Le gouvernement, l`immigration et l`identité nationale : le retour des

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Le gouvernement, l`immigration et l`identité nationale : le retour des
Le gouvernement, l'immigration et l'identité nationale : le retour des vieux démons
Extrait du Syndicat National des Affaires Culturelles
http://snac.fsu.fr
Le gouvernement,
l'immigration et l'identité
nationale : le retour des vieux
démons
- Publications - Inter Culture - InterCulture n° 180 -
Date de mise en ligne : vendredi 30 novembre 2007
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Le gouvernement, l'immigration et l'identité nationale : le retour des vieux démons
Le Ministère de la culture et de la communication est directement impliqué à travers la Cité
de l'immigration, dont il a la tutelle, et la délégation générale à la langue française et aux
langues de France, désormais placée dans l'orbite du ministère de l'immigration, de
l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Le SNAC-FSU dénonce la création de ce ministère et manifeste son soutien aux historiens
démissionnaires du comité d'histoire de la cité de l'immigration. Il entend interpeller la
ministre de la culture sur ces questions.
Un ministère de l'immigration, de l'intégration, de
l'identité nationale et du codéveloppement : un retour
aux vieux démons
Avec l'élection à la présidence de la République de Nicolas Sarkozy, la France s'est vue dotée d'un ministère de
l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. De très nombreuses voix se sont
élevées pour exprimer leur inquiétude, leur opposition ou leur répugnance devant les amalgames que dégagent
l'intitulé et les missions de ce ministère : démission de huit historiens des instances dirigeantes du comité d'histoire
de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration, le 18 mai ; déclaration commune d'organisations prenant en charge
la défense des étrangers, le 31 mai, signée entre autres par la FSU ; appel du réseau TERRA, regroupant
sociologues, anthropologues et ethnologues, le 1er juin. [1] ; forum-débat sur l'instauration de ce ministère organisée
le 27 juin par ce réseau, les historiens démissionnaires et des associations et sociétés d'anthropologues,
sociologues et ethnologues,... Toutes ces manifestations se sont accompagnées de pétitions tant sur le net que
relayées par des journaux, pétitions qui ont recueilli des dizaines de milliers de signatures. Parallèlement le
gouvernement poursuit son activité et le ministre Hortefeux vient de déposer un projet de loi concrétisant la politique
anti-immigrés de Sarkozy. [2]
Les manifestations signalées plus haut ont toutes souligné le caractère ambigu et dangereux de la notion d'identité
nationale, issue de groupes de pensée d'extrême droite. Les chercheurs en sciences sociales s'accordent sur le fait
qu'il n'existe pas " une " identité nationale, mais des identités multiples, variables selon les individus et les
circonstances, identités qui se mêlent, se juxtaposent et évoluent sans cesse. Se référer à L'identité nationale
conduit à construire cette identité en opposition à l'autre, celui qui ne la partage pas, défini comme l'étranger ; c'est
une ethnicisation de la notion de nation qui ne peut conduire qu'à la xénophobie et au racisme. On va d'abord définir
le français face à l'étranger, puis le bon français face au mauvais français.
La France a déjà connu cela il y a bientôt 70 ans :
"...L'affiche qui semblait une tache de sang Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles Y cherchait un effet de
peur sur les passants... ". [3]
La juxtaposition dans l'intitulé du ministère, de l'identité nationale et de l'immigration, lève d'ailleurs toute ambiguïté
sur la volonté profonde du gouvernement. Quand s'y ajoute de plus le codéveloppement, on comprend sans peine
quelle immigration est visée.
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Les attributions de ce ministère sont énormes : " responsable de l'accueil en France des ressortissants étrangers qui
souhaitent s'y établir ", il s'empare de la tutelle du droit d'asile qui relevait jusqu'ici du ministère des Affaires
étrangères. N. Sakorzy applique ainsi les idées qu'il défendait autrefois comme ministre de l'Intérieur, mêlant sans
distinction flux migratoire et droit d'asile, au mépris de la définition de ce droit reconnu par les institutions. Appliquer
au droit d'asile les règles du contrôle de l'immigration revient à supprimer le droit d'asile. Cela conduit également à
supprimer dans les mentalités la notion même de ce droit, en donnant à croire que les demandes d'asile sont à priori
entachées de falsification.
