Durian, Durion, Durio spp. : biologie, domestication et usages.
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Durian, Durion, Durio spp. : biologie, domestication et usages.
Florent Labussière M1 IEGB 09/02/14 Durian, Durion, Durio spp. : biologie, domestication et usages. UE Ethnobotanique et interactions bioculturelles, Doyle McKey. Key words : Durian, Durion, Durio zibethinus, domestication, history, geographical distribution, uses, cultural practices. Les Durians faisaient partie de la famille des Bombacaceae majoritairement représentée par des espèces arborescentes, toutefois cette famille est aujourd'hui un synonyme des Malvaceae selon la classification phylogénétique APG III (Watson & Dallwitz, 1992). On dénombre aujourd'hui 27 espèces du genre Durio dont 11 sont comestibles et 16 ne le sont pas (Gasik & Culclasure, 2012). Le centre de diversité de ce genre se trouve en Asie du sud est, à Bornéo (Lim, 1990). Cette synthèse traitera particulièrement de l'espèce Durio zibethinus Murray, 1774 puisque c'est la seule à être cultivée et exportée à grande échelle (Lim, 1990). Bien que Durio zibethinus semble être originaire de Borneo, certains auteurs citent également Sumatra comme zone d'origine, puisque c'est sur ces deux îles que l'on peut observer aujourd'hui cette espèce à l'état sauvage (Akinnifesi et al., 2007). Toutefois, cette espèce a été disséminée dans toute l'Asie du sud (Thaïlande, Philippines, Indonésie, Laos, Vietnam, Chine, Birmanie, Sri Lanka, Nouvelle-Guinée, Inde...) ainsi que dans certaines autres régions du monde (Australie, Hawaï, Floride...) selon la Rural Industries Research and Development Corporation (RIDC) en 2009. L'espèce aurait été disséminée à travers la péninsule Malaise avant que les européens ne fassent leur entrée dans cette zone géographique. Cette répartition géographique localisée s'explique par le fait que ses graines ont une viabilité limitée dans le temps ne permettant pas avec les moyens de l'époque de traverser de longues distance dans le but d'être semées dans une zone géographique lointaine (Burkill, 1936). En revanche, les européens semblent avoir joué un rôle dans la multiplication des voies commerciales au sein de l'Asie du sud est au 19ème siècle. C'est à cette période que l'on estime les plus grands mouvements de l'espèce à travers la péninsule malaise conduisant ce fruit à être l'objet de nombreux échanges (Vilcosqui & Dury, 1997). Des données linguistiques comparant le nom malais du Durian au nom chinois donné à l'espèce prouvent qu'elle n'a été introduite que récemment (moins de deux siècles) en Chine (Blench, 2008). Par ailleurs, aucun sites archéologiques présentant la trace de Durio n'ont à ce jour été découverts selon le Museum National d'Histoire Naturelle (2014). La première référence européenne au Durian est reportée par Niccolo Da Conti qui traversa l'Asie du sud est au 15ème siècle et au cours du 16ème siècle il fut introduit par les portugais à Ceylan et au Sri Lanka (Foo & Hameed, 2011). Le diplomate français Simon De La Loubere note la culture de cette espèce en 1687 dans le royaume d'Ayutthaya plus connue sous le nom de Siam ce qui correspond aujourd'hui à la Thaïlande. Cette espèce avait donc déjà voyagé de Bornéo (ou Sumatra) avant le 17ème siècle dans certains pays alentours afin d'y être cultivée pour ses fruits. Certains éléments bibliographiques sont contradictoires concernant la domestication de Durio zibethinus. En effet, certains auteurs utilisant la biologie moléculaire affirment que le Durian n'a pas encore été domestiqué (Janick, 2003). En revanche il est possible de trouver dans la littérature scientifique des auteurs décrivant les processus de domestication de Durio zibethinus. Il y aurait eu trois phases de domestication : tout d'abord les fruits du Durian étaient cueillis en forêt, ceci conduisant à des mesures sociales et au développement de contrats oraux pour la possession des terres et des arbres. Par la suite, différentes techniques (non citées) auraient été développées afin de stimuler la production des arbres et leur régénération. Ceci conduisant à l'enrichissement des forêts en Durian. Enfin, les habitants de cette île auraient développé des jardins villageois (homegarden) où les Durians étaient mis en culture avec d'autres arbres, des légumes et des plantes utiles tout autour du village (Akinnifesi et al., 2007). Tout au long de ce processus, les Durians auraient été sélectionnés pour leurs goûts favorisant ainsi le développement d'une multitude