je te souviens - La Passerelle

Transcription

je te souviens - La Passerelle
DOSSIER
PÉDAGOGIQUE
[JE TE SOUVIENS]
Un projet de Benoît Bradel
Avec Gaspard Delanoë
D’après les textes
Souviens-moi d’Yves Pagès
I Remember de Joe Brainard
Représentation tout public : JEU 4 FEV à 20.30
Tarif : 12€ par élève ou 8€ dans le cadre d’un parcours.
Thèmes : la mémoire, le souvenir, l’histoire du XXe siècle
Classes concernées : cycle 4 au collège et cycle terminal au lycée
Dossier réalisé par Jean-François Grosset, professeur conseiller-relais théâtre
jean-franç[email protected] en collaboration avec Anne-Laure Gouriou,
Attachée de relations avec le public à La Passerelle : [email protected]
Création musicale et interprétation live
Thomas Fernier
Scénographie
Olga Karpinsky et Benoît Bradel
Lumière
Orazio Trotta
Dramaturgie
Pauline Thimonnier
Collaboration artistique
Julie Moreau
Costumes
Olga Karpinsky
Régie générale
Fabrice Le Fur
assisté de Ronan Bernard
Régie son
Gildas Gaboriau
Une coproduction Zabraka, TRIO...S - scène de territoire à Inzinzac-Lochrist / Hennebont, La
Maison du Théâtre - Brest, Théâtre du Pays de Morlaix, La Passerelle - Scène nationale de SaintBrieuc avec le soutien de Au bout du plongeoir, Théâtre de Cornouaille - scène nationale de
Quimper, TU-Nantes - scène de recherche et de création contemporaine, actoral - Marseille,
addav56, La Maison de la Poésie - Paris.
Zabraka est conventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication - DRAC de
Bretagne, et subventionnée par le Conseil régional de Bretagne, le Conseil général du Morbihan et
par l’Institut Français pour ses projets à l’étranger.
SOMMAIRE
Partie I
[Je te souviens]
I.
Benoît Bradel
II.
[Je te souviens]
III.
Distribution
Partie II
I Remember, Je me souviens, Souviens-moi
I.
I remember, Joe Brainard
II.
Je me souviens, Georges Pérec
III.
Souviens-moi, Yves Pagès
Partie III
Lire, regarder, écrire… Imaginer ! Mettre en relation
les disciplines
Annexes
Annexe 1 Extraits de I Remember (d’après le texte de [Je te souviens])
Annexe 2 Extraits de Je me souviens : revisiter l’histoire du XXe siècle
Annexe 3 Extraits de Souviens-moi (d’après le texte de [Je te souviens])
Annexe 4 Photographies de scène
Annexe 5 Extrait de Douze leçons pour l’histoire, Antoine Prost
Annexe 6 Exemple de fiche de travail Lire, regarder, écrire… Imaginer !
Partie I [Je te souviens]
I. Benoît Bradel
Benoît Bradel est né le 8 juin 1966. Il est metteur en scène et directeur artistique de Parcours
Tout Court. À quinze ans, c’est comme acteur qu’il fait son entrée dans le monde du spectacle au
Théâtre du Campagnol, à l’époque du Bal. Pendant cinq années, il découvre et apprend les
différents métiers du théâtre dans l’ancienne piscine de la Butte Rouge à Châtenay-Malabry. À
partir de 1988, il réalise ses premiers films courts et en 1994 signe sa première mise en scène
dans le foyer du théâtre de l’Odéon et fonde la compagnie Zabraka.
Entre 1995 et 2006, il poursuit son travail sur les images en collaborant comme vidéaste avec
plusieurs metteurs en scène et chorégraphes sur une quinzaine de spectacles et particulièrement
avec Jean-François Peyret pour neuf créations. Depuis 1994, il crée et met en scène des
spectacles hybrides autour de l’univers de Gertrude Stein, Robert Walser puis de John Cage et
Marcel Duchamp pour Nom d’un chien, créé au Théâtre de l’Odéon à Paris, Blanche-Neige Septet
Cruel, créé au Théâtre Garonne à Toulouse et Cage Circus, créé au Festival Mettre en scène à
Rennes.
