Maladie de Basedow et grossesse

Transcription

Maladie de Basedow et grossesse
Cas clinique
Maladie de Basedow et grossesse
Quelle est votre attitude
thérapeutique ?
M. Polak*
Le traitement de l’hyperthyroïdie fœtale
s’est effectué par administration de
150 mg/jour de propylthiouracil (PTU) à la
mère. Cette dose a été augmentée progressivement jusqu’à 300 mg/jour en fin de
grossesse, sur la base d’une surveillance
échographique. Par ailleurs, le PTU ayant
aggravé l’hypothyroïdie maternelle, une
supplémentation de la mère par thyroxine
75 µg/jour, puis 100 µg/jour en fin de grossesse a été instituée. L’attitude thérapeutique doit aussi comprendre la prise en
compte du risque néonatal d’hyperthyroïdie. L’accouchement s’est donc effectué en
milieu disposant d’une structure permettant
d’accueillir ce nouveau-né. En effet après
élimination du PTU maternel, le nouveauné a développé une hyperthyroïdie néonatale du fait de la persistance des anticorps
antirécepteurs de la TSH à effet stimulant
et a dû être traité pendant deux mois par un
antithyroïdien de synthèse pour éviter les
conséquences potentiellement néfastes de
l’hyperthyroïdie néonatale. En effet, à court
terme, celles-ci sont représentées par l’insuffisance cardiaque – cause importante de
mortalité dans les anciennes séries – et, à
long terme, par le risque de craniosténose
accompagné d’un retard de développement
psychomoteur. La coordination entre l’endocrinologue qui suit ce type de patiente,
l’obstétricien et le néonatalogiste ou le
pédiatre de la maternité ou d’un service
plus spécialisé d’endocrinologie pédiatrique est donc absolument nécessaire.
U
ne femme de 42 ans, au moment où
vous la voyez, a une histoire passée de
maladie de Basedow. Le diagnostic a été
posé il y a dix ans. Elle a été traitée par thyroïdectomie subtotale et est euthyroïdienne
depuis, sans traitement hormonal substitutif.
Neuf ans auparavant, elle a accouché d’une
fille prématurée ayant eu une souffrance
fœtale aiguë. Une hyperthyroïdie néonatale
transitoire n’avait pas été traitée à l’époque.
Cette enfant a une craniosténose avec scaphocéphalie, heureusement sans retard du
développement psychomoteur, liée à cette
hyperthyroïdie fœtale et néonatale transitoire.
À nouveau enceinte, cette femme consulte
son endocrinologue et son obstétricien à
24 semaines. Elle est elle-même en hypothyroïdie biologique, alors que le fœtus
présente un goitre, une tachycardie et un
retard de croissance modéré.
Quel est votre diagnostic ?
Dans ce contexte, on suspecte une hyperthyroïdie fœtale et un passage transplacentaire d’anticorps antirécepteurs de la TSH à
effet stimulant. Par ailleurs, chez la mère,
on conclut à une hypothyroïdie liée à une
insuffisance d’adaptation de la glande thyroïde restante aux besoins accrus en hormones thyroïdiennes de la grossesse.
Quels sont les examens
complémentaires
que vous pratiquez ?
On procède, chez la mère, à un dosage d’anticorps antirécepteurs de la TSH. En pratique, un dosage radiorécepteur (TRAK) est
suffisant pour démontrer que cette femme
est porteuse de tels anticorps. On rassemble
des arguments lors de l’échographie fœtale
en faveur du diagnostic d’hyperthyroïdie
fœtale. L’avance de maturation osseuse à ce
stade est montrée sur la présence des points
fémoraux inférieurs et tibiaux supérieurs
chez le fœtus.
L’échocardiographie fœtale permet de
démontrer une tachycardie, avec des flux
sanguins accélérés plaidant pour l’hyperthyroïdie ; cela n’élimine pas d’autres
causes de tachycardie, telles que l’infection
ou encore un trouble du rythme cardiaque
fœtal. Enfin, dans ce contexte, la présence
d’un goitre fœtal plaide en faveur de l’hyperthyroïdie fœtale. Néanmoins, seule la
ponction de sang fœtal faite dans un centre
de diagnostic prénatal par un obstétricien
très entraîné permet d’obtenir la preuve
biochimique de l’hyperthyroïdie fœtale
(T3-T4 très augmentées et TSH abaissée)
au regard des normes établies pour le même
âge gestationnel.
* Service d’endocrinologie et de diabétologie pédiatrique, hôpital Robert-Debré, Paris.
Que proposez-vous
en cas de nouvelle grossesse ?
En cas de nouvelle grossesse, une détermination précoce des taux d’anticorps antirécepteurs de la TSH est nécessaire, la persistance de leur élévation entraînant un
114
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume IV, n° 3, juin 2000
Cas clinique
risque fœtal d’hyperthyroïdie comme pour
les grossesses précédentes. Une surveillance de la fonction thyroïdienne maternelle et
du bon développement fœtal s’impose.
Cette surveillance devra être accrue en
seconde partie de grossesse après 2022 semaines d’aménorrhée, moment où
l’hyperthyroïdie fœtale commence à se
manifester.
Une troisième grossesse a effectivement
été prise en charge chez cette femme. De
par l’expérience de la deuxième, il n’a pas
été nécessaire de pratiquer une nouvelle
ponction de sang fœtal. Le fœtus a été systématiquement traité à partir de 22
semaines par PTU, et la surveillance a
essentiellement reposé sur l’échographie
fœtale.
Conclusion
Ce cas illustre parfaitement le risque fœtal
lié à la présence d’anticorps antirécepteurs
de la TSH chez les mères ayant ou ayant eu
une maladie de Basedow. Il montre aussi la
possibilité d’une approche fœtale visant à
évaluer et à normaliser la fonction thyroïdienne du fœtus. Cette approche utilise la
capacité du placenta à transférer les anti-
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thyroïdiens de synthèse pour traiter le
fœtus.
■
N.B. : Un protocole multicentrique français visant
une évaluation du risque fœtal dans ces situations
est en cours. Il comporte une surveillance rigoureuse et protocolisée de la mère, du fœtus et du
nouveau-né. Ce protocole est coordonné par le
Dr Michel Polak, endocrinologue pédiatre à l’hôpital Robert-Debré, Paris.
Tél. 01 40 03 21 43/19 84.
E-mail : [email protected] que
vous pouvez contacter pour de plus amples renseignements.

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