Les machinimas, Second Life et la pédagogie de l

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TRIBUNE
LIBRE
Les machinimas, Second Life et la péda go
Andrew Burn
traduit de l’anglais par
READER IN EDUCATION AND NEW MEDIA
INSTITUTE OF EDUCATION, UNIVERSITY OF LONDON
Extrait d’un ouvrage à paraître chez Peter Lang,
Making New Media : Creative Production and Digital
Literacy, ce texte, dont nous présentons la traduction
avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur,
présente un double intérêt :
– il « témoigne » de ce qui se passe
dans une classe virtuelle sur Second Life
du point de vue de l’artiste-professeur, de ses élèves
et, nécessairement, de leurs avatars ;
– il analyse le fonctionnement des « machinimas »,
ces films générés en temps réel dans
un environnement 3D et dont la fabrication
est enseignée dans l’expérience racontée.
Mondes virtuels, espaces imaginaires
L
38 SECOND LIFE ET ÉDUCATION
’animation est présente de longue date dans
l’éducation aux médias, bien qu’elle le soit
également dans l’enseignement artistique.
Mais ces deux domaines privilégient des aspects
différents : l’un s’intéresse à l’animation en tant
que culture populaire et médium de production
filmique ; l’autre l’étudie en tant que forme artistique et met l’accent sur ses éléments constitutifs
– le dessin, la peinture et la réalisation de
maquettes – et ses propriétés esthétiques. Cette
distinction traditionnelle s’est toutefois estompée ces dernières années : l’enseignement artistique s’est orienté vers un programme de « culture
visuelle », s’écartant par conséquent des institutions des beaux-arts pour traiter plus largement
des pratiques de la représentation visuelle (p.
ex. Duncum, 2001). Cette évolution marque le
passage d’une conception de l’enseignement artistique comme élitiste, coupé du monde et fermement inscrit dans le projet de la modernité à une
diversité postmoderne de pratiques (Addison et
Burgess, 2003). Ce nouvel ordre remet en cause
les oppositions traditionnelles entre le texte et
l’image, le médium artistique et la technologie, le
Béatrice Bocard
sens de la vue et les autres sens auxquels font
appel les textes multimodaux. Et cette nouvelle
diversité implique également de briser les frontières entre les disciplines et d’envisager une collaboration nouvelle avec les autres pratiques éducatives concernées par la culture visuelle.
[…]
La forme culturelle la plus récente dans le
monde de l’animation – qui tout à la fois détermine les nouvelles technologies et est déterminé
par elles, dans le cas présent celles des jeux vidéo
en 3D et des mondes virtuels – est l’art de la
machinima. « Machinima » est un mot-valise
formé de « machine » et de « cinéma », le « é »
étant remplacé par un « i » pour rappeler « animation ». La machinima est définie par Kelland et
ses collaborateurs comme « l’art de réaliser des
films animés dans un environnement tridimensionnel généré en temps réel » (2005, 10). Autrement dit, il s’agit d’animation générée à partir
des environnements 3D et des personnages animés des jeux vidéo ou des mondes virtuels immersifs. Les premières machinimas ont été créées au
milieu des années 1990 par des participants au jeu
Quake.
La réalisation de machinimas à l’école implique
de repenser l’animation en tant que pratique artistique et en tant que forme de production médiatique. En quoi est-elle différente – ou similaire –
des formes précédentes d’animation, du point de
vue du contexte culturel, des ressources techniques, des compétences qu’elle réclame, des
pédagogies qu’elle utilise et des possibilités
qu’elle offre en matière de création ?
Nous nous intéresserons ici au travail de Britta
Pollmuller, artiste, animatrice, machinéaste et
professeur, qui a enseigné l’animation aux adolescents sous de multiples formes, allant des techniques de l’image par image et de la pâte à modeler aux machinimas conçues dans le monde virtuel
immersif de Second Life. Nous étudierons l’interface entre l’éducation aux médias (EAM) et
l’enseignement artistique ainsi qu’entre les nouvelles technologies et les détournements qu’en
font professeurs et élèves1.
[…]
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da gogie de l’animation
gie moderne, en m’interrogeant sur l’importance de la peinture à l’ère du numérique.
Cela provient d’une certaine anxiété que je
ressens vis-à-vis de l’influence de la technologie sur l’art et notre culture dans son
ensemble. Comment l’art peut-il se resituer
par rapport à la production d’images à l’ère
du tout technologique ? »
Il ne fait pas de doute que Second Life transforme les manières de créer, d’exposer et d’estimer l’art, ainsi que les modes de production de
formes artistiques, d’outils de représentation et
de modes de communication nouveaux. Il existe
des expositions privées pendant lesquelles les
avatars peuvent boire du champagne virtuel et
parler à l’artiste, des lectures de poésie dans un
pub irlandais, des visites guidées et des conférences dans des musées, des expositions photos,
de l’art vidéo d’avant-garde, des expositions de
sculpture cinétique scénarisées, des concerts et
même de la danse. L’apprentissage des arts sur SL
est illimité, ingénieux et stimulant.
L’artiste dans Second Life
Britta Pollmuller a quitté son travail de professeur
et dirige désormais des projets d’animation indépendants dans des écoles du Norfolk. Au cours de
ces projets, elle a continué de mettre au point
toute une série de techniques d’animation et des
pratiques hybrides empruntées à l’enseignement
des arts plastiques et à celui des médias. Elle
encourageait les élèves à apprendre des conventions filmiques précises et à réfléchir à la qualité
artistique de leur travail, tout en incorporant des
ressources tirées de leur connaissance de l’animation populaire. Britta les a aidés à se servir du
travail pour exprimer leurs propres intérêts et
préoccupations et pour s’interroger sur leurs
propres identités et rôles dans la société.
C’est à peu près à cette époque qu’elle a découvert Second Life, le monde virtuel immersif conçu
par la société américaine Linden Lab. Second Life
présente des caractéristiques communes à celles
des Massively Multiplayer Online Role-Playing
Game ou MMORPG (jeux de rôle en ligne massivement multijoueur) ; il permet une interaction
entre l’avatar et un monde en ligne permanent ;
il fournit des ressources pour le jeu de rôle, les
fantasmes et la création de communautés ; son
esthétique s’inspire sous de nombreux aspects
des cultures du jeu. Mais, sous d’autres aspects,
ce n’est pas un jeu au sens où l’est un MMORPG :
il ne fournit aucune ressource, buts ou autres
structures d’ordre ludique.
Walter Benjamin
et l’esthétique numérique
Exposer sur Second Life
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1. Ce texte s’inspire de deux
projets de recherche qui ont
bénéficié de financements :
« Learning from Online
Worlds -Teaching in Second
Life », financé par la
Fondation Eduserv ; et
« Digital Video Pilot », financé par la Becta. Il reprend
aussi le travail du projet
Schome à l’Open University.
2. Learning from Online
Worlds ; Teaching in Second
Life, Foundation Eduserv,
2007–8. 3.