En 2001, il est lauréat de la Villa Médicis hors les murs à New-York. Il invite ensuite Yves Pagès et
Anne-James Chaton à travailler à l’écriture de spectacles autour de la ville et du voyage. Sont
ainsi conçus L’invention de la Giraffe, créé à la Maison de la culture de Bourges en 2004 et Napoli
Express, créé au Festival Actoral à Marseille en 2006 puis en dyptique Napoli Napoli, créé au Lieu
Unique à Nantes et Americano Project, où le cinéma, le texte, le son et le mouvement sont
constitutifs d’une identité scénique transversale. Avec A.L.i.C.E, en 2009 et Zone Education
Prioritaire de Sonia Chiambretto en 2011, tous deux créés à L’Aire Libre, le texte vient prendre une
place plus centrale dans cet univers visuel et musical. Avec Rose is a Rose, il fait dialoguer
théâtre, image et musique pour un spectacle intergénérationnel et polymorphe.
Parallèlement, il mène un travail pédagogique dans des écoles d’Arts, à l’Université, au sein de
grandes et petites écoles ou avec des amateurs. De 2009 à 2012, il est artiste associé à L’Aire
Libre, scène conventionnée Théâtre à Saint-Jacques de la Lande à Rennes Métropole. En 2010, il
fonde Parcours Tout Court, rencontres internationales de formes courtes en Bretagne, dont il
assure la direction artistique. La 3e édition a eu lieu en juin 2013 à travers sept lieux et trois
départements bretons. La prochaine édition devient Biennale transversale et aura lieu du 7 au 14
juin 2015.
D’après Dossier d’accompagnement, Zabraka, Création 2015, [Je Te Souviens]
II. [Je te souviens]
Le projet [Je te souviens] est né à partir du texte Souviens-moi, d’Yves Pagès, compagnon de
route de la compagnie, dont une série de lectures par l’auteur a eu lieu en juin dernier dans le
cadre de Parcours Tout Court en Bretagne.
L’envie de créer un spectacle autour de la mémoire collective et de la mémoire intime, de leurs
trous, tours, troubles et détours, s’est dans un premier temps esquissée. J’ai convié Gaspard
Delanoë, compagnon de la première heure à venir jouer, performer et dessiner ces souvenirs et
mémoires. Très vite l’idée s’est affirmée de démultiplier et de diversifier les matériaux pour
construire non pas une seule histoire, mais une multitude. Ensuite, nous sommes allés voir de
plus près les Je me souviens de Perec, puis avons découvert que lui-même s’était inspiré plus tôt
d’un jeune poète et plasticien américain, Joe Brainard, qui avait écrit plusieurs séries de I
Remember dans les années 70.
Au final, il s’agira d’opérer un choix sensible et drastique d’une centaine d’items, parmi les près de
270 Souviens- moi d’Yves Pagès et les quelques 1497 I Remember, I Remember More et More I
Remember More de Joe Brainard.
Ces deux séries d’instantanés en cascade nous emmènent des années 40 à nos jours dans un
tourbillon vertigineux où se croisent la petite et la grande histoire, où se mélangent les
générations, les figures historiques, les objets et les détails de plusieurs vies transatlantiques.
Cette équation se fera naturellement en prenant d’abord ce qui frappe nos propres esprits et en
imaginant les résonances que ces micros-récits peuvent avoir aujourd’hui tant pour les plus
jeunes que pour les plus âgés. Seul parmi cette multitude, Gaspard Delanoë sera le catalyseur et
notre guide dans les labyrinthes de nos cerveaux lumineux et amnésiques. Il tirera les ficelles, au
sens propre comme au figuré, dans une scénographie qui devrait tendre, tisser, couper et démêler
les fils et les liens de la mémoire sous toutes ses formes.
Dans un monde en pleine mutation où nous confions notre mémoire vive et toutes nos données à
des machines puissantes, ces réminiscences, post-it, polaroïds, flashs, étincelles, nous parlent de
notre passé, mais surtout de notre évolution en construisant une histoire commune, tout
simplement.
D’après Dossier d’accompagnement, Zabraka, Création 2015, [Je Te Souviens]
III. Distribution
Gaspard Delanoë est un performeur né en 1968. Il est le fondateur de plusieurs collectifs
d’artistes évoluant dans le domaine des arts plastiques : Musée Igor Balut (1994), KGB (1999),
Chez Robert, électrons libres (2000). Il est également l’auteur de trois recueils aux éditions In
Libris avec l’atelier Julien Martial. Il réalise de nombreuses performances et installations. Il est
l’auteur, avec Gaëlle Bourges, de la performance I Have a Dream, et co-auteur de Je Baise les
Yeux et performeur dans Le Verrou, de Gaëlle Bourges.
Avec Yalda Younes, il crée Je suis Venue (festival d’Avignon 2012) et Là, Callas (Montpellier
Danse 2013). À noter également les performances présentées, toujours avec Yalda Younes, Le
Discours d’Entrée dans la Veste et Problème Technique (Rencontres D’Averroes, Marseille 2013).
