Laconie:une Grèce secrète une Grèce secrète

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Laconie:une Grèce secrète une Grèce secrète
É V A S I O N
Laconie :une Grèce secrète
Des chevaliers champenois ont régné
sur le Péloponnèse au XIIIe siècle. Sur les
traces de Guillaume de Villehardouin, découverte des
villes de Mystras et Monemvasia et de la région du
Magne, trois joyaux de la Grèce médiévale.
PAR ANNA DELYANNIS (TEXTE) ET LAURENT FABRE (PHOTOS) POUR LE FIGARO MAGAZINE
Tout au sud du
Péloponnèse,
la Laconie plonge dans
le bleu de la mer Egée.
Authentique et
parsemée de châteaux
et de monastères
médiévaux. A gauche,
monastère à Mystras.
A droite, la taverne Takis
dans le Magne.
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18 JANVIER 2013 - LE FIGARO MAGAZINE • 55
É V A S I O N
La forteresse du Grand Magne…
un mystère roman tique sur ces terres sauvages
T
out au sud du Pélopon­
nèse, Monemvasia surgit
face à la côte, tel un ro­
cher planté dans la mer.
Ce Gibraltar grec qui
commande l’entrée de la
mer Egée fut une pré­
cieuse escale du com­
merce levantin, longtemps aux mains des
Vénitiens. Pour la rejoindre, il faut em­
prunter une route qui file entre les vagues.
Ce mince pont lui a donné son nom : mono
­ emvasia, l’unique entrée en grec. A son
terme, une épaisse muraille protège avec
succès la ville de ses ennemis : autrefois les
Sarrasins, les Normands, les pirates…
aujourd’hui, les véhicules à moteur, leur
interdiction conférant un calme inouï à la
cité médiévale. Lacis de ruelles pavées,
maisons imbriquées les unes dans les
autres, cascade de tuiles rouges et la mer
au bleu étourdissant : nous voilà envoû­
tés, avant même d’avoir grimpé au châ­
teau, le Kastro, où se dressent les ruines
romantiques de la ville haute.
Une double culture grecque
et française
Il faut traverser un
désert de rocaille qui
s’avance dans la mer
pour rejoindre les ruines
de Tigani. En face, les
terres arides du Magne.
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Il fallut toute l’opiniâtreté d’un chevalier
franc pour prendre pour la première fois
la ville byzantine en 1248. Trois années de
siège par la mer et la terre où « la citadelle
fut enfermée comme un rossignol dans sa
cage », rapporte la Chronique de Morée, texte
médiéval relatant la domination française
sur le Péloponnèse.
C’est à la suite du détournement de la
quatrième croisade que l’Empire byzan­
tin tombe entre les mains des Latins en
1204. Une famille de chevaliers originaire
de Champagne conquiert alors le Pélo­
ponnèse : les Villehardouin forment le
plus puissant et le plus durable des Etats
latins. Guillaume, troisième du nom, n’a
jamais mis les pieds en France. Eduqué
dans la double culture grecque et fran­
çaise, cet homme d’une grande beauté,
troubadour et musicien, règne de manière
éclairée sur sa principauté divisée en
douze baronnies. Il n’eut de cesse de forti­
fier et d’agrandir son royaume, notam­
ment en s’emparant du quart sud­est du
Péloponnèse. Chevauchant à travers la
Laconie, Guillaume conquit ainsi Mo­
nemvasia, citadelle réputée imprenable,
avant de bâtir deux nouvelles forteresses :
Mystras et le Grand Magne.
Rangées de tomates et d’aubergines,
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É V A S I O N
Le paisible port de Gerakas (ci-dessus) s’étire le long d’une
calanque près de Monemvasia. Ci-dessous : un café-épicerie
traditionnel, une des spécificités des villages de Laconie.
orangers chargés de fruits et d’oliviers à
perte de vue : face au rocher de Monemva­
sia, un domaine abrite les potagers et les
vergers qui alimentaient la ville depuis le
XIIIe siècle. Restauré et transformé en hô­
tel en 2010, le Kinsterna est un hommage
rendu aux beautés de sa terre natale par
un riche entrepreneur grec. L’hôtel est
une véritable surprise dans une région
aussi reculée de la Grèce. Restaurée dans
les règles de l’art, l’ancienne bâtisse
adopte un style épuré où règnent, à l’inté­
rieur, les matières brutes et nobles comme
le bois et la pierre. L’eau est la reine du do­
maine. Depuis l’ancienne citerne, elle ali­
mente une piscine en forme de rivière et
un spa merveilleusement sobre et élégant.