Mondes virtuels, espaces imaginaires
Britta Pollmuller ne connaissait pas la culture du
jeu, mais elle était intriguée par les possibilités
que Second Life offre à un artiste. Elle y a exposé
ses propres peintures dans des galeries et vendu
sa première œuvre pour quelques centaines de
Linden dollars (la monnaie de Second Life). Dans
un entretien avec Diane Carr, chef de projet de
nos propres recherches dans Second Life2, Britta
a décrit ce qu’elle a ressenti en exposant
ses œuvres dans Second Life : « Je devais présenter mes peintures dans ce monde de technolo-
Les observations de Britta, bien qu’elles soient
inspirées ici par un nouveau médium, rappellent
des débats plus anciens sur ce qui se passe lorsqu’on crée des œuvres d’art par des moyens mécaniques. La réflexion la plus connue sur ce sujet est
peut-être l’essai important de Walter Benjamin,
L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité
technique (1936), qui est encore pertinent par
rapport aux réflexions de Britta en trois points.
Premièrement, la question initiale de Benjamin sur les conséquences de la reproduction
mécanique d’une œuvre d’art à partir d’un original unique s’applique ici. Ce qui est encore en
jeu est le statut ontologique et esthétique de différentes technologies d’inscription (Kress et Van
Leeuwen, 1996). Les pratiques sociales qui utilisent ces ressources sont également en jeu. Il est
déjà manifeste que l’art de la machine dans
Second Life ne signifie pas l’inévitabilité des
formes d’exploitation sociale que les penseurs
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tiques sociales du milieu artistique, depuis les
rencontres et expositions d’art indépendant jusqu’aux pratiques commerciales des studios professionnels qui réalisent des vidéos institutionnelles à l’aide des ressources du monde virtuel.
Le corps virtuel de l’avatar
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Sur son île dans Second Life, Pigment Pye,
l’avatar de Britta Pollmuller, en conversation avec l’auteur.
marxistes de l’École de Francfort escomptaient.
Les motifs sociaux continuent de coexister avec
des motifs artistiques indépendants, les styles
d’art populaire avec les beaux-arts. De plus, Britta
ne perçoit pas les reproductions de ses propres
peintures telles qu’elles sont exposées dans
Second Life comme des copies réductrices et
mécaniques dont la qualité esthétique serait aplatie et épuisée. Au contraire, elle est surprise par
la « force » qu’elles dégagent : « La première
fois que je suis allée dans SL, c’était pour voir
une exposition de photographies et on m’a
proposé d’en faire une, alors j’ai appris à installer ma première exposition virtuelle. J’ai
été surprise de voir à quel point mes peintures étaient fortes, une fois numérisées. »
Il est probable que, si la réalisation technique
d’images à haute résolution joue un rôle ici – ce
que Sinker appelle « l’esthétique numérique »
(Sinker, 2000) –, le point de vue du participant
sur l’authenticité des images, le contexte de l’accrochage et de leur interprétation est au moins
aussi important. La sémiotique sociale considérerait cela comme un jugement de modalité (Kress
et van Leeuwen, 1996). La crédibilité, la fidélité
au genre, l’authenticité – qualités liées à l’« aura »
de Benjamin – peuvent être perçues comme la
rencontre entre les exigences de la représentation
et les jugements portés par le participant.
Ce que Benjamin ne pouvait pas prévoir, en
revanche, c’est le monde virtuel immersif et permanent qui fournit dans ce cas le contexte social
dans lequel les avatars d’artistes, de spectateurs,
de critiques et de poètes peuvent reproduire les
genres sociaux qui entourent l’exposition, la
consommation et l’interprétation de l’art dans le
monde « réel ». La communauté artistique de ce
monde, telle que Britta la décrit, rétablit les pra-
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3. Affordance : capacité d’un
objet à suggérer son utilisation.
Les artistes et les spectateurs ne font pas que
créer l’œuvre d’art, ils se créent aussi eux-mêmes,
en mettant l’accent sur la représentation fluide,
dont les ressources sémiotiques comprennent la
personnalisation de l’avatar, la saisie des messages du chat, la mise en place de répertoires
d’emotes et l’utilisation de ressources d’animation
expressives et fonctionnelles dans Second Life
pour s’asseoir, voler, jouer d’un instrument de
musique ou conduire une voiture.
Ce type de mise en scène reproduit bien évidemment des aspects de la mise en scène dans la
vie « réelle » (in real life, IRL). Dans le sens
goffmanien de la présentation de soi à travers
des structures dramaturgiques (1959), les
artistes, les étudiants, les critiques et les spectateurs ont toujours mis en scène leurs rôles
sociaux dans les ateliers, les galeries, les musées,
la rue et les cafés. La question, simple mais difficile, que pose Second Life est : comment caractériser les différences ?
On peut les considérer sous l’angle des ressources sémiotiques. Par exemple, Britta est
capable, en tant qu’avatar, de changer d’apparence avec beaucoup plus de fluidité et de liberté
qu’elle le ferait IRL. Son avatar, Pigment Pye, est
un personnage haut en couleur arborant des
nattes virevoltantes, des vêtements à motifs
translucides, des tatouages et des ornements
cyberpunk.
Mais il y a aussi des contraintes. Ainsi, les
répertoires communicants de gestes, d’expressions faciales et d’intonation sont beaucoup plus
limités que IRL. Cependant, en considérant l’affordance3 sous l’angle de la sémiotique, l’on ne
rend pas entièrement compte de la représentation
du soi dans le cas présent. Les témoignages de
Britta, comme ceux d’autres résidents des
mondes virtuels, font ressortir une forte impression de présence dans ce monde, un sentiment
d’incarnation qui invite à une analyse phénoménologique. L’identité du participant est projetée
sur l’avatar tandis qu’il devient l’acteur de son
propre film – à la différence qu’il se déroule en
temps réel. Le corps virtuel de l’avatar suscite
simultanément une préoccupation, une concentration cognitive et un attachement affectif ; la
barrière qui sépare la vision objective de l’image
à l’écran de l’expérience subjective de l’individualité incarnée se dissout.
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Par rapport à Benjamin, nous nous souvenons
naturellement que son intérêt ne se limitait pas
à l’objet artistique et à ses reproductions mécaniques, mais qu’il s’est étendu par la suite aux
contextes de la consommation et de la figure
sociale qui les occupait – jusqu’aux galeries marchandes de son dernier ouvrage inachevé, Le
Livre des passages, et au flâneur qui y déambulait (1999). Ces métaphores font toujours sens
et peuvent s’appliquer aux avatars et aux îles de
Second Life. Walter Benjamin n’aurait peut-être
pas pu imaginer la technologie de Second Life,
mais il aurait sûrement reconnu les personnages
fantastiques qui flânent dans ses galeries d’art et
ses centres commerciaux. La différence réside
dans l’application du terme « mécanique » dans
l’essai antérieur de Benjamin. Dans Second Life,
le monde lui-même et ses agents sociaux sont
reproduits de façon mécanique, se débattant
entre la tentative de capturer l’aura de l’original
et la conscience croissante que ce monde est
capable de créer sa propre aura, une esthétique,
une sensibilité et un habitus mécaniques.
