataires, 18,33% les veuves et les
10% restant sont équitablement répartis entre les divorcées et les mariées. Environ 60% ne disposent
d’aucun revenus complémentaires contre 26,7% qui ont des revenus complémentaires issus de leur
profession, 5% disposent des revenus locatifs et 8,33% disposent d’autres revenus complémentaires que
ceux cités précédemment. 73,33% de femmes sont éloignées de l’Agence de la MUFFA contre 26,67 qui
sont proches. Près de 68% exerce dans le petit commerce (vente de vêtements ou du tissus, boutiques,
bar…), 16,66% dans les prestations de service (service traiteur, restaurants, coiffure,…), 3,33% dans la
petite industrie de transformation (broderie, confection des jus naturels…) et 11,66% dans l’agriculture et
l’élevage. On note également que l’expérience moyenne de chaque femme dans son affaire est de 7,5 ans.
Concernant les conditions d’accès au crédit, il est à noter que 80% des femmes fournissent des garanties
moins rigide (aval, épargne journalière), 6,67% les garanties rigides (nantissement, dépôt de chèque,
certificat de vente) et 13,33% fournissent les garanties plus rigides (titre foncier). Plus de 96,67% des
femmes reçoivent des visites de la part de la MUFFA avant l’octroi du crédit et pendant les périodes de
remboursement, seulement 46,67% reçoivent des visites. Le montant moyen des crédits accordé est de
244 250FCFA et chaque membre qui sollicite un crédit l’a déjà reçu en moyenne 3,5 fois. Six mois avant
l’accord du crédit, on remarque que le nombre moyen d’opérations d’épargne effectué par chaque membre
est de 11 fois.
4.2. La corrélation
Le but de cette partie de l’étude est d’examiner les relations univariées entre la variable dépendante et les
variables indépendantes et de déceler l’existence de problème de multi colinéarité entre les variables
indépendantes. Ainsi, le tableau n°2 présente les matrices de corrélation entre les différentes variables. Les
analyses de corrélation sont établies selon la méthode de Pearson.
Tableau 2 : Matrice des corrélations entre les variables
PROX
RESI
PROXRESI
GARANT
AGE
SITMAT
REVCOMPL
GAR
ANT
AGE
SIT
REV
DURÉE RANG MOUV MONT VISIT
EXP
MAT COMPL
REM
CRED COMP CRED DEB
1,000 0,55** -0,11 -0,14
1,000 -0,11 0,113
1,000 0,016
1,000
-0,127
-0,134
-0,023
0,016
1,000
EXP
DURÉEREM
0,05
0,25
0,08
-0,3
-0,4
1,00
0,197
0,222
0,146
0,127
-0,313*
0,426**
1,000
RANGCRED
MOUVCOMP
MONTCRED
VISITDEB
VISITPEN
OBJETCRE
TAUXIMP
*** ;** ;* :
significatif au seuil respectif de 1%, 5% et 10%.
-0,080
-0,038
-0,024
0,150
0,173
-0,169
-0,028
1,000
0,067
0,238
0,040
0,183
-0,34*
0,204
0,256
0,171
1,000
-0,184
-0,262
-0,011
0,168
0,368**
-0,32*
-0,271
0,082
-0,36**
1,000
0,274
0,062
0,050
-0,127
0,023
-0,098
-0,138
0,077
0,064
-0,187
1,000
VISIT
PEN
OBJET
CRE
TAUX
IMP
-0,219
-0,55**
-0,034
-0,021
0,484**
-0,270
- 0,34*
0,044
-0,45**
0,578**
- 0,191
1,000
-0,005 -0,007
-0,039 0,107
0,248 0,006
-0,183 0,076
0,006 0,146
0,064 0,022
0,340* -0,102
0,035 -0,07**
0,107 0,029
-0,180 -0,35*
0,049 0,071
-0,188 -0,1***
1,000 0,241**
1,000
Source : calculs des auteurs
A la lecture de ce tableau, on constate plusieurs relations significatives entre les variables représentant les
caractéristiques de l’emprunteur et de la gestion de l’institution et le taux de défaillance.
Nous remarquons en premier lieu que l’objet de crédit a une influence positive et significative sur le taux
de défaillance. En deuxième lieu, nous notons une relation négative et significative entre le rang de crédit,
le montant du crédit, la visite après l’octroi de crédit et le taux de défaillance. Les autres variables n’ont pas
de relations significatives avec le taux de défaillance.
