La fin de l`enfer | Enfine : anorexie, boulimie, hyperphagie

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La fin de l`enfer | Enfine : anorexie, boulimie, hyperphagie
La fin de l'enfer | Enfine : anorexie, boulimie, hyperphagie
Écrit par camy
Eté 2012. Je viens de terminer mes partiels de première année de droit que j’ai réussi haut la
main avec une belle mention. Si la fin du monde avait été prévu pour décembre de cette année,
une chose est sûre, la fin de mon monde à débuté cet été là.
Je viens d’avoir 19 ans et la vie est censée débuter. Je rêve de devenir avocate, je rêve de
voyages, d’amour et de joie et de bonheur. J’aime faire du shopping, je suis très coquette,
j’adore prendre soin de moi, me sentir belle. Mais de quelle fin du monde tu nous parles me
direz vous ? Je suis comme vous, je n’ai rien vu venir. Je n’avais à ce moment précis de ma vie
aucune idée de l’enfer que j’allais bientôt vivre.
J’ai beaucoup de chance d’avoir un très bon métabolisme (merci maman), je ne me prive de
rien : glace, biscuits, burger à n’importe quelle heure du jour et de la nuit et pourtant je ne pèse
que xx kilos pour xx m, j’ai de jolies formes et je suis pleine de vie et d’énergie. Alors pourquoi
j’ai voulu maigrir ? Je vais essayer d’être honnête avec moi-même. Je me suis trouvée grosse
un jour en me comparant à un squelette en plastique dans une boutique de prêt-à-porter. Et
même si je pense que ce n’est pas là le fond du problème, je pense que ca été l’élément
déclencheur de l’anorexie.
Anorexie : trouble psychopathologique complexe et spécifique, au cours duquel il n'y a pas de
perte de l'appétit mais au contraire une lutte active contre la
faim et l'absorption
d'aliments.
Début juin 2012, la lutte à commencée. La lutte contre la faim, la lutte contre les vertiges, la
lutte contre le manque d’énergie, la lutte contre la vie.
J’ai commencé par diminué les quantités d’aliment que je mangeais, j’essayai ensuite de me
retrouver seule pour manger toujours moins. L’heure des repas devenait une véritable angoisse
pour moi et une véritable obsession, je préparais mes repas de la journée à l’avance, pour être
sure de parfaitement maîtriser la moindre calorie absorbée. Et le résultat était là : Je
maigrissais. 52, 50, 48, 47 … j’étais tellement fière de moi à chaque fois que la balance affichait
un poids plus faible que je ne pensais plus qu’à perdre toujours plus ! Je flottais désormais dans
mes pantalons taille 36. J’étais tellement obsédée par ce poids qui baissait que je ne voyais
plus rien d’autre.
Tout le monde avait remarqué que je maigrissais. Ma mère n’osait pas aborder directement le
sujet, pensant que j’étais dans une phase et que tout rentrerai dans l’ordre. Mes tantes me
demandaient si je mangeais, mais toutes les remarques m’importaient peu, je niais cette perte
de poids et je prétendais que le stress des études m’avait un peu coupé l’appétit.
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Cette volonté de perdre du poids était mon petit secret, je ne le partagerais avec personne,
personne sauf ana. Ana c’est le nom que les personnes qui souffrent que ce trouble donnent à
l’anorexie mentale. C’est le nom de cette petite voix qui vous félicite en permanence quand
vous perdez du poids et qui, tant que vous rester dans le droit chemin, ne vous posera pas de
problème. Mais il ne faut surtout pas la mettre en colère… C’est un peu la Staline des
anorexiques, on l’adore et on la craint à la fois.
Tout l’été, j’ai continué mon petit chemin de perte de poids, et même si j’étais cernée, que mes
joues commençais à se creuser et que mon ventre criait famine j’étais satisfaite.
Fin août 2012 : xx kilos. je n’ai jamais été aussi fière de moi ! je n’avais pas été aussi mince
(maigre) depuis le collège. Mais quelle catastrophe, je gommais toute forme de féminité, ma
belle poitrine avait perdu un bonnet et mes jambes déjà très mince faisait peur à voir. Mais je ne
me voyais pas, je ne voyais que le poids.
