Hygiène et santé en Europe de la fin du XVIIIe siècle aux

Transcription

Hygiène et santé en Europe de la fin du XVIIIe siècle aux
 Hygiène et santé en Europe de la fin du XVIIIe siècle aux lendemains de la Première Guerre mondiale. Du point de vue de l'hygiène et de la santé, la période considérée est marquée par des mutations décisives. La transition démographique entraîne une forte croissance de la population européenne. Les modes de vie se transforment suite à la révolution des transports et à une forte urbanisation. La production agricole progresse de manière continue, ce qui contribue à une alimentation à la fois plus abondante, plus diversifiée et plus saine ; les famines tendent à disparaître (les dernières ont lieu en Irlande et en Finlande) tandis que les disettes se font plus rares. Les progrès de l’urbanisme et de l’assainissement permettent pour leur part une meilleure protection de la santé publique. Les autorités sont également de plus en plus attentives aux questions d’hygiène et de santé. En témoignent les débats parlementaires, le nombre croissant de commissions et de rapports ainsi que la profusion de textes juridiques ou réglementaires concernant ces domaines. De nombreux pays mettent en place des politiques de santé mobilisant des fonds de plus en plus importants. Les territoires moteurs dans le domaine de l’hygiène et de la santé sont la Grande-­‐
Bretagne, l’Allemagne et la France. On se concentrera donc sur eux mais sans s’interdire d’explorer ce qui a pu se passer ailleurs en Europe. Au siècle des Lumières, la théorie des miasmes est dominante. Tout au long du XIXe siècle, les tenants des théories miasmatiques et ceux du « contagionnisme » s'affrontent dans des congrès nationaux ou internationaux, mais aussi dans la manière de considérer maladies et épidémies. Les découvertes de Koch ou de Pasteur, la découverte des bactéries, modifient les manières de penser l'hygiène et la santé et de lutter contre les maladies et les épidémies. La psychiatrie connaît par ailleurs des évolutions marquantes, grâce notamment aux progrès de la psychologie expérimentale et de la psychologie clinique, tandis que la psychanalyse de Freud vient modifier le regard porté sur certaines affections mentales. On note enfin des avancées dans le domaine de l’obstétrique ou dans celui des maladies dites féminines. Les structures d’accueil des malades évoluent également : l'hôpital hospice devient l'hôpital pour malades. On crée des sanatoriums et des lieux de convalescence. Les contemporains sont de plus en plus sensibilisés à l’hygiène et aux soins corporels. On le voit par exemple dans la fréquentation croissante des lieux de cure, dans la pratique des activités de plein air ou dans les recommandations faites aux instituteurs et aux employeurs. La question du traitement de l’alcoolisme est ici importante. Ces changements ne se font pas de manière brutale et radicale. Toute la population européenne est concernée quelle que soit son appartenance sociale, religieuse ou nationale. Néanmoins, des différences de rythmes demeurent. Que l'on pense par exemple à la mortalité infantile. Elle passe en Suède, de 240 pour mille en 1800 à 70 pour mille en 1919 alors qu’en Espagne, elle ne recule que de 180 pour mille dans les années 1860 à 156 en 1919... Par ailleurs les temporalités des personnels de santé, des responsables politiques et des populations concernées ne sont pas forcément les mêmes. Le programme ne se limite pas à une histoire de la médecine et des politiques publiques concernant la santé et l’hygiène. Il prend en compte les manières dont les formations et les connaissances des personnels de santé évoluent et, plus