USA : Les big pharma face à la crise
Transcription
USA : Les big pharma face à la crise
Politique de santé International USA Les big pharma face à la crise Si les laboratoires américains ont investi un montant record de 65,2 milliards de dollars en R&D en 2008, le secteur est loin d’être immunisé contre le ralentissement et les bouleversements de son marché. Steve Harr, analyste financier biotech chez Morgan Stanley, et Anthony Wisniewski, directeur du département santé de l’US Chamber of Commerce, partagent leurs analyses sur l’évolution du secteur américain. A u x Et a t s - Un i s , c o m m e ailleurs, l’industrie pharmaceutique traverse une crise de l’innovation caractérisée notamment par la perte de brevets1, l’assèchement des pipelines et des capacités d’innovation insuffisantes pour maintenir ses taux de croissance. Outre ces contraintes, qui menacent la performance économique des laboratoires, le secteur américain des sciences de la vie doit faire face à une Changement de cap Le 9 mars dernier, Barack Obama a signé un décret annulant les restrictions apportées par Georges W. Bush au financement des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines. La communauté scientifique et médicale se félicite de cette décision. Le président Américain estime en effet que les restrictions mises en place en 2001 par son prédécesseur ont « lié les mains des chercheurs américains » et pénalisé l’innovation médicale des Etats-Unis. En plus des 10 milliards de dollars attribués par le plan de relance économique aux National Institutes of Health (NIH), Barack Obama a également annoncé une subvention fédérale de 200 millions de dollars destinée à la recherche sur les cellules souches embryonnaires dès l’été prochain. Prudent sur les questions d’ordre éthique qui ne cessent d’alimenter ce débat au niveau international, le président laisse à la charge des NIH les modalités pratiques de mise en œuvre de son décret. Cette agence fédérale devra notamment définir avec précision les critères éthiques pour le choix des programmes de recherche à financer. La décision prise par Obama a évidemment une portée économique et promet ainsi des perspectives intéressantes pour les sociétés de biotechnologie. Pour preuve, le jour même de la signature du décret, la compagnie StemCells a vu son titre en Bourse progresser de 73 %. L’action de Geron, société américaine leader au niveau mondial sur ce marché, a quant à elle, bondi de 37 %. 18 PHARMACEUTIQUES - AVRIL 2009 révolution prévisible à court terme du système de santé et à un environnement réglementaire de moins en moins adapté aux exigences actuelles. La Food & Drug Administration (FDA) – qui vient d’être placée sur la liste des programmes publics à haut risque du Congrès américain – témoigne depuis quelque temps d’une aversion croissante vis-à-vis des risques inhérents aux nouvelles molécules (NME). Anthony Wisniewski, qui dirige le département santé de l’US Chamber of Commerce, rappelle la faiblesse persistante du nombre d’enregistrements par la FDA : 24 NME en 2008. Score plutôt honorable par rapport à l’année précédente qui aura été la moins généreuse en termes de NME accordée dans le dernier quart de siècle. Autre illustration de la frilosité de cette autorité réglementaire : le comité scientifique de la FDA oblige, depuis juillet 2008, les laboratoires à conduire des études complémentaires sur les risques cardiovasculaires associés aux nouveaux traitements du diabète de type II. Ce type de mesure, qui modifie le cycle de vie des médi- ©SIPA Global Partner in Medical Education & Biotech Communication BARACK OBAMA ESTIME QUE LES RESTRICTIONS MISES EN PLACE PAR SON PRÉDÉCESSEUR (GEORGES W. BUSH) ONT PÉNALISÉ L’INNOVATION MÉDICALE. caments, a des conséquences directes sur leur potentiel commercial. Si le leitmotiv « safety first » de la FDA s’applique surtout aux nouvelles molécules, les produits déjà commercialisés n’y échappent pas pour autant. Vers de nouvelles fusions L’industrie se voit donc obligée de réorienter sa stratégie afin de préserver ses revenus et sa capacité à générer de l’innovation. La consolidation du secteur américain, le développement du portefeuille de molécules vers la médecine de spécialité et les nouveaux schémas collaboratifs sont à l’ordre du jour. Les acquisitions de Wyeth par Pfizer, de Schering-Plough par Merck et la prise de participation hostile de Roche dans Genentech, en quelques semaines seulement, signent trois mégafusions de l’industrie pharmaceutique. Selon Steve Harr, analyste chez Morgan Stanley, cette consolidation ne présage pas pour autant du rebond économique et financier du secteur pour 2009. Si ces mouvements de fusion-acquisition sont un moyen nécessaire aux laboratoires pour détourner la crise, il s’agit plus de « l’illustration de la fébrilité entourant le secteur. Ces acquisitions sont davantage défensives que stratégiques et ne seront pas suffisantes pour résoudre à plus long terme l’ensemble des défis auxquels fait face aujourd’hui l’industrie pharmaceutique ». Des opérations de ce type devraient encore augmenter en 2009. >>> Contact : Dr Philippe Girault 112, rue Réaumur 75002 Paris Tél : 01 70 71 24 70 e-mail : [email protected] Politique de santé International Une nouvelle patronne à la FDA Le président Obama a choisi le 21 mars dernier le Dr. Margaret Hamburg pour