Du sang •sur l`Amour - Le Nouvel Observateur

Transcription

Du sang •sur l`Amour - Le Nouvel Observateur
Chine
Yat-sen avait dénoncé « la spolia-
Du sang
le fleuve Amour, qui baigne à la fois
l'U.R.S.S. et la Chine, n'a mérité son
nom que pendant les dix années
(1949-1959) qui ont suivi l'instauration du régime communiste en Chine.
Dès 1960, le différend idéologique entre les partis communistes soviétiques
et chinois s'est accompagné d'un
conflit aigu entre deux Etats également chatouilleux sur le chapitre de
leurs « droits historiques » nationaux.
A partir de 1968, Mao Tsé-toung a
proclamé le e caractère chinois »
de larges espaces faisant actuellement
partie des républiques soviétiques du
Kazakhstan, du Tadjikistan, de Kirghizie, de Sibérie. Il a publiquement
déclaré que e les Soviétiques ont volé
tion des terres ancestrales chinoises
par le rapace voisin russe.». Et
•sur
l'Amour
* En se manifestant
sur les fronti è res orientales
de l'U.R.S.S., Mao met
également en question.
ses frontières occidentales
•
Recits de batailles et invectives à la « une » de la
« Pravda » et du « Ren
Min Ribao » : par l'intermédiaire de leurs plus grands quotidiens, les Soviétiques et les Chinois
s'accusent mutuellement d'avoir provoqué, le 2 mars dernier, le grave
affrontement armé de Nijne Mikhaïlovka, sur le bassin du fleuve Amour,
dans -l'un des secteurs les plus
« chauds » de la frontière (la plus
longue du monde : 5 000 kilomètres)
qui sépare l'U.R.S.S. de la Chine.
Ce n'est pas la première fois que
de tels incidents se produisent. A
-Moscou, on parle de « 5 000 provocations chinoises » depuis le début de
la querelle sino-soviétique. Ce qui
.est nouveau, cependant, c'est la violence de l'engagement qui semble
, avoir fait, de chaque côté, une trentaine de morts et des dizaines de blessés. C'est aussi le retentissement exceptionnel donné à l'affaire par Pékin
et Moscou, où des manifestation de
masse ont été organisées et où l'on
veut porter le différend sur le plan
diplomatique.
Le contentieux territorial entre
l'Union soviétique et la Chine est- ancien. Bien avant Mao Tsé-toung, Sun
aux Chinois un million et demi de'
kilomètres carrés de territoires sur
lesquels s'élèvent aujourd'hui des villes comme Vladivostok, Khabarovsk
et Komsomolsk ». Trente divisions
soviétiques montent aujourd'hui la
garde aux avant-postes de ces « terres menacées »' tandis que les autorités chinoises dénoncent, avec une
véhémence croissante, les e huit traités inégaux » par lesquels, au xixe siècle et au début du xxe siècle, les empereurs chinois affaiblis ont dû céder
aux tsars « d'importantes parties d'un
patrimoine millénaire ».
L'ambassade assiégée
Le plus important de ces textes —
l'accord de Pékin de 1860 — est si
imprécis qu'on a toujours, par exemple, interprété d'une manière différente, à Moscou et à Pékin, ses dispositions concernant le statut des îles
qui parsèment la rivière Ossouri, affluent de l'Amour, et notamment l'île
Damanski (l'île Chen Pao, sur les cartes chinoises). Pour la Chine, la frontière passe au milieu de chacune de
ces îles alors que, pour l'U.R.S.S.,
elle se situe plus au sud, sur la rive
chinoise de l'Amour. L'empoignade
des deux voisins communistes pour
la possession de cet îlot minuscule,
inondé par le dégel les deux tiers
de l'année, apparaîtrait bien dérisoire
si les deux- colosses, au-delà de leur
dispute pour Ces marécages, ne luttaient pour des principes fondamentaux, l'U.R.S.S. défendant, contre
le i révisionnisme » chinois, l'ensemble du statu quo en Extrême-Orient.
Les gouvernements de Pékin et de
Moscou donnent des versions si
contradictoires du combat du 2 mars
que les historiens auront du mal à savoir si c'est la patrouille soviétique
envoyée dans l'île qui a ouvert le feu
ou si c'est, au contraire, le détachement de gardes-frontières chinois qui
a tiré le premier. Ce qui est clair, en
revanche, c'est que la population de
chacun des deux pays semble convaincue de la justesse de la cause défendue par son gouvernement.
Des millions de Chinois déchaînés
ont participé ces derniers jours à
des meetings antisoviétiques organisés dans la capitale et dans la plupart
des villes de province. A Pékin, le
bâtiment de l'ambassade d'U.R.S.S.
a été pratiquement assiégé, et les
quartiers avoisinants sillonnés par des
cortèges hurlant des slogans tels que :
LE NORD
L'EST
giMONDES EN
SEMAINES
sans problèmes de devises
PERIPLE D'ETE DU "CARI SAN VICENTE"
18 000 tonnes - construit en 1959
entièrement climatisé
« Pendez Kossyguine, faites frire Brejnev. » Le ton a été donné par les re-
présentants de trois grandes forces
dont le prochain congrès du P.C. chinois consacrera la réorganisation :
l'appareil administratif que contrôle
Chou En-lai, l'armée aux ordres de
Lin Piao et les cadres de la jeunesse
récemment formés à travers les péripéties de la « révolution culturelle ».
Il semble bien que, à la veille d'un
congrès qui sera marqué par une
grande intransigeance idéologique,
Mao Tsé-toung n'ait pas voulu laisser
passer une occasion de « chauffer »
son opinion publique. On remarque,
en tout cas, que si les banderoles déployées dans les défilés chinois lancent les accusations habituelles —
« liquidationnisme », « néo-capitalisme », « révisionnisme », « collusion et complicité avec les Américains » — contre e la clique dirigeante soviétique », certaines inscriptions indiquent que Mao fait moins
appel, dans sa polémique, à la doctrine marxiste-léniniste qu'au sentiment national et aux réactions « d'anciens colonisés ».
DU 2 AU 22 AOUT 1969
LE HAVRE-OSLO
COPENHAGUE - STOCKHOLM
HELSINKI - LENINGRAD
MOSCOU - TALLIN - GDYNIA
GDANSK - SOPOT - CRACOVIE
VARSOVIE - BERLIN-EST
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Un bon client
Dans leurs réunions publiques
comme dans leurs articles de presse,
les orateurs et les journalistes soviétiques, de leur côté; mettent moins
l'accent sur les « hérésies théoriques »
des dirigeants chinois et sur « l'aventurisme » du « groupe Mao » que
sur les intentions belliqueuses d'un
« ennemi » qui, hier à l'île Damanski,
demain peut-être dans une autre région, a cherché et cherchera encore
à « prendre pied sur le sol sacré de
la patrie
UNE MANIFESTATION ANTISOVIÉTIQUE A PÉKIN
t
A bas les nouveaux tsars ! »
Là encore, ce sont les militaires
qui donnent le ton. Certains dirigeants
de l'armée Rouge, partisans d'une
« prompte riposte politique » contre
Pékin, auraient préconisé la dénonciation par l'U.R.S.S. de l'accord sinosoviétique de 1959 réglant la navigation sur le fleuve Amour. D'autres au-
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