Gaspard Delanoë s’est d’autre part présenté aux élections européennes de 2009 sur la Liste «
L’Europe de Gibraltar à Jérusalem » du P.F.T. (Parti Faire un Tour), aux élections présidentielles
de 2012 où il a échoué à récolter les 500 signatures (354 signatures).
En 2014, il s’est présenté aux municipales et aux européennes à Paris, où il a obtenu « un bon
score ».
D’après Dossier d’accompagnement, Zabraka, Création 2015, [Je Te Souviens]
Partie II I remember, Je me souviens, Souviens-moi
I. I remember, Joe Brainard
C’est Pérec lui-même qui reconnaît que l’esprit des « Je me souviens » s’inspire des « I
remember » de Joe Brainard (1941-1994). C’est à l’âge de 26 ans que Brainard a l’idée d’écrire
tous ses paragraphes en les commençant par Je me souviens / I remember. Peintre, artiste,
écrivain, poète, auteur de milliers de collages, Brainard a vécu à New York. Il a renoncé à toutes
activités créatrices durant les vingt dernières années de sa vie.
D’après son ami d’enfance Ron Padgett – qui l’a aussi aidé à remettre de l’ordre dans les
« I remember » en 1975 - le projet de I remember était de s’exposer et d’être aussi honnête et
franc que l’écriture le permettait. Contrairement aux « Je me souviens » de Pérec les « I
remember » ne sont pas numérotés. D’après Eric Loret : « A lire Brainard, on ressent à quel point
se souvenir c’est en même temps se rappeler l’oubli ».
A consulter sur le site de Libération : http://next.liberation.fr/livres/1997/06/26/je-me-souviensde-joe-brainard_208729
Le site officiel consacré à Joe Brainard en anglais : http://www.joebrainard.org
Un film a été consacré à Joe Brainard : http://www.joebrainardfilm.com
Marie Chaix, traductrice et auteur, préface à sa traduction en français de I remember :
Quand « Je me souviens » de Georges Perec fut publié en 1978, personne ne remarqua vraiment
– même si l’auteur n’omit pas de le mentionner en tête du livre – qu’il n’était pas le premier à
utiliser pour « un livre de souvenirs » ce procédé littéraire systématique et répétitif.
En effet, c’est l’américain Joe Brainard qui est « l’inventeur » de la formule magique. Il publia ses
premiers « I Remember » en 1970 puis vinrent « I Remember More » en 1972 et « More I
Remember More » en 1973. Ce sont Maxime Groffsky et Harry Mathews, tous deux amis à la fois
de Joe à New York et de Georges à Paris, qui dirent à ce dernier leur enthousiasme pour « I
Remember ».
Georges Perec, saisissant la balle au bond et avant même de lire son « modèle », se met à jouer à
"Je me souviens" et à partager avec ses amis (quelques élus car il ne veut pas qu’on lui pique
l’idée !) cet exercice de mémoire. « I Remember » est pour nous, lecteurs français, une panoplie
unique des « us et coutumes » de l’Amérique profonde des années quarante et cinquante et de la
vie new-yorkaise des années soixante.