En ce qui concerne les corrélations entre les variables indépendantes, bien que certaines corrélations
soient significatives, aucun problème sévère de multicolinéarité entre ces variables indépendantes n’est
8
décelé dans la mesure où les coefficients de corrélation sont relativement faibles (généralement inférieurs à
0,5).
4.3. Analyse de la régression
Dans le but d’approfondir les résultats ci-dessus, il est nécessaire que nous procédions à une analyse
multivariée. L’avantage de cette analyse est qu’elle prend en compte les interrelations pouvant exister entre
les variables explicatives. A cet effet, un modèle « logit » a été estimé. La variable dépendante notée
« ETAT_IMP» est binaire et prend la valeur 1 s’il y a eu défaillance dans le remboursement du crédit et 0
si non. Le tableau ci-dessous restitue les résultats de l’estimation.
Tableau 3 : Déterminants du taux d’impayés lié aux caractéristiques de l’emprunteuse et à l’institution
Variables
B
S.E.
Wald
df
Sig. Exp(B)
PROXRESI (eloigné)
-0,738
3,887
0,036
1
0,849
0,478
GARANT
3,991
2
0,136
0,000
Moins rigide 12,904
8,258
2,442
1
0,118 40,260
Rigide 4,093
4,441
0,850
1
0,357 59,943
AGE
2,990
3
0,393
0,000
Entre 25 et 34 ans 2,962
3,426
0,747
1
0,387 19,326
Entre 35 et 45 ans -23,519 13,681
2,955*
1
0,086
16,00
Entre 45 et 55 ans 14,671
10,064
2,125
1
0,145 23,200
REVCOMPL
4,217
3
0,239
0,000
professionnels -21,428 11,526
3,456*
1
0,063
0,000
Locatif -1,115
2,967
0,141
1
0,707
0,328
Autres -5,440
4,570
1,417
1
0,234
0,004
EXP
0,159
2
0,924
0,000
DURÉEREM
-5,841
3,131
3,480**
1
0,062
0,003
RANGCRED
0,068
1,175
0,003
1
0,954
1,071
MOUVCOMP
-1,197
0,990
1,464
1
0,226
0,302
MONTCRED
3,781
3,000
0,286
0,000
Au plus 100 000 FCFA 3,636
2,769
1,724
1
0,189 37,949
Au plus 400 000 FCFA -7,304
5,093
2,057
1
0,152
0,001
Au plus 500 000 FCFA 9,695
5,558
3,043*
1
0,081 162,61
VISITDEB (pas de visite)
5,053
3,258
2,406
1
0,121
156,44
VISITPEN (pas de visite)
5,985
3,066
3,811**
1
0,050 397,38
OBJETCRE
2,957
4
0,565
0,000
Commerce -17,374 99,867
0,030
1
0,862
0,000
Petite industrie -21,249 100,020 0,045
1
0,832
0,000
Prestation de service -13,965 99,784
0,020
1
0,889
0,000
Autres -7,336
99,750
0,005
1
0,941
0,001
Constant
5,34
99,90
0,00
1
0,957
Chi-Square = 42,661
df= 23
Sign. = 0,000
-2 Log Likelihood = 25,932
Goodness of Fit = 4,410
Cox & Snell – R² = ,574
Nagelkerke – R² = ,769
Variable dépendante = ETAT_IMP
N= 603
** ; * : Significatif au seuil respectif de 5% et 10%.,
Source : calculs des auteurs
Les résultats de l’estimation de ce modèle révèlent une valeur positive pour la variable représentant les
facteurs non spécifiés (Constante). Bien plus, la statistique de Wald associée est significative au seuil de 1%
et le -2log de vraisemblance du modèle significatif avec le R² de Cox & Snell = 0,574, le R² de Nagelkerke
= 0,769 et on note également deux variables significatives au seuil de 5% et trois au seuil de 10%. On en
conclut que la combinaison des caractéristiques des femmes de la MUFFA à celles de l’institution explique
à près de 77% le taux de défaillance dans le remboursement des microcrédits octroyés par la MUFFA.
Nous allons vérifier si les caractéristiques liées à l’emprunteur, c'est-à-dire l’âge de la femme, sa situation
matrimoniale, l’existence de revenus complémentaires dont elle bénéficierait, l’expérience dans son activité
et la proximité de son lieu de résidence par rapport au site de la MUFFA peuvent avoir un impact sur la
probabilité qu’elle ait des impayés.