de variétés (234 sont citées aujourd'hui par Gasik et Culclasure sur le « Duriopedia » du site Year of the Durian). Cet arbre est une espèce tropicale diploïde (2N=56) qui croît dans des zones à précipitations annuelles de 2000 à 3000 mm, il reste juvénile pendant 9 à 12 ans selon les variétés et produit 1 floraison annuelle dont la date diffère également selon les variétés (ex : le cultivar Kradumting produit des fruits tôt dans la saison) selon la RIDC (2009). Il peut mesurer de 25 à 50 mètres de hauteur et croît dans une gamme de température allant de 25 à 30°C (Foo & Hameed, 2011). La vie productive de l'arbre dure de 30 (variétés améliorées) à 150 ans (variétés traditionnelles) et la récolte a lieu environ 130 jours après la floraison (Vilcosqui & Dury, 1997). Cest une espèce allogame qui est pollinisée principalement par une chauve-souris (Eonycteris spelaea) et une abeille géante (Apis dorsata) (Bumrungsri et al., 2009). Il est réputé pour sa bonne capacité de production allant de 200 à 800 fruits par an qui seront vendus de 0,25 à 4$ US, ce qui en fait l'arbre le plus rentable pour les petits propriétaires (Akinnifesi et al., 2007). Dans son aire de répartition d'origine, les fruits sont cueillis sur des pieds sauvages, mais le Durian est aussi cultivé en systèmes mixtes de culture comme les agroforêts et dans les jardins villageois ou encore en périphérie de champs cultivés et c'est seulement en Thaïlande qu'on le retrouve dans des vergers monospécifiques de variétés améliorées (Akinnifesi et al., 2007). Dans la majorité des pays où il est cultivé, la propagation de l'arbre se fait par germination des graines mais la Thaïlande possède une autre singularité, les méthodes de propagation clonale y sont communes (Subhadrabandhu et al., 1991). Vilcosqui & Dury (1997) soulignent que la multiplication de Durio zibethinus par propagation clonale peut se faire par greffage et drageonnage. Selon ces mêmes auteurs, le Durian est affecté par un champignon racinaire (Phytophthora palmivora) qui ravage les cultures ainsi que par un larve parasite qui se développe entre le bois et l'écorce (nom du taxon non cité). Il est donc aisé de se demander comment résisteront ces cultures en vergers monospécifiques dont les individus sont multipliés par propagation clonale puisqu'ils possèdent un patrimoine génétique identique. Un baisse de la diversité génétique pourrait alors contraindre les agriculteurs à utiliser de plus en plus d'intrants pour sauver leurs cultures. De par le mode de culture qui est appliqué en Thaïlande, ce pays était le principal producteur en 1992 (720 000 tonnes/an), puis venait la Malaisie (380 000 tonnes/an) et l'Indonésie (150 000 tonnes/an) (RIDC, 2009), toutefois ce dernier a quadruplé ses importations et diminué ses exportations dans les années 1990 puisque la consommation locale ne cesse d'augmenter (Vilcosqui & Dury, 1997). Les résidus issus de l'exploitation du Durian comme les cosses, les graines et l'écorce sont traditionnellement brûlés ou envoyés dans les décharges (Foo & Hameed, 2011). Par ailleurs, quelque soit le type d'exploitation du Durian, ces systèmes ne se limitent pas à une fonction économique, ils ont des fonctions sociales importantes. Dans plusieurs endroits de Bornéo, le fait d'hériter d'un arbre s'inscrit dans le mode d'organisation de ces sociétés. Les héritiers sont souvent des frères et sœurs du planteur de l'arbre (parfois des cousins), mais ces arbres peuvent être réclamés par d'autres membres de la communauté qui possèdent les terres sur lesquelles ces arbres poussent (Ribot et Peluso, 2003). Ces arbres ont donc une valeur d'échanges et d'usages et sont un élément de territorialisation des communautés. Par ailleurs, ces arbres portent en eux la mémoire de ces mêmes communautés, les Hommes les nomment pour se souvenir d’événements propres à leur histoire commune et couper un Durian nécessite des rituels remerciant l'approbation des ancêtres décédés et des villageois toujours en vie (Ribot et Peluso, 2003). Aux Philippines, le Durian semble jouer également un rôle social important comme le montre l’œuvre de l'artiste philippin Kublai Millan observable au Davao International Airport (visible sur « http://en.wikipedia.org/wiki/Kublai_Millan »). On y voit un Durian ouvert en deux et portant en son sein 3 groupes d'individus représentant la mixité sociale des Philippines et qui fait l'objet de nombreux conflits dans la partie sud du pays (Bacaron, 2010). Ainsi, les colons y sont représentés, au même titre que