von Biber - Philharmonie de Paris

Transcription

von Biber - Philharmonie de Paris
Jean-Philippe Billarant
président du conseil d’administration
Brigitte Marger
directeur général
Figures de la passion – la nouvelle exposition temporaire présentée par le musée
de la musique jusqu’au 20 janvier 2002 – explore la fascination ressentie par les
artistes et théoriciens français de l’époque classique (1620-1740) pour l’expression et la codification des diverses passions humaines.
Pour contribuer au cycle de concerts organisé en synergie avec l’exposition, la
cité de la musique a demandé à Gottfried von der Goltz d’interpréter, avec Torsten
Johann et Lee Santana-Perl, les Sonates du Rosaire d’Heinrich Ignaz Franz von
Biber qui figurent parmi les pages les plus expressives du répertoire germanique
du XVIIe siècle.
samedi
3 novembre - 16h30
dimanche
4 novembre - 15h
amphithéâtre du musée
Heinrich Ignaz Franz von Biber
Les Cinq Mystères douloureux (extraits des Sonates
du Rosaire) :
VI - L’Agonie de Notre-Seigneur
lamento, aria, adagio
VII - La Flagellation
allamenda, variatio, sarabande, variatio
VIII - Le Couronnement d’épines
sonata, presto, gigue, double I & II
IX - Le Portement de croix
sonata, courente, double I & II, finale
X - Le Crucifiement
praeludium, aria, variatio 1-2, variatio 3 (adagio), variatio 4-5
Les Cinq Mystères glorieux (extraits des Sonates du
Rosaire) :
XI - La Résurrection
sonata, « Surrexit Christus hodie », adagio
Gottfried von der Goltz, violon
Torsten Johann, orgue, clavecin
Lee Santana-Perl, luth
durée du concert : 1 heure
figures de la passion
Heinrich Ignaz Franz
von Biber
Sonates du Rosaire
4 | cité de la musique
Heinrich Ignaz Franz von Biber - Sonates du Rosaire
Considéré comme le grand maître du répertoire violonistique allemand du XVIIe siècle, contemporain de
Corelli et comme lui auteur d’un corpus important de
sonates pour violon qui ont fait date dans l’histoire
de la musique, Biber a été surtout associé à la cour de
l’archevêque de Salzbourg – ville parfois appelée à
l’époque la « Rome du Nord », à cause bien sûr du
rayonnement catholique dans cette cité. L’influence de
l’Italie est considérable dans le monde austro-allemand dans la seconde moitié du XVIIe siècle, particulièrement sur le plan instrumental. Sont ainsi publiés
de nombreux recueils de sonates « da chiesa »
(d’église) et « da camera » (de chambre), ainsi dénommées non en fonction de leur appartenance (ou pas)
au monde religieux, mais pour leur forme ainsi que
pour la succession particulière de leurs mouvements :
les premières comportent généralement de simples
indications de tempo, majoritairement des mouvements lents ; les secondes sont constituées de mouvements de danse stylisés (allemande, courante,
sarabande, etc.).
Les sonates dites « du Rosaire » (ou encore « des
Mystères »), probablement composées par Biber dans
le milieu des années 1670, mêlent ces deux genres de
sonates. La particularité la plus frappante du cycle,
au-delà même du « programme » expressif et spirituel
qui lui est associé, est précisément la diversité de
plan de chacune des sonates.