Là les remarques sont devenues de plus en plus fréquentes, mais je niais toujours lorsqu’il
s’agissait de ma famille et pour ce qui est de mes amies et bien, elles étaient jalouses ! C’est la
seule explication que je pouvais trouver.
Début septembre, environs 10 jours avant la reprise de la fac, un déclic à eu lieu. J’étais
tellement absorbé par tout ce processus d’auto destruction que je ne m’étais même pas rendu
compte que je n’avais pas eu mes règles en aout. Je ne me suis pas inquiété tout de suite mais
j’ai quand même été voir une généraliste. Une terrible prise de conscience a eu lieu en sortant
de son cabinet : selon elle cette aménorrhée était due à ma perte de poids.
Je me souviens qu’en rentrant à la maison j’ai commencé à faire des recherches sur internet :
Perte des règles + perte de poids. Voilà ce que j’ai tapé dans le moteur de recherche de mon
PC. C’est là que j’ai lu des tonnes de forum différents, des centaines de filles parlaient de leur
expérience avec : L’ANOREXIE.
J’ai eu peur. L’anorexie ? Impossible ! je ne peut pas être … Anorexique ! Pour moi, comme
pour beaucoup de personne, l’anorexie n’était pas une maladie mais quelque chose de
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péjoratif, comme un adjectif particulièrement dégradant qui désignait certaines filles.
Et pourtant, c’est bien ce que j’étais devenue : anorexique.
Après cette prise de conscience que j’ai eu beaucoup de mal à accepter, je me suis dit que je
pouvais reprendre le contrôle et ne plus maigrir. C’est bon, j’avais perdu assez de poids et je
pouvais reprendre une alimentation normale. Mais ça ne s’est pas passé comme cela. Pourquoi
? Pas par manque de volonté, parce que quand le processus est enclenché, quand ana est
devenue votre dictatrice de vie, vous ne pouvez plus reculez (du moins pas aussi facilement
que l’on ne le pense).
Ce jour là, le soir en me mettant en pyjama, je me suis regardée dans le miroir. J’ai pleuré. J’ai
eu peur, je ne me reconnaissait plus. Je me suis vu tel que j’étais devenue : maigre, sans
forme, sans force. Mais quelle horreur. Camélia ? Pourquoi est-ce que tu fais ça !? Toutes les
filles que tu admires, que tu trouve tellement jolie sont tellement plus en “forme” que toi !
Qu’est-ce que tu as fais, qu’est-ce que tu te fais ? Pourquoi ?
Je me souviens avoir pris mon ours en peluche ce soi là et avoir pleurer pendant des heures.
Je n’étais plus moi-même. Je n’étais plus Camélia, je n’étais plus que l’ombre de moi-même.
Mais j’allais me reprendre, j’allais arrêter de perdre du poids et en reprendre un peu même. Je
me suis endormie, le cœur lourd mais avec une belle volonté de me reprendre en main.
Malheureusement, ce n’est pas ce qui s’est passé. Je me suis rendue compte que je ne
pouvais pas contredire ana. Elle a une arme tellement puissante pour vous remettre “dans le
droit chemin”, une arme qui vous déchire tellement, qui vous fait tellement peur une fois qu’elle
l’a utilisé contre vous que vous renoncer à la contredire. Cette arme c’est la Culpabilité. La
culpabilité de manger ne serait-ce qu’une bouchée de plus, la culpabilité de même penser à
manger plus.
Mi septembre 2012 : reprise des cours. A la fac, tout le monde à remarqué que j’ai fondu
comme de la neige au soleil … et je sais maintenant qu’ils ont raison, mais j’ai tellement honte
de ce que je suis devenue que je trouve milles et unes excuses pour justifier cette perte de
poids. Petit à petit, je m’isole de tout le monde, je ne veux pas qu’on me vois manger si peu. Je
me sens juger, et je le suis. Le regard des gens devient insupportable, je préfère rester seule.
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Je coupe alors les ponts avec une grande majorité de mes amis et petit à petit, ana deviens ma
seule compagnie. Elle me force à lutter, elle m’oblige à manger toujours moins. Par exemple je
me souvient avoir pris pour unique déjeuner une grosse journée de fac un sachet de baby
carottes que je grignotais en cours de droit pénal.
