atelier-memoire sensoriel
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atelier-memoire sensoriel
ATELIER-MEMOIRE SENSORIEL Les animations collectives qui sont généralement organisées dans les institutions pour personnes âgées (et attendues car elles correspondent à la conception courante de l’animation) sacrifient bien souvent les désirs personnels des participants à l’intérêt collectif du groupe. Sur le terrain de notre pratique en institution, seuls un nombre restreint de résidants sont touchés par ce type d’animation. Un nombre même de plus en plus restreint, du fait de l’évolution de leur pathologie, du vieillissement, de l’entrée plus tardive en EMS consécutive au développement des soins à domicile à Genève, à l’évolution démographique… aussi bien sûr en lien avec les effets même de l’institutionnalisation (repli sur soi, perte des repères et liens socio affectifs, surmédicalisation, effondrement de l’autonomie et dépendance accrue nosocomiales quand la personne résidante n’a plus rien à faire, on fait tout à sa place, parce que ça va plus vite, qu’on est là pour cela…) Mes ateliers-mémoire sensoriels sont issus de cette réflexion, je les ai conçus comme projet répondant à l’analyse de ces besoins : comment augmenter le nombre de résidants touchés par l’animation d’une part, et offrir une intervention et des moyens adaptés aux résidants âgés les plus handicapés et isolés, d’autres part ? - Trouver et faire fonctionner ce qui fonctionne, chez toutes les personnes âgées, quelque soit leurs troubles et déficits : les perceptions sensorielles, source d’informations sur le monde parvenant au cerveau, approvisionnent de nos mémoires, les sens par lesquels nous sommes branchés sur le monde, en contact avec notre environnement et les autres (et nous même !); source de sensations, de plaisir, associés à des émotions, depuis nos premiers instants de vie (in utéro en fait) jusqu’aux derniers : le câlin du petit-fils, l’odeur du pain chaud, caresser un chat, même en peluche, écouter Chopin, les senteurs de lilas et tous nos printemps revécus. La madeleine de P… : vous voyez à quoi je fais allusion ? Le déclin des fonctions sensorielles - tout comme le cadre de vie « rétréci » et le contexte culturel de notre société prônant le jeunisme – peuvent conduire l’adulte âgé à connaître de graves situations de privations sensorielles et de perte de communication. A plus forte raison en institution. - Les supports d’animation que je propose s’inscrivent dans une démarche de mobilisation psychique globale, sollicitant le potentiel sensoriel des personnes âgées afin de leur offrir des conditions propices à réactiver leur mémoire ancienne, ouvrir « les tiroirs » où sont rangés, enregistrés, enfouis, des connaissances, des émotions, des instants vécus. Frédérique Cortaz-Veljaca, psychologue animatrice en gérontologie Page 1 Bien que supposant un travail de la mémoire, (des différents types et processus mnésiques en fait), il se distingue fondamentalement des exercices classiques qui visent un entraînement ou une conservation des capacités mnésiques des participants. Ce n’est pas la recherche de performance intellectuelle, la reconnaissance effective - de l’objet touché en aveugle ou de l’odeur - la réponse juste, qui sont recherchées, mais le ressenti, la relation authentique, l’écoute, la plaisir d’un instant, d’une rencontre, avec éventuellement la libération de souvenirs. L’objectif, lors de ces ateliers, est de proposer et créer les conditions d’une mise ou remise en communication de l’adulte âgé, quel que soit son âge, son état de santé, ses handicaps sensoriels, moteurs, cognitifs, psychiques. C’est d’ailleurs bien toujours cela qui est important selon moi, et que je vise, dans ma pratique. La technicité, le « faire », les savoir-faire sont au service « l’être » et de la communication relationnelle. - Pour ces ateliers, j’utilise le plus souvent un charriot et je pars dans les unités proposer mes supports multisensoriels, afin d’aller vers les résidants, tous ceux qui sont laissés à l’écart du fait de leur handicap - surdité, malvoyance, troubles cognitifs, comportementaux ou autres - ceux qui refusent systématiquement de participer et se déplacer aux animations collectives qu’on leur propose, peut-être par peur de se retrouver en situation d’échec, souvent par désintérêt, de cela et de toutes choses de la vie. Voici donc le descriptif d’un de mes ateliers-mémoire sensoriels. *********************************** Thème : été – fruits – Provence Contenu : supports multisensoriels choisis Le GOÛT : dégustation - reconnaissance de sirops (ramenés d’un de mes voyage en Drôme