A la lecture du tableau ci-dessus, il ressort que l’âge de la femme et l’existence de revenus
complémentaires dont elle bénéficierait influencent négativement et significativement le taux de
défaillance dans les remboursements à la MUFFA. Ce résultat suggère que les femmes d’âge moyen (35 à
45 ans) ont une forte propension à rembourser leurs dettes que les moins âgées (moins de 35 ans) et les
9
plus âgées (plus de 45 ans) ; par conséquent, il existe une relation significative entre l’âge et le niveau des
impayés. Ce résultat vient contredire les résultats trouvés par Lanha (2002) et Honlonkou et al. (2006).
Concernant l’existence de revenus complémentaires, l’étude montre que les femmes disposant des revenus
professionnels autres que ceux obtenus sur l’activité faisant l’objet du prêt ont une faible propension à avoir
les impayés. D’autres variables caractérisant les femmes de la MUFFA n’ont pas produit des relations
statistiques significatives.
Il serait également intéressant de vérifier si les caractéristiques liées à l’institution prêteuse dans le cadre de
l’octroi de crédit peuvent être à l’origine des impayés. A la lecture du tableau ci-dessus présentant les
résultats de l’estimation, on note que la durée de remboursement de crédit, le montant de crédit accordé
et la visite pendant la période de remboursement influence la performance de remboursement. Ce résultat
montre que plus la MUFFA octroie des crédits d’un montant élevé aux femmes, plus elle court de risque
de non remboursement. Ce qui signifie que les crédits de gros montants entrainent relativement plus
d’échec dans le respect des échéances que les autres. Ce résultat va dans le même sens que celui trouvé par
Lanha (2002) dans ses travaux. En ce qui concerne le suivi du crédit, on constate qu’une absence de visite
de l’emprunteuse par la MUFFA pendant la périodicité de remboursement accroit la propension d’avoir
des impayés. La durée du crédit quant à elle a une influence négative et significative sur le taux d’impayés.
En effet, la durée de l’emprunt est de 14 mois chez les femmes qui ont des impayés et de 12 mois chez
celles qui n’ont pas d’impayés. Ce qui signifie que plus l’échéancier d’un prêt est long, moins le crédit sera
bien remboursé. Ce résultat confirme l’hypothèse du relâchement qui stipule que les premières échéances
sont très surveillées et les dernières échéances moins surveillées entrainent plus de défaillance. Ces
résultats confirment ceux trouvé par Lanha (2002) et Honlonkou et al. (2006).
Le tableau ci-dessous présente la synthèse des résultats obtenus dans cette étude
Tableau 4 : Synthèse des résultats de l’étude
Hypothèses
Caractéristiques de l’emprunteuse
Ha1 Le taux d’impayés augmente quand l’emprunteuse est jeune
Ha2 Une femme mariée a plus des difficultés de remboursement que celle qui est célibataire ou divorcée
Ha3 Plus une femme dispose du revenu complémentaire autre que celui de son activité faisant l’objet du crédit,
plus son taux d’impayés sera bas.
Ha4 Plus l’emprunteuse est proche de la structure, plus celui-ci rembourse mieux
Ha5 Les femmes plus expérimentées dans leur affaire remboursent mieux leur crédit
Caractéristiques de l’institution
Hb1 L’orientation du crédit vers le commerce et la transformation minimise le risque de non remboursement
Hb2 Le montant du crédit octroyé à une femme influence le taux d’impayés
Hb3 Plus le nombre de crédit octroyé à une femme est élevé, moins les risques d’impayés sont grands
Hb4 Plus les garanties exigées sont rigides, plus le taux d’impayés est faible
Hb5 Le nombre d’opérations d’épargne effectuées par une femme avant le prêt n’a aucune influence sur les
impayés.
Hb6 Plus le crédit est suivi, plus le risque d’impayé lors des remboursements est faible.
Hb7 Plus la durée d’un crédit est longue, moins le crédit sera bien remboursé
Source : auteurs
Validation
Oui
Non
Oui
Non
Non
Non
Oui
Non
Non
Non
Oui
Oui
D’après le tableau de synthèse des résultats présenté ci-dessus, on remarque que ces résultats nous permettent
de valider les hypothèses Ha1 et Ha3 liées aux caractéristiques de l’emprunteur et les hypothèses Hb2, Hb6
et Hb7 liées aux caractéristiques de l’institution.
Globalement, le taux d’impayés à la MUFFA est expliqué en partie par les stratégies de minimisation des
risques.
