Sujet : Suis-je le mieux placé pour savoir qui je suis ? Suis : verbe
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Sujet : Suis-je le mieux placé pour savoir qui je suis ? Suis : verbe
Sujet : Suis-je le mieux placé pour savoir qui je suis ? Suis : verbe être essence : la définition ou la nature, le « ce que je suis » existence : le fait d’être Je : moi, sujet, identité personnelle Dire « je » c’est être capable de rapporter à soi-même la diversité de ses représentations et de ses vécus, s’approprier son identité, se saisir comme sujet, comme conscience, prendre conscience de soimême. Le sujet est constitué de conscience (pensée, actions et désirs) mais aussi d’un inconscient ; ne peut se constituer comme sujet que par et en face d’autrui Etre placé : Position, perspective, point de vue Etre le mieux placé : avoir la meilleure position, le meilleur point de vue Le mieux : par rapport à qui ? Alternative implicite : qui de moi ou de l’autre me connaît mieux ? Pour : finalité, but Savoir qui je suis : connaissance de soi, la vérité sur soi Qui : identité Je suis : essence, être ≠ paraître Qui peut me connaître mieux que moi-même ? L’introspection est-elle le mode privilégié de la connaissance de soi ? Introduction Qui peut me connaître mieux que moi-même ? Il semblerait à première vue que nul ne soit plus proche de moi que moi-même. Néanmoins une telle proximité de soi à soi est-elle la perspective idéale pour accéder à mon identité ? La subjectivité du rapport direct à soi ne peut-elle pas fausser la connaissance que je peux avoir de moi-même ? Dans ces conditions, qui d’autre que moi serait-il mieux placé que moi pour me conduire à moi-même ? ne serait-ce pas l’autre, la médiation de l’altérité, qui peut me donner une connaissance objective et plus fiable de moi ? qui de moi ou de l’autre me permet d’accéder à une meilleure connaissance de moi-même ? Plan détaillé ILa connaissance de soi par soi 1) L’accès direct et immédiat à soi dans l’intuition comme certitude absolue de soi Descartes : le cogito A l’issue du doute radical, le sujet doutant et pensant se heurte à une certitude inébranlable : celle du cogito, conscience de soi, saisie dans une intuition originelle qui exclut l’existence de toute autre chose. En effet, le monde entier – y compris les autres et mon propre corps – peut cesser d’exister, ma propre conscience n’en demeure pas moins certaine. Ainsi, nul autre que moi-même en tant que sujet pensant ne peut savoir avec la certitude absolue de ma propre conscience qui je suis : sujet universel de la pensée. 2) Personne d’autre que moi ne peut éprouver ma conscience de l’intérieur : ce que je ressens, pense, veux… demeure une expérience unique voire solitaire donc inaccessible et incommunicable aux autres Tout autre que moi ne peut que supposer ou deviner ce qui se passe en moi : mes sentiments, mes intentions, ma représentation du monde et des choses demeurent irréductiblement miens. Ainsi, qui d’autre que moi peut savoir mieux que moi qui je suis réellement, effectivement ? Les autres ne saisissent de moi que l’apparence extérieure, mon intériorité leur échappe. Ainsi, ils ne peuvent que se représenter ce que je ressens, qu’imaginer ma souffrance, tenter de s’y identifier et ne peuvent qu’éprouver pitié ou sympathie à mon égard. Transition Dans ces conditions, la connaissance directe de soi à soi m’enfermerait dans la solitude et rendrait mon expérience incommunicable, inaccessible aux autres ; par ailleurs, si je suis seul à savoir qui je suis et que les autres ne peuvent saisir de moi que le paraître, alors les rapports aux autres seront toujours menacés d’hypocrisie, d’inauthenticité à cause du décalage constant entre l’être et le paraître1. Enfin, la subjectivité de ma connaissance directe de moi-même peut m’induire en erreur, me donner