Et comme mes journée étaient rythmées par les cours, c’était “facile” de résister. Je me
nourrissait de droit ! Je voulais par dessus tout réussir mes études, mais j’étais de plus en plus
à bout de force, j’utilisais toute mon énergie pour travailler et ca devenais de plus en plus dur.
Quand on sait que les glucides sont la principale source d’énergie du cerveau humain et que je
ne devait pas en manger plus de 50 grammes par semaines, je considère ma réussite de cette
deuxième année comme un véritable miracle.
La fin de l’année universitaire est vite arrivée, j’avais promis à ma mère de faire un bilan chez le
médecin dès que j’en aurai fini avec les partiels. Ma mère s’inquiétait de plus en plus, mais
n’osais pas trop m’en parler. Je n’avais pas eu mes règles pendant un an. Je pesais 39 kilos.
Je n’étais pas heureuse, j’étais terriblement fatiguée, j’avais des vertiges constamment, la lutte
contre la faim étais de plus en plus dure. J’ai donc repris un rendez-vous avec le médecin, et
c’est au bout d’un an de lutte, d’un an de repas mangé seule, de repas composé parfois d’une
pomme et de quelques carottes, d’un an de solitude, d’un an repas jeté en cachette que j’ai
enfin osé prononcé le mot : je suis anorexique.
Je l’ai dit à mon médecin, j’ai été surprise par son manque profond de compréhension et par le
jugement qu’elle a porté sur la maladie. Je me souviens qu’elle a été très dure avec moi, elle
m’a reproché de vouloir “ressembler à un mannequin” et que tout ca été des “enfantillages” et
qu’il fallait que j’arrête mes conneries et que je manges des pâtes” … J’étais tellement fragile,
tellement sensible que j’ai pleurer dans le cabinet même. En rentrant chez moi, j’étais
déterminée à en finir avec cette anorexie, je ne voulais plus l’écouter, je voulais manger ce que
je voulais, quand je voulais exactement comme il y a un an.
En rentrant j’ai tenue ma parole, j’ai mangé tout ce que je voulais, je me souviens avoir terminé
un paquet de chouchou et un paquet de gateau à l’anis, j’ai ensuite mangé du pain et du miel et
des amandes sans pouvoir m’arrêter. C’est là que j’ai dis bonjour à mia. Mia c’est la boulimie,
jumelle maléfique d’ana.
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Boulimie : trouble du comportement alimentaire qui consiste à ingérer au moins 2 fois par
semaine des quantités massives de nourriture dans un temps très court (en moins de 2
heures). Massive, c’est le mot.
Qu’est-ce qui m’est arrivé ? Vous savez, la crise de boulimie pour une personne anorexique
c’est comme se prendre une enclume de 100 kilos sur la tête alors que l’on est tranquillement
en train de se promener au bord d’un lac. Cette première crise de boulimie fût un choc : moral
et physique. Moral puisque la dictatrice est venue me torturer avec la culpabilité et Physique
puisque en temps normal une telle quantité de nourriture est tout simplement indigeste en si
peu de temps et après un an de restriction, c’est encore pire.
A partir de là, ce fût le début d’une lutte acharnée pendant 3 ans entre la restriction et les
compulsion. Un vrai cercle vicieux qui m’a détruite. Détruite physiquement, moralement,
socialement, sentimentalement. Je ne vivais plus que pour et contre la nourriture. J’ai essayé
milles et unes choses pour me sortir de la boulimie (sans plus chercher à vaincre l’anorexie
puisque je considérai qu’elle au moins, elle ne faisait pas mal moralement). Je demandais à ma
mère de cacher la nourriture, j’ai dépenser des centaines d’euros dans des crises alimentaires
gargantuesques, je me suis causée des problèmes intestinaux que je ne sais pas si je m’en
débarrasserai un jour.
J’ai commencé à perdre mes cheveux au bout de 2 ans de maladie (donc un an d’anorexie et
un an d’anorexie-boulimie). Terrible choc à nouveau, les cheveux étaient bien le seul attribut
féminin auquel je ne voulais pas renoncer : pas de poitrine, pas de fesses, et pas de cheveux !
