Annonce du diagnostic de syndrôme de Prader-Willi en - AP-HM
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Annonce du diagnostic de syndrôme de Prader-Willi en - AP-HM
L’ANNONCE DU DIAGNOSTIC DE SYNDROME de PRADER-WILLI EN PERIODE NEONATALE Cette fiche est destinée aux médecins néonatologues et généticiens qui ont à annoncer le diagnostic d’un syndrome de Prader-Willi (SPW) aux parents (en période néonatale). Elle n’a pas été faite pour annoncer un diagnostic en période anténatale (une autre fiche spécifique sera réalisée). Elle a pour objectif de synthétiser les recommandations et principes fondamentaux qui s’appliquent à cette pratique, en complément à l’expertise et au savoir-faire qui sont les leurs. Elle peut être utilisée par d’autres médecins. L’annonce du diagnostic est un moment crucial pour les familles et se révèle généralement une épreuve pour le médecin lui-même. La manière de communiquer le diagnostic aux parents est déterminante pour l’avenir de l’enfant et de sa famille. « La réalité est la réalité, mais la manière dont elle est présentée détermine la compréhension de la maladie et une part de son vécu » [1]. Il existe ainsi pour la personne chargée de l’annonce « un devoir éthique au-delà du besoin d’informer qui peut être défini en termes de disponibilité et de sensibilité aux divers niveaux de réaction de la personne » [2]. Le fait d’avoir établi le diagnostic de syndrome de Prader-Willi en période néonatale est très important pour l’évolution de l’enfant qui en est porteur car il conditionne une prise en charge précoce et adaptée. La précocité de cette prise en charge spécifique a permis de limiter l’obésité (mais ne fait pas disparaître l’appétence pour la nourriture), de proposer un traitement précoce par hormone de croissance et a considérablement modifié l’espérance de vie des patients. Elle permet par ailleurs une meilleure prise en charge des troubles des acquisitions et des troubles du comportement qui sont susceptibles de perturber la scolarité et l’insertion sociale. Vous pouvez vous procurer une fiche d’information sur le syndrome diffusée par Orphanet à destination du grand public ; elle peut constituer un exemple des éléments sur le SPW à communiquer aux familles dans un langage courant (http://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/PraderWilli-FRfrPub139.pdf). 1 PREAMBULE • • • • • • • C’est un médecin qui fait l’annonce L’annonceur doit être expérimenté et bien connaître la maladie afin de donner des informations actualisées, claires, précises. L’idéal est que le pédiatre endocrinologue soit présent, mais cela n’est pas toujours possible Il ne devrait pas y avoir plus de deux professionnels face aux parents afin de ne pas les déstabiliser (la présence d’un second professionnel peut être ressentie comme aidante, par exemple une infirmière, un psychologue…) L’annonce doit se faire simultanément aux deux parents Autoriser aux parents qui le souhaitent la présence d’une personne de confiance Il est souhaitable que l’enfant puisse être présent afin de l’humaniser, de lui parler et le toucher, de le regarder et le valoriser Eviter d’effectuer l’annonce en fin de semaine (risque qu’il n’y ait personne pour leur répondre le week-end) AVANT L’ANNONCE : SE PREPARER • • • • • • • Revoir le diagnostic génétique (le plus souvent repose sur la mise en évidence d’une hyperméthylation en 15q11q12) pour l’expliquer et parler des examens complémentaires si nécessaire. Refaire le point avec des références bibliographiques récentes sur le SPW et sa prise en charge, en particulier sur le site Internet du centre de référence. Réunir l’ensemble des documents pouvant être remis à la famille à la fin de ce premier entretien : - la fiche d’information grand public d’Orphanet http://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/PraderWilli-FRfrPub139.pdf - la feuille de prise en charge précoce rédigée par le docteur Fichaux, phoniatre du centre de référence http://www.chu-toulouse.fr/-prader-willi- les coordonnées de l’association Prader-Willi France http://www.prader-willi.fr/ - vous pouvez aussi remettre le document diffusé par le laboratoire Pfizer et relu par le centre de référence (disponible sur demande auprès des centres de compétence) Prévoir une durée de disponibilité suffisamment longue Prévoir un lieu calme, confidentiel et sécurisant Etre confortablement installé et face à face Faire en sorte de ne pas être dérangé (ex : couper le téléphone) 2 PENDANT L’ANNONCE Etre attentif à ses propres émotions Adopter une attitude humaine et respectueuse, rassurante et empathique Attention au choix des mots : parler dans un langage juste, simple, clair et compréhensible Attention au rythme d’élocution : laisser le temps nécessaire à l’intégration des informations, à leur compréhension et rétention Vérifier régulièrement la bonne compréhension et marquer des silences pour donner la parole, laisser place