l’illusion d’être ce que je ne suis pas. Dans ces conditions, l’introspection peut-elle encore être considérée comme une voie privilégiée de la connaissance de soi ? IILa médiation de l’altérité dans l’accès à mon identité 1) Hegel : c’est précisément parce que je crains que les autres me saisissent de l’extérieur seulement comme choséité et non tel que je m’éprouve de l’intérieur c’est-à-dire comme subjectivité / esprit / conscience, que je lutte pour être reconnu pour qui / ce que je suis, comme pour soi. La reconnaissance de l’autre me fait accéder à la certitude objective de mon être pour soi. 1 Puisque je suis sinon le seul du moins le mieux placé pour savoir qui je suis, je peux faire croire aux autres que je suis ce que je ne suis pas réellement 2) Sartre : la structure duelle du cogito Autrui est la condition de mon existence (sur le mode du pour soi) et de la conscience / connaissance que j’ai de moi-même. La présence de l’altérité au sein même de l’identité exclut la possibilité pour le moi de se connaître seul. 3) Freud : le psychanalyste comme médiateur entre moi et moi-même Selon Freud, je (moi, sujet) ne suis pas le mieux placé pour savoir qui je suis à double titre : d’abord parce qu’il y a en moi une instance autonome qui échappe au contrôle de ma conscience : l’inconscient ; ainsi, Freud a-t-il montré au sujet qu’il n’était pas maître dans sa propre maison et que, s’il se définit exclusivement comme sujet conscient, il risque d’avoir l’illusion de l’entière souveraineté sur soi. Le « je » ne peut avoir la meilleure perspective sur lui-même. Par ailleurs, si le moi veut restituer son identité menacée par l’inconscient, il doit passer par la médiation du psychanalyste : interprète de la parole du patient, il lui permet de se réconcilier avec luimême et lui donne accès à sa propre intimité. 4) La maïeutique socratique Grâce à son interrogation, Socrate amène son interlocuteur à prendre conscience de son ignorance et de son illusion du savoir ; désormais, il peut cheminer avec lui sur la voie de la vérité. Ainsi, tout homme qui croit savoir ce qu’il ne sait pas (chacun d’entre nous) n’est pas le mieux placé pour savoir qui il est et doit passer par la médiation d’un autre (en l’occurrence un maître socratique) pour se connaître lui-même. 5) Aristote : la communauté, notamment politique, constitutive de l’identité citoyenne de l’homme. Transition Si l’accès à l’identité personnelle doit passer par la médiation de l’altérité c’est qu’elle est une construction à laquelle moi et l’autre apportons chacun sa pièce. Mais les autres ne risquent-ils pas de me faire perdre mon identité ? IIILa perte de l’identité dans l’anonymat 1) Il ne peut s’agir du « On » : ce n’est pas dans l’anonymat de la foule, de la masse, dans le mimétisme et le conformisme social que le moi peut accéder à son identité ; bien au contraire, sur ce terrain, celui de l’inauthenticité, il risque de la perdre. Analyse de la société de consommation 2) Sartre : par son regard, l’autre risque de me figer, de me réduire à ce qu’il voit de moi à un moment donné, de me coller une étiquette et ainsi de m’aliéner en transformant le « pour soi » que je suis fondamentalement en « en soi ». Ainsi, même s’il est vrai que pour Sartre l’autre est la condition de mon être pour soi, il peut, par l’omniprésence infernale de son regard, devenir une menace pour cet existant absolument libre que je suis. Conclusion Autrui est certes une pièce maîtresse dans la construction de mon identité personnelle. Néanmoins, la construction et le maintien de mon identité ne peuvent se passer de l’affirmation et de l’assomption (le fait d’assumer) de mon individualité, de ma singularité et de ma liberté. L’homme est ainsi sans cesse appelé, par souci d’authenticité, à être soi-même : c’est un acte de courage voire d’héroïsme.