Ce jeune artiste, qui est aussi un dévoreur de littérature est un fervent lecteur de Gertrude Stein
qui l’enchante. Il dira plus tard y avoir sans doute puisé l’inspiration et la façon musicale
d’enchainer les phrases, litanies rebondissantes et savamment répétées. Dans une lettre Joe
Brainard écrit : « Ces jours-ci je plane, travaillant sur un texte appelé « I Remember ». Je me sens
comme Dieu écrivant la Bible. Je veux dire que j’ai l’impression que cela s’écrit et aussi que cela
concerne tout le monde autant que moi. Et cela me plaît, je veux dire que j’ai l’impression d’être
tout le monde. Et c’est une impression agréable. J’en profite tant que je peux. »
Paul Auster a qui l’on doit la réédition de « I Remember » chez Penguin Books en 1995 déclare :
« C’est un chef d’œuvre qui perdurera, à la fois follement drôle et profondément émouvant, un des
rares livres totalement originaux que j’aie rarement lus. »
D’après Dossier d’accompagnement, Zabraka, Création 2015, [Je Te Souviens]
II. Je me souviens, Georges Perec
Figure majeure de la littérature française du XXe siècle Georges Perec a marqué son époque par
ses écrits audacieux. Remarqué dès son premier roman, Les Choses, il reçoit le prix Renaudot en
1965. Membre de l’OuLiPo (Ouvroir de littérature potentielle), l’auteur s’adonne à une écriture de
la contrainte dont l’exemple le plus marquant est La Disparition (1969), un roman entièrement
rédigé sans utiliser la lettre ’e’. Véritable explorateur de la littérature, l’écrivain cherche à créer de
nouvelles formes, et s’essaie à plusieurs procédés de narrations comme dans La Vie mode
d’emploi publié en 1978. Ce goût pour l’aspect formaliste et ludique de la pratique littéraire ne doit
pas occulter la dimension intime et profonde de son œuvre : traumatisé par la mort de ses
parents - d’origine juive polonaise, son père meurt au combat, sa mère en déportation - il publie W
ou le souvenir d’enfance en 1975, un texte d’inspiration autobiographique écrit à leur mémoire,
suivi de Je me souviens en 1978. Egalement attiré par le cinéma, Georges Perec prend la caméra
en 1974 pour tourner avec Bernard Queysanne l’adaptation de son roman Un homme qui dort
(1967), en 1978 pour adapter au cinéma sa nouvelle autobiographique Les lieux d’une fugue
(écrite en 1965) et en 1979 pour tourner avec Robert Bober Récits d’Ellis Island, un documentaire
sur les émigrants américains d’origines juive ou italienne, qui interroge le thème du déracinement.
En 1979, il écrira les dialogues de Série noire d’Alain Corneau. L’œuvre inachevée de Georges
Perec s’apparente à une quête identitaire perpétuelle, hétéroclite et foisonnante d’invention.
D’après www.associationgeorgesperec.fr
Le site de l’association Georges Perec propose une bibliographie complète des œuvres de Perec :
http://associationgeorgesperec.fr
Par ailleurs, « Je me souviens » a été adapté au théâtre dans une mise en scène de Samy Frey
dont on retrouve un entretien sur le site de l’INA : http://www.ina.fr/video/CAB89011816
« Ces « Je me souviens » ne sont pas exactement des souvenirs, et surtout pas des souvenirs
personnels, mais des petits morceaux de quotidien, des choses que, telle ou telle année, tous les
gens d’un même âge ont vues, ont vécues, ont partagées, et qui ensuite ont disparu, ont été
oubliées ; elles ne valaient pas la peine d’être mémorisées, elles ne méritaient pas de faire partie
de l’Histoire, ni de figurer dans les Mémoires des hommes d’Etat, des alpinistes et des monstres
sacrés. Il arrive pourtant qu’elles reviennent, quelques années plus tard, intactes et minuscules,
par hasard ou parce qu’on les a cherchées, un soir entre amis ; c’était une chose que l’on avait
apprise à l’école, un champion, un chanteur ou une starlette qui perçait, un air qui était sur toutes
les lèvres, un hold-up ou une catastrophe qui faisait la une des quotidiens, un best-seller, un
scandale, un slogan, une habitude, une expression, un vêtement ou une manière de le porter, un
geste, ou quelque chose d’encore plus mince, d’inessentiel, de tout à fait banal, miraculeusement
arraché à son insignifiance, retrouvé pour un instant, suscitant pendant quelques secondes une
impalpable petite nostalgie. »
Georges Perec, « Je me souviens », Hachette Littératures, 2002.
III. Souviens-moi, Yves Pagès
Yves Pagès est né en 1963 à Paris. Il a publié une dizaine de fictions, dont Les Gauchers (Julliard,
1994), Petites Natures mortes au travail (Verticales, 2000 ; Folio, 2007), Le Théoriste, (Verticales,
2001, Prix Wepler), Portraits crachés (Verticales, 2003 ; 2013) et Le soi-disant (Verticales 2008 ;
Folio, 2009). Il est également l’auteur de plusieurs essais critiques sur L.-F. Céline, Victor Serge,
les graffiti de 1968 et l’incendiaire du Reichstag en 1933.
Son expérience théâtrale remonte au début des années 90, comme dramaturge, assistant
artistique et comédien aux côtés du metteur en scène François Wastiaux (compagnie ValsezCassis). De cette complicité active sont nés plusieurs spectacles : quatre adaptations (Les
Carabiniers, 1991, Les Gauchers, 1993, Labo-Lubbe, 2005, Portraits crachés, 2006) et une pièce
créée au Festival d’Avignon : Les Paparazzi (Solitaires Intempestifs, 1998). Il a également
collaboré, en 2004, à l’écriture du spectacle L’Invention de la girafe, créé à la Maison de la culture
de Bourges en 2004 par Benoît Bradel. Collaborateur des éditions Verticales depuis 1998, il en coanime désormais la direction littéraire.