Dédié à l’archevêque Max Gandolph, le recueil est
précédé d’une dédicace en son honneur qui dit, entre
autres : « Tu pourras entendre ici ma lyre aux quinze
tempéraments différents qui égrènera diverses
sonates, préludes, courantes, sarabandes, arias, chaconnes et variations accompagnés d’une basse et
rédigés avec le plus grand soin et la plus grande application, malgré mes modestes dispositions. Si tu
cherches à percer l’objet de mon dessein, sache que
tout ceci est consacré à la gloire des Quinze Mystères
sacrés que tu soutiens avec ardeur. »
Les Quinze Mystères sont en l’occurrence divisés en
trois grandes sections : Cinq Mystères joyeux
(L’Annonciation, La Visitation, La Nativité, La
Présentation de Jésus au Temple, Jésus retrouvé au
Temple), Cinq Mystères douloureux (L’Agonie au jardin des oliviers, La Flagellation, Le Couronnement
d’épines, Le Chemin de croix, La Crucifixion) et Cinq
Mystères glorieux (La Résurrection, L’Ascension, La
Pentecôte, L’Assomption de la Vierge, Le
Couronnement de la Vierge), le tout couronné par
une passacaille.
Musicalement, le cycle se caractérise d’abord par
l’importance de l’écriture polyphonique pour le violon solo, et sa complexité : à deux, trois, parfois quatre
voix. Rappelons que les sonates dites « pour violon
solo » sont à l’époque dotées d’un continuo : un
accompagnement dévolu en général à deux instruments, l’un harmonique (clavecin, luth, orgue…),
l’autre mélodique (violoncelle, viole de gambe) qui
assure la ligne de basse.
La seconde caractéristique de ces Sonates de Biber est
l’exploitation systématique du procédé de la scordatura
(littéralement « désaccord ») qui consiste à modifier
l’accord habituel de l’instrument, pour l’une des cordes
ou la totalité d’entre elles, de façon à faciliter le jeu polyphonique en fonction des effets harmoniques recherchés. Le procédé, qui produit plutôt au final un
accroissement de la difficulté technique, est aussi un
moyen d’amplifier le volume sonore.
Mais au-delà même de ce défi technique lancé à l’interprète, les Sonates du Rosaire posent d’intéressantes questions esthétiques. Disons d’emblée que,
malgré leur fidélité à la chronologie de la vie du Christ,
elles ne semblent nullement chercher à illustrer un scénario expressif précis. Ainsi, ni le choix des tonalités, ni
leur mode (majeur ou mineur), ni les tempi, ni même le
type de mouvements mélodiques qui les parcourent ne
peuvent s’interpréter comme des figurations de la
souffrance de l’agonie, de la violence de la flagellation, etc. De façon comparable aux Sept Paroles du
Christ en croix de Joseph Haydn, cent vingt ans plus
notes de programme | 5
figures de la passion
Heinrich Ignaz Franz von Biber - Sonates du Rosaire
tard, les Sonates du Rosaire forment plutôt une suite
de tableaux musicaux méditant sur le destin du Christ,
non sur les épisodes précis de sa vie, en proposant justement une hauteur de vue, une éloquence instrumentale pleine de ferveur, une sorte de « prière autour
de… » – en aucun cas une narration pure et simple, fûtelle réduite à des effets théâtraux.
Lorsqu’on parcourt les six sonates présentées dans
ce concert (Cinq Mystères douloureux et le premier
des Mystères glorieux : La Résurrection), on se rend
compte que les charpentes choisies par Biber sont
pour la plupart elles aussi inassimilables à une dramaturgie précise. Chacune des sonates se présente
sous un jour différent, jouant plus ou moins des
contrastes de tempo. La sixième (L’Agonie) est une
sonate d’église comportant surtout des mouvements
adagio. En revanche, la septième (La Flagellation) est
une suite de deux danses d’un type un peu particulier, puisqu’elle associe à chacune un second volet
dit « variatio », un peu comme un double diptyque.