encore, les manières dont elles sont diffusées, comprises et appliquées. Dans le domaine des pratiques et des théories, il faudra distinguer le temps des pionniers, souvent isolés voire dénoncés, comme John Snow ou Ignace Semmelweiss, du temps de la diffusion et de l'acceptation des nouvelles idées. Il faudra aussi être sensible aux variations dans l'espace, par exemple aux différences de morbidité et de mortalité entre les populations rurales et les populations urbaines, entre l'Europe occidentale et l'Europe orientale ou méridionale, entre les hommes et les femmes. Enfin, l’historiographie a été renouvelée de façon très sensible par les recherches anthropométriques, qui continuent de susciter de vigoureux débats. Le programme implique en outre de prendre en compte certaines professions paramédicales. Il suppose aussi de comprendre comment ont évolué les grandes maladies comme la tuberculose, le paludisme, la typhoïde, la variole ou le choléra, la « peur bleue » à l'origine des frayeurs les plus vives du XIXe siècle, celui que l'on appelle parfois le « catalyseur des réformes ». Il englobe la question importante des pollutions agricoles, urbaines et industrielles ainsi que celle des accidents du travail. Il s’ensuit qu’une place doit être accordée à l’action spécifique des entreprises en la matière. Une attention particulière devra enfin être portée à la Première Guerre mondiale. Par l'importance de la mobilisation et par la mise en œuvre d'une médecine d'urgence, elle vient couronner cette période où se sont recomposées les attitudes des professionnels de la santé et de l'hygiène, tant au plan des États qu'à celui des territoires et notamment des villes. La guerre permet aussi, paradoxalement, des innovations qui n'avaient été qu'amorcées auparavant. Ainsi, c'est pendant le conflit que la stérilisation de l'eau par la javel et le chlore se généralise, avec un impact direct sur la mortalité typhique. Et le temps du conflit est aussi le temps de la grippe dite espagnole, qui provoqua peut être plus de victimes que le conflit lui-­‐même. Indications bibliographiques Bardet Jean-­‐Pierre, Bourdelais Patrice, Guillaume Pierre., Quétel Claude (dir.), Peurs et terreurs face à la contagion, Paris, Fayard, 1988. Bardet Jean-­‐Pierre, Dupâquier Jacques, Histoire des populations de l'Europe. I, La révolution démographique, 1750-­1914, Paris, Fayard, 1998. Bardet Jean-­‐Pierre, Dupâquier Jacques, Histoire des populations de l'Europe. 3, Les temps incertains, 1914-­1998, Paris, Fayard, 1999. Bourdelais Patrice, Les hygiénistes: enjeux, modèles et pratiques, XVIIIe-­XXe siècles, Paris, Belin, 2001. Guillaume Pierre, Du désespoir au salut : les tuberculeux aux XIXe et XXe siècles, Paris, Aubier, 1986. Goubert Jean-­‐Pierre, La conquête de l'eau, l'avènement de la santé à l'âge industriel, Paris, Robert Laffont, 1986. Hudemann-­‐Simon Calixte, La conquête de la santé en Europe : 1750-­1900, Paris-­‐
Francfort, Belin Fischer Vg, 2000. Salomon-­‐Bayet Claire, Lwoff André, Pasteur et la révolution pastorienne, Paris, Payot, 1986. Vigarello Georges, Le propre et le sale -­ L'hygiène du corps depuis le Moyen Age, Paris, Seuil, 1985. * *** Pour aller plus loin Beauvalet-­‐Boutouyrie Scarlett, Naître à l'hôpital au XIXe siècle, Paris, Belin, 1999. Bonah Christian, Rasmussen Anne, Joly Pierre, Histoire et médicament aux XIXe et XXe siècles, Paris, Biotem & Éd. Glyphe, 2005. Bosson Alain, « La lutte contre la mortalité des nourrissons en Suisse », Cahiers d'histoire, 1 janvier 2002, n° 47-­‐1, p. 93-­‐125, http://ch.revues.org/index445.html Bourdelais Patrice, Les épidémies terrassées, une histoire de pays riches, Paris, La Martinière, 