Machinima et vie parallèle
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Mondes virtuels, espaces imaginaires
Pour en revenir à la (seconde) vie d’artiste de
Britta Pollmuller, après avoir exposé sur Second
Life, elle a découvert l’art de la machinima. Pour
les animateurs professionnels comme pour les
enseignants, la machinima présente de multiples
attraits. Comme elle est réalisée en temps réel,
elle évacue le laborieux processus de fabrication
de l’animation image par image. Elle permet de
rendre des attitudes qui sont difficiles à obtenir
en animation amateur : un « cycle de marche »,
par exemple, est difficile à obtenir en image par
image, alors qu’une machinima dans SL a simplement besoin de filmer l’avatar en train de marcher.
À bien des égards, la machinima – avec ses avatars qui interprètent des rôles, ses événements filmés en temps réel et ses prises de vues virtuelles
qui, en animation classique, seraient simulées par
la technique de l’animation – est plus proche du
film avec personnages réels.
Par rapport à l’argumentation de Benjamin, la
machinima est un exemple récent de sa catégorie concernant la production technologique d’un
art qui n’a pas d’œuvre originale, et par conséquent pas d’aura à dissiper. Benjamin prenait
naturellement pour exemples la photographie et
le cinéma. Dans le cas des machinimas de Second
Life, c’est le partage des ressources qui se déroule
dans Second Life même, au moyen d’outils scénaristiques et d’autres instruments de création.
Aucun « original » discernable ne semble être
produit par l’artiste dans le cas présent, de sorte
qu’il ne reste aucune possibilité d’aura. Au
contraire, des représentations existantes – personnages, paysages, sons, objets – sont adaptées
et incorporées dans de nouvelles réalisations.
Toutefois, en réalité, un grand nombre d’entités
présentes dans Second Life ont un auteur manifeste, portent la signature de leurs créateurs : on
peut parfois en disposer gratuitement ou les acheter en Linden dollars. À cet égard, il subsiste une
certaine notion de texte original, dans les revendications, dans le domaine esthétique, de création
originale ou, dans le domaine économico-juridique, à des droits de propriété intellectuelle ou
à une rétribution.
Britta Pollmuller a appris par elle-même l’art de
la machinima puis a fait connaissance avec la
communauté machinima de Second Life : ses
membres lui ont transmis leur savoir, et elle les a
rencontrés lors de manifestations spécialisées.
Elle a participé à des séminaires, des festivals et
des expositions sur Second Life, tel l’événement
organisé par Spector Hawks (de son vrai nom
Paul Jannicola), membre du groupe Ill Clan qui a
conçu les premières machinimas. Britta a réalisé
de son côté un certain nombre de films, qu’elle a
diffusés notamment sur YouTube. L’un de ses
films a participé au festival de cinéma Ed Wood
sur Second Life. Les films devaient correspondre
à un titre imposé et être réalisés en 48 heures.
L’œuvre de Britta Pollmuller a remporté le premier prix du festival, qui était parrainé par Short
Fuze, un producteur britannique de machinimas
basé à Cambridge. Ce film est intéressant à deux
titres.
Premièrement, il illustre la vie parallèle de
Britta Pollmuller en tant qu’artiste participant
aux pratiques de production professionnelles qui
influencent son travail d’enseignante. Dans un
entretien, elle raconte comment elle a trouvé un
lieu de tournage en ligne qui lui convenait, choisi
un avatar tiré d’un film d’horreur et travaillé avec
d’autres machinéastes pour produire le film : « Je
suis allée sur le site Sleepy Hollow, un excellent décor où se trouve un orphelinat […] mais
c’est pour cela que les machinimas sont si
incroyables dans SL car on a tous ces décors
fantastiques […] donc le titre “L’origine du
mal” […] J’ai travaillé avec deux ou trois personnes pour que nous ayons tous des informations sur ce que cela pouvait être. Le Mal
absolu […] donc il nous fallait Pinhead. Dalinian, un artiste incroyable, nous a aidés… il
crée tout le temps d’étranges avatars… mais il
ne s’est pas connecté depuis très longtemps. »
Deuxièmement, l’esthétique du film donne une
idée de l’étendue du contexte culturel dans lequel
travaille Britta. Le film évoque à bien des égards
les contes animés surréalistes d’Europe de l’Est,
tels ceux de l’animateur tchèque Jan Svankmajer.
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Il conserve en même temps une certaine esthétique du jeu, une trace de sa source d’inscription. Par déférence pour le thème et le titre du
festival, il fait aussi référence au cinéma d’horreur
populaire en employant le méchant emblématique du film Hellraiser, dont l’avatar est disponible sur SL. Cette diversité de contextes, comme
nous l’avons vu, peut aussi se trouver dans la
classe d’un enseignant dont les méthodes pédagogiques et les motivations culturelles s’inspirent à la fois de l’enseignement artistique et de
l’éducation aux médias.
Plus généralement, nous remarquons ici la
nature des contextes sociaux des beaux-arts, de
l’art d’avant-garde et de la réalisation de films
indépendants. Ils sont reproduits dans Second
Life, non seulement à travers des formes de représentation mécanique, mais aussi à travers des
systèmes de croyance, d’engagement et d’appartenance à des réseaux sociaux. S’il est possible
que les « communautés de pratique » soient
davantage à la merci de pratiques asociales que
ce qu’admettent parfois leurs partisans (Oliver,
2008), elles affichent bien dans le cas présent les
formes de solidarité et d’organisation qu’on leur
prête souvent. Le terme d’« intelligence collective » emprunté par Henry Jenkins à Pierre Lévy
est peut-être plus approprié. Les processus
d’auto-apprentissage, de partage de savoir, de
visionnage et de critique en commun mis
en œuvre par les groupes de machinima dans
Second Life ressemblent fort aux nouvelles communautés de savoir évoquées par Lévy et Jenkins, qui sont des « affiliations volontaires, temporaires et tactiques, définies par des activités
intellectuelles et des investissements affectifs
communs » (Jenkins, 2002).
Mondes virtuels, espaces imaginaires
L’enseignement de la machinima
dans Second Life
Britta s'est investie dans le projet Schome de l'Open University.
Schome a construit une île, Schome Park, dans Teen Second Life.
42 SECOND LIFE ET ÉDUCATION
Ayant appris par elle-même les rudiments de la
machinima, Britta s’est investie dans le projet
Schome (mot-valise formé à partir de school et
de home) de l’Open University [enseignement
universitaire à distance]. Schome a construit une
île, Schome Park, dans Teen Second Life (TSL),
version de Second Life dans laquelle les jeunes
sont séparés de la version adulte, dans un environnement protégé auquel seuls les adultes autorisés ont accès4.
Britta a élaboré, au sein de la mission générale
de Schome, un projet particulier issu de l’intérêt qu’elle porte de longue date à l’animation.