provençale) : p.ex : violette, fraise de Carpentras , citron jaune, pomme-vanille, menthe, orgeat. Avec support visuel : dessin / mot. La VUE : couleurs des sirops dans les carafes de verre transparent. Grande photo d’un champ de lavande. Illustration d’un rossignol. Le TOUCHER & l’ODORAT : sachets de lavande en tissus (réalisés par des résidants, après récolte de leur propre lavande, pourquoi pas ?) ; cigale en céramique peinte et stridulante L’OU ÏE : ambiance sonore, avec rossignol de Provence ; cigale Frédérique Cortaz-Veljaca, psychologue animatrice en gérontologie Page 2 Objectifs souhaités Pour les résidants : - Susciter ressenti, intérêt, plaisir - Favoriser et faciliter la communication, la relation, l’interaction - Solliciter les fonctions sensorielles, éveiller les sens, les réminiscences, répertoires de souvenirs, connaissances et émotions associés - Mobilisation des fonctions cognitives : permettre à la personne d’exercer sa mémoire, ses compétences intellectuelles et sociales fonctionnelles résiduelles (orientation temporelle, mémoires, attentionconcentration, reconnaissances sensorielles, langage, vocabulaire, lecture, utilisation d’objets, raisonnement) - Vivre une expérience en petit groupe, avec d’autres résidants de l’étage côtoyés au quotidien, et peut-être trouver des appartenance nouvelles - Reconstituer son trajet de vie, retrouver son identité Pour l’animateur/trice : - Mieux connaître chaque personne âgée (possible récolte de données pour création d’un bilan sensoriel dans dossier animation des résidants et/ou ajout dans dossier résidant institutionnel commun informatisé ou papier) - Développer ses capacités d’observation, d’écoute et un mode de communication ouvert - Utiliser sa créativité, offrir sa tendresse, exercer sa fonction en mettant en œuvre d’autres dimensions de sa personnalité - Lutter contre la routine et retrouver/réinvestir le sens initial de son action Modalités d’intervention : animation titrée « atelier-mémoire sensoriel » programmée dans chaque unité, hebdomadairement, par exple, à heure et jour fixes si possible, d’une durée de 60 minutes. Tout le matériel est préparé avant sur le charriot (ch. Check list). Je vais trouver les résidants sur leur lieu de vie, salon, salle à manger. Un petit groupe est déjà en place parfois, ou je commence avec 1-2 personnes puis d’autres, intriguées, approchent ; souvent aussi en individuelle, et aussi dans les chambres vers les personnes alitées. Peut aussi être mis en place dans salle d’animation, avec un petit groupe de résidants. Idéalement autour de 5 participants. Pas trop, pour favoriser Frédérique Cortaz-Veljaca, psychologue animatrice en gérontologie Page 3 l’émergence d’interactions entre eux, pour pouvoir s’ajuster et être à l’écoute de chacun… Une fois ce thème présenté dans chaque unité, je repars dans les unités pour continuer ces ateliers, en proposant d’autres supports sensoriels (des objets cachés dans taies d’oreiller suivi d’un kim ; un mémory olfactif ou visuel ou auditif ; un loto sonore ; une dégustation de glaces, de tisanes, de biscuits aux épices ; un panier de plantes aromatiques ou de fleurs de saisons; un atelier du pain ; des photos, cartes postales, objets, outils anciens…) Je garde 2-3 carafes de sirops (ou tisanes colorées l’hiver) sur mon charriot. En effet, les résidants, mêmes ceux qui ont le plus de troubles de mémoire, les plus anxieux et les plus désorientés soient-ils, reconnaissent le charriot, son bruit, le spectacle visuel des carafes, et me demandent à boire (« du rouge svp ! » sirop de fraise ou grenadine !). Si bien que je prévois de partie 20-30 minutes avant le début de l’animation dans l’unité prévue, car je suis reconnue, arrêtée et sollicitée en chemin. Participants : Tous ! Aucune contre-indication. On aura soin comme toujours d’éviter de mettre des personnes en situation d’échec, comme par exple de proposer d’entrée un support auditif à une personne malentendante, ou visuel à une personne malvoyante. En fait, il est bien de le faire, mais en situation individuelle, lorsqu’un lien est déjà établi avec la personne, que je lui ai expliqué ce que je cherche à faire… car stimuler la vision ou audition résiduelles est en effet essentiel, pour éviter le repli sur soi, l’isolement, la sous stimulation cérébrale entraînés par une déficience sensorielle. Identifier et pallier les déficits des organes sensoriels, fournisseurs privilégiés d’informations au cerveau est un facteur essentiel pour la remédiation des troubles de mémoire chez la personne âgée. Avant toutes choses, lorsque j’entre en contact ou débute une animation, je vérifie que les