du Grand Magne ? D’après la Chronique de
Morée, elle fut fondée dans la péninsule du
Magne, au­delà du château de Passavant,
dont l’un des barons de Guillaume était le
maître : un certain Jean de Neuilly. Ces
ruines­là sont toujours visibles près du
port de Gythion. Mais l’emplacement du
Grand Magne reste une énigme, un mys­
tère romantique, un prétexte pour par­
courir ces terres arides et sauvages, héris­
sées de tours. Car le Magne est la région la
plus indépendante et la plus austère de
Grèce. Un pays de vendettas et d’hommes
au code de l’honneur pointilleux. Plu­
sieurs sites prétendent au titre de forte­
resse du Grand Magne, comme Kelefá,
dont l’enceinte massive surplombe la baie
d’Itilo, Tigani ou Porto Cayo.
Tigani. Drôle de nom pour une pénin­
sule. Mais c’est bien à une poêle – tigani en
grec – que ressemble cette langue de terre
qui s’avance dans la mer. Un sentier y
mène depuis le joli hameau aux maisons
fortifiées d’Agia Kyriaki. Il faut traverser
un désert de pierres blanches où l’on ré­
Mystras, une remarquable
ville byzantine
Vue dominante sur les monastères et la fertile plaine de Sparte depuis la forteresse de Villehardouin à Mystras.
Au-dessus, à droite : les orangers de l’hôtel Kinsterna ravitaillaient autrefois Monemvasia.
Après avoir pris Monemvasia, Guillaume
bâtit Mystras, un « château magnifique, une
superbe forteresse », selon la Chronique de Mo­
rée, qui coiffe le sommet d’un éperon ro­
cheux inexpugnable. Nous sommes à 5 ki­
lomètres de Sparte. Mais personne ne
vient ici aujourd’hui pour voir les vestiges
antiques : Sparte ne comptait ni murailles
ni monuments. Estampillée patrimoine
mondial de l’humanité, la ville médiévale
en revanche fait se déplacer les foules.
Tout en haut du site, altière, la forteresse
franque domine la région. Entre les tours
de garde et les créneaux, on embrasse du
regard la plaine de Sparte et les cimes en­
neigées du Taygète. Si, comme le reste de la
Laconie, les Francs conservent peu de
temps Mystras, ce château jette les bases
d’une des plus remarquables villes byzan­
tines. Aux XIVe et XVe siècles. Mystras est
un centre spirituel et artistique qui
rayonne sur toute la Grèce. En dégringo­
lant les ruelles pavées de la citadelle, on
rencontre des églises et des monastères
aux fresques éblouissantes, comme l’église
Sainte­Sophie offerte par Manuel Canta­
cuzène,filsdel’empereurbyzantinJeanVI
et premier despote de Mystras.
Plus au sud, les historiens s’interrogent :
où est passée la troisième forteresse, celle
Récoltées en hiver, les olives du Péloponnèse donnent
une huile si réputée qu’un musée lui est consacré à Sparte.
colte la fleur de sel avant de rejoindre la
forteresse, naturelle comme à Monemva­
sia, avec ses falaises qui se jettent dans
l’eau. Colonnes, chapiteaux, marbres gra­
vés de rosaces et de croix : les restes d’une
basilique chrétienne jonchent le sol du
plateau. Aussi séduisant soit le site, Eugé­
nie Makris, guide spécialiste de la région,
doute qu’ici fut érigée la forteresse du
Grand Magne : « Guillaume de Villehar­
douin n’a jamais été un marin. Son territoire
était tourné vers les plaines fertiles plutôt que
vers la mer. » Et si c’était Porto Cayo, der­
nier hameau avant de rejoindre le terrible
cap Ténare, l’entrée des enfers dans la
mythologie ? Les ruines d’une forteresse
se dressent au­dessus de l’écume. Mais ce
« port aux cailles » aurait été plus vrai­
semblablement bâti par les Turcs.