Dans le cadre d’un cours extrascolaire de machinima, elle initie des élèves de 13 à 17 ans à la
création de films animés à partir du monde virtuel, des avatars et des outils de création fourLES DOSSIERS DE L’INGÉNIERIE ÉDUCATIVE
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nis par Second Life pour réaliser des courts
métrages.
Britta Pollmuller décrit le début de ce travail
dans une interview 5 : « J’ai commencé il y a
trois semaines [juillet 2007]. J’ai commencé
par créer un forum pour cinéastes où les Schomers (les moins de 18 ans) et les Sparkers
(leurs amis) peuvent tout apprendre sur les
machinimas. Nous nous retrouvons du lundi
au vendredi, de 17 h à 19 h, sur un dirigeable
que j’ai importé de la grille principale de SL
[qui est pour toutes les tranches d’âge, tandis que
Teen Second Life, la « grille ado », est réservée
aux mineurs]. Schome Park dispose d’un centre
multimédia entièrement conçu, organisé et
installé par les Schomers. Entre les réunions,
nous “parlons cinéma” et nous nous organisons via le forum de discussion, où tout le
monde va régulièrement. »
Ce projet montre maintes continuités avec le
travail antérieur de Britta : un fort attachement à
l’animation en tant que médium culturel pour son
propre travail et les besoins d’expression des
élèves ; une fusion entre les objectifs et les pédagogies de l’éducation artistique et de l’éducation
aux médias ; une interaction fructueuse entre sa
propre identité d’artiste professionnelle et les
pratiques pédagogiques de la classe.
« Une expérience
tout à fait nouvelle »
LES DOSSIERS DE L’INGÉNIERIE ÉDUCATIVE
faut parfois attendre qu’un membre précis de
l’équipe se connecte. Mais nous sommes tout le
temps en train de parler, de taper sur nos claviers – ce qui est incroyable. Il n’y a jamais de
silence. Les élèves ont toujours très envie de
montrer les accessoires qu’ils ont créés pour le
film. L’un d’eux a même construit un piano à
queue en moins de quinze minutes ! »
Certaines de ces différences peuvent évidemment s’expliquer par le passage d’un contexte
éducatif de type scolaire à un contexte extrascolaire. Ce dernier peut déplacer le centre des préoccupations de la préparation des élèves au
monde du travail à leurs intérêts expressifs et
culturels immédiats, et à leur participation dans
le monde des loisirs. Plus concrètement, le
contexte extrascolaire peut échapper aux
contraintes de la présence, du programme et des
systèmes d’évaluation obligatoires, ainsi qu’aux
régimes disciplinaires.
Il y a toutefois des différences. Le contexte
matériel de l’instruction traditionnelle, qui se
déroule souvent dans des bâtiments scolaires,
possède ses propres connotations culturelles ; et,
surtout, les élèves sont présents tels qu’ils sont,
en chair et en os. Toutes leurs représentations du
moi à travers la parole, les vêtements ou la gestuelle ne pourront jamais effacer certains éléments figés de leur identité, que cela soit dans le
physique ou dans quelque chose d’aussi conventionnel que le nom. Les élèves de Britta, par comparaison, ne sont présents dans sa classe que
sous forme d’avatars ; leurs noms sont d’adoption
récente, et ils peuvent en changer ; leur apparence physique est transformable à loisir ; ils peuvent aussi décider de changer de sexe.
Ces identités accomplissent des objectifs et
des désirs sociaux sans doute distincts de ceux
que les élèves peuvent adopter à l’école, bien que
4. Il faut distinguer Schome,
Schome Initiative et Schome
Park Programme :
– Schome est le système
éducatif à l’ère de l’information.
– Schome Initiative met en
place Schome.
– Schome Park Programme
(pour lequel Britta a
travaillé) est un sousensemble de Schome
Initiative qui a été mis en
place pour nous aider à
offrir aux jeunes et aux
enseignants des
« expériences vécues » de
modèles d’enseignement
radicalement différents. On
trouvera des
renseignements plus
complets sur le site Internet
du projet :
www.schome.ac.uk.
5. With Diane Carr, Principal
Investigator of Teaching and
Learning in Virtual Worlds.
Les entretiens cités dans ce
chapitre ont tous été réalisés
sur le chat virtuel de Second
Life.
Mondes virtuels, espaces imaginaires
Il existe également des différences, mais elles
sont étonnamment difficiles à définir précisément. Dans un entretien, Britta Pollmuller décrit
en quoi ce projet lui semble différent : « Il y a
quelques années, j’ai enseigné les médias pendant un an dans un établissement secondaire
de l’est de Londres. Actuellement, dans le cadre
de mon travail et de mes recherches, j’enseigne
les nouvelles technologies des médias pour
toutes les tranches d’âge. [Voir www.schooltoons.com ou www.mediaprojectseast.co.uk].
« Enseigner dans un environnement virtuel est une expérience tout à fait nouvelle. Je
n’ai pas à entrer dans une classe. Pas de sonnerie, pas de stress, pas de salle des profs
(hourra !). Les élèves ne restent pas assis à
attendre le cours.
« Dans Schome Park, les élèves sont des
apprenants indépendants ; ils sont dans ce
monde parce qu’ils le veulent. Quand j’arrive
pour la session de machinima, le noyau central est déjà en train de m’envoyer des messages instantanés pour qu’on commence. Nous
nous téléportons les uns les autres jusqu’au
dirigeable et voyons quelle scène il est possible de faire et qui est là pour jouer. Il nous
« Nous nous retrouvons du lundi au vendredi sur un dirigeable
que j'ai importé de la grille principale de SL. »
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« Un séminaire que nous avons organisé dans SL. »
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l’on ne puisse pas les comparer directement.
Britta fait valoir qu’un de leurs objectifs est peutêtre de s’évader des identités exigées par la scolarité traditionnelle : « C’est un domaine tellement nouveau à explorer, la façon dont ces
jeunes adoptent déjà une identité virtuelle à
douze ans, mais ils se sentent en sécurité dans
cette nouvelle “peau” et, par exemple, la voix
a été d’une certaine façon laissée de côté parce
que trop proche de la RL.
« Ils aiment être ce qu’ils ne peuvent être
IRL. […] à cause de la pression exercée par
l’entourage, la scolarité, etc. Comme l’école
limite la plupart d’entre eux, ils aiment s’exprimer différemment, et pas selon la norme.
Un jeune est un renard bleu ou un raton
laveur, un autre un marshmallow géant qui
change de couleur ; un autre porte toujours
un haut-de-forme […] »
Si ces représentations de l’identité peuvent
faire l’objet de fréquentes révisions, les marques
de différence par rapport aux représentations
traditionnelles des identités des élèves peuvent
généralement être décrites comme enjouées. Il
est en revanche difficile de déterminer de quel jeu
il s’agit. À certains égards, dans la mesure où cela
correspond bien à un projet éducatif structuré,
cela ressemble au type de jeu que Sutton-Smith
(2001) décrit comme « progressiste », au sens
éducatif du terme : prosocial, collaboratif et favorisant le développement. Mais les avatars choisis
par les élèves et les noms qu’ils adoptent montrent aussi certains éléments de la théorie du jeu
comme fantasmagorie développée par SuttonSmith : l’imaginaire anarchique intervenant complètement en dehors des structures réglementaires imposées par les conventions de l’éducation
scolaire et parentale. L’« ambiguïté du jeu » suggérée par Sutton-Smith remet en question des
oppositions plus anciennes entre le travail et le
jeu qui ont embrouillé la théorie du jeu. Dans le
cas de ces jeunes machinéastes, une confusion
productive entre ces catégories est utile, telle
que la propose T. L. Taylor dans son étude sur le
travail ludique, ou le jeu qui ressemble au travail, des joueurs de jeux de pouvoir (2006).