lunettes ou appareils auditifs de ceux qui en ont, soient en place et fonctionnels !!! Particulièrement adapté et apprécié des personnes qui souffrent de troubles cognitifs, mnésiques, désorientation, à divers stades d’évolution d’une démence, débutante avec difficultés légères, ou plus avancée, avec langage oral atteint, vocabulaire pauvre, ou langage automatique, même mutisme. Pour les malades qui présentent signe d’anxiété élevée, déambulation, désorientation, posent questions sans arrêt, les ateliers-mémoire sensoriels les apaisent et les aident à se réorienter dans la réalité, la situation, retrouver des bribes de discours cohérent, des mots adéquats. Et l’ensemble de leur expression, mimique, sourire, le montre. Frédérique Cortaz-Veljaca, psychologue animatrice en gérontologie Page 4 Les supports olfactifs et tactilo-kinesthésiques ouvrent l’appétit, sont indiqués pour les personnes qui en ont peu et sont amaigries ou en convalescence. Certains résidant-e-s, en début de démence, présentant une « façade » en fait trompeuse, et cherchant à (se) cacher leur difficultés (par déni), parfois résistantes ou refusant gentiment toute animation - qui risquerait de les mettre en situation d’échec de dévalorisation - … ces personnes apprécient ce type d’ateliers sensoriels et la démarche qui les sous-tend : pas d’exigence de performance, ni critère de réussite, pas de jugement de valeur, juste être en relation, passer un moment agréable, évoquer des souvenirs. Pour intégrer de nouvelles personnes résidantes tout en douceur, les ouvrir, faire parler, les mettre en confiance, découvrir des appartenances et points communs avec d’autres … Matériel (« Check list ») La liste ci-dessous me sert de check list : je l’utilise pour préparer mon charriot, afin d’être sûre de ne rien oublier ! - Charriot - 4-5 Carafes en verre transparent remplis de sirops différents - 1 bouteille d’eau - Gobelets transparents, pailles, serviettes en papier - Torchons - Feuilles support visuel (dessins /noms de fruits) en suffisamment d’exemplaires - Feuilles vierges + crayon - 5 Sachets de lavande + poster photo champs de lavande - Cigale - CD chant du rossignol + autre ( p.ex. Mozart) - Photos ou illustrations d’un rossignol (livre d’oiseaux p.ex) - Lecteur CD-cassettes portable - Rallonge électrique – piles - Liste résidants diabétiques Conseils pour la préparation Frédérique Cortaz-Veljaca, psychologue animatrice en gérontologie Page 5 Les sirops : bien sucrés, le seuil de perception gustative et reconnaissance des saveurs s’altèrant avec l’âge, pour être sûr, les goûter ! La bouteille d’eau plate supplémentaire est en prévision de sirops à repréparer-rediluer. Le support visuel : sur format A4, 3 photos ou dessins de fruits (fleurs ou autre correspondants au parfum de sirop), le plus réalistes possibles, en couleurs avec le nom correspondant écrit en dessous. P.ex : dessin d’une fraise avec le mot « Fraise » écrit. Proposé lors de la dégustation d’un sirop, il peut être utilisé pour faciliter la reconnaissance, offrant une situation de choix multiple, et éviter sentiment d’échec possible. Sert la mobilisation cognitive : reconnaissance des images, lecture. Les résidants aiment bien garder un souvenir ! Alors ils peuvent garder cette feuille, s’ils le demandent (permet aussi de donner gentiment qqchose en échange du sachet de lavande négligemment glissé dans son sac par certaines petites dames !). Conseils pour le choix des supports multisensoriels - Eviter des objets potentiellement dangereux, blessant (ou risque d’ingestion) - Précautions pour les personnes présentant diabète, allergies ou autre intolérance, demande préalable autorisations des infirmières - Choisir les objets en fonction de ce que l’on connaît des personnes (métiers exercés, hobbies, jardin, culture, origine, anecdotes vécues…) - Adapter aux hommes, intérêts et activités plus masculines - Thème suivant le rythme des saisons et fêtes - Pour les odeurs : 3-4 max. les plus fortes présentées à la fin (effet de saturation) - Ne pas présenter trop d’objets à la fois, car cela met en difficulté les personnes qui souffrent de troubles cognitifs (même tout légers, au début de la maladie) dans le cadre d’une démence, en masquant leur compétence réelle, ils se bloquent dans ce qu’ils sont en train d’entreprendre, même une action toute simple comme décider quel objet prendre sur la table devant eux. Déroulement - Salutations, présentations de l’animatrice, des résidants, - Date, heure, lieu (donner des repères !!!) - Présentation de l’activité, évocation des 5 sens - Dégustation-reconnaissance des parfums de sirops (faire choisir en fonction