Soudain, le ciel s’assombrit. La mer
prend une couleur de tempête. Grise, an­
thracite, blanchie par le vent. On se réfu­
gie dans l’hôtel Kyrimai, vaste demeure
fortifiée posée sur la mer, dans la pro­
fonde calanque de Gerolimenas. Depuis la
terrasse, on regarde l’eau se fracasser sur
les rochers. Porté par le vent du Sud, l’air
est étonnamment doux. Quand un rayon
inonde la mer de soleil, on ne résiste pas
au plaisir de courir sur le ponton inondé
par les flots. On pense à Villehardouin
qui, s’il ne naviguait pas, ne pouvait être
qu’envoûté par cette mer qui baignait son
royaume.
■ ANNA DELYANNIS
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É V A S I O N
LACONIE ~ LE CARNET de VOYAGE
AVANT DE PARTIR
À LIRE
Office national hellénique
du tourisme (01.42 60.65.75 ;
www.visitgreece.gr).
Chronique de Morée, les Belleslettres, la traduction fidèle du texte
grec écrit au XIVe siècle.
Mani, voyages dans le sud du
Péloponnèse, de Patrick Leigh
Fermor, Voyageurs Payot. La
Laconie dans les années 1950.
Le Guide bleu Grèce continentale et le
Guide évasion Grèce chez Hachette.
Et le blog Moreefranque overblog.com tenu par une historienne
spécialiste de la Morée franque.
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de Gerolimenas, un hôtel de charme
posé au ras de l’eau. Raffiné et
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l’honneur les produits du terroir.
À NOTER
Avec la crise, les Grecs sont moins
nombreux à fréquenter la Laconie.
Les amoureux de tranquillité seront
comblés.
A. D.
Athènes
Sparte
Mystras
SE RESTAURER
Gythion
Mer
Méditerranée
Mer
de Crète
Monemvasia
Le Kinsterna
M AG N E
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E
Kelefà
Itilo
Péloponnèse
LACONIE
ÈT
Trata, Monemvasia, village de
Gefyra (00.30-27.32.06.20.84).
Bonne taverne traditionnelle,
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tenancier étant pêcheur, poisson
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une surprise perchée sur les flancs du
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oranges ! Depuis une vingtaine
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Tsimpidis, travaille avec succès à
faire renaître sur sa terre d’origine le
fameux Malvasia, vin doux que
Venise rendit célèbre dans toute
l’Europe (www.malvasiawines.gr ;
00.30-27.32.05.30.96). Le sud du
Péloponnèse est l’une des plus
grosses régions productrices d’huile
d’olive (olives récoltées l’hiver).
Musée consacré à l’huile d’olive à
Sparte (www.oliveoilmuseums.gr ;
00.30-27.31.08.93.15). Douces et
sucrées, les oranges de Sparte sont
aussi de saison. Un délice au petit
déjeuner.
GRÈCE
YG
60 • LE FIGARO MAGAZINE - 18 JANVIER 2013
Coup de cœur pour l’hôtel Mazaraki, à
deux pas de la forteresse de Mystras.
Du soleil et des températures
clémentes pendant quinze jours : il
faut guetter les Alcyonides, ce redoux
qui a lieu chaque hiver en Grèce,
entre Noël et la mi-février. Les Grecs
anciens expliquent ce phénomène
dans un épisode de la Gigantomachie,
quand Héraklès tue le Géant
Alcyonée et que, de désespoir, les
filles de ce dernier se jettent dans la
mer. Pris de pitié, Zeus transforme les
jeunes femmes en martins-pêcheurs
(alcyon en grec) et leur offre une
période de calme ensoleillé pour
pondre au cœur de l’hiver.
TA
Kinsterna Hôtel & Spa,
(00.30-27.32.06.63.00,
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de Grèce vient d’ouvrir à 7 km de
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restaurant et une piscine en forme
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une maison d’hôtes au cœur de la
vieille ville de Monemvasia, tenue
par une Suissesse qui partage sa
passion pour la citadelle. A partir de
75 € la nuit.
Mazaraki, Mystras, hameau
de Pikoulianika
À RAPPORTER
Taygète, à 1 km du site archéologique.
Cuisine grecque inventive, joli cadre.
Takis, le Magne, hameau de Limeni
(00.30-27.33.05.13.27). Un
microport, des maisons fortifiées et
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Porto Cayo
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une solution originale consiste
à débarquer directement dans le
Péloponnèse avec sa voiture.
Il suffit de faire une minicroisière
sur l’Adriatique (20 heures) entre
Ancône et Patras.
Départ quotidien avec Minoan Lines
(www.minoan.gr ;
00.30.21.04.14.57.00).
10 km