aux questions et aux réactions émotionnelles (et rassurer les parents de leur normalité) Encourager le questionnement des parents Répondre à toutes les questions posées (même « je ne sais pas » est une réponse) L’OBJECTIF DE L’ENTRETIEN Fixer d’emblée l’objectif de la rencontre : une annonce diagnostique UNE INFORMATION GRADUEE ET REFLECHIE Connaître ce qu’ils savent déjà • • • Avant de nommer la maladie, si elle n’a jamais été nommée, reprendre avec eux l’historique de la situation, des symptômes (grossesse, accouchement, hypotonie, difficultés alimentaires…) Enoncer clairement le diagnostic Demander aux parents s’ils ont déjà eu des informations et les avertir que dans ce qui peut se lire sur Internet, tout n’est pas (plus) vrai ou adapté à leur enfant ; les adultes d’aujourd’hui ne sont probablement pas les adultes de demain. Pour les parents qui ne l’ont pas encore fait, on peut leur conseiller de ne pas effectuer de recherche sur Internet dans un premier temps. Informations plus précises sur la maladie • • Informer les parents de manière progressive en respectant leurs émotions Ne pas trop s’attarder d’emblée sur les aspects les plus anxiogènes et en particulier, l’obésité très sévère et les troubles psychiatriques 3 • Essayer de trouver l’équilibre entre fournir trop et trop peu d’informations. Par exemple, ne pas parler d’emblée de l’évolution de l’adulte et de toutes les complications possibles mais se centrer dans un premier temps sur la période de la petite enfance et de l’enfance (cf. page 7 les différentes étapes et éléments de prises en charge) • Donner des éléments concrets tels que : - l’enfant marchera même s’il le fera plus tard, - il parlera en dépit des difficultés d’acquisition du langage, - il prendra part aux relations affectives de la famille, - il pourra être socialisé et scolarisé (le plus souvent jusqu’au collège mais avec des différences interindividuelles) • • • • Il est nécessaire d’insister sur la valeur positive de la prise en charge précoce et des thérapeutiques futures pour la prévention de l’obésité et des troubles des apprentissages Affirmer la réalité du problème, ne pas nier la maladie et son caractère persistant tout en précisant que l’évolution dure toute la vie Ne pas énumérer des non-possibilités (ex : il ne pourra pas ceci, il ne pourra pas cela… ), ainsi éviter les phrases négatives Informer de la diversité et de l’imprévisibilité des formes d’évolution de la maladie ; chaque enfant est différent et chacun évolue à sa manière. L’enfant n’est pas réductible au syndrome dont il est atteint, l’objectif est la qualité de vie. Explications génétiques Porter une attention particulière aux explications relevant de la génétique. Expliquer qu’il s’agit d’une anomalie d’expression du chromosome 15 et que dans plus de 90% des cas il ne s’agit pas d’un problème héréditaire mais d’un accident de la procréation non transmissible. Introduire ultérieurement les différents types génétiques justifiant une étude plus précise de recherche de délétion, disomie, mutation d’empreinte et d’un conseil génétique adapté. Perspectives de recherche Le médecin doit admettre les limites de la médecine, communiquer les certitudes et incertitudes entourant la maladie et peut faire part de l’intérêt des recherches internationales en cours (en particulier sur les troubles alimentaires et les troubles des apprentissages). 4 CONCLURE L’ENTRETIEN • • • • • • • • • • • Faire une synthèse de l’entretien et orienter vers l’avenir proche en terme de prise en charge et les projets de soin (autres intervenants, rééducateurs, médecin traitant…) Il est indispensable de proposer une aide concrète ; les parents doivent partir avec une proposition de suivi, un projet d’accompagnement Informer les parents qu’il existe des interlocuteurs habitués à la prise en charge du SPW (centre de référence ; centres de compétence …) et de l’importance des CAMSP Rappeler aux parents qu’ils sont d’abord parents, et doivent le rester, malgré la multiplicité des prises en charge. Etre parent, c’est aussi ne pas se transformer en soignant. Les informer du soutien qu’ils peuvent trouver auprès de l’association PraderWilli France qui regroupe d’autres parents, d’autres familles. Donner les coordonnées de l’association. Donner les brochures adaptées à la période à venir (par exemple, celles citées plus haut) d’autres pouvant être remises ultérieurement « Avez-vous des questions ? » « Je reste à votre disposition / Vous pouvez me rappeler » Laisser les coordonnées d’une personne joignable Vous pouvez présenter les personnes qui assureront par la suite le suivi et en particulier le pédiatre et la diététicienne Inscrire dans le dossier médical ce qui a été communiqué aux parents et les documents remis afin d’assurer la cohérence de propos entre les différents professionnels PROCHAIN RENDEZ-VOUS Fixer un prochain RDV proche (une semaine au plus tard) et prévoir, si