les musulmans et les Lumads (un groupe culturel des Philippines), tous rassemblés dans un Durian rappelant une matrice. Par ailleurs, il existe plusieurs pistes de recherches sur les propriétés médicinales du fruit. D'une part certains auteurs ont démontré l'efficacité d'extraits de graines de Durian : ces extraits présentent des effets d'inhibition sur Staphylococcus aureus et Escherichia coli (pour cette dernière, les extraits de graines présentent de meilleurs résultats qu'avec le chloramphénicol) (Duazo et al., 2012). D'autre part, lors de tests in vitro, Lipipun et al. (2001) démontrent quant à eux que l'utilisation d'un gel de polysaccharides extrait de la cosse inhibent le développement de certaines souches de Saccharomyces cerevisiae et de Candida albicans. Outre les utilisation pharmaceutiques, le Durian pourrait jouer un rôle économique important pour les petits propriétaires que l'on retrouve aujourd'hui sur les îles de Java et Bornéo. Les arbres domestiqués semblent être sous-utilisés quant à leur capacité à produire de bois de haute qualité (5 espèces sont principalement utilisées à cette fin parmi les nombreuses présentes sur l'île) (Narendra et al., 2013). Ces auteurs ne soulignent toutefois pas l'impact que pourrait avoir une telle exploitation vis à vis des écosystèmes de ces régions déjà fortement atteintes par l'exploitation des palmiers à huile. De la même façon, certaines populations n'accepteraient pas forcément de couper ces arbres puisque comme nous l'avons vu précédemment, ils font partie intégrante de leur mémoire commune et participent à la structuration sociale et spatiale de leurs communautés. Le Durian est réputé être un fruit malodorant. Il est fréquemment qualifié de « fruit au goût du paradis mais à l'odeur de l'enfer ». Ceci pourrait être expliqué par les nombreux composés organiques odorants qu'il renferme et qui sont principalement des cétones et des composés organosulfurés (44 de ces composés ont été identifiés dans le fruit) (Li et al., 2012). Plusieurs citations d'auteurs célèbres peuvent être relevées, Anthony Bourdain un auteur américain est particulièrement virulent à son encontre: « Votre haleine ressemblera à celle que vous auriez si vous aviez embrassé intensément votre grand mère morte depuis des mois ». Une anecdote remarquable et récente (2013) mérite d'être racontée (on peut la lire sur le site du journal The Star Online) : le service de sécurité a fait évacuer un immeuble à Sydney suite à la plainte de membres du personnel qui croyaient être en présence d'une fuite de gaz tant l'odeur était forte. Il s'avère que quelques étages en dessous de leur bureau, le personnel du consulat de Malaisie à Sydney en charge de l'agriculture avait ouvert 10 paquets de variété D24 et Musang King pour des tests de laboratoire. L'odeur s'est répandue dans la ventilation pour atteindre les bureaux adjacents. Personne n'a voulu croire le personnel malais qui tentait d'expliquer que l'odeur provenait des fruits et c'est seulement après trois heures de fouilles acharnées pour trouver la fuite de gaz que le service de sécurité s'est rendu à l'évidence. Les Durians ont par la suite été délocalisés dans une résidence pour étudiants malais à Sydney habitués à cette odeur. Et je terminerais cette synthèse par une citation du célèbre Wallace en 1856 : « Les cinq quartiers du fruit sont d'un blanc soyeux au dedans, et sont constitués d'une texture à la pulpe ferme de couleur crème, contenant environ trois noyaux chacun. Il y a parfois des apparitions occasionnelles d'une saveur qui rappelle une crème au fromage, une sauce à l'oignon, du xérès et d'autres plats aux saveurs choquantes. Il y a une substance visqueuse dans la pulpe. La chair est acide, et non sucrée ou juteuse. Le Durian peut produire nausées et autres mauvais effets. En fait, manger du durian est une nouvelle sensation, très désagréable, mais qui vaut à lui-même un voyage vers l'Asie, tant ce fruit est unique et particulier ». Références bibliographiques • Akinnifesi, F.K., Leakey, R.R.B., Ajayi, O.C., Sileshi, G., Tchoundjeu, Z., Matakala, P., Kwesiga, F. 2007. Indigenous fruit tress in the tropics. Domestication, utilization and commercialisation. CABI, 464 p. • Bacaron M.A. 2010. Indigenous conflict resolution mechanisms in Mindanao : is their institutionalisation the answer?Asian Journal of Public Affairs, vol. 3, issue 1, pp. 49-59. • Blench R. 2008. A history of fruits on the Southeast Asian mainland. 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