Pour Carroll et Cameron (2005), spécialistes du
théâtre éducatif qui analysent la pédagogie et la
pratique de l’improvisation par rapport au jeu de
rôle dans les jeux vidéo et les mondes virtuels, le
théâtre éducatif comme le jeu de rôle dans les
jeux et les machinimas offrent la « protection du
rôle » – le « moratoire psychosocial » qui protège
le joueur d’un jeu de rôle des conséquences de la
vie réelle. Ici, la représentation des rôles du professeur et des élèves est régie de diverses
manières par la protection du rôle décrite par
Carroll et Cameron. Les vêtements et les coiffures que les élèves – et les professeurs – peuvent
porter sur Second Life pourraient susciter des
commentaires ou même être interdits dans le
milieu scolaire ; sur Second Life, ils sont régis par
une modalité de jeux et de fantasmes d’identité.
Les élèves peuvent endosser des rôles sociaux
tout à fait différents de ceux qu’ils se sentiraient
obligés de jouer en classe IRL. Mais la « grille
ado » dispose de ressources plus limitées ; Britta
doit donc créer un avatar différent pour son travail dans le cadre du projet Schome. Elle dit : « Il
m’a fallu deux semaines pour trouver le temps
de changer mon avatar parce que j’avais toujours quelque chose à faire quand j’étais en
ligne. Dans Schome Park, c’est relativement
limité parce qu’on n’a pas accès à d’autres
boutiques. C’est vrai que mes costumes de la
grille principale me manquent ! D’ailleurs,
beaucoup d’éléments de la grille principale
me manquent. Il est frustrant de passer de la
grille principale à la grille ado parce qu’on est
toujours conscients de ce à quoi on doit renoncer, comme mon avatar de dragon ! »
Libertés et contraintes
Par conséquent, si le professeur et les élèves disposent de libertés considérables sur le plan de
l’expression dramatique et de la représentation de
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Pourtant, il se pourrait bien que le contexte
de Second Life s’éloigne des contraintes de l’éducation de type scolaire, alors que l’enseignement
et l’apprentissage extrascolaires traditionnels n’y
parviennent pas tout à fait. Si les objectifs, les
programmes scolaires et les systèmes d’évaluation
de l’instruction extrascolaire peuvent échapper
aux contraintes de la scolarité traditionnelle, les
pratiques pédagogiques peuvent rester très analogues. Il arrive d’ailleurs souvent que les classes
« extrascolaires » soient étrangement classiques
et instructives, tandis que les pratiques « scolaires » peuvent être fluides, innovantes, centrées sur l’élève et collaboratives. Dans le cas de
la classe de Britta au sein du projet Schome, l’entremise de l’élève-comme-avatar donne peut-être
un caractère non directif au processus d’enseignement et d’apprentissage, que complète le décor
fantastique – le gigantesque dirigeable où se
retrouvent Britta et les Schomers.
« Pas d’échanges de regards,
pas de voix à élever »
Les observations de Britta Pollmuller concernant
la manière dont elle a adapté son enseignement
à Second Life méritent d’être analysées.
« Lorsqu’on enseigne dans une classe, on
nous enseigne – et on nous rappelle – toujours
la gestion d’une classe. Après dix ans d’enseignement dans la vie réelle, je pense savoir
assez bien ce qui fonctionne ou non. J’ai travaillé dans une diversité d’établissements,
avec une diversité d’apprenants de toutes
capacités.
« Mais l’enseignement dans un monde virtuel est entièrement différent. Tout d’abord,
bien évidemment, le professeur et les élèves
ne sont pas présents physiquement, donc il
n’y a pas d’échanges de regards, pas de voix
à élever pour leur demander de se tenir tranquilles ; c’est un espace personnel tout à fait
nouveau. »
Cela paraît une juxtaposition surprenante d’affordances et de contraintes. Si le sentiment de
présence et d’instrument social est fort, l’expérience sensorielle est très différente. Le bruit,
qui est stressant pour tous les professeurs, perçu
comme quelque chose de nécessaire mais qu’il
faut constamment gérer, disparaît ; et si Britta
perçoit cet espace comme « jamais silencieux »
car les étudiants sont toujours en train d’écrire
sur le chat ou d’envoyer des messages instantanés, il s’agit nettement de « silence » sensoriel.
L’absence d’échanges de regards peut être interprétée comme une contrainte sur le plan de la
communication ; bien que regarder trente élèves
dans les yeux dans une classe « réelle » puisse
6. Le projet The Learning
from Online Worlds ;
Teaching In Second Life a
organisé une série de
séminaires de maîtrise dans
Second Life, dont deux
étaient animés par des
conférenciers invités. Le rapport de cette étude, Learning
to Teach in Second Life, est
disponible sur : http://
learningfromsocialworlds.
wordpress.com/learning-toteach-in-second-life.
Mondes virtuels, espaces imaginaires
soi, les ressources ne sont en aucun cas illimitées ; et les limitations sont conditionnées par
diverses motivations sociales. Les avatars de la
grille principale ont accès à des tatouages extravagants, des peaux d’aspect extrêmement réaliste, et même à des représentations crues de la
nudité intégrale ; alors que la grille ado, pour des
raisons évidentes, n’a pas accès à certaines de
ces ressources.
De la même façon, SL a une topographie spectaculaire – l’individualité peut être marquée non
seulement par ce que l’on porte, mais aussi par les
lieux où l’on se rend. Là encore, il y a de nombreuses libertés. Lorsque Britta Pollmuller s’est
rendue à un séminaire que nous avons organisé
dans SL en tant que conférencière-avatar invitée 6 , elle nous a emmenés dans un studio de
machinima dans SL, où nos étudiants de maîtrise
pouvaient poser des questions à des animateurs
professionnels sur leur manière de réaliser des
films. Par comparaison avec la RL, c’était d’une
remarquable facilité : pas de négociations interminables, pas de déplacements compliqués qui prennent beaucoup de temps, ni de difficulté d’accès : nous nous sommes téléportés dans le studio
en quelques secondes et la « visite » pédagogique
était partie !
Britta Pollmuller fait toutefois des remarques
sur les contraintes qui s’appliquent à ses étudiants : « Pour des raisons évidentes, on ne
peut pas sortir les adolescents de Teen Second
Life… mais j’imagine que l’on pourrait faire
des “excursions” avec les élèves pour aller visiter des installations et des environnements
machinimas sur la grille principale de SL. Il
y a aussi énormément de sites éducatifs
incroyables dans la grille principale, mais on
ne peut pas y emmener les ados. Par exemple,
j’ai rencontré récemment une géologue dans
la grille principale de SL. Elle a monté une île
entière sur l’histoire de la géologie.
