Question préalable : exemple rédigé
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Question préalable : exemple rédigé
Question de synthèse sur les documents Un exemple de réponse (trop !) rédigée En temps de guerre, les mots deviennent une arme politique : ils peuvent contrecarrer les propagandes et les discours belliqueux, et provoquer des réactions de refus individuelles. Encore faut-il émouvoir et toucher un public aussi large que possible. Ainsi, (alors même que Louis XIV étend l'empire,) La Bruyère, (malgré sa proximité avec la cour et le pouvoir,) ne craint pas de recourir au pathétique dans son essai des Caractères, évoquant la mort au combat d'un jeune homme vertueux pour dénoncer les prétendus apports de « l'art militaire » ; les Lumières prennent le prétexte d'une définition de la paix dans l'Encyclopédie pour blâmer la guerre, par la voix polémique de Damidaville ; Voltaire, dans son Dictionnaire philosophique, fait la satire des motifs dérisoires qui mènent au combat, dans un récit ironique et incisif ; au Xxe siècle, Giraudoux émeut le public de l'entre deux guerres en mettant en scène, dans La guerre de Troie n'aura pas lieu, le lyrisme d'Andromaque, tournée vers la vie mais confrontée aux calculs politiques de Priam. Cet engagement d'écrivains si différents implique, au delà des différences de genres et de registres, le recours à des procédés communs que nous allons étudier dans ces quatre textes. On peut d'abord observer une implication directe du locuteur dans son propos par l'emploi de la première personne. (Commentaire hors réponse) : On fait ainsi passer le lecteur d'un point de vue distancié sur les faits (à la troisième personne) à l'interlocution, qui tend à inclure le lecteur dans l'énonciation, ou à l'associer au questionnement qui se fait sous ses yeux. C'est le cas par exemple dans Les Caractères, où l'on passe dès la troisième ligne de la troisième personne à la première personne, par le biais d'une apostrophe au jeune homme disparu : « Jeune Soyecour ! Je regrette ta vertu... ». C'est également le cas, du fait même du genre théâtral, dans La Guerre de Troie n'aura pas lieu, où Andromaque semble supplier autant Priam que le spectateur grâce au jeu de la double énonciation : « Mon père, je vous en supplie. (...) écoutez ce que toutes les femmes du monde vous disent par ma voix ». Cette façon d'incarner le lyrisme du propos par la voix d'une actrice, en plus de la mise en scène et des costumes, a toutes les chances de provoquer l'émotion du spectateur. L'implication du locuteur n'est pas directement marquée par les pronoms personnels dans le Dictionnaire philosophique (qui est un récit au narrateur discret) ni dans l'Encyclopédie (qui doit, du fait même de sa prétention être une oeuvre scientifique, faire la preuve de son objectivité), mais elle transparaît à travers un lexique explicitement dévalorisant. Ainsi, on voit apparaître, dans ces deux textes, des termes péjoratifs : « une maladie convulsive et violente », le « désordre », « la licence », des libertés « incertaines », des terres « incultes et abandonnées » chez Damidaville, des « meurtriers mercenaires », une « entreprise infernale » chez Voltaire. Le lexique péjoratif se développe également dans les autres textes : le champ lexical de la violence se double d'une gradation dans le texte de La Bruyère (« se dépouiller, se brûler, se tuer, s'égorger ») qui dénonce également « l'injustice » et le « malheur déplorable ». Le blâme de la guerre naît également des oppositions ou des antithèses, notamment chez Damidaville qui oppose terme à terme les vertus de la paix (« santé », « force », « bonheur ») aux ravages de la guerre ; on observe le même façon de dénoncer la guerre en faisant l'éloge de son contraire chez Giraudoux, où Andromaque défend « l'agilité », le « courage », et la « vue perçante » des hommes en temps de paix. Ce jeu d'oppositions permet également de mettre en place une grande ironie : c'est « plus ingénieusement et avec plus de sûreté » que les hommes « s'égorg[ent] les uns les autres » chez La Bruyère, tandis que selon voltaire on « [s']accord[e] en un seul point, celui de faire tout le mal possible », ironie que semble condenser l'oxymore final : « le merveilleux de cette entreprise infernale ». Le travail sur le lexique se combine avec les tropes ou les images. On peut ainsi repérer le recours aux hyperboles : la guerre « rempli[t] le monde de veuves et d'orphelins » chez La Bruyère, la nation ne subit pas moins que la « perte d'une multitude de ses membres » chez Damidaville, les princes belliqueux de Voltaire sont, à eux tout seuls, « Gengis Khan, Tamerlan, Bajazet » réunis... L'hyperbole cède la place à la métaphore chez Giraudoux, où la guerre, « première lâcheté », est aussi la « première ride d'un peuple », « le coeur de l'ennemi [est] emprisonné dans sa cuirasse », tandis qu'elle est une « maladie convulsive et violente » chez Damidaville. Enfin, on remarque dans tous les textes un jeu la syntaxe : la parataxe (ou asyndète) marque la violence et l'arbitraire chez Damidaville, qui enchaîne les affirmations au présent de vérité générale combinées à des présentatifs (« la guerre est... », « c'est une maladie », « c'est elle qui... ») , chez La Bruyère où elle est marquée par la ponctuation, mais également chez Voltaire dont le récit procède par enchaînement des faits sans aucun lien logique. Chez Giraudoux, la parataxe se double du recours aux exclamations et à l'anaphore (« Quand ce ne serait que de l'orage ! Quand ce ne serait que les bêtes !», qui contribue au lyrisme du passage. En somme, on observe que ces documents, au-delà de leurs différences de genres, (et quant bien même ils s'efforcent de maintenir une distance et de rester sur le plan de la rationalité), recourent à des procédés de persuasion qui, plus que de chercher à expliquer le phénomène au lecteur, visent avant tout à l'émouvoir et à provoquer sa révolte vis-à-vis de la guerre. (Donc on commente l'effet obtenu)