diriger la FDA. Dans le cas très probable où cette nomination soit prochainement confirmée par le Sénat, le Dr. Hamburg sera secondée par le Dr. Joshua Sharfstein. Margaret Hamburg, 53 ans, est reconnue nationalement pour être une spécialiste des questions de sécurité sanitaire, de biodéfense et de prévention. L’annonce de sa nomination a été accueillie favorablement par l’ensemble des acteurs de la santé aux Etats-Unis, tant au niveau de la communauté de santé publique que de l’industrie pharmaceutique. Joshua Sharfstein, 39 ans, bénéficie quant à lui d’une expérience politique préalable et de très bonnes connections à Capitol Hill. Préalablement à son poste actuel de Commissaire à la santé de Baltimore, il fut le « Health Policy Advisor » du représentant Waxman. Il est apparu à maintes reprises sur la scène publique ces derniers mois pour condamner l’influence des lobbies médicaux et pharmaceutique auprès du Congrès. Il hérite d’un poste qui n’aura pas à être confirmé par le Sénat. La désignation du Dr. Hamburg répond au souci de la Maison Blanche de doter la FDA d’une direction expérimentée et d’éviter de longs affrontements entre les secteurs publics et privées de la santé. Un positionnement sans doute utile à cette agence réglementaire fragilisée et en crise. Le choix de deux candidats à la direction de la FDA pourrait aussi préfigurer une restructuration visant à séparer les missions de sécurité des aliments et celles d’évaluation et de contrôle des médicaments. >>> Les biotech, nouvelles cibles L’orientation par les laboratoires de leurs pipelines vers la médecine de spécialité et les pathologies complexes implique le plus souvent des molécules issues des biotechnologies. Cellesci représentent aujourd’hui 15 % des ventes aux Etats-Unis (données IMS) et les sociétés de biotechnologie apparaissent donc, face à la menace des génériques, comme la cible privilégiée pour des laboratoires en panne d’innovation. Ceci est d’autant plus vrai aux Etats-Unis que les plus petites d’entre elles vivent des heures difficiles, la crise des « subprimes » ayant eu pour conséquence la chute des investissements en Bourse l’année dernière. Selon la Biotechnology Industry Organization (BIO), 38 % des biotech de petite taille risquent de faire face à un manque criant de trésorerie d’ici un an. Steve Harr précise néanmoins que pour les biotechnologies, « l’Etat devrait continuer à fournir des fonds publics pour la recherche et le développement ». Et, s’il faut encore s’attendre à un ralentissement du financement par le capital risque en 2009, « celuici ne devrait pas pour autant s’essouffler complètement ». Anthony Wis- 20 PHARMACEUTIQUES - AVRIL 2009 financier insiste sur le fait que l’intérêt principal réside dans un meilleur « partage des risques opérationnels et financiers » entre les différents acteurs. L’objectif in fine étant de permettre un financement et une « valorisation plus intéressante » des produits. Cette démarche, qui devient incontournable au sein de la stratégie globale des big pharma, offre aux petites sociétés les moyens de financer leurs recherches et ainsi de développer et diffuser leur expertise. Fin de la lune de miel Au-delà de la crise financière qui menace la stabilité économique du pays et le financement du secteur des biotechnologies, Anthony Wisniewski indique que, si la solvabilité du marché américain de la santé n’est pas fragilisée, le contexte actuel influe tout de même nécessairement sur les orientations politiques des pouvoirs publics comme sur le comportement des patients. La réforme santé engagée par Obama pourrait ainsi imposer au secteur industriel des mécanismes de niewski rappelle cependant que si les régulation et de contrôle des prix. Et médicaments issus des biotechnololes malades pourraient de leur côté gies bénéficient aujourd’hui répercuter la diminution de d’un avantage compétitif leur pouvoir d’achat sur attrayant, du fait de leur observance théraLa crise des leur reproductibilité peutique. La toutedifficile et du haut puissance de l’indussubprimes a niveau de protectrie pharmaceutique provoqué la chute américaine ne doit tion de la propriété intellectuelle, cette des investissements donc pas faire oublier donne pourrait aussi tous les défis auxquels en Bourse être en partie remise e l l e d o i t f a i re f a c e en cause avec l’arrivée aujourd’hui. Les condides biosimilaires sur le tertions qui lui semblaient ritoire américain. indispensables au maintien d’une croissance harmonieuse, pourCap sur les partenariats raient ne plus être tout à fait réunies Par ailleurs, outre la vague actuelle de aux Etats-Unis et signer la fin de la fusions-acquisitions, la tendance amé- « lune de miel » entre les laboratoires ricaine est surtout à l’élaboration de pharmaceutiques et le gouvernement partenariats entre les petites sociétés américain. ■ de biotechnologie et les laboratoires pharmaceutiques, à l’image du projet de collaboration entre Pfizer et Julie Lyonnard Mediavision pour le développement et Aurélie Ringard d’un médicament contre la maladie Ambassade de France, d’Alzheimer. Le principe est, cette Washington DC fois, de cibler des molécules à fort potentiel, et surtout à des stades plus précoces du développement (phase (1) Notamment pour les blockbusters I, II, voire préclinique). L’analyste Plavix®, Zyprexa® et Lipitor® en 2011.