Le coût du courtage immobilier

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Le coût du courtage immobilier
Les Acteurs de l’Immobilier
Les Acteurs de l’Immobilier
Me Patrick Blaser,
avocat, associé
de l’Etude Borel & Barbey,
Genève
Le coût du courtage immobilier
Partenaire incontournable de toute vente immobilière, le courtier a droit à une commission dont
il est vivement recommandé que les conditions et le montant soient préalablement fixés par écrit
et de façon précise. A défaut, la commission réclamée par le courtier aboutira inévitablement à
un litige entre les parties au contrat. Pour éviter une telle issue il convient de respecter les quelques règles décrites ci-après.
L
a loi n’exige pas que le contrat
de courtage soit formellement
conclu en la forme écrite.
Un contrat oral, voire même par actes concluants, est par conséquent
juridiquement suffisant pour permettre à un courtier de prétendre à
une commission de courtage en cas
de vente d’un bien immobilier.
Dans ces cas, il appartiendra toutefois au courtier de faire la double
preuve que tel vendeur l’a chargé,
oralement ou par actes concluants,
de trouver un acheteur et que c’est
grâce à son intermédiaire que cet
acheteur a conclu la vente.
combant à chacune des parties à la
transaction.
Le contrat écrit, à l’inverse de l’accord oral, présente le double avantage de clarifier les rapports entre
les cocontractants et, surtout, de
servir de preuve en cas de litige.
Les différents types de contrat
de courtage
Il existe deux types, qui peuvent être
cumulés, de contrat de courtage:
• le courtage d’indication qui
consiste à présenter un acquéreur
au vendeur d’un bien immobilier;
• le courtage de négociation qui
consiste à servir d’intermédiaire
pour la négociation d’une vente immobilière.
A Genève, l’Association professionnelle des gérants et courtiers en immeubles (APGCI) et la Société des
Régisseurs ont élaboré plusieurs
Un contrat de courtage écrit
Par conséquent, en matière de courtage, comme d’ailleurs pour toutes
transactions commerciales, la prudence commande toujours de fixer
par écrit les droits et obligations in-
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contrats types de courtage, recouvrant les différentes formes d’interventions possibles du courtier. Dans
les autres cantons, on retrouve des
documents similaires.
Ces différents contrats types
sont:
• le contrat de courtage simple;
• le contrat de courtage exclusif;
• le contrat de courtage principal.
En substance, les caractéristiques
de ces différents contrats de courtage sont les suivantes.
Le contrat de courtage simple n’accorde aucune exclusivité à un courtier. Le vendeur reste libre de mandater plusieurs courtiers. Seul le
courtier qui aura été à l’origine de la
vente finalement conclue aura droit
à sa commission
Le contrat de courtage exclusif accorde comme son nom l’indique un
mandat exclusif à un seul courtier.
Le vendeur renonce par conséquent
à mandater d’autres courtiers pour
la vente de son bien immobilier.
Le contrat de courtage principal est
celui par lequel le vendeur mandate, à titre exclusif, un seul courtier, à
charge pour ce dernier de mettre en
œuvre, sous sa propre responsabilité contractuelle, d’autres courtiers
pour la vente du bien immobilier.
La fixation du prix de vente
de l’immeuble
Le vendeur et son courtier doivent
évidemment fixer dans leur contrat
le prix de vente demandé par le vendeur. Toutefois, le prix convenu n’a
qu’une valeur indicative. Ainsi toute
offre d’achat, même inférieure, doit
être soumise à l’approbation, ou au
refus, du vendeur.
Souvent le «sport», pour le courtier,
consiste à mettre en concurrence
plusieurs acheteurs et de faire ainsi
une sorte d’enchère au plus offrant.
Il en résulte que le prix annoncé,
par le jeu de l’enchère, se trouve finalement majoré de plusieurs dizaines, voire centaines, de milliers de
francs pour le plus grand bonheur
du vendeur … et de son courtier.
Cette situation résulte du fait que,
juridiquement, tant que l’acte de
vente, ou de promesse de vente,
notarié n’est pas signé, le vendeur
n’est pas lié par son offre. Cela
ouvre ainsi la porte à toutes les surprises, mauvaises pour l’acheteur et
bonnes pour le vendeur.