Chargé de " l'intégration des populations immigrées ", le ministère définit et met en oeuvre les politiques d'éducation,
de culture, de formation, d'action sociale... La politique répressive menée en matière d'immigration, la
non-reconnaissance effective des droits de certaines populations d'origine étrangère a transformé le sens réel du
terme " intégration " lui donnant un caractère péjoratif. Il faut noter que l'action des ministères de l'Education
nationale et de la Culture est fortement mise à mal par le décret définissant les missions de ce ministère ; la
délégation générale à la langue française et aux langues de France est mise à disposition de ce ministère, sans que
le personnel de la délégation en ait été informé ! Plus largement en matière de culture, le décret ne se réfère qu'à la
direction de la mémoire, du patrimoine et des archives relevant du... ministère de la Défense ! Définissant ces
politiques, le ministère de l'immigration " participe à la politique de la mémoire et à la promotion de la citoyenneté et
des principes et valeurs de la République ", notions reprises dans le projet de loi anti-immigration.
On ne peut que s'interroger sur les " valeurs de la République " qu'entend promouvoir ce gouvernement ? S'agit-il de
celles du " bon citoyen " qui préfère s'expatrier plutôt que de payer ses impôts ? S'agit-il, dans l'apprentissage
imposé de la langue française, d'apprendre le maniement de l'invective et de l'insulte, et de l'utilisation, par exemple,
du terme "racaille" ? [4] S'agit-il de " défendre l'héritage de deux mille ans de civilisation chrétienne" [5] au mépris
des athées, des autres croyances et de la laïcité ? S'agit-il d'exiger de populations qui ont subi l'oppression de la
colonisation qu'elles la glorifient et en reconnaissent " l'effet positif et la mission civilisatrice " ?
Le gouvernement ne s'est pas caché de sa détermination et a l'intention de à faire passer son projet de loi sur
l'immigration en force dans le mois qui vient. En matière de droit d'asile, le projet de texte est contraire à la
Convention européenne des droits de l'homme [6]. Concernant le regroupement familial, il est non seulement
contraire à cette convention, mais également à la Constitution, et à la directive communautaire du regroupement
familial du 22 septembre 2003 ; les dispositions restreignant le regroupement familial sont toutes plus choquantes
l'une que l'autre, qu'il s'agisse de l'exigence d'un salaire pouvant aller jusqu'à 1,2 SMIC , ou de l'obligation faite aux
familles étrangères de suivre une formation sur " les droits et devoirs des parents "......
Quant au contrat d'accueil et d'intégration, ce projet pourrait faire rire, s'il ne mettait en cause l'existence de
centaines de personnes et s'il ne révélait un mépris souverain pour les autres cultures. Se présenter comme
champion de l'égalité femme-homme, alors que la loi sur l'égalité des salaires entres les sexes n'est pas appliquée,
que le parti majoritaire est celui qui respecte le moins l'exigence de parité lors des élections, est assez ubuesque. [7]
L'exigence d'une formation linguistique relève du même mépris, ignorant la profondeur de l'illettrisme au sein de la
société française, illettrisme qui est indépendant de l'origine " ethnique " des illettrés [8] Soulignons que ce contrat
s'adresse également aux conjoints de Français qui vont se voir exiger une " évaluation de leur degré de
connaissances de la langue et des valeurs de la République " pour obtenir leur visa d'entrée.
Face à cette situation, il est indispensable que toutes les énergies qui s'étaient mobilisées en 2002 face à la
candidature de Le Pen se ressaisissent et se remobilisent.
Le SNAC-FSU sera vigilant sur l'évolution de cette situation et sur l'implication du ministère de la Culture et de la
Communication dans cette politique.
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Maryannick Chalabi
[1] Cf. http///terra.rezo.net
[2] [ projet qui doit être discuté à l'assemblée nationale à partir du 18 septembre.
[3] Extrait de L'Affiche rouge, de Louis Aragon. Poème écrit en 1955, à la mémoire du groupe Manouchian, et faisant référence à l'affiche
placardée par les allemands en 1944, dénonçant l'activité de ce réseau de 23 résistants dont 20 étaient des étrangers. Les membres de ce réseau
ont été fusillés en 1944.
[4] Cf. la déclaration de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, à Argenteuil le 25 octobre 2005.
[5] Discours de Nicolas Sarkozy, Besançon, 13 mars 2007
[6] Cf. le projet de loi et l'analyse de Serge Slama, juriste spécialisé dans le droit des étrangers, sur htpp ://upolin.fr, site des historiens
démissionnaires des instances dirigeantes de la Cité de l'immigration
[7] Dans la nouvelle assemblée législative, les femmes représentent 18,5% des députés ; pour l'UMP, les candidates investies représentaient
26,6% des candidats du parti, selon les sources du ministère de l'Intérieur du 18 juin 2007.
[8] Cf. rapport de l'agence nationale de lutte contre l'illétrisme (http://www.anlci.gouv.fr) : « 9% de la population âgée de 18 à 65 ans vivant en
France métropolitaine et ayant été scolarisée en France sont en situation d'illétrisme » ; « 74% des personnes en situation d'illétrisme parlaient
seulement le français à la maison à l'âge de 5 ans ».
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