Incroyable ! J’aimerais vraiment les y emmener. Quand je pense que, pendant ce temps-là,
personne ne visite l’île de la Géologie ! »
À certains égards, par conséquent, les barrières
qui séparent IRL les mondes des adultes et des
adolescents, perméables parce qu’elles sont le
plus souvent d’ordre juridique, social et conventionnel plutôt que physique, sont rendues imperméables par la frontière technologique entre la
grille ado et la grille principale. De même, dans la
grille principale, des « zones interdites » sont
défendues par des barrières technologiques qui
empêchent les avatars de les franchir. Si ces barrières matérielles – pour protéger des biens, etc.
– existent dans le monde réel, elles semblent, ici,
renforcées.
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Mondes virtuels, espaces imaginaires
« À ce jour,
la principale
réalisation des
élèves est un film
de 12 minutes
sur la catastrophe
du dirigeable
Hindenburg. »
46 SECOND LIFE ET ÉDUCATION
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être une lourde responsabilité dont le professeur
Les machinimas des élèves
est déchargé dans l’environnement virtuel.
À ce jour, la principale réalisation des élèves est
Si nous analysons le chat entre le professeur et
les étudiants, l’impression que les contraintes
un film de 12 minutes sur la catastrophe du dirideviennent des affordances est encore plus forte.
geable Hindenburg en 1937. L’idée est venue du
La nature même du chat, avec sa diversité de disdirigeable que Britta a transporté de la grille prinpositifs affectifs, d’abréviations qui servent égacipale de Second Life vers la grille ado : « […]
comme j’avais la possibilité d’emporter
lement d’argot de néo-tribu, et son adaptation à
quelques éléments de la grille principale vers
des objectifs spécialisés (dans le cas présent, l’enSchome Park, j’ai choisi le dirigeable : c’était
seignement et l’apprentissage de l’animation),
ma première « maison pirate » dans SL. J’en
fait intervenir une série de caractéristiques difféai fait cadeau aux jeunes. C’est très délicat de
rentes à tous points de vue de la communication
déplacer des objets de la grille principale vers
traditionnelle de la classe. Cela a pour effet de
la grille ado […] cela leur a donné l’idée de
mettre l’humour au premier plan, de pouvoir
faire un film sur le Hindenburg ».
intervertir les rôles plus rapidement et d’aplanir
La conception du film est un aspect important
la hiérarchie sociale.
de la pédagogie. Les cours portant sur les médias,
Mais Britta Pollmuller reconnaît certaines similes arts plastiques, le théâtre et la création littélarités avec le contexte de l’enseignement clasraire ont toujours le choix entre imposer le thème
sique : « Il faut toujours gérer un groupe, et
cela exige une grande rapidité ! Les deux pre(peut-être sous la contrainte des programmes
miers cours ont été frénétiques car je devais
d’examen) et laisser le choix aux élèves. Dans le
m’occuper de tous les élèves et leur donner un
cas présent, Britta est convaincue que les élèves
travail à faire. Je me suis alors retrouvée dans
doivent choisir ce qu’ils veulent filmer :
« Je ne suis qu’une technicienne et je les
une situation assez proche de celle de la classe
laisse
libres d’imaginer ce qu’ils veulent. Mais
ordinaire, où l’enseignant parle et demande
il m’arrive d’intervenir […] comme lorsqu’ils
aux élèves ce qu’ils aimeraient faire et comvoulaient faire un remake du Titanic. Je leur
ment ils pensent y arriver, ce qu’ils pensent
demande pourquoi ? Encore ? Je les encourage
être leurs points forts, etc. »
à y repenser, à expliquer pourquoi ils veulent
Une différence précise entre l’enseignement
tourner ce film dans ce style-là – cela a déjà été
dans Second Life et IRL tient à une ressource
fait, donc que veulent-ils faire différemment ?
technique : la fonction de messagerie instantaJuniper Mapp : – La créativité ?
née en privé qui est disponible sur SL : « J’ai
découvert que je pouvais passer davantage de
Pigment Pye : – Oui […] car je pense que les
moments privilégiés avec les élèves parce que
adolescents font d’abord appel à ce qu’ils
je pouvais aussi chater avec eux en privé. […]
connaissent, mais que, dès qu’on les encouÀ l’école, je n’avais jamais le temps de leur
rage, ils font appel à leur imagination. C’est ce
parler. »
que je pense. Mais une fois que leur imaginaLa capacité de passer instantanément en mode
tion est lancée, on ne peut plus les arrêter. »
de communication privée avec un élève est imposCela soulève un certain nombre de questions
sible dans le cadre d’une classe traditionnelle, où
par rapport au processus créatif qui ne sont spéune « conversation privée » implique inévitablecifiques ni aux machinimas ni à l’enseignement
ment un déplacement très visible de l’élève vers
dans les mondes virtuels. Le rapport entre la
un autre lieu, voire une autre salle. L’on peut touliberté et la contrainte (Sharples, 1999) était l’un
tefois se demander si ces « moments privilégiés »
des thèmes de l’évaluation du projet pilote Becta
évoqués par Britta ne se retrouvent pas ailleurs
DV, et de nombreux professeurs ont estimé que
dans le cadre scolaire traditionnel, par exemple
la liberté était la clé de la créativité ; l’évaluation
dans des activités extrascolaires, des sorties édua pourtant souvent estimé que les projets les plus
catives ou des « discussions de couloir », occaréussis étaient ceux qui contraignaient d’une cersions que les professeurs mettent à protaine façon les élèves. Le projet Hindenfit pour construire avec les élèves des
burg de Britta Pollmuller allie liberté
relations qui dépassent le cadre
et contrainte. Il est important de
« Je pouvais
restreint de l’enseignement de la
noter que cela comprend la
passer
davantage
matière dans la classe. La difféliberté de choisir le contenu,
de moments privilégiés
rence tient peut-être au fait que
même si, comme le montre le
avec les élèves parce
ce type de communication est
compte rendu de Britta, ce
que je pouvais aussi
ici intégré dans le cours plutôt
choix peut être remis en queseux
en
chater
avec
tion et affiné. La créativité peut
que difficilement casé dans les
privé. »
faire appel aux ressources cultuinterstices de la journée scolaire.
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relles que les élèves ont tirées de leur expérience
antérieure des médias ; mais cela exige aussi de
transformer ces ressources de deux manières.