De son côté, le vendeur peut aussi
jouer les filles de l’air avec son courtier. En effet, comme l’indication du
prix de vente ne lie pas le vendeur,
ce dernier peut finalement renoncer
à conclure un contrat de vente avec
un acheteur qui avait pourtant accepté de payer le prix indiqué! Dans
ce cas, le contrat de vente n’est pas
conclu et le courtier peut faire une
croix sur sa commission, sous réserve toutefois que le vendeur n’ait
pas contrevenu aux règles de la
bonne foi.
Le courtier a une obligation
de résultat
Le courtier a autant d’intérêt que le
vendeur à ce que la vente projetée
se réalise, puisqu’il s’agit là d’une
condition sine qua non pour que le
courtier soit payé pour son activité.
Le courtier, au contraire d’autres
mandataires, a en effet une obligation dite de résultat pour être rémunéré. Cela signifie que le courtier
ne pourra encaisser la commission
prévue avec le vendeur que lorsque
la vente du bien immobilier aura
bien eu lieu.
A ce propos, les trois contrats types de courtage prévoient d’ailleurs
expressément que le vendeur s’engage à ne payer au courtier la commission due que dès la conclusion
effective de la vente.
Sur ce point, le contrat type de
courtage principal comporte toutefois une nuance, et de taille, en
ce sens qu’il précise expressément
que si une vente définitive n’a pas
été conclue, mais qu’une promesse
de vente a tout de même été signée,
mais non exécutée, le courtier aura
droit à une indemnité de 30% du
dédit contractuellement prévu en
faveur du promettant-vendeur.
Que se passe-t-il lorsque le vendeur
résilie le contrat de courtage puis,
après cette résiliation, conclut un
contrat de vente avec un acheteur
présenté par le courtier?
Le courtier a autant d’intérêt
que le vendeur à ce que la vente
projetée se réalise.
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Dans ce cas, les contrats types de
courtage protègent expressément
le courtier, à juste titre d’ailleurs, en
prévoyant que la commission sera
due au courtier même si le contrat
de courtage a pris fin. Dans ce cadre, il appartiendra toutefois au
courtier d’adresser au vendeur le
nom de toutes les personnes qu’il
aura contactées et auxquelles il
aura fait des offres en vue de vendre
le bien immobilier concerné.
En ce qui concerne le contrat type
de courtage principal, il appartiendra au courtier principal, à qui le
vendeur versera l’intégralité de la
commission, de répartir cette dernière entre les différents courtiers
qu’il aura lui-même mandatés.
La fixation du montant
de la commission de courtage
Les trois contrats types de courtage
prévoient que la commission est
calculée conformément aux tarifs
en vigueur des associations professionnelles représentatives. Pour reprendre l’exemple genevois, il s’agit
des tarifs de l’Association professionnelle des gérants et des courtiers en immeubles et de la Société
des Régisseurs.
Selon ces tarifs, le taux de la commission de vente est de 5% sur les
premiers 500 000 francs et de 3% sur
le solde (conditions générales de la
SR, édition 1999).
Lorsque le vendeur met en œuvre
plusieurs mandataires, le taux de
la commission est majoré au minimum de 1% lorsque le vendeur met
en œuvre deux mandataires, et de
2% s’il met en œuvre trois mandataires ou plus.
Le tarif est différent en cas de vente
globale d’un immeuble en propriété
Pour que le courtier ait droit
à la commission, il lui suffit
d’établir qu’il est à l’origine
de l’intérêt manifesté
par l’acheteur pour le bien
immobilier qu’il a
finalement acquis.
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par étage. Dans ce cas, le taux de la
commission est de 4%. Par ailleurs
la commission n’est pas calculée sur
le prix de vente de chaque objet pris
individuellement, mais sur le prix
global. La commission est payable
lors de la vente de chaque objet.
Le paiement de la commission
de courtage
La plupart des litiges entre vendeur
et courtier tournent autour de deux
questions: celles de savoir si l’acheteur a effectivement acquis le bien
immobilier grâce à l’intervention du
courtier et, lorsque plusieurs courtiers ont été mandatés, grâce à l’intervention duquel d’entre eux.