possible, la présence du pédiatre endocrinologue qui suivra l’enfant. Ce même jour, l’idéal serait que les parents puissent de même bénéficier de consultations avec un phoniatre (ou orthophoniste) et un diététicien habitués à cette prise en charge. Informer les parents qu’ils peuvent se procurer des livrets d’information auprès de l’association Prader-Willi France, notamment : « Le syndrome de Prader-Willi. Petite enfance. Mode d’emploi » 5 APRES L’ANNONCE • • • • • • • Rester disponible et présent pour les questions qui ne manqueront pas de venir après-coup Proposer d’aider les parents à parler aux autres membres de la famille et à leur expliquer la maladie (grands-parents, fratrie). En fonction des ressources locales et si le pédiatre endocrinologue est disponible, le mieux est qu’il puisse rencontrer la famille rapidement au cours de l’hospitalisation Faire les démarches pour le 100% et proposer le dossier MDPH (AAEH à remplir pour obtenir une allocation) Amener la famille à réfléchir si l’un des parents souhaite un congé parental ou de présence parentale ; si besoin, proposer de rencontrer l’assistant social L’annonce est relayée par un courrier au médecin traitant ainsi qu’aux professionnels de terrain Proposer à distance un entretien avec un psychologue, en laissant un nom et des coordonnées téléphoniques A LA SORTIE D’HOSPITALISATION (À adapter en fonction des ressources locales) • • • • La prise en charge kiné est importante dès la sortie d’hospitalisation avec un professionnel ayant l’habitude de la période néonatale Proposer une rééducation en CAMSP ou en libéral (en discuter avec les parents) Donner la date du prochain RDV avec le pédiatre néonatologue (15 jours plus tard) et le phoniatre Donner le RDV avec le médecin endocrinologue du centre de compétence (dans les 3 mois) (les coordonnées figurent sur le site du Centre de Référence) 6 7 RAPPEL DES REACTIONS FREQUENTES CHEZ LES PARENTS Quelles que soient les modalités de l’annonce, cela constitue un choc violent pour les parents. Les mots prononcés sont à jamais gravés dans leur mémoire Un travail de déculpabilisation est nécessaire pour que les parents ne se sentent pas responsables du handicap mais responsables de leur enfant pour les aider à entrer dans leur nouvelle parentalité. Les étapes psychologiques engagées suite à l’annonce peuvent être comparées à celles du processus de deuil : • déni • culpabilité (maladie génétique, du fait de l’ambivalence que suscitera l’enfant, amour et rejet à la fois…) • colère, agressivité, révolte, sentiment d’injustice • anxiété • affects dépressifs, sentiment d’échec, abattement, silence, isolement, • sidération, hébétude, impression d’irréalité, incrédulité, incapacité à entendre les explications, détachement, absence d’affect apparent • banaliser, remettre en cause le diagnostic et le bienfait des prises encharges proposées, attente de réfutation du diagnostic • désir de s’informer, recherche d’information (livres, Internet…) Remarque Au cours du suivi, certains parents, en quête de perfection dans la prise en charge de leur enfant, peuvent avoir l’impression de mieux connaître la maladie que les médecins ; il peut ressortir de ces situations à la fois une inquiétude extrême des parents et un manque de confiance à l’égard des équipes prenant en charge leur enfant. Les centres de compétence (un par région) et, éventuellement, le centre de référence peuvent répondre à ces situations si elles se posent, après avoir joint le médecin traitant. 8 Sources : 1- Recommandations pour l’annonce du diagnostic de mucoviscidose après dépistage néonatal. Vaincre la mucoviscidose. 2- Ljarding, T.W. (2002). L’annonce du handicap aspect éthiques. Institut de médecine légale, centre médical universitaire, Genève. (http://www.inja.fr/pagesinfos/pages/informations_generales/actualites/ar chives/2002_00/unesco/10-59Annonce.htm) 3- ADAPEI de Haute-Saône : Charte aux professionnels – Réseau humaniser l’annonce d’un handicap (http://www.adapei70.org/index.php?id=207 ) 4- Handicap visuel de l’enfant et de l’adolescent : « L’annonce du handicap visuel de l’enfance à la fin de l’adolescence » p8-18, les guides de l’AP-HP (http://www.aphp.fr/documents/mission_handicap/publications/handicap_vis uel_enfant.pdf) 5- Valleur, D. (2004). Annonce d’un handicap neurologique chez un enfant dans le cadre du centre d’action médicosocial précoce. Journal de pédiatrie et de puericulture 17 : 236-240 6- Gautheron, V. et al. (2008). Annonce du handicap. Lett Med Phys Readapt 24 :3-7. 7- Soutien moral aux parents « autour » du diagnostic de handicap de leur enfant, actes du séminaire du samedi 8 mars 2008. Fondation Lou. (http://www.a-lou.com/PDF/Actes-SEMINAIRE-Soutien-Diagnostic.pdf) 8- Circulaire ministérielle du 18 avril 2002, n°2002/239, relative à l’accompagnement des parents et à l’accueil de l’enfant lors de l’annonce préet postnatale d’une maladie ou d’une malformation 9