Comme le souligne Britta, un des aspects de la
transformation est lié à l’imagination : c’est la
capacité de retravailler des ressources culturelles
dont l’on se souvient ou que l’on a découvertes
pour en faire quelque chose de nouveau. L’autre
aspect est la discussion raisonnée. Dans l’essai de
Vygotski sur la créativité, cet élément est l’un
des critères de la créativité, comprise comme l’alliance de l’imagination et de la compréhension
conceptuelle ou pensée rationnelle. S’il est courant que les modèles d’éducation aux médias comportent une dimension critique et une dimension
créative (Buckingham, 2003, Burn et Durran,
2007), cet exemple montre le rapport étroit unissant ces dimensions apparemment séparées. La
capacité d’évaluer et de juger de façon critique la
fonction, la signification ou l’effet esthétique d’un
texte médiatique va de pair avec la capacité d’imaginer en quoi cela pourrait être différent. À l’inverse, la capacité de créer quelque chose qui n’a
jamais existé auparavant implique non seulement
d’imaginer à nouveau des images, des sons, des
espaces et des événements, mais aussi d’effectuer
une évaluation rationnelle de la signification possible de ces ressources.
Le groupe au travail
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Les avatars filmés par eux-mêmes
Le cours mêle l’ancien et le nouveau : la grammaire des types de prises de vues mise au point
Mondes virtuels, espaces imaginaires
Dans l’éducation aux médias, le caractère collaboratif du travail créatif suscite un éternel débat.
Les modèles successifs de cet enseignement ont
résisté aux notions essentialistes postromantiques traditionnelles de génie et d’inspiration
individuels, leur préférant des comptes rendus de
production collective qui rationalisent le processus créatif, démocratisent la fonction de paternité d’une œuvre et encouragent les idéaux
sociaux de coopération et de solidarité (cf. Buckingham et al., 1995, pour un exposé détaillé
des principes et pratiques du travail de création
collective dans l’EAM). Il est possible, et même
souhaitable, de remettre dans une certaine
mesure ces idéaux en question. L’on peut – l’on
devrait peut-être – plaider en faveur de la créativité individuelle qui reste, nous l’avons vu, le
modèle dominant du travail créatif dans l’enseignement artistique. De même, l’on peut avoir
tendance à exagérer – et même à sentimentaliser – les vertus du travail collaboratif. Le travail
de groupe peut aisément dissimuler des hiérarchies naissantes, des rivalités secrètes ou déclarées, des formes d’exclusion et de négociation de
pouvoir, ainsi que des intentions désunies.
Il apparaît toutefois dans le cas présent que la
création collective est à la hauteur de ses idéaux.
Les élèves choisissent leur fonction dans la production en accord avec le professeur :
« Decimus : montage et effets spéciaux
Prof. : scénario
Faz : explosifs et accessoires
Achille : enregistrement
Martin : distribution, story-boards
Hapno : réalisation, animation
? : musique, effets sonores, costumes »
(Le point d’interrogation indique qu’il nous
manque encore quelqu’un dans ces domaines.)
Dans le cas de la classe de Britta, les élèves
participant au projet Schome fabriquent certaines de leurs ressources. En évaluant les résultats du projet, l’enseignante y faisait référence :
« Les compétences comprenaient la conception des personnages et la réalisation d’objets et de décors à l’aide des outils de création et d’écriture de l’interface de Second
Life. »
Le contenu du film montre nettement les types
de transformation de genre, de ressource sémiotique et d’information déterminée auxquelles la
notion de créativité de Vygotski peut s’appliquer.
C’est un mélange d’éléments documentaires – le
récit historique de la catastrophe du Hindenburg
– et d’éléments imaginaires évoquant les genres
du film policier et du thriller, qui aboutit à la création d’un mystérieux saboteur qui tue un gardien
et place l’explosif qui détruit le dirigeable. Le
processus de négociation qui accepte ici les
diverses idées, ainsi que l’exploitation joyeuse de
grandes scènes de catastrophes que les cinéastes
amateurs peuvent réaliser avec les machinimas
(Kelland et al., 2005), et fond le tout en un récit
cohérent, est un trait particulier de ce projet.
En revanche, les contraintes et les structures
apparaissent nettement dans la pédagogie que
Britta décrit ici et qui rappelle, comme son travail antérieur dans les établissements scolaires,
la synthèse de l’enseignement de l’art et de celui
des médias. L’accent est fortement mis sur le
« langage » de l’image animée, ainsi que sur le
métalangage du médium numérique : « Nous disposons d’un forum de discussion dédié aux
médias où nous proposons des thèmes comme
les ateliers de machinimas. Nous postons des
idées, des scénarios et je réussis aussi à placer de la terminologie appartenant au langage cinématographique. Nous discutons
aussi beaucoup de technologie, du fonctionnement des médias en streaming ou de quel
codec utiliser, etc. »
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Apprenti caméraman en train de voler
pour filmer le dirigeable de l’extérieur.
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au début du cinéma et toujours essentielle à l’art
des machinimas, et les processus sociaux de la
réalisation cinématographique, ainsi que les
outils filmiques particuliers fournis sur SL.
« Nous sommes très axés sur la pratique et
les élèves apprennent une diversité de techniques. Il ne s’agit pas que de technologie.
J’aide l’équipe à former une équipe de cinéma
complète, depuis l’écriture du scénario jusqu’au montage, en passant par la fabrication
des accessoires, la création des costumes, le
tournage. Cela implique que les participants
apprennent à se servir de la caméra “altzoom”, de la caméra dans l’interface de SL, à
préparer des prises de vues, notamment les
plans larges, moyens, rapprochés, par-dessus
l’épaule d’un personnage, etc. »
La pédagogie rappelle l’attention particulière
portée par l’éducation aux médias et aux arts au
travail de production créative. D’une part, cela
résulte de ce que Metz (1974) a appelé le langage
cinématique : le tournage et le montage. À certains égards, cela semble très proche des processus de production caractéristiques de l’EAM :
« Nous nous organisons sur le forum et tout le
monde fait ce qu’il faut faire dans le monde
virtuel, ou bien j’enseigne les techniques de la
caméra et de l’enregistrement. Cela peut être
très prenant lorsque nous commençons à tourner. Il a fallu trois mois pour réaliser le film
sur le Hindenburg. […] Je filmais à côté
d’Achille (16 ans), donc nous avions deux
séries de fichiers. […] Le montage a été difficile car les jeunes ne disposent pas de très
bons logiciels de montage. La plupart se servent de Movie Maker et ce n’est vraiment pas
très bon. J’aimerais donc continuer à travailler là-dessus avec eux. »
Il existe tout de même certaines différences.
Une capture d’écran dont Britta se sert pour
enseigner différents rôles montre l’apprenti
caméraman en train de voler pour filmer le dirigeable de l’extérieur. Les machinimas permettent par conséquent de réaliser des prises de
vues qui dépassent les possibilités techniques
d’un travail scolaire habituel, qui ne sont réalisables que dans le cadre d’une production professionnelle, avec des grues, des avions ou, bien
sûr, un protocole CGI (Common Gateway Interface, interface de passerelle commune).