Il
a
ouvert,
en
avril
2010,
un
site
d’agitation
textuelle
&
visuelle
:
http://www.archyves.net/html/blog
Yves Pagès à propos de [Je te souviens] :
« Depuis peu, j’ai envisagé́ le chantier d’écriture de « Souviens-moi », qui joue sur le reprise du
même incipit : « De ne pas oublier ». En hommage lointain aux « Je me souviens » de Georges
Pérec, même si je crois que ce projet arpente le terrain d’une autre aventure. Et surtout à partir du
principe inverse, de la rive opposée. À partir d’un oubli initial, d’un effacement originel, chaque
remembrance gardant en elle la trace de son démembrement, de ce qui la vouait d’avance au
rebut, à quelque trou noir. Ce qui s’archive ici, c’est ce qui m’a d’abord échappé. Mon sujet c’est
l’objet perdu, puis retrouvé, puis disparu à nouveau, avec comme mémorisé du dedans le
feuilleton de ces éclipses. Or, il m’a semblé́ que cette énumération fragmentaire pouvait se prêter
à une mise en scène, tout en trouvant un rapport avec des images lacunaires ou quasi abstraites
selon un dispositif scénique qui reste à inventer, en collaboration étroite avec un complice de
longue date. »
D’après Dossier d’accompagnement, Zabraka, Création 2015, [Je Te Souviens]
Partie III
Lire, écrire, regarder… Imaginer ! Mettre en relation les
disciplines autour d’une œuvre
Arts plastiques :
prolonger les travaux
écrits et les mettre en
commun
Langues vivantes :
anglais, exercices
d’écriture à partir des
« I remember » de Joe
Brainard
Histoire des arts :
recherche d’œuvres sur
la mémoire et le
souvenir
[JE TE SOUVIENS]
Histoire : revisiter l’histoire de
la deuxième moitié du XXe
siècle. Exercices d’écriture à
partir des « Je me souviens »
Sciences de la vie et de la
Terre
Lettres : exercices
d’écriture à partir des « De
ne pas oublier » d’Yves
Pagès
Annexe 1
Extraits de [Je te souviens] d’après Joe Brainard, I remember.
2. Je me souviens de “ an apple a day keeps the doctor away ”.
7. I remember “Tupperware” parties.
21. I remember the day John Kennedy was shot.
33. I remember when I wanted to be rich and famous. And I still do !
35. I remember the only time I saw my mother cry. I was eating apricot pie.
Mother, you had me, but I never had you
(I wanted you, you didn't want me )
So I, I just got to tell you
Goodbye, goodbye
Children, don't do what I have done
I couldn't walk and I tried to run
So I, I just got to tell you
Goodbye, goodbye
Father, you left me, but I never left you
(I needed you, you didn't need me)
So I, I just got to tell you
Goodbye, goodbye
Children, don't do what I have done
I couldn't walk and I tried to run
So I, I just got to tell you
Goodbye, goodbye
40. I remember when I told Kenward Elmslie that I could play Tennis. He was looking for someone
to play with and I wanted to get to know him better. I couldn’t even hit the ball but I did get to
know him better.
57. I remember a very pretty german girl who just did’nt smell good.
61. I remember when green blackboards were new.
69. I remember bubble gum. Blowing big bubbles. And trying to get bubblegum out of my hair.
74. I remember my father in a tutu. As a ballerina dancer in a variety show at Church.
78. I remember Hoola hoops.
90. I remember my first cigarette it was a Kent.
03. I remember that Betty Grabble’s legs were insured for a million dollars.
108. I remember one very hot summer day I put ice cubes in my aquarium and all the fish died.
116. I remember / Je me souviens / after people are gone / que après que les gens soient partis /
thinking of things that I could have said / d’avoir pensé́ à des choses / I should have said / que
j’aurais dû dire / pu dire / (mais que j’ai oublié́ de dire) ... but didn’t ...
Annexe 2
Revisiter l’histoire du XXe siècle avec Georges Pérec, Je me souviens (extraits)
40. Je me souviens du jour où le Japon capitula.
85. Je me souviens de l’affaire Kravchenko.
100. Je me souviens que l’amiral Thierry d’Argenlieu était moine.
104. Je me souviens de l’affaire Kovacs, encore appelée « l’affaire du bazooka ».
125. Je me souviens que Khrouchtchev a frappé avec sa chaussure la tribune de l’ONU.
148. Je me souviens que Fidel Castro était avocat.
155. Je me souviens que la première manifestation à laquelle j’ai participé avait pour cause
l’élection – ou le retour – en Sorbonne du pétainiste Jean Guitton.