Mais quelle cauchemar. A côté de ca, je luttais toujours pour réussir mes études, je ne voulais
pas que cette maladie m’empêche de réussir. C’était extrêmement dur : quand je faisais une
crise et que les larmes et la culpabilité me torturais et m’empêchais de travailler pendant
plusieurs heures le temps que la tempête passe ou quand je passais plusieurs jours sans
manger rien de consistant et que je n’arrivais pas à me concentrer sur mes cours. Mais le plus
dur c’était l’année dernière, en Master 1, jusque là je n’avais jamais eu a faire face à une crise
de boulimie un jour d’examen. Le jour de l’épreuve de droit patrimonial de la famille, j’ai fait une
crise tellement violente que j’ai cru ne même pas pouvoir me rendre à l’épreuve. Je ne ferai pas
la liste de tout ce que j’ai avalé sans plaisir mais simplement par pulsion car c’est encore trop
dur pour moi de lister des orgies alimentaire. J’ai quand même assisté à l’épreuve, avec des
nausées pendant 3 heures et des sueurs froides, par je ne sais quel miracle, j’ai eu 14 à cet
écris déterminant pour la sélection dans mon Master 2.
On arrive au début de l’année universitaire 2015 : je me bats toujours contre ces pulsions
alimentaires et contre ces pensées anorexiques mais j’accepte un peu mieux ma maladie, je
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sais que je suis malade, je ne me juge plus, je n’ai même plus honte de dire aux gens que je
suis malade et le regard des autres m’importe de moins en moins. Cependant je souffre
toujours et je vis chaque crise comme un échec qu’il faut que je compense à tout prix
(essentiellement par du jeune dans mon cas, je ne me suis jamais fais vomir … enfin, je n’ai
jamais réussi !)
En mars 2015 : Je passes mes partiels de M2, j’ai les résultats, j’ai réussi et je vais commencer
mon stage en cabinet d’avocat, je me rends compte que je vais un peu mieux, j’ai repris un peu
de poids et la fréquence des crises à diminué mais : Enorme déclic : IMPOSSIBLE que je
gâche toute ma vie avec des TCA, je décide de prendre un rendez-vous avec une nutritionniste
: elle établit un plan alimentaire avec moi. Les quantités me paraissent énormes mais peu
importe, c’est décidé je vais guérir. Je suis à la lettre le plan, je pèse tous mes aliments, je
reprends du poids et je l’accepte. En parallèle, je me suis inscrite dans une salle de sport, mais
pas dans un but malsain de maigrir, je ne veux plus des bras de crevette et je veux des fesses
de Kylie Jenner (j’exagère un peu mais c’est l’idée !) Au début je ne fais que les cours de
renforcement musculaire comme le bodypump et puis récemment j’ai décidé de suivre un plan
de musculation établi avec un coach. je reprends du poids, la musculation et le fitness
deviennent une vraie passion, je commence à voir mes biceps, mes fesses sont de plus en plus
rondes et il m’arrive d’avoir des courbatures dans des endroits de mon corps où j’ignorai
presque la présence de muscle! haha! Et pour être efficace à l’entrainement : il faut manger !
250 grammes de féculents avant ou après un entrainement pour reprendre du muscle, il y a
seulement 6 mois j’en aurais été incapable.
Je suis tellement fière de moi ! Je deviens forte, je sens que j’ai de l’énergie, mes cheveux sont
redevenus fort et brillant, mes joues ne sont plus creuses et je remplis mes jeans ! Je fais la
paix avec mon image, je m’aime de nouveau et miracle : je n’entends plus ni ana, ni mia. Je
mange sainement, toujours en faisant confiance à ma nutritionniste, je me fais plaisir en
mangeant, et il m’arrive de m’enfiler une pizza chèvre miel (avec supplément de miel) en entier
sans une once de culpabilité !
Merde … je suis guérie !
Aujourd’hui j’ai 23 ans, je serai très bientôt avocat, je mesure toujours xx mètre, je pèse xx kilos
de bonheur et je me sens enfin revivre. Je me sens en paix avec mon petit ventre tendu lorsque
je viens de manger et je peux enfin remettre mes anciens soutiens-gorges … et les remplir !
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