Si le cours est centré d’une part sur le langage
cinématique de Metz, il reconnaît d’autre part la
nature multimodale du film et les autres systèmes signifiants qu’il englobe : les costumes, le
texte, le mouvement dramatique. « Jouer : cela
n’a pas été facile car j’ai dû prendre le pouls
des jeunes et du caméraman uniquement par
écrit. Mais nous avions un scénario et les
jeunes ont suivi leur idée de départ, c’est-àdire le meurtre du gardien et la bombe. Ils se
mettent d’accord par chat sur la façon de filmer et ce qu’il faut faire […] Je ne prenais le
relais que lorsque cela devenait trop compliqué ou quand je voulais les recentrer sur leurs
idées. »
En raison de la nature même de la machinima,
l’élément dramatique est une composante beaucoup plus importante que dans l’animation traditionnelle, où il se limite en fait à la caractérisation des personnages par la parole. Ici, le procédé
est beaucoup plus proche des films tournés avec
des personnages réels dans le cadre scolaire,
dans lesquels les élèves jouent, filment, montent
et dirigent. L’interprétation est peut-être le caractère distinctif le plus manifeste des machinimas
par rapport à l’animation traditionnelle. Les avatars, filmés par eux-mêmes ou par d’autres,
jouent des rôles en temps réel, remplaçant la
fabrication atomisée de l’animation sur cellulo
ou image par image par le spectacle continu des
corps virtuels et des caméras qui tournent.
L’élément dramatique dans l’ensemble multimodal de la fabrication d’images animées est
sous-estimé dans l’EAM : au pire, les rôles de
comédiens peuvent être confiés à des élèves que
l’on pense moins compétents pour filmer et monter. Mais, en général, on constate simplement
une absence de dialogue entre les traditions
pédagogiques de l’enseignement des médias et
celles du théâtre : l’un s’est doté d’un langage de
représentation, de médiation, d’écrans et d’un
mode d’exposition disséminé ; l’autre possède un
langage de présence dramatique, d’incarnation
phénoménologique et un mode d’exposition local,
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•
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Mondes virtuels, espaces imaginaires
immédiat. En vérité, les deux ont besoin l’un de
la conception visuelle ou la comédie ; si leur tral’autre.
vail touche à la littératie, à la culture visuelle,
Dans le cas du projet sur le Hindenburg, la
au cinéma populaire, au théâtre numérique ou à
nature du travail théâtral n’apparaît pas immédiatous ces champs. En même temps, il est manitement. Il s’agit nettement d’une forme de jeu
feste que l’intelligence pédagogique à l’œuvre ici
de rôle, comme l’indiquent Carroll et Cameron :
refuse posément de jeter les bébés pédagogiques
« L’improvisation et la machinima ont toutes
avec l’eau du bain. L’ordre ancien est peut-être
deux le type d’effet que Murray veut mettre en
en train de céder la place à quelque chose de
place dans la forme qu’elle appelle “cyberplus pluraliste, de plus fluide, de plus aisément
drame”. (20) Ces deux formes conduisent à un
caractérisé par des modes de pensée postmotype de travail dramatique créatif qui est
dernistes que modernistes ; mais le processus de
intermédiaire entre le “récit linéaire” drafabrication créative a encore besoin de consulter
matique et le “jeu” de rôle fonctionnel. La disles procédures détaillées de médias plus anciens,
tance au rôle permet à la nécessaire “entité
leurs grammaires et leurs résonances culturelles.
psychologiquement présente”, située quelque
Cela est vrai pour les élèves qui participent au
part entre “moi” et l’“autre”, d’opérer à l’inprojet Schome comme pour la communauté
térieur du contexte défini. » (2005, 8)
machinima adulte.
La distance au rôle offre ici la possibilité d’une
distance critique, héritière en fait de l’aliénation
Conclusion
brechtienne, que l’improvisation dans le cadre
L’une des conclusions possibles de cette étude
scolaire apprécie. Il ne s’agit pas tant de s’imest que les nouveaux médias soulèvent d’anmerger affectivement dans un rôle que d’être
ciennes questions, même si celles-ci prennent de
capable d’entrer dans le rôle et d’en sortir pour
nouvelles formes. Le travail de Britta avec les
réfléchir à la progression de la pièce et à sa signiélèves du projet Schome laisse penser que ceuxfication pour les divers participants et spectaci ont besoin d’un enjeu par rapport au contenu
teurs. Henry Lowood propose une métaphore
de leur travail, que les approches de la producdifférente : « C’était un premier pas vers ce
que Paul Marino, l’un des membres fondation créative réussissent lorsqu’elles parvienteurs du Ill Clan, appellerait l’art des marionnent à équilibrer le jeu et le travail ; qu’une attennettes virtuel de la machinima, c’est-à-dire
tion minutieuse à la spécificité sémiotique de
la minutieuse synchronisation entre les
l’image animée porte ses fruits. Ce travail pose
actions des avatars (déplacement, parole) et
la question des différences entre les pratiques
la voix des acteurs ou des joueurs à l’aide de
esthétiques de l’éducation à l’art et de l’éducala configuration du clavier. » (2005, 20)
tion aux médias, mais cela signifie aussi que ce
En tant que marionnette, l’avatar ressemble
type de projet peut prendre place au sein de
sous certains aspects à la notion de « spectacpratiques changeantes dans les deux disciplines,
teur » d’Augusto Boal – le spectacteur étant
l’une s’orientant vers une approche plus
le membre du public qui franchit le
pluraliste, plus critique, et l’autre s’inseuil et prend part à la pièce (Boal,
téressant davantage aux arts dans
1992). Qui plus est, les deux prél’enseignement. Il soulève la
« Un type
sentent une distance critique.
question des avantages de l’insde travail créatif
Mais il y a des différences
truction extrascolaire, de sa
intermédiaire entre
d’orientation. Le spectacteur
liberté par rapport aux
le “récit linéaire”
sous-entend un projet politique
contraintes que sont les dispodramatique et
sérieux. La marionnette, en
sitifs obligatoires du programme
le “jeu” de rôle
revanche, évoque le jeu, le carnaet du système d’évaluation. Ce
fonctionnel. »
val, le théâtre de rue, l’enfance.
travail montre les avantages que
Naturellement, l’avenir de la machiprésente, tant dans l’enseignement
nima, en tant que forme artistique ou
de l’art que des médias, une approche
méthode éducative, peut comprendre les deux.
pédagogique ancrée dans la pratique artistique
D’une manière générale, il s’agit ici de s’interprofessionnelle et influencée par elle. Il met en
roger sur la diversité pragmatique du travail créaévidence la complexité et les bienfaits d’un tratif dans l’éducation. Ce type d’activité dépasse les
vail de création collaboratif.
pratiques traditionnelles du cours sur les médias
Cela ne fait que renforcer les enseignements
ou du cours de dessin. Nous ne savons plus très
tirés par le passé sur l’éducation des médias,
bien si l’œuvre d’art appartient au monde de la
bien qu’il ne soit pas inutile de les répéter et de
culture populaire, de l’avant-garde ou des deux
les renouveler, surtout dans le contexte des nouà la fois ; si les élèves se lancent dans le cinéma,
veaux médias.
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Une île dédiée à la création artistique sur Second Life.
LES DOSSIERS DE L’INGÉNIERIE ÉDUCATIVE

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