174. Je me souviens de Mai 68.
175. Je me souviens du Biafra.
176. Je me souviens de la guerre entre L’Inde et le Pakistan.
177. Je me souviens de Youri Gagarine.
217. Je me souviens du quarteron de généraux du putsch d’Alger : Salan, Jouhaux, Challe et
Zeller.
239. Je me souviens de Malcolm X.
250. Je me souviens de l’attentat du Petit-Clamart.
256. Je me souviens que les principales victimes du McCarthysme dans le domaine du cinéma
furent les réalisateurs Cyril Entfield, John Berry, Jules Dassin et Joseph Losey, ainsi que le
scénariste Donald Trumbo qui, pendant plusieurs années, fut contraint de travailler sous des
noms d’emprunt.
265. Je me souviens de Lee Harvey Oswald.
268. Je me souviens que pendant son procès Eichmann était enfermé dans une cage de verre.
299. Je me souviens de la Baie des Cochons.
374. Je me souviens de Zatopek.
391. Je me souviens de Lumumba.
411. Je me souviens qu’au référendum de 1946, il y avait deux questions et que mon oncle
m’avait expliqué que ce n’était pas du tout la même chose de répondre NON-OUI et de répondre
OUI-NON.
Annexe 3
Annexe 3 Extraits de [Je te souviens] d’après Yves Pagès, Souviens-moi
Part 1
1. De ne pas oublier que sans la faculté d’oubli nous ne serions qu’archives mémorielles en tout
et pour tout, à tel point saturés par l’omniscience du passé qu’il ne resterait dans nos zones de
stockage neuronal plus aucun espace libre pour penser à vivre la suite.
10. De ne pas oublier que, la première fois où j’ai entendu parler à la radio d’un téléphone sans fil,
vraiment aucun fil, les cheveux à peine rincés sous la faible pression de la douche, à cause du
tuyau flexible qui fuyait à plusieurs endroits, j’ai trouvé́ cela tout bêtement inconcevable, pire
qu’un astronaute sans cordon ombilical.
Part 2
25. De ne pas oublier que, sitôt tapé les six lettres du mot porte-bonheur MERDUM pour
encourager par SMS une copine contestant au prud’homme son licenciement, le logiciel intégré́
de mon portable lui a substitué le mot MEDICAMENT, et que faute de savoir désactiver la
correction automatique, j’ai dû lui renvoyer illico un second message ainsi libellé : OUPS ! GOOD
LUCK ! devenu une fois de plus contre ma volonté́ : YOUPI ! GODILLOT !
31. De ne pas oublier que par deux fois ma défunte mère a bien failli brûler vive, prisonnière des
flammes dans le cul-de-sac enfumé de notre cuisine, suite à un accident de friteuse, et que la
scène repasse sous mes yeux chaque fois que je retombe sur l’expression : « Ne pas mettre de
l’huile sur le feu ».
Part 3
41. De ne pas oublier qu’au lendemain d’une cuite mémorable, suivie d’un complet blackout, on
m’a rapporté́ que j’avais arrosé de vodka l’aquarium qui trônait sur la table basse et que, la
semaine suivante, il m’a bien fallu constater que les deux poissons en eaux troubles s’étaient mal
accommodes de ces toasts à près de 40 degrés d’alcool, au point de perdre l’ancienne
pigmentation de leurs écailles – l’une rouge, l’autre noire –, pour finir à l’état de friture
translucide.
45. De ne pas oublier ce professeur de grec ancien qui, prétendant que la mémoire n’est qu’un
muscle, nous conseillait d’apprendre n’importe quoi par cœur, même les pages du bottin, en sus
des dix lignes hebdomadaires de l’acte d’accusation de Socrate, alors plutôt l’annuaire tant qu’à
faire, dont j’avais retenu un large extrait, la preuve : « Dupond, Dupond, Dupond, Dupond, Dupond,
Dupond, Dupont, Dupont, Dupond, Dupond, Dupond... » jusqu’à exclusion immédiate.
52. De ne pas oublier que dès l’automne 77, dans mon bahut, les pionniers du punk arboraient la
panoplie idoine – épingles à nourrice, bretelles tombantes, cheveux gominés fluo et veste
graffités de seconde main –, mais que par la suite, un certain François K., lycéen à demi british
par son père, avait surclassé ces « recopieurs bêtes & disciplinés » en inaugurant son propre code
vestimentaire – haut & bas de pyjama ainsi que pantoufles aux pieds nus –, modèle unique de
provoc qui, l’air de presque rien, épatait les plus blasés d’entre nous, et moi le premier, hanté
depuis si longtemps par ce même cauchemar récurrent : oublier de m’habiller avant de sortir et
m’exposer ainsi au pire des ridicules.