Quant à la dernière présentée ici (La Résurrection),
elle inaugure les Cinq Mystères glorieux de façon
éblouissante et royale, proposant comme une figuration de la lumière, par la présence d’une immense
séquence initiale sur « pédale de tonique » – la note de
sol répétée inlassablement à la basse tandis que naît
peu à peu une profusion d’idées mélodiques, à l’image
d’un éveil progressif, d’une aurore. Le second mouvement de cette sonate est fait d’une aria dotée de
cinq variations, comme une succession de paraphrases éloquentes sur l’un des éléments de la doctrine chrétienne : « La mort n’est pas une fin… »
Hélène Pierrakos
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biographies
Gottfried von der Goltz
Directeur artistique du
Freiburger
Barockorchester,
Gottfried von der Goltz
« dirige » la plupart du
temps cette formation de
son pupitre de maître de
concert. Et l’on peut affirmer qu’il a trouvé en
Johann Georg Pisendel
(1687-1755) son modèle,
cette pratique lui permettant d’imprégner sa
direction de vie et de
mouvement : il en résulte,
dans l’exécution
d’œuvres à grands effectifs, une qualité
d’interprétation proche de
celle de la musique de
chambre. Gottfried von
der Goltz commence ses
études avec son père,
Konrad von der Goltz.
Plus tard, il bénéficie de
l’enseignement de Ramy
Shevelov à Hanovre,
études qu’il complétera à
la Juilliard School de New
York, puis à la
Hochschule de Fribourg
avec Rainer Kussmaul. À
vingt et un ans, il devient
membre de l’Orchestre
symphonique de la Radio
de Hambourg. À vingttrois ans, Gottfried von
der Goltz abandonne ce
poste pour prendre la
direction artistique du
Freiburger
Barockorchester.
Actuellement, il enseigne
le violon au Conservatoire
de Wurtzbourg depuis
1997.
Torsten Johann
Bien qu’encore étudiant,
Torsten Johann a entrepris de créer la série de
concerts Alte Musik
Sengwarden/Friesland
dans sa ville natale de
Wilhelmshaven, série
désormais connue dans
tout le pays. À Hanovre, il
étudie la musique religieuse à la Hochschule
für Musik und Theater où
il participe également aux
concerts de la classe de
harpe de Lajos Rovatkay.
En tant que claveciniste et
continuiste, il est le cofondateur du Freiburger
Barockorchestrer et se
produit aussi bien à
l’orgue qu’au clavecin. Il
témoigne d’un réel intérêt
pour la musique ancienne
par ses recherches fréquentes et ses visites
régulières dans les bibliothèques du monde entier.
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figures de la passion
Lee Santana-Perl
est né dans une famille de
musiciens en Floride. Il
passe son enfance et sa
jeunesse à jouer de la guitare rock et jazz. Durant
ses trois années d’études
de guitare classique, il se
concentre autant sur la
musique contemporaine
que sur la musique
ancienne et se passionne
pour le luth et les instruments anciens. C’est ainsi
que commencent ses
études d’interprétation et
de musique ancienne à
l’Emerson College (Longy
School of Music) de
Boston, Massachusetts.
Son principal professeur
est Patrick O’Brien à New
York. Un désir de composer, contrarié par une
méfiance à l’égard des
institutions de la musique
contemporaine, s’exprime
tout d’abord par une inscription dans un cursus
de théorie de la musique.
Il travaille avec le compositeur Richard Cornell qui
l’encourage à écrire ses
propres compositions. Il
réussit les deux examens
avec la mention « magna
cum laude » (avec félicitations). Par la suite, il
étudie en cours particulier
avec le luthiste Steve
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Stubbs en Europe. En
1984, Lee Santana s’installe en Allemagne où il vit
toujours et travaille en
tant que luthiste et compositeur indépendant. Au
fil des ans, il se produit
avec de nombreux
ensembles aussi bien
qu’avec des chefs et des
solistes renommés. Il joue
en tant que soliste, en
tant que membre du Harp
Consort et du Freiburger
Barockorchester ainsi
qu’en duo avec la gambiste Hille Perl. Lorsqu’il
n’est pas en tournée, il se
retire avec sa famille dans
une vieille ferme au nord
de l’Allemagne.
technique
régie générale
Olivier Fioravanti
régie plateau
Eric Briault
régie lumières
Valérie Giffon