Comme déjà indiqué, la commission est due au courtier, selon les
contrats types de courtage, dès la
conclusion de la vente.
En réalité, cette commission n’est
due au courtier qui la réclame que
pour autant qu’il prouve que c’est
effectivement grâce à son intermédiaire que la conclusion de la vente
a pu se faire, soit parce que c’est lui
qui a présenté l’acheteur, soit parce
que c’est lui qui a conduit la négociation ayant abouti à la vente.
Pour que le courtier ait droit à la
commission, il lui suffit d’établir
qu’il est à l’origine de l’intérêt manifesté par l’acheteur pour le bien immobilier qu’il a finalement acquis.
Pour ce faire, en cas de contestation
à ce propos, il suffit en fait que le
courtier prouve que c’est lui qui a
indiqué au futur acheteur que le
bien immobilier concerné était à
vendre. C’est suffisant quand un
seul courtier est intervenu.
C’est plus délicat lorsque plusieurs
courtiers sont entrés en scène,
chacun au bénéfice d’un contrat
de courtage distinct. Dans ces cas,
chacun des courtiers qui revendique le paiement de la commission
doit établir que c’est bien lui qui a
établi le «lien psychologique» ayant
amené l’acheteur à acquérir le bien
immobilier concerné. Dans les cas
où plusieurs liens psychologiques
ont été noués, le Tribunal fédéral a
tendance à répartir le montant de
la commission due en fonction de
l’importance de l’influence exercée
par chaque courtier sur l’acheteur.
Le résultat de cette approche reste
très aléatoire.
C’est pour éviter ce genre d’action
que les courtiers préfèrent conclure
un contrat de courtage exclusif, unique ou principal.
Le vendeur peut également y trouver son compte. En effet, en cas de
pluralité de courtiers, le vendeur
peut s’exposer au risque de devoir
payer deux fois la commission lorsqu’un même acheteur a été présenté par deux courtiers agissant
séparément!
La fin du contrat de courtage
Comme toutes les bonnes choses
ont une fin, le vendeur n’est pas
lié à vie à son courtier. En effet, le
courtage, comme n’importe quel
autre mandat, peut être résilié en
tout temps.
Toutefois, pour essayer de prémunir le courtier contre cet aspect un
peu abrupt, mais caractéristique,
du mandat, les contrats types de
courtage prévoient expressément la
possibilité de conclure un contrat
de courtage de durée limitée, tacitement renouvelable.
Mais comme cette clause contractuelle est discutable, les contrats
types de courtage précisent que la
possibilité de résilier le contrat de
courtage en tout temps reste tout
de même réservée avec suite, le
cas échéant, d’indemnisation en
cas de dommage subi par le courtier.
A ce propos le contrat type de courtage principal va encore plus loin,
puisqu’il prévoit expressément, à
l’inverse des deux autres contrats
types de courtage, que le courtier
a droit à une indemnité forfaitaire
prévue à l’avance dans le contrat en
cas de:
• résiliation anticipée du contrat
par le vendeur;
• expiration ou dénonciation du
contrat avant qu’une vente ne soit
intervenue.
Le contrat type de courtage principal précise que l’indemnité forfaitaire sert à couvrir les honoraires
d’étude du dossier, le remboursement des débours du courtier, ainsi
que ses frais, notamment de déplacement, de constitution de dossier,
d’analyse de la situation, d’assistance administrative, d’établissement d’offres, etc.
Par rapport au montant prévu initialement en pourcentage de la vente,
cette indemnité ne représente toutefois qu’une maigre consolation
pour le courtier «marri».
En conclusion, et pour diminuer
tout risque de litige quant à l’interprétation d’un contrat de courtage,
il est vivement recommandé de recourir aux contrats types de courtage rédigés quasiment «sur mesure»
par les différentes associations professionnelles immobilières. Cela
pourra éviter aux parties certains
désagréments non prévus à leur
budget ! n
La plupart des litiges
entre vendeur et
courtier tournent
autour de deux
questions: celles de
savoir si l’acheteur a
effectivement acquis
le bien immobilier
grâce à l’intervention
du courtier et, lorsque
plusieurs courtiers ont
été mandatés, grâce à
l’intervention duquel
d’entre eux.
Patrick Blaser
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