Part 4
62. De ne pas oublier qu’à l’âge de huit ans, face à une petite cousine d’à peine vingt-quatre mois,
il paraît que j’ai touché́ le haut de son crâne en posant cette drôle de question aux oracles
familiaux : « Y’a déjà̀ de la mémoire, là-dedans ? »
76. De ne pas oublier que, tombé sous le charme de la remplaçante en fin de CM2, j’essayais
d’évaluer notre différence d’âge et d’en déduire combien d’années il me faudrait patienter avant
de la demander en mariage, sauf que le visage idéal de ma jeune maîtresse souffrait d’un léger
défaut, insensiblement obsédant, une cicatrice entre son nez et ses lèvres que la chirurgie
esthétique pourrait sans doute effacer, mais justement je me demandais aussi « combien ça
coûterait à économiser pour lui offrir l’opération avant la date de nos noces ».
82. De ne pas oublier qu’à force de collectionner les maladies infantiles et leurs appellations
horriblement savantes – scabiose galeuse, tænia saginata, gastro-entérite, varicella zoster,
parotidite ourlienne, eczéma atopique, staphylocoque doré – j’ai longtemps craint le jour fatidique
où, en ayant presque épuisé́ la liste, je n’aurais plus d’autre choix qu’entre la peste et le choléra.
Part 5
93. De ne pas oublier qu’entre 1973 et 1976 mon collège parisien était encore non mixte et que,
évolution des mœurs oblige, à deux trois ans près, j’ai manqué́ de chance.
Part 6 Final mix
109. De ne pas oublier que la ritournelle fétiche de mes 13 ans, Porque te vas, ne signifiait pas
Pourquoi tu vis ? mais plus concrètement Parce que tu t’en vas ? malentendu levé́ il y a peu et
dont l’écart de signification reste à creuser.
113. De ne pas oublier que l’envie de dérober le petit marteau brise-vitres qui trône aux extrémités
de chaque wagon SNCF me revient de loin, des migrations familiales d’été́ en train autocouchette, mais que je n’y ai jamais cédé́, faute d’en avoir eu ni l’audace ni l’outil approprié
justement.
Annexe 4
Photographies de scène
Annexe 5
L’histoire et la mémoire s’opposent terme à terme, extrait de Douze leçons pour l’histoire par
Antoine Prost
La mémoire est la vie, toujours portée par des groupes vivants et, à ce titre, elle est en évolution
permanente, ouverte à la dialectique du souvenir et de l’amnésie, inconsciente de ses
déformations successives, vulnérable à toutes les utilisations et manipulations, susceptible de
longues latences et de soudaines revitalisations. L’histoire est la reconstruction toujours
problématique et incomplète de ce qui n’est plus. La mémoire est un phénomène toujours actuel,
un lien vécu au présent éternel ; l’histoire, une représentation du passé. Parce qu’elle est affective
et magique, la mémoire ne s’accommode que des détails qui la confortent ; elle se nourrit de
souvenirs flous, télescopants, globaux, ou flottants, particuliers ou symboliques, sensible à tous
les transferts, écrans, censure ou projections. L’histoire, parce que opération intellectuelle et
laïcisante, appelle analyse et discours critique. La mémoire installe le souvenir dans le sacré,
l’histoire l’en débusque, elle prosaïse toujours. Le mémoire sourd d’un groupe qu’elle soude, ce
qui revient à dire, comme Halbwachs l’a fait, qu’il y a autant de mémoire que de groupe ; qu’elle
est, par nature, multiple et démultipliée, collective, plurielle et individualisée. L’histoire, au
contraire, appartient à tous et à personne, ce qui lui donne vocation à l’universel. La mémoire
s’enracine dans le concret, dans l’espace, le geste, l’image et l’objet. L’histoire ne s’attache qu’aux
continuités temporelles, aux évolutions et aux rapports des choses. La mémoire est un absolu et
l’histoire ne connaît que le relatif.
Au cœur de l’histoire, travaille un criticisme destructeur de la mémoire spontanée. La mémoire
est toujours suspecte à l’histoire dont la mission vraie est de la détruire et de la refouler. L’histoire
est délégitimation du passé vécu…
Pierre Nora, Les Lieux de mémoire, I. La République
cité par Antoine Prost, Douze leçons pour l’histoire, Points, Seuil, 1996, p. 299-300.