4.4. Recommandations
Des résultats présentés ci-dessus, il est certain de dire que les impayés constatées dans le portefeuille de
crédit de la MUFFA sont non seulement liés aux caractéristiques de l’emprunteur, mais également aux
facteurs liés à l’institution. Compte tenu de l’objectif de la Mutuelle d’épargne et de crédit qui est d’offrir
des services au coût le plus bas tout en assurant la rentabilité et la pérennité de l’institution, les
gestionnaires devront avoir à leur portée des outils de prévision sur les crédits octroyés car il est plus facile
et économique d’éviter une crise de délinquance qu’il en est de la gérer. Afin de garantir la pérennité de la
MUFFA, les actions correctives méritent d’être mises en œuvre. Ceci nous permet d’orienter nos
recommandations tout d’abord à la MUFFA, puis aux autorités monétaires en charge du bon
fonctionnement du système financier.
10
Afin de garantir la pérennité et la viabilité de la MUFFA, une attention particulière devra être accordée sur
l’examen du dossier de demande de crédit. Les offres de crédit devront être davantage orientées vers les
femmes d’âge moyenne (35 à 45 ans) et disposant des revenus complémentaires sur des activités autres
que celles pour lesquelles elle a reçu du crédit. Le montant des crédits accordés devront être de faibles
valeurs sur une période relativement courte. Comme a également montré nos analyses, une visite inopinée
d’un agent de la MUFFA à une emprunteuse diminue la propension de voir ce crédit impayé.
Nous interpellons les autorités gouvernementales pour la mise sur pied d’une centrale de risques. Le
projet semble avoir été évoqué mais non encore formalisé et encore moins mise en œuvre au Cameroun.
Cette centrale permettra aux IMF d’améliorer le suivi du risque de contrepartie dans la mesure où
beaucoup de clients de ces institutions au Cameroun sont engagés sur plusieurs crédits dans plusieurs
structures de microfinance. Un autre problème majeur est le fait que ces clients usent des mêmes garanties
pour obtenir plusieurs financements. Il existe dès lors un risque de défaillance en chaîne dans le secteur. Il
serait donc souhaitable que les autorités sus citées mettent sur pied un cadre de réflexion sur le sujet.
Conclusion
Depuis le début des années 90, on a assisté à la libéralisation du secteur financier dans plusieurs pays de la
sous région de l’Afrique centrale et plus particulièrement au Cameroun. Malgré leur croissance, très peu
reste pérenne. La présente recherche s’est fixée alors comme objectifs d’identifier les facteurs qui
expliquent le taux d’impayés dans les IMF et plus particulièrement à la MUFFA-Cameroun.
A travers une analyse économétrique en régression « logit » sur les données recueillies sur l’ensemble de
l’échantillon (les informations sur les emprunteuses, sur le crédit et sur les indicateurs et états financiers),
les résultats obtenus montrent que les caractéristiques liées à l’emprunteur (l’âge, la disposition d’un
revenu complémentaire) et à l’institution (montant du crédit, durée de remboursement du crédit, le suivi
du crédit pendant la périodicité de remboursement) déterminent le taux d’impayés à la MUFFA.
En vue de garantir sa pérennité un certain nombre de recommandations a été formulées à l’endroit de
cette institution et aux autorités monétaires en charge du bon fonctionnement du système financier.
Bien qu’ayant eu le mérite de recourir à une analyse multivariée qui permet de juger de l’effet des
différentes variables prises dans leur ensemble et d’évacuer les problèmes d’auto corrélation entre les
variables explicatives, cette étude présente quelques limites : nous pouvons noter en premier lieu que le
nombre restreint des variables liées à l’emprunteur et à l’institution retenues dans le modèle de régression
n’explique qu’à 77% le taux d’impayés à la MUFFA ; l’opérationnalisation de certaines variables ne va pas
non plus sans soulever une validité qui nécessite des améliorations. C’est notamment le cas pour la mesure
des variables de la garantie, et du suivi du crédit ; le fait que l’étude ne soit portée que sur le cas de la
MUFFA nous conduit à être prudents sur la portée des conclusions.
Ces limites indiquent clairement que l’intégration d’autres variables liées à l’emprunteur (les antécédents
familiales, le genre) et à l’institution (ancienneté de la relation entre l’IMF et son client) pourront
davantage expliquer le taux d’impayés. A notre sens, la réalisation d’une étude quantitative semble aussi
être une voix pertinente pour compléter cette étude de cas.
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12

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