2003. Bourdelais Patrice et Raulot Jean-­‐Yves, Une peur bleue. Histoire du choléra en France, 1832-­1854, Paris, Payot, 1987. Bourdelais, Patrice, « La construction de la notion de contagion : entre médecine et société », Communications, n° 66, 1998, p. 21-­‐39. Bueltzingsloewen, Isabelle von, Machines à instruire, machines à guérir : Les hôpitaux universitaires et la médicalisation de la société allemande: 1730-­1850, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1997. Chauveau Sophie, « Entreprises et marchés du médicament en Europe occidentale des années 1880 à la fin des années 1960 », Histoire, économie et société, 1998, vol. 17, n° 1, p. 49-­‐81. Corbin, Alain, Le miasme et la jonquille. L'odorat et l'imaginaire social aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Aubier Montaigne, 1982. Corbin Alain, Courtine Jacques, Vigarello Georges, Histoire du corps, 2, de la Révolution à la Grande Guerre, Paris, Seuil, 2005. Cosmacini Giorgio, Soigner et réformer. Médecine et santé en Italie de la grande peste à la Première Guerre mondiale, Paris, Payot, 1992. Darmon Pierre, L'homme et les microbes : XVIIe-­XXe siècles, Paris, Fayard, 1999. Darmon Pierre, La longue traque de la variole, Paris, Perrin, 1986. Delaporte, François, Le savoir de la médecine. Essai sur le choléra de 1832 à Paris, Paris, PUF, 1990. Delaporte, Sophie, Les médecins dans la Grande Guerre 1914-­1918. Paris, Bayard, 2003 Faure Olivier, Les Français et leur médecine au XIXe siècle, Paris, Belin, 1993. Gaudillière Jean-­‐Paul, La médecine et les sciences, XIXe-­XXe siècles, Paris, La Découverte, 2006. Heyberger Laurent (dir.), « L’histoire anthropométrique en France », Histoire, économie & société, 2009, vol. 28e année, n° 1. Hildesheimer Françoise, Fléaux et société : de la Grande Peste au choléra, XIVe-­XIXe siècles, Paris, Hachette, Carré Histoire, 1993. Kearns, Gerry, « Le handicap urbain et le déclin de la mortalité en Angleterre et au Pays de Galles (1851-­‐ 1900) », Annales de Démographie Historique, 1993, p. 75-­‐105. Kott, Sandrine, L'État social allemand, Paris, Belin, 1995. Léonard Jacques, La France médicale au XIXe siècle, Paris, Gallimard, coll Archives, 1978. Millward Robert. « La distribution de l'eau dans les villes en Grande Bretagne aux XIXe et XXe siècles : le gouvernement municipal et le dilemme des compagnies privées », Histoire, économie & société, 2007, 26e année, n° 2, p. 111-­‐128, http://www.cairn.info/revue-­‐histoire-­‐economie-­‐et-­‐societe-­‐2007-­‐2-­‐page-­‐111.htm Moulin, Anne-­‐Marie, L'aventure de la vaccination, Paris, Fayard, 1996 Pita João Rui, Pereira Ana Leonor. « Charles Lepierre au Portugal (1867-­‐1945). Son influence décisive sur la santé publique, sur la chimie et sur la microbiologie », Revue d'histoire de la pharmacie, 2000, vol. 88, n° 328, p. 463-­‐470, http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_00352349_2000_nu
m_88_328_5152 Quétel Claude, Le mal de Naples, Histoire de la syphilis, Paris, Seghers, 1986. Rasmussen Anne, « À corps défendant : vacciner les troupes contre la typhoïde pendant la grande guerre », Corps, 2008, vol. 2, n°5, p. 41-­‐48. Rollet-Echalier Catherine, La politique à l'égard de la petite enfance sous la IIIe République, Paris, Institut national d'études démographiques, PUF, 1990. Ruffat Michèle, 175 ans d'industrie pharmaceutique française, Paris, La Découverte, 1996 Sournia Jean-­‐Charles, Histoire de la médecine, Paris, Editions La Découverte, 2004. Vigarello Georges, Histoire des pratiques de santé, Paris, Nouv. éd. Seuil, 1999. Weindling Paul, L'hygiène de la race. 1. Hygiène raciale et eugénisme médical en Allemagne, 1870-­1932, Paris, La Découverte, 1998.