Annexe 6
Proposer aux élèves un travail pluridisciplinaire par groupe de trois autour de [Je te souviens]
Exercice d’écriture en français avec la contrainte « De ne pas oublier… » (Extraits en annexe 3)
Exercice d’écriture en anglais avec la contrainte « I remember… » (Extraits en annexe 1)
Exercice d’écriture en histoire avec une double contrainte « Je me souviens… d’un événement du
XXe siècle… » (Extraits en annexe 2)
Comment mettre en commun les travaux ?
Réaliser une
affiche autour de
la mémoire et de
l’histoire (Cf. texte
en annexe 5)
Travailler en
histoire des arts
autour du souvenir
et de la mémoire
et mettre les écrits
en parallèle avec
des œuvres
Travailler en arts
plastiques sur la
mémoire (Cf.
photographies en
annexe 4) et les
productions des
groupes d’élèves
Interpréter les
« souvenirs »
écrits sous
forme de
saynètes.
COMMENT RÉSERVER UN SPECTACLE ?
 Quand et où réserver ?
L’inscription d’une classe aux spectacles se fait exclusivement sur le site www.lapasserelle.info, à
partir du vendredi 11 septembre. Un formulaire est accessible sur chaque page de spectacle.
Attention : le nombre de places par spectacle est limité. Votre demande sera examinée et votre
inscription validée par l’envoi d’un bon de commande en double exemplaire à retourner à La
Passerelle, signé avec le cachet de l’établissement.
 Combien ça coûte ?

Réservation par classe ou par groupe uniquement (à partir de 10 personnes)

Prix par élève pour tout groupe :
 Spectacle en journée : 6 € pour les spectacles jeune public et tarif réduit pour les
spectacles tout public
 Spectacle en soirée* : 8€ pour les spectacles jeune public et tarif réduit pour les
spectacles tout public

Le nombre d’accompagnateurs acceptés suivant les niveaux :
 Classes maternelles : 1 accompagnateur pour 8 élèves
 Classes primaires : 1 accompagnateur pour 10 élèves
 Collèges : 1 accompagnateur pour une classe
 Lycées : 1 accompagnateur pour une classe
Le tarif réduit sera appliqué pour les accompagnateurs supplémentaires.
 Comment retirer les places ?
Les billets sont à retirer en amont du spectacle ou le jour de la représentation à l’accueil du
théâtre. Vous recevrez un billet par élève et un billet pour chaque accompagnateur.
 Comment régler les places ?
Le service comptabilité de La Passerelle adressera une facture établie sur la base du bon de
commande validé et le paiement s’effectuera dans la mesure du possible quinze jours avant la
représentation. En cas d’annulation non signalée quinze jours avant le spectacle, La Passerelle
facturera 30% du montant de la réservation à l’établissement scolaire. En cas de modification
quinze jours avant la représentation, la facture sera établie sur la base du bon de commande
validé.
Nous acceptons les règlements par : chèques, cartes bancaires, espèces, virements bancaires.
 Les conditions d’accueil
Le spectacle vivant est fragile !

Nous demandons aux enseignants et accompagnateurs d’être vigilants au respect des
conditions de bon déroulement des représentations : gestion du groupe, écoute,
téléphone portable…

Merci de vous présenter à l’accueil 20 minutes avant le début du spectacle pour
rencontrer le responsable des relations publiques.
L’ACTION ARTISTIQUE ET CULTURELLE
Vous souhaitez monter un projet artistique avec votre classe ? Nous sommes à votre écoute !
Cette saison, La Passerelle privilégie un véritable accompagnement du spectateur à la découverte
du spectacle vivant avec des parcours imaginés pour toute la saison. Les parcours conçus par le
service des Relations publiques et le professeur conseiller-relais théâtre sont adaptés aux classes
et au niveau des élèves. Ils permettent aux élèves d’assister à trois spectacles minimum (3
spectacles pour 24 euros minimum) et pour approfondir cette sensibilisation à l’art et au
processus de création, chaque parcours propose une visite guidée du théâtre, des ateliers de
pratiques artistiques mais aussi des rencontres avec les artistes accueillis et l’équipe de La
Passerelle. Pour en savoir plus, contactez-nous !
CONTACTS
Anne-Laure Gouriou, attachée de relations avec le public : [email protected] /
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Jean-François Grosset, professeur conseiller relais-théâtre : jean-franç[email protected]
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