de la couleur), montrer le support visuel correspondant ; libreéchanges Frédérique Cortaz-Veljaca, psychologue animatrice en gérontologie Page 6 - Dénomination et recherche d’autres noms de parfums, de fruits - Relance : donner à toucher et sentir les sachets de lavande, associé à la photo du champ de lavande - Ambiance sonore : chant du rossignol, forêt de Provence - Evaluation rapide du ressenti des personnes présentes ; séparation, congé et prochain atelier prévu - Fin ( ritualisé): ambiance sonore ou musique, choisis par eux, pour détente et apaisement ( fin de journée, préparation nuit, ouvrir appétit, retour au calme pour gestion d’éventuels débordements émotionnels liés à l’évocation de souvenirs difficiles, la prise de risque d’être entré en relation et de s’être senti vivant, pour certains « grands » déments) ************************************************ Mémory des odeurs Matériel et préparation - 5 petits pots blancs et 10 carrés de gaze, type compresse (demandés aux infirmières) - 5 autres petits pots plastiques colorés (type petit suisse aux fruits, en coupant les bords pointus) - 10 élastiques - 2 petits plateaux ou planchettes - 4 X Produits odorants, parfums divers, p.ex. : dentifrice, parfum L’Instant de Guerlain (sur un coton), cannelle, moutarde. Mettre chaque produit dans un pot blanc et un pot de couleur. Recouvrir d’une gaze et faire tenir avec un élastique. Les deux derniers pots (un blanc et un coloré) servent de leurre, ne contiennent rien mais sont recouverts et fermés aussi. On peut au marqueur indélébile marquer d’un signe identique sous les paires de pots contenant le même produit et donc sentant la même chose. Tous les 5 pots blancs sont posés et présentés sur un plateau, les 5 pots colorés sur l’autre plateau. Il s’agit de retrouver les paires d’odeurs identiques (par analogie avec le mémory visuel, en images, communément utilisé. Il est préférable d’y jouer en présentant les cartes imagées sur deux plateauxcartons peints de couleurs différentes, comme décrit pur les odeurs ci-dessus). La passation et le déroulement avec les résidants sont assez délicats, dépendant de leurs troubles cognitifs et psychiques, la sévérité de leur handicap, la sensibilité olfactive restante, le nombre de participants. Il ne s’agit pas, je le rappelle de recherche de réponse juste, ni forcément de reconnaissance de l’odeur. Il faut accompagner chaque personne à tour de Frédérique Cortaz-Veljaca, psychologue animatrice en gérontologie Page 7 rôle dans la présentation et la prise de connaissance « reniflée » des odeurs proposées, et savoir s’ajuster à chacun ; ne pas donner trop de consignes, pas trop de stimulation, présenter 1 ou plusieurs odeurs différentes, savoir s’arrêter au seuil de saturation, accompagner et être à l’écoute de chacun, tout en maintenant l’animation de tous le petit groupe autour de la table, entre autres. Consignes : Sentez-vous qqchose ou pas ? (perception ou non perception) Cela vous est-il plutôt agréable ou désagréable ? Vous aimez bien ou pas trop ? (ressenti, sensations positives - négatives, attirance-dégoût) A quoi ça vous fait penser ? Est-ce que cela vous évoque quelque chose ? Vous rappelle un souvenir ? (émotions, souvenirs, images mentales, associations d’idées) **************************************** Contacts *** Pour toute information supplémentaire, aide à la réalisation de cette animation (ou création d’une autre d’une autre) n’hésitez pas à me contacter : Frédérique Cortaz-Veljaca 50 rue de la Prulay, 1217 Meyrin 076 382 98 77 J’interviens aussi à titre d’animatrice psychologue, directement dans les institutions (atelier - mémoire, - mémoire sensoriel, sens et réminiscence, création de projet d’animation). Frédérique Cortaz-Veljaca, psychologue animatrice en gérontologie Page 8 *** Je vous mentionne aussi les coordonnées d’une animatrice formatrice, directrice d’un centre d’animation, de ressources et de formation, avec qui je collabore et qui m’apprend toujours beaucoup. Pour toute formation sur la mise en place d’ateliers sensoriels, émotions, réminiscences, novateurs et ajustés aux personnes démentes et tout projet d’animation. Et aussi pour des projets intergénérationnels, des activités d’art plastiques, modelage, conte, art floral, postal, atelier d’écriture … Elle peut se déplacer pour une formation de groupe en Romandie. Evelyne Vinas 125, rue Raspail, 69150 Décines - F 0033 622 70 80 00 0033 478 49 15 13 0033 472 02 14 10 *** La meilleure référence en matière d’animation : Le journal Doc’Animation en gérontologie www.doc’animation.fr Frédérique Cortaz-Veljaca, psychologue animatrice en gérontologie Page 9