Résumé analytique
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Résumé analytique
Inégalités, soulèvements et conflits dans le monde arabe Par Elena Ianchovichina, Lili Mottaghi et Shantayanan Devarajan Résumé analytique Première partie La région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) pose une énigme. Elle évoluait progressivement vers le double objectif de la Banque mondiale de mettre fin à l’extrême pauvreté et de promouvoir une prospérité partagée. Pourtant, à partir de la fin de l’année 2010, des révolutions éclatent en Tunisie, en Égypte, au Yémen et en Libye, une rébellion se transforme en guerre civile prolongée en Syrie, et un mécontentement populaire se généralise dans de nombreux autres pays. Les événements du Printemps arabe ont pris le monde par surprise. Les indicateurs de développement standard n’ont pas réussi à prendre en compte ou à prévoir l’explosion de colère populaire pendant le printemps 2011. Quels facteurs pourraient expliquer ce mystère que nous appelons l’« énigme des inégalités du monde arabe » ? Des réponses à ces questions commencent à se dessiner à partir des dernières recherches sur les inégalités monétaires et sur le bien-être subjectif dans la région MENA menées dans le cadre d’une étude exhaustive sur les inégalités économiques, les soulèvements et les conflits dans le monde arabe. La seconde partie du rapport présente un récapitulatif des principales conclusions tirées de ces nouvelles recherches et propose une réponse possible à l’énigme des inégalités du monde arabe. Il soutient que les inégalités de revenu, qui étaient relativement faibles et en baisse, ne pouvaient pas être le facteur à l'origine du déclenchement des évènements du Printemps arabe et qu'en revanche, les disparités de richesse, qui sont généralement plus marquées, ont pu jouer un rôle. Le rapport conclut que le déclenchement des révolutions du Printemps arabe procède d'un mécontentement croissant et largement partagé à l'égard de la qualité de la vie. Les personnes ordinaires, en particulier les classes moyennes, étaient frustrées par la dégradation de leur qualité de vie, une situation qui se traduisait par le manque d'emplois dans le secteur formel, la qualité insatisfaisante des services publics et les problèmes de gouvernance. Le système généralisé des subventions qui ne pouvait plus compenser toutes ces difficultés était le reflet d’une utilité marginale décroissante ; les subventions importaient moins pour le bien-être des 40 % de la population constituant la classe moyenne que pour le bien-être des 40 % les plus pauvres. Le contrat social de redistribution sans donner voix au chapitre a cessé de fonctionner. La classe moyenne en voulait davantage : se faire entendre, avoir de véritables opportunités et tenir les pouvoirs publics comptables de leurs actions. La violence extrême qui se répand dans la région MENA au lendemain du Printemps arabe semble être davantage liée aux grandes inégalités entre des groupes organisés suivant des critères ethniques ou sectaires plutôt qu’aux inégalités économiques proprement dites. Même si les revendications à elles seules n’entraînent pas la guerre civile, les manifestations et les soulèvements motivés par ces revendications peuvent se transformer en guerres civiles si des groupes organisés selon des critères sectaires et/ou ethniques s’en servent pour obtenir le soutien du public. Dans ces sociétés fortement polarisées, l’existence de ressources naturelles et d’une large proportion de jeunes hommes sans emploi accroît davantage les risques de conflit. C'est dire qu'au lendemain du Printemps arabe, la région MENA semble être au bord du chaos. Source : Ianchovichina, E., Mottaghi, L. et Devarajan S. (2015) Inequality, Crisis, and Conflict in the Arab World. Rapport de suivi économique de